La Lettre de l’Infectiologue • Vol. XXIV - n° 5 - septembre-octobre 2009 | 175
Résumé
L’aciclovir (ACV) est le traitement de choix des infections à
Herpes simplex virus
(HSV). Des cas de résistance à cet antiviral ont
été rapportés dès le début de son utilisation, principalement chez les patients immunodéprimés, et notamment ceux infectés
par le virus de l’immunodéficience humaine. Dans cette population, la prévalence des souches résistantes est estimée à 4%.
Un échappement thérapeutique peut être lié à une résistance virologique, secondaire à des mutations des gènes codant pour
les deux enzymes virales impliquées dans le mécanisme d’action de l’ACV: la thymidine kinase (TK) [95% des cas] et l’ADN
polymérase (5% des cas). La détermination phénotypique de la résistance in vitro repose sur la mesure des concentrations
d’antiviral inhibant 50% de la réplication virale (CI50). La technique de référence est la méthode de réduction des plages de
lyse (MRP). L’étude de la sensibilité in vitro est primordiale pour orienter le clinicien dans sa prise en charge thérapeutique.
La prise en charge des infections résistant à l’ACV repose sur des molécules ayant des mécanismes d’action indépendants de
la TK, comme le foscarnet (PFA) et le cidofovir (CDV). Généralement, les mutants résistants perdent la capacité de se réactiver.
Après l’isolement d’une souche résistante, un traitement par ACV est le plus souvent efficace sur les récurrences. Cependant,
des réactivations ACV-résistantes sont possibles, favorisées notamment par le maintien d’une pression médicamenteuse.
Une alternance entre molécules antivirales peut être discutée pour préserver une efficacité sur les récurrences ultérieures.
Mots-clés
HSV
VIH
Aciclovir
Résistance
Highlights
Acyclovir (ACV) is the treatment
of choice for
Herpes simplex
virus
(HSV) infections. Since
ACV was marketed, cases of
resistance have been reported,
mainly among immunocompro-
mised persons such as HIV-
infected patients. Among this
population, the prevalence of
ACV resistance is around 4%.
ACV-resistance is due to
mutations located in one of
the two genes involved in
ACV mecanism of action, the
thymidine kinase gene in 95%
of the cases and the DNA
polymerase gene. The clinical
resistance is confirmed by the
detection of resistance in vitro
by phenotypic test which deter-
mines the antiviral concentra-
tion inhibiting viral replication
by 50%. The plaque-reduction
assay is used most widely for
susceptibility testing.
Foscarnet (PFA) and cidofovir
(CDV) act directly on viral DNA
polymerase and both treatment
are active on viruses resistant
to ACV but cases of resistance
to these molecules have also
been reported.
Typically, HSV mutants viru-
lence, when compared to
wild-type virus, is reduced.
After isolation of a resistant
HSV, recurrences are usually
due to ACV-sensible strains.
Nevertheless, reactivation
with ACV-resistant virus has
also been reported.
Cycling of antiviral treatments
is a potential strategy for over-
coming the emergence of resis-
tant strains.
Keywords
HSV
HIV
Acyclovir
Resistance
la population non exposée à ces traitements (13).
Finalement, mis à part de rares cas (14-16), l’isole-
ment de souches résistantes chez les sujets immu-
nocompétents n’entraîne pas d’échec clinique. De
plus, la résistance a été démontrée comme étant
transitoire (17) : seuls trois cas de réactivation de
mutants résistants ont été décrits dans la littérature
chez ces patients (10, 14, 16).
◆Chez les patients immunodéprimés
En cas d’immunodépression (patients infectés par
le VIH, transplantés de moelle osseuse ou d’organe
solide), les virus résistant à l’ACV sont beaucoup
plus fréquents. L’incidence des HSV résistant à
l’ACV varie de 7 à 15,4 % chez les patients trans-
plantés de moelle (7, 8, 10) et de 4,2 à 7,1 % chez
les patients infectés par le VIH (6, 8, 10, 12). La
prévalence semble stable au cours du temps, malgré
l’augmentation de l’utilisation des traitements anti-
viraux (6, 8, 10, 18).
Dans une étude prospective réalisée entre 1999 et
2002 par 15 laboratoires français de virologie, la
sensibilité de 3 923 souches issues de 3 357 patients
hospitalisés, traités ou non par ACV, a été évaluée
in vitro (10). Parmi 1 855 patients immunocom-
pétents, seuls 0,32 % (6 patients : 3 HSV-1 et
3 HSV-2) étaient infectés par une souche résistante
à l’ACV contre 3,6 % chez les patients immunodé-
primés (54 patients : 36 HSV-1 et 18 HSV-2). Les
patients ayant une immunodépression cellulaire
profonde sont les plus à risque : les transplantés de
moelle osseuse présentent le taux de résistance le
plus élevé (10,8 %), suivis par les patients infectés
par le VIH (4,2 %), les transplantés d’organe
(2,5 %), puis les patients atteints d’hémopathies
(2,1 %) [10].
Facteurs influençant l’émergence
de la résistance
L’acquisition d’une résistance est extrêmement
rare chez les patients immunocompétents et
elle survient majoritairement chez les sujets
immuno-déprimés. Une transmission interhu-
maine de souches résistantes a été évoquée chez
des sujets non traités préalablement (14), mais
sans isolement d’une souche résistante chez les
sujets sources (10). L’absence ou la rareté de la
transmission des souches résistantes explique la
faible prévalence de la résistance et sa stabilité au
cours du temps. L’émergence de la résistance est
dépendante de facteurs liés à l’hôte, de la patho-
génicité du virus résistant et de la pression des
traitements antiviraux utilisés.
◆Facteurs liés à l’hôte
Il existe dans tout isolat clinique une population
minoritaire en proportion variable (de 0,01 à 0,15 %)
de virions “naturellement” résistant à l’ACV, liés à
des mutations spontanées dans le gène de la TK (19).
En présence de l’antiviral, ces souches résistantes
minoritaires acquièrent rapidement un avantage
sélectif et réplicatif. Cela explique qu’un échec
thérapeutique, par sélection de mutants résistant
à l’ACV, soit observable chez les patients naïfs de
tout traitement antiviral, et ce dès leur tout premier
traitement par ACV (6). Chez les sujets immuno-
compétents, la probabilité de sélection de mutants
résistant aux antiviraux est moins grande, parce
qu’ils sont éliminés rapidement, comme les autres
virions, par le système immunitaire.
En revanche, chez les individus immunodéprimés,
deux facteurs majeurs expliquent l’incidence plus
élevée de la résistance du HSV aux antiviraux.
Premièrement, un déficit de la réponse immunitaire
cellulaire spécifique entraîne une réplication virale
plus intense, plus prolongée (plusieurs semaines au
lieu de quelques jours) sur une surface plus étendue,
favorisant la sélection de mutants résistants (19).
De plus, il existe une relation inverse entre le taux
de lymphocytes T CD4 et le risque de réactiva-
tion herpétique. Cette corrélation avec le taux de
lymphocytes T CD4 et le risque d’infection est le
reflet de l’immunité spécifique contre HSV médiée
par les cellules T cytotoxiques (CTL).
Ramaswamy et al. ont étudié la reconstitution de
l’immunité cellulaire T spécifique chez les patients
VIH mis sous traitement antirétroviral (20). La
production d’INF-γ par les cellules mononucléées
sanguines spécifiques d’HSV a été comparée par
méthode ELISpot chez des sujets sains séroposi-
tifs pour HSV et chez des patients VIH à différents
stades de l’infection. La réponse immunitaire T