Infections à Herpès simplex virus résistant à l`aciclovir chez les

174 | La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 5 - septembre-octobre 2009
MISE AU POINT
Infections à Herpes simplex virus
résistant à l’aciclovir chez
les patients infectés par le VIH
Resistance of Herpes simplex virus infections to acyclovir
in HIV infected patients
A. Foucher*, C. Deback**, E. Caumes*, V. Martinez***
* Service des maladies infectieuses
et tropicales, hôpital Pitié-Salpê-
trière, Paris.
** Laboratoire de virologie, hôpital
Pitié-Salpêtrière, Paris.
*** Service de médecine interne et
immunologie clinique, hôpital An-
toine-Béclère, Clamart.
L
es infections à Herpes simplex virus (HSV) sont
très répandues à travers le monde. La préva-
lence de l’infection à HSV de types 1 (HSV-1)
et 2 (HSV-2) est estimée à 85 % et 15-25 % respec-
tivement dans la population mondiale (1). L’herpès
génital est lié à HSV-2 dans 60 à 80 % des cas et à
HSV-1 dans environ 35 % des cas (2, 3). C’est l’une
des principales causes d’infections sexuellement
transmissibles (IST). La prévalence de l’infection à
HSV-2 est encore plus importante chez les patients
séropositifs pour le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH), avec des taux de l’ordre de 50 à
90 % (4).
Bien que les traitements antiviraux des infections
à HSV aient été largement utilisés depuis ces vingt
dernières années, l’isolement de souches résistantes
aux traitements antiviraux demeure rare chez les
sujets immunocompétents (0,1 à 0,7 %) et le plus
souvent sans conséquences cliniques (5, 6). L’isole-
ment de souches résistantes est plus fréquent (4 à
7 %) chez les sujets immunodéprimés : patients
infectés par le VIH, transplantés d’organe ou trans-
plantés de moelle osseuse (6-8). La fréquence de
la résistance aux antiviraux reste stable malgré
l’utilisation croissante des antiviraux.
La prise en charge de l’infection à HSV chez les
patients touchés par le VIH diffère de celle des
patients séronégatifs pour trois raisons : les lésions
sont plus étendues et persistantes ; la fréquence
des récurrences est augmentée ; l’infection à HSV
accroît la réplication et le risque de transmission
du VIH (9). Enfin, l’immunodépression liée au VIH
accroît le risque de sélection de mutants résis-
tants et le risque d’échec du traitement (6-8).
Actuellement, plusieurs traitements antiviraux
sont disponibles pour le traitement curatif des
primo-infections et des récurrences à HSV ainsi
que pour le traitement préventif. L’utilisation de
plus en plus répandue de l’aciclovir (ACV) et, dans
une moindre mesure, du foscarnet (PFA) et du cido-
fovir (CDV), a pour conséquence une pression de
sélection accrue sur les souches d’HSV, avec par
conséquent un risque plus important d’émergence
de mutants résistants, particulièrement chez les
patients immunodéprimés (10, 11).
Épidémiologie
Importance de la résistance à l’ACV
Chez les sujets immunocompétents
La prévalence des souches HSV résistantes est
faible, entre 0 et 0,7 % dans les différentes études
(6, 8, 10, 12). La prévalence de virus résistants est la
même chez les sujets traités ou non par ACV (5, 12).
Elle reflète la fréquence naturelle de la résistance
due à des mutations aléatoires dans le gène de la
thymidine kinase (TK) ou de l’ADN polymérase.
La majorité des cas d’infections à HSV résistant
des sujets immunocompétents a été détectée au
cours d’herpès génitaux récurrents (13). Cette inci-
dence semble constante au cours du temps, malgré
la large utilisation des antiherpétiques. Après un
traitement suppressif de 6 ans par ACV chez des
patients atteints d’herpès génital récurrent, le
niveau de résistance des isolats reste similaire à
celui des isolats préthérapeutiques et à celui de
La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 5 - septembre-octobre 2009 | 175
Résumé
L’aciclovir (ACV) est le traitement de choix des infections à
Herpes simplex virus
(HSV). Des cas de résistance à cet antiviral ont
été rapportés dès le début de son utilisation, principalement chez les patients immunodéprimés, et notamment ceux infectés
par le virus de l’immunodéficience humaine. Dans cette population, la prévalence des souches résistantes est estimée à 4%.
Un échappement thérapeutique peut être lié à une résistance virologique, secondaire à des mutations des gènes codant pour
les deux enzymes virales impliquées dans le mécanisme d’action de l’ACV: la thymidine kinase (TK) [95% des cas] et l’ADN
polymérase (5% des cas). La détermination phénotypique de la résistance in vitro repose sur la mesure des concentrations
d’antiviral inhibant 50% de la réplication virale (CI50). La technique de référence est la méthode de réduction des plages de
lyse (MRP). L’étude de la sensibilité in vitro est primordiale pour orienter le clinicien dans sa prise en charge thérapeutique.
La prise en charge des infections résistant à l’ACV repose sur des molécules ayant des mécanismes d’action indépendants de
la TK, comme le foscarnet (PFA) et le cidofovir (CDV). Généralement, les mutants résistants perdent la capacité de se réactiver.
Après l’isolement d’une souche résistante, un traitement par ACV est le plus souvent efficace sur les récurrences. Cependant,
des réactivations ACV-résistantes sont possibles, favorisées notamment par le maintien d’une pression médicamenteuse.
Une alternance entre molécules antivirales peut être discutée pour préserver une efficacité sur les récurrences ultérieures.
Mots-clés
HSV
VIH
Aciclovir
Résistance
Highlights
Acyclovir (ACV) is the treatment
of choice for
Herpes simplex
virus
(HSV) infections. Since
ACV was marketed, cases of
resistance have been reported,
mainly among immunocompro-
mised persons such as HIV-
infected patients. Among this
population, the prevalence of
ACV resistance is around 4%.
ACV-resistance is due to
mutations located in one of
the two genes involved in
ACV mecanism of action, the
thymidine kinase gene in 95%
of the cases and the DNA
polymerase gene. The clinical
resistance is confirmed by the
detection of resistance in vitro
by phenotypic test which deter-
mines the antiviral concentra-
tion inhibiting viral replication
by 50%. The plaque-reduction
assay is used most widely for
susceptibility testing.
Foscarnet (PFA) and cidofovir
(CDV) act directly on viral DNA
polymerase and both treatment
are active on viruses resistant
to ACV but cases of resistance
to these molecules have also
been reported.
Typically, HSV mutants viru-
lence, when compared to
wild-type virus, is reduced.
After isolation of a resistant
HSV, recurrences are usually
due to ACV-sensible strains.
Nevertheless, reactivation
with ACV-resistant virus has
also been reported.
Cycling of antiviral treatments
is a potential strategy for over-
coming the emergence of resis-
tant strains.
Keywords
HSV
HIV
Acyclovir
Resistance
la population non exposée à ces traitements (13).
Finalement, mis à part de rares cas (14-16), l’isole-
ment de souches résistantes chez les sujets immu-
nocompétents nentraîne pas d’échec clinique. De
plus, la résistance a été démontrée comme étant
transitoire (17) : seuls trois cas de réactivation de
mutants résistants ont été décrits dans la littérature
chez ces patients (10, 14, 16).
Chez les patients immunodéprimés
En cas d’immunodépression (patients infectés par
le VIH, transplantés de moelle osseuse ou d’organe
solide), les virus résistant à l’ACV sont beaucoup
plus fréquents. L’incidence des HSV résistant à
l’ACV varie de 7 à 15,4 % chez les patients trans-
plantés de moelle (7, 8, 10) et de 4,2 à 7,1 % chez
les patients infectés par le VIH (6, 8, 10, 12). La
prévalence semble stable au cours du temps, malgré
l’augmentation de l’utilisation des traitements anti-
viraux (6, 8, 10, 18).
Dans une étude prospective réalisée entre 1999 et
2002 par 15 laboratoires français de virologie, la
sensibilité de 3 923 souches issues de 3 357 patients
hospitalisés, traités ou non par ACV, a été évaluée
in vitro (10). Parmi 1 855 patients immunocom-
pétents, seuls 0,32 % (6 patients : 3 HSV-1 et
3 HSV-2) étaient infectés par une souche résistante
à l’ACV contre 3,6 % chez les patients immunodé-
primés (54 patients : 36 HSV-1 et 18 HSV-2). Les
patients ayant une immunodépression cellulaire
profonde sont les plus à risque : les transplantés de
moelle osseuse présentent le taux de résistance le
plus élevé (10,8 %), suivis par les patients infectés
par le VIH (4,2 %), les transplantés d’organe
(2,5 %), puis les patients atteints d’hémopathies
(2,1 %) [10].
Facteurs influençant l’émergence
de la résistance
L’acquisition d’une résistance est extrêmement
rare chez les patients immunocompétents et
elle survient majoritairement chez les sujets
immuno-déprimés. Une transmission interhu-
maine de souches résistantes a été évoquée chez
des sujets non traités préalablement (14), mais
sans isolement d’une souche résistante chez les
sujets sources (10). L’absence ou la rareté de la
transmission des souches résistantes explique la
faible prévalence de la résistance et sa stabilité au
cours du temps. Lémergence de la résistance est
dépendante de facteurs liés à l’hôte, de la patho-
génicité du virus résistant et de la pression des
traitements antiviraux utilisés.
Facteurs liés à l’hôte
Il existe dans tout isolat clinique une population
minoritaire en proportion variable (de 0,01 à 0,15 %)
de virions “naturellement” résistant à l’ACV, liés à
des mutations spontanées dans le gène de la TK (19).
En présence de l’antiviral, ces souches résistantes
minoritaires acquièrent rapidement un avantage
sélectif et réplicatif. Cela explique qu’un échec
thérapeutique, par sélection de mutants résistant
à l’ACV, soit observable chez les patients naïfs de
tout traitement antiviral, et ce dès leur tout premier
traitement par ACV (6). Chez les sujets immuno-
compétents, la probabilité de sélection de mutants
résistant aux antiviraux est moins grande, parce
qu’ils sont éliminés rapidement, comme les autres
virions, par le système immunitaire.
En revanche, chez les individus immunodéprimés,
deux facteurs majeurs expliquent l’incidence plus
élevée de la résistance du HSV aux antiviraux.
Premièrement, un déficit de la réponse immunitaire
cellulaire spécifique entraîne une réplication virale
plus intense, plus prolongée (plusieurs semaines au
lieu de quelques jours) sur une surface plus étendue,
favorisant la sélection de mutants résistants (19).
De plus, il existe une relation inverse entre le taux
de lymphocytes T CD4 et le risque de réactiva-
tion herpétique. Cette corrélation avec le taux de
lymphocytes T CD4 et le risque d’infection est le
reflet de l’immunité spécifique contre HSV médiée
par les cellules T cytotoxiques (CTL).
Ramaswamy et al. ont étudié la reconstitution de
l’immunité cellulaire T spécifique chez les patients
VIH mis sous traitement antirétroviral (20). La
production d’INF-γ par les cellules mononucléées
sanguines spécifiques d’HSV a été comparée par
méthode ELISpot chez des sujets sains séroposi-
tifs pour HSV et chez des patients VIH à différents
stades de l’infection. La réponse immunitaire T
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Infections à
Herpes simplex virus
résistant à l’aciclovir
chez les patients infectés par le VIH
MISE AU POINT
spécifique apparaît corrélée au statut “non
progresseur à long terme” et au taux de lympho-
cytes T CD4. Sous traitement HAART efficace, la
réponse immune augmente aussi de manière signi-
ficative (20). Ces résultats sont en contradiction
avec l’étude de Posavad et al. (21), dans laquelle le
niveau d’excrétion d’HSV a été comparé chez des
patients VIH traités par HAART et chez des patients
non traités dont les taux de lymphocytes T CD4
étaient identiques. Sous HAART, les infections à
HSV sont moins sévères et moins symptomatiques,
malgré la persistance de l’excrétion virale et une
fréquence de récurrence similaire.
Facteurs liés au virus : pathogénicité des virus
résistants
Les mutations conférant la résistance aux anti-
viraux peuvent s’accompagner d’une altération
des propriétés biologiques des virus, notamment
au niveau de leur capacité de réplication, de leur
tropisme et de leur pathogénicité.
Initialement, il a été démontré que les souches
d’HSV résistantes sont généralement moins neuro-
virulentes que les souches sauvages (22). La TK joue
un rôle essentiel dans la réactivation du HSV. De
façon générale, les virus totalement dépourvus de
TK sont capables de se répliquer efficacement au
site d’inoculation et d’établir la latence dans les
ganglions sensitifs, mais ils sont davantage neuro-
atténués, c’est-à-dire incapables de se réactiver
et de se répliquer activement dans les ganglions
sensitifs (23). De façon quelque peu contradictoire,
des virus résistant à l’ACV et semblant totalement
dépourvus d’activité TK ont été isolés de lésions de
récurrence herpétique chez des patients immuno-
déprimés (24). La présence d’une faible sous-popu-
lation de virus sauvages qui compensent l’activité
TK ou une certaine activité TK indécelable par les
techniques de laboratoire utilisées pourrait être à
l’origine de ces observations (25). De plus, certaines
variations génétiques et l’augmentation de l’activité
d’autres enzymes virales pourraient compenser la
perte d’activité TK (24, 25).
L’implication du gène de l’ADN polymérase dans
la neuropathogénicité de l’infection à HSV a été
beaucoup moins étudiée que celle de la TK virale.
Certaines mutations dans le gène de l’ADN poly-
mérase, associées à la résistance aux antiviraux,
entraînent également une diminution de la neuro-
virulence du HSV chez la souris (8). Le mécanisme
associé à cette neuro-atténuation pourrait être lié
à une diminution de la capacité réplicative des virus
ADN polymérase mutants.
Finalement, après l’isolement d’un HSV résistant,
les réactivations se font généralement avec une
souche ACV sensible, TK-compétente. Cependant,
des réactivations avec des souches résistantes,
TK-altérée (14) ou TK-déficiente (22) ont été
décrites. Ces situations correspondent à une véri-
table réactivation d’une souche ACV résistante, à
partir d’un ganglion sensitif, à la persistance d’une
réplication dans le site initial ou à l’émergence
d’une nouvelle mutation.
Pression de sélection des traitements
antiviraux
La sélection de virus résistants n’est possible que
s’il persiste, en présence d’un traitement antiviral
exerçant une pression de sélection, une réplication
virale suffisante (26). Dans ce cas, le traitement
diminue l’excrétion virale sans complètement
la supprimer lors de traitements épisodiques ou
préventifs, surtout lorsque les concentrations plas-
matiques d’antiviral sont suboptimales, favorisées
par une mauvaise absorption ou une mauvaise
compliance.
Il n’existe pas de données fiables sur la durée du
traitement associée à l’émergence de la résistance.
Cependant, la sélection de mutants résistants peut
être rapide, dès le premier traitement (27). Lhétéro-
généité de la population de virus (coexistence de
souches sensibles et résistantes) favorise cette
sélection rapide. Chez des patients transplantés de
moelle, la résistance apparaît en moyenne dans les
42 jours suivant le début d’un traitement prophy-
lactique par ACV (7). Concernant le PFA, des cas de
résistance ont été décrits après seulement 5 jours
de traitement (7).
Chez les patients immunocompétents, le traitement,
qu’il soit curatif ou préventif, oral ou local, ne semble
pas avoir d’impact sur la prévalence de la résistance,
qui reste faible (13).
Caractéristiques cliniques
des infections à HSV chez
les patients immunodéprimés
Les patients ayant un déficit de l’immunité cellu-
laire secondaire à un traitement immunosuppres-
seur (transplantation ou néoplasie), à une maladie
associée (sida, déficit immunitaire congénital) ou
à la malnutrition sont plus à risque de développer
des infections sévères à HSV (28). La sévérité des
lésions ainsi que leur progression semblent liées
au degré d’immunodépression des patients. Les
Valaciclovir
ACICLOVIR
PENCICLOVIR
Famciclovir
GANCICLOVIR
Valganciclovir
Thymidine
kinase
virale
ADN
polymérase
virale
Kinases
cellulaires Kinases
cellulaires
Kinases
cellulaires
ACV-MP ACV-DP ACV-TP
PCV-MP PCV-DP PCV-TP
GVC-MP GVC-DP GVC-TP CDV-DP
CIDOFOVIR FOSCARNET
MP : monophosphate ; DP : diphosphate ; TP : triphosphate.
Figure 1. Mécanisme d’action des antiviraux.
La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 5 - septembre-octobre 2009 | 177
MISE AU POINT
vésicules ont une taille plus importante, sont plus
nombreuses, nécrotiques et peuvent former des
ulcères hyperkératosiques aux localisations plutôt
atypiques. Les infections herpétiques sévères et
prolongées (d’une durée supérieure à 1 mois) sont
l’une des caractéristiques définissant le stade sida.
Les récurrences sont elles aussi plus fréquentes, plus
extensives, et surviennent à des sites multiples (29).
Ainsi, l’herpès cutanéo-muqueux extensif ou chro-
nique touche 15 à 30 % des patients infectés par
le VIH. Ces infections peuvent atteindre le tractus
respiratoire, l’œsophage et le tractus gastro-intes-
tinal, surtout en cas de primo-infection virale (1).
Lexcrétion asymptomatique du HSV est particu-
lièrement importante chez les patients immuno-
déprimés. Les individus séropositifs pour les virus
VIH et HSV-2 excrètent du HSV 3 à 4 fois plus
souvent que les individus uniquement infectés par
HSV-2, et la fréquence de l’excrétion est corrélée
avec la déplétion en lymphocytes T CD4 (30).
La résistance clinique doit être soupçonnée :
lorsque les lésions herpétiques persistent plus de
7 à 14 jours sans diminution de la taille des lésions
sous un traitement adapté ; lorsque celles-ci sont
atypiques ; en cas de lésions satellites se dévelop-
pant 3 à 4 jours après l’instauration du traitement
antiviral ; en cas de dissémination viscérale (31).
Néanmoins, certains facteurs tels que la biodispo-
nibilité, la pénétration de l’antiviral au site d’in-
fection, la compliance du patient au traitement,
le statut immunitaire de l’hôte et les interactions
médicamenteuses avec l’ACV peuvent entraîner une
diminution d’efficacité du traitement sans résis-
tance virologique. L’inverse est également possible :
la détection d’une résistance in vitro à l’ACV ne
conduit pas nécessairement un échec clinique au
traitement antiviral (18, 32). En cas d’échappement
thérapeutique, la résistance à l’ACV doit donc être
confirmée par des tests in vitro.
Résistance de HSV
aux antiviraux
Mode d’action des traitements
antiviraux
Les seuls antiviraux, dont l’efficacité antiherpétique
a été démontrée jusqu’alors, ont tous pour cible
ultime l’ADN polymérase virale. Selon leur méca-
nisme d’interactions avec celle-ci, on peut séparer
les antiviraux disponibles pour le traitement de l’in-
fection à HSV en trois classes distinctes (figure 1) :
– les analogues nucléosidiques, qui comprennent
l’ACV, le penciclovir (PCV), le ganciclovir (GCV), et
leurs prodrogues respectives : le valaciclovir (VACV),
le famciclovir et le valganciclovir (VGCV). LACV doit
être sous forme triphosphorylée pour être actif. Le
premier groupement phosphate est conféré par la
TK virale. La conversion en ACV di- et triphosphate
est catalysée par des kinases cellulaires. L’incor-
poration de cet analogue nucléosidique dépourvu
de groupement OH en 3stoppe l’élongation de
la chaîne d’ADN, interrompant ainsi la réplication
virale. LACV et sa prodrogue, le VACV, constituent
le traitement de choix des infections à HSV ;
– les analogues des pyrophosphates inorganiques
constituent la deuxième classe d’antiviraux et
comprennent le PFA, un inhibiteur direct non compé-
titif de l’ADN polymérase virale. Le PFA ne requiert
pas d’activation préalable par la TK virale ou par
les kinases cellulaires, ce qui explique son efficacité
contre des mutants HSV résistant à l’ACV (29) ;
– le CDV, analogue nucléotidique, constitue une
seconde alternative en cas de résistance à l’ACV. Cet
analogue de la cytidine ne nécessite pas de phos-
phorylation par la TK virale pour être activé. Les
kinases cellulaires le convertissent en CDV diphos-
phate actif, qui est un inhibiteur compétitif de l’ADN
polymérase virale. Le CDV est actif sur des HSV
résistant à l’ACV par mutation du gène de la TK virale
(33, 34) et contre des virus résistant au PFA (34).
Plus encore, les souches de HSV ayant une activité
TK déficiente ou altérée semblent plus sensibles
au CDV, à cause d’une moindre augmentation du
“pool” dessoxycytidines triphosphates (dCTP).
La compétition entre le CDV et le dCTP au niveau
de la polymérase est alors en faveur du CDV (33).
Mutations des gènes des HSV
Thymidine kinase ADN polymérase
Résistance à l'aciclovir
et autres analogues nucléosidiques Résistance
au foscarnet Résistance
au cidofovir
Figure 2. Support génétique de la résistance.
178 | La Lettre de l’Infectiologue Vol. XXIV - n° 5 - septembre-octobre 2009
Infections à
Herpes simplex virus
résistant à l’aciclovir
chez les patients infectés par le VIH
MISE AU POINT
Mécanismes de la résistance
La résistance à l’ACV est liée aux mutations dans les
gènes codant pour les deux enzymes impliquées dans
le mécanisme d’action de l’ACV : la TK [95 % des
cas] et, beaucoup plus rarement, l’ADN polymérase
(5 % des cas).
Plusieurs mécanismes sont à l’origine de la diminu-
tion de la susceptibilité de l’HSV à l’ACV :
l’absence complète de production de TK (TK-négative)
constituant le niveau de résistance le plus élevé ;
– une diminution de la production de la TK virale
(TK-partielle) ;
– l’expression d’une TK altérée, encore capable de
phosphoryler les nucléosides naturels, mais dont
l’affinité pour l’ACV est modifiée (TK-altérée) ;
– l’expression d’une ADN polymérase virale altérée
incapable d’incorporer l’antiviral en tant que subs-
trat.
Les souches résistant à l’ACV par modification de la
TK ont le plus souvent une résistance croisée avec
les autres traitements requérant l’action de la TK.
Ces traitements ne sont donc pas recommandés en
cas de résistance à l’ACV.
Les résistances au PFA et au CDV sont liées unique-
ment à une altération de l’ADN polymérase, puisque
ces antiviraux ne nécessitent pas d’activation préa-
lable de la TK virale. Des résistances croisées aux trois
antiviraux ACV, PFA et CDV ont été rapportées par
mutation dans le gène de l’ADN polymérase.
La détection de virus résistants et sensibles sur
le même prélèvement est possible, associant des
virus de phénotype TK-négative, TK-partielle et/ou
TK-altérée (18).
LADN polymérase ayant un rôle essentiel dans la
réplication virale, contrairement à la TK, il existe une
plus grande probabilité de produire un virus ACV-sis-
tant réplicatif avec une mutation du gène de la TK
que par mutation du gène de l’ADN polymérase (35).
Support génétique de la résistance
Des modifications au sein du gène de la TK virale
peuvent être à l’origine de la résistance d’HSV aux
analogues des nucléosides, alors que des change-
ments moléculaires au niveau du gène de l’ADN
polymérase peuvent être associés à une résistance
à tous les antiviraux (figure 2).
Les mutations surviennent spontanément durant la
réplication virale et les virus résistants sont ensuite
sélectionnés sous traitement antiviral. Les tests géno-
typiques sont fondés sur la détection de mutations
génétiques responsables de la résistance. Ils néces-
sitent une amplification par PCR du gène de la TK ou
de l’ADN polymérase virale, suivie d’un séquençage.
Les séquences génétiques obtenues sont comparées
à celles des souches HSV de référence. Cette tech-
nique est sensible et permet la détection des virions
mutés, même minoritaires, dans la population virale.
Cependant, une des limites de cette technique est
la méconnaissance des mutations de résistance du
HSV-2 et du polymorphisme nétique naturel de ces
virus. L’imputabilité de certaines mutations dans la
résistance reste parfois difficile à établir.
Mutations dans le gène de la TK virale
Le virus HSV code pour sa propre TK, qui est
le produit du gène précoce UL23 composé de
1 128 nucléotides : 377 acides aminés (aa) pour
HSV-1 et 1 125 nucléotides (376 aa) pour HSV-2.
La TK n’est pas essentielle à la réplication virale mais
elle est certainement impliquée dans la virulence
et la réactivation du virus (36). Les mutations de la
TK associées à des résistances sont pour la moitié
d’entre elles des insertions ou des délétions nucléoti-
diques. Celles-ci surviennent dans des répétitions de
guanines ou cytosines qui constituent des hot spots
de mutations. Les insertions-délétions aux codons
145-146 (répétition de 7 guanines) et 184-185 (répé-
tition de 6 cytosines) constituent les mutations les
plus fréquemment décrites. La seconde moitié des
mutations de résistance sont des substitutions
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