Que penser de lefficacité
des médicaments
« anti-Alzheimer » ?
What is the effectiveness of anti-Alzheimer drugs?
Audrey Gabelle
Service de neurologie,
CHU Gui de Chauliac, Montpellier
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Mots clés
Alzheimer, démences,
traitements,
anticholinestérasiques,
antagonistes des récepteurs
NMDA
Key words
Alzheimers disease,
dementia, treatments,
cholinesterase inhibitors,
NMDA receptor antagonists
Pour la pratique on retiendra
La maladie d’Alzheimer (MA) est une affection neurode
´ge
´ne
´rative caracte
´rise
´e par des troubles de la me
´moire et du comporte-
ment entraı
ˆnant une diminution de l’autonomie dans la vie quotidienne. Actuellement, aucun traitement curatif de cette maladie
n’est disponible. Seuls quatre me
´dicaments re
´partis en deux classes the
´rapeutiques (les anticholineste
´rasiques et les antago-
nistes des re
´cepteurs NMDA) sont indique
´s dans la prise en charge de la MA. Ces traitements « anti-Alzheimer » ont une effica-
cite
´de
´montre
´e sur les sympto
ˆmes cognitifs, psycho-comportementaux et sur la qualite
´de vie des patients. Toutefois,
l’ame
´lioration du service me
´dical rendu est juge
´e modeste par la Haute Autorite
´de Sante
´. En effet, l’e
´valuation de ces traite-
ments est principalement limite
´e par la courte dure
´e du suivi de ces e
´tudes et l’interpre
´tation difficile des tests neuropsycholo-
giques utilise
´s comme crite
`res principaux. Toutefois, la prescription de ces me
´dicaments peut s’inte
´grer dans une strate
´gie plus
globale de prise en charge multidisciplinaire incluant des interventions non pharmacologiques (orthophonie, ergothe
´rapie,
art-the
´rapie...) et surtout le soutien et l’information des patients, des aidants et des familles dont le ro
ˆle reste essentiel.
Abstract
Alzheimer’s disease (AD) is a neurodegenerative disease characterized by a gradual decline in mental functions and resulting in
behavioral disorders and loss of autonomy for carrying out familiar everyday tasks. Currently, no cure for this disease is avai-
lable. Only four treatments divided into two therapeutic classes (Cholinesterase inhibitors and NMDA receptor antagonists) are
indicated for AD. These “anti-Alzheimer” drugs have demonstrated effectiveness on cognitive symptoms, behavioural disorders
and patients’ quality of life. However, the medical benefits offered by drugs are considered to be modest by the French National
Authority for Health. Indeed, the evaluation of these treatments is limited by the short duration of follow-up studies and the diffi-
cult interpretation of neuropsychological tests. However, the prescription of these drugs is part of a more global multidiscipli-
nary strategy including non-pharmacological interventions such as speech therapy, occupational therapy and art therapy but
also and perhaps most importantly including support to patients, their caregivers and families, whose role remains essential.
En 2008, la commission de transpa-
rence de la Haute Autorite
´de
Sante
´(HAS) a re
´e
´value
´la place des
me
´dicaments « anti-Alzheimer »
dans la prise en charge des patients
atteints de maladie d’Alzheimer
(MA). Actuellement, seuls quatre me
´dicaments
sont disponibles et indique
´s dans le traitement
symptomatique de la MA : le done
´pe
´zil
(Aricept
®
), la galantamine (Reminyl
®
), la rivas-
tigmine (Exelon
®
)etlame
´mantine (Ebixa
®
).
Le done
´pe
´zil, la galantamine et la rivastigmine
agissent par un me
´canisme d’action « anticholi-
neste
´rasique » en bloquant la de
´gradation enzy-
matique de l’ace
´tylcholine, neurotransmetteur
ce
´re
´bral. La me
´mantine est un antagoniste non
compe
´titif des re
´cepteurs NMDA implique
´s dans
la re
´gulation du glutamate, son me
´canisme
d’action est donc globalement antiglutamater-
gique. Bien que le me
´canisme d’action ne pre
´-
juge pas de l’efficacite
´clinique, les indications
d’instauration de telle ou telle classe the
´rapeu-
tique diffe
`rent. Les anticholineste
´rasiques sont
indique
´s aux stades le
´ger, mode
´re
´et mode
´re
´-
ment se
´ve
`re de la MA ; la me
´mantine est, pour
sa part, indique
´e dans les stades mode
´re
´s, mode
´-
re
´ment se
´ve
`res et se
´ve
`res de la maladie.
LES ANTI-ALZHEIMER SONT-ILS
EFFICACES ?
Oui, l’efficacite
´symptomatique des traitements
anti-Alzheimer est de
´montre
´e avec des re
´sultats
significatifs par rapport au placebo. Un effet
symptomatique sur les performances cognitives
est e
´tabli a
`court terme, avec une ame
´lioration
Neurologie.com 2009 ; 1 (3) : 84-5
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QUE PENSER DE LEFFICACITÉ
DES MÉDICAMENTS « ANTI-ALZHEIMER » ?
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Aucun traitement ne permet à ce jour de guérir de la maladie
dAlzheimer. Quatre traitements « anti-Alzheimer » sont
actuellement disponibles et indiqués
dans la maladie dAlzheimer. Ces...
84 neurologie.com
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vol. 1 n°3
|
mai 2009 DOI : 10.1684/nro.2009.0057
Revue flash
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ou, a
`de
´faut, une stabilisation des scores cognitifs compo-
sites et de l’impression clinique globale. Sur l’e
´chelle des
performances cognitives globale de l’ADAS Cog (70 items),
les e
´tudes mettent en e
´vidence une ame
´lioration moyenne
des performances cognitives sur les 6 mois de suivi, de 2,8
points pour le done
´pe
´zil quel que soit le stade d’e
´volution
de la MA, de 2,45 points pour la galantamine au stade le
´ger
a
`mode
´re
´, de 4 points pour la galantamine LP, de 3,8 points
pour la rivastigmine et de 1 point pour la me
´mantine au
stade le
´ger a
`mode
´re
´de la MA. Le MMS s’ame
´liore e
´gale-
ment de 0,3 a
`1,5 point quelle que soit la the
´rapeutique
instaure
´e, sur la pe
´riode de suivi. De me
ˆme, la CIBIC plus,
e
´valuation globale par un me
´decin inde
´pendant, fonde
´e
sur un entretien clinique avec le patient et son aidant mon-
tre une ame
´lioration de l’e
´tat clinique dans le groupe
traite
´par rapport au groupe placebo, me
ˆme si l’e
´cart
moyen est souvent faible. Enfin, si les traitements sont
bien tole
´re
´s, leurs effets sont be
´ne
´fiques sur la qualite
´de
vie du patient et de leur aidant. De plus, cette ame
´lioration
est rapporte
´e quelle que soit la population e
´tudie
´e, les cau-
casiens et re
´cemment chez les japonais [1]. Sur les troubles
psycho-comportementaux, l’effet des me
´dicaments reste
moins e
´tudie
´. L’ame
´lioration varie globalement de 2 a
`3
points sur l’e
´chelle NPI (qui comporte 144 points).
Les traitements anti-Alzheimer sont donc efficaces a
`court
terme d’un point de vue symptomatique. Ainsi, le service
me
´dical rendu (SMR) e
´value
´par la commission de transpa-
rence de la HAS a e
´te
´juge
´comme important pour la prise
en charge des patients atteints de MA.
ALORS POURQUOI CE SCEPTICISME ?
Cette me
ˆme commission de transparence de la HAS a
de
´termine
´que l’ame
´lioration du service me
´dical rendu
(ASMR) correspondant au progre
`s the
´rapeutique apporte
´
par le me
´dicament n’est que de niveau IV, soit mineur.
En milieu hospitalier, la prescription des traitements
anti-Alzheimer a ainsi e
´te
´diminue
´e de 10 % sur l’anne
´e
2007-2008.
Ce scepticisme se fonde sur plusieurs arguments. Les effets
des the
´rapeutiques ne sont pas curatifs mais uniquement
symptomatiques, et ce de fac¸on modeste. L’ame
´lioration
de quelques points sur des tests comme l’ADAS-Cog ne
modifie pas le quotidien de la maladie. Ces the
´rapeutiques
n’ame
´liorent pas la survie, ni le passage a
`un stade de se
´ve
´-
rite
´supe
´rieur sur l’ensemble des patients ou dans le
groupe des de
´clineurs rapides.
De plus, l’e
´valuation de l’efficacite
´des the
´rapeutiques est
limite
´e par la courte dure
´e de suivi des patients dans les
e
´tudes, la propension a
`inclure principalement des
patients a
`un stade le
´ger a
`mode
´re
´de la maladie, le
manque de de
´finition claire de la significativite
´statis-
tique, la limitation de l’e
´valuation des troubles psycho-
comportementaux et l’insuffisance d’e
´tudes comparatives
directes et inde
´pendantes des diffe
´rents traitements.
De plus, dans l’e
`re me
´dico-e
´conomique qui se profile, il
n’existe par de re
´ponse claire, sur l’apport de ces me
´dica-
ments dans le cou
ˆt comparatif vis-a
`-vis d’une prise en
charge institutionnelle.
ET DONC ?
La maladie d’Alzheimer se caracte
´rise cliniquement par des
troubles cognitifs associe
´sa
`des troubles psycho-
comportementaux responsables d’une perte d’autonomie
dans les activite
´s de la vie quotidienne. Cette affection est
fre
´quente, grave et invalidante et pose un ve
´ritable
proble
`me de sante
´publique. Aucun traitement anti-
Alzheimer ne ralentit l’e
´volution du processus Alzheimer.
L’efficacite
´des traitements anti-Alzheimer sur les troubles
cognitifs et psycho-comportementaux est de
´montre
´emais
reste modeste. La tole
´rance reste satisfaisante, globalement
e
´quivalente quelle que soit la mole
´cule avec au premier plan
des troubles digestifs qui restent dose-de
´pendants. Faute de
mieux, un traitement se doit d’e
ˆtre propose
´. L’instauration
d’une the
´rapeutique par un expert des pathologies de
´men-
tielles permet de mettre en place, puis d’adapter une prise
en charge globale me
´dico-sociale du patient, de sa famille et
des aidants. Le soutien et l’information des patients, de leur
famille ou des aidants restent essentiels.
L’optimisation de la prise en charge passera par une optimi-
sation des e
´chelles d’e
´valuation des troubles cognitifs, mais
e
´galement par une optimisation de l’e
´valuation des troubles
psycho-comportementaux qui posent de ve
´ritables proble
`-
mes de prise en charge par les aidants et les institutions.
Dans l’avenir, se dessinent e
´galement, l’identification et la
se
´lection des patients « bons re
´pondeurs » aux the
´rapeuti-
ques, gra
ˆce au dosage par exemple du ge
´notype de l’ApoE ε
et de la butyrylcholineste
´rase. En effet, les patients atteints
de MA et porteurs de l’ApoE ε4 semblent re
´pondre plus
favorablement au done
´pe
´zil que les patients non porteurs
de l’Apo ε4 [2]. La butyrylcholineste
´rase (BChE), quant a
`
elle, est une des cholineste
´rases dont l’activite
´augmente
dans le cerveau des patients Alzheimer. La pre
´sence de
mutations sur le ge
`ne de la BChE, tel que le variant K,
qui est le plus fre
´quent, induit une re
´duction d’environ
30 % de l’activite
´de cette cholineste
´rase. La rivastigmine,
en tant qu’inhibiteur re
´versible de l’ace
´tylcholineste
´rase
mais e
´galement de la butyrylcholineste
´rase, pourrait
donc e
ˆtre plus efficace chez les patients porteurs de ce
variant.
Re
´fe
´rences
1. Homma A, Imai Y, Tago H, et al. Done-
pezil treatment of patients with severe
Alzheimer’s disease in a Japanese popu-
lation: results from a 24-week, double-
blind, placebo-controlled, randomized
trial. Dement Geriatr Cogn Disord 2008 ;
25 : 399-407 [Epub 2008 Apr 3].
2. Choi SH, Kim SY, Na HR, et al. Effect of
ApoE genotype on response to donepezil
in patients with Alzheimer’s disease.
Dement Geriatr Cogn Disord 2008 ; 25 :
445-50 [Epub 2008 Apr 10].
neurologie.com
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vol. 1 n°3
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mai 2009 85
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