Que penser de l`efficacité des médicaments

publicité
R e v u e fl a s h
N e u ro l o g i e . c o m 20 09 ; 1 ( 3 ) : 84 - 5
Que penser de l’efficacité
des médicaments
« anti-Alzheimer » ?
What is the effectiveness of anti-Alzheimer drugs?
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
...
........................................................
.... Audrey Gabelle
.... Pour la pratique on retiendra
.... Service de neurologie,
.
.... CHU Gui de Chauliac, Montpellier ..... La maladie d’Alzheimer (MA) est une affection neurodégénérative caractérisée par des troubles de la mémoire et du comporte...
.... <[email protected]>
......................................................... ment entraı̂nant une diminution de l’autonomie dans la vie quotidienne. Actuellement, aucun traitement curatif de cette maladie
n’est disponible. Seuls quatre médicaments répartis en deux classes thérapeutiques (les anticholinestérasiques et les antagonistes des récepteurs NMDA) sont indiqués dans la prise en charge de la MA. Ces traitements « anti-Alzheimer » ont une effica-
cité démontrée sur les symptômes cognitifs, psycho-comportementaux et sur la qualité de vie des patients. Toutefois,
l’amélioration du service médical rendu est jugée modeste par la Haute Autorité de Santé. En effet, l’évaluation de ces traitements est principalement limitée par la courte durée du suivi de ces études et l’interprétation difficile des tests neuropsychologiques utilisés comme critères principaux. Toutefois, la prescription de ces médicaments peut s’intégrer dans une stratégie plus
M ot s clé s
Alzheimer, démences,
traitements,
anticholinestérasiques,
antagonistes des récepteurs
NMDA
globale de prise en charge multidisciplinaire incluant des interventions non pharmacologiques (orthophonie, ergothérapie,
art-thérapie...) et surtout le soutien et l’information des patients, des aidants et des familles dont le rôle reste essentiel.
Abstract
Alzheimer’s disease (AD) is a neurodegenerative disease characterized by a gradual decline in mental functions and resulting in
behavioral disorders and loss of autonomy for carrying out familiar everyday tasks. Currently, no cure for this disease is available. Only four treatments divided into two therapeutic classes (Cholinesterase inhibitors and NMDA receptor antagonists) are
Key w ords
indicated for AD. These “anti-Alzheimer” drugs have demonstrated effectiveness on cognitive symptoms, behavioural disorders
and patients’ quality of life. However, the medical benefits offered by drugs are considered to be modest by the French National
Alzheimer’s disease,
Authority for Health. Indeed, the evaluation of these treatments is limited by the short duration of follow-up studies and the diffi-
dementia, treatments,
cholinesterase inhibitors,
cult interpretation of neuropsychological tests. However, the prescription of these drugs is part of a more global multidisciplinary strategy including non-pharmacological interventions such as speech therapy, occupational therapy and art therapy but
NMDA receptor antagonists
also and perhaps most importantly including support to patients, their caregivers and families, whose role remains essential.
E
n 2008, la commission de transparence de la Haute Autorité de
Santé (HAS) a réévalué la place des
médicaments
« anti-Alzheimer »
dans la prise en charge des patients
atteints de maladie d’Alzheimer
(MA). Actuellement, seuls quatre médicaments
sont disponibles et indiqués dans le traitement
symptomatique de la MA : le donépézil
(Aricept®), la galantamine (Reminyl®), la rivastigmine (Exelon®) et la mémantine (Ebixa®).
Le donépézil, la galantamine et la rivastigmine
..........................................................................................................................
...
...
....
....
QUE
PENSER
DE
L’EFFICACITÉ
....
....
DES
MÉDICAMENTS
«
ANTI-ALZHEIMER
»
?
....
..........................................................................................................
...
....
.... Aucun traitement ne permet à ce jour de guérir de la maladie .....
.... d’Alzheimer. Quatre traitements « anti-Alzheimer » sont ....
....
....
....
.... actuellement disponibles et indiqués
....
....
....
.... dans la maladie d’Alzheimer. Ces...
...
............................................................................................................................
.
84 neurologie.com | vol. 1 n°3 | mai 2009
agissent par un mécanisme d’action « anticholinestérasique » en bloquant la dégradation enzymatique de l’acétylcholine, neurotransmetteur
cérébral. La mémantine est un antagoniste non
compétitif des récepteurs NMDA impliqués dans
la régulation du glutamate, son mécanisme
d’action est donc globalement antiglutamatergique. Bien que le mécanisme d’action ne préjuge pas de l’efficacité clinique, les indications
d’instauration de telle ou telle classe thérapeutique diffèrent. Les anticholinestérasiques sont
indiqués aux stades léger, modéré et modérément sévère de la MA ; la mémantine est, pour
sa part, indiquée dans les stades modérés, modérément sévères et sévères de la maladie.
LES ANTI-ALZHEIMER SONT-ILS
EFFICACES ?
Oui, l’efficacité symptomatique des traitements
anti-Alzheimer est démontrée avec des résultats
significatifs par rapport au placebo. Un effet
symptomatique sur les performances cognitives
est établi à court terme, avec une amélioration
DOI : 10.1684/nro.2009.0057
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
ou, à défaut, une stabilisation des scores cognitifs composites et de l’impression clinique globale. Sur l’échelle des
performances cognitives globale de l’ADAS Cog (70 items),
les études mettent en évidence une amélioration moyenne
des performances cognitives sur les 6 mois de suivi, de 2,8
points pour le donépézil quel que soit le stade d’évolution
de la MA, de 2,45 points pour la galantamine au stade léger
à modéré, de 4 points pour la galantamine LP, de 3,8 points
pour la rivastigmine et de 1 point pour la mémantine au
stade léger à modéré de la MA. Le MMS s’améliore également de 0,3 à 1,5 point quelle que soit la thérapeutique
instaurée, sur la période de suivi. De même, la CIBIC plus,
évaluation globale par un médecin indépendant, fondée
sur un entretien clinique avec le patient et son aidant montre une amélioration de l’état clinique dans le groupe
traité par rapport au groupe placebo, même si l’écart
moyen est souvent faible. Enfin, si les traitements sont
bien tolérés, leurs effets sont bénéfiques sur la qualité de
vie du patient et de leur aidant. De plus, cette amélioration
est rapportée quelle que soit la population étudiée, les caucasiens et récemment chez les japonais [1]. Sur les troubles
psycho-comportementaux, l’effet des médicaments reste
moins étudié. L’amélioration varie globalement de 2 à 3
points sur l’échelle NPI (qui comporte 144 points).
Les traitements anti-Alzheimer sont donc efficaces à court
terme d’un point de vue symptomatique. Ainsi, le service
médical rendu (SMR) évalué par la commission de transparence de la HAS a été jugé comme important pour la prise
en charge des patients atteints de MA.
ALORS POURQUOI CE SCEPTICISME ?
Cette même commission de transparence de la HAS a
déterminé que l’amélioration du service médical rendu
(ASMR) correspondant au progrès thérapeutique apporté
par le médicament n’est que de niveau IV, soit mineur.
En milieu hospitalier, la prescription des traitements
anti-Alzheimer a ainsi été diminuée de 10 % sur l’année
2007-2008.
Ce scepticisme se fonde sur plusieurs arguments. Les effets
des thérapeutiques ne sont pas curatifs mais uniquement
symptomatiques, et ce de façon modeste. L’amélioration
de quelques points sur des tests comme l’ADAS-Cog ne
modifie pas le quotidien de la maladie. Ces thérapeutiques
n’améliorent pas la survie, ni le passage à un stade de sévérité supérieur sur l’ensemble des patients ou dans le
groupe des déclineurs rapides.
De plus, l’évaluation de l’efficacité des thérapeutiques est
limitée par la courte durée de suivi des patients dans les
études, la propension à inclure principalement des
patients à un stade léger à modéré de la maladie, le
manque de définition claire de la significativité statistique, la limitation de l’évaluation des troubles psychocomportementaux et l’insuffisance d’études comparatives
directes et indépendantes des différents traitements.
De plus, dans l’ère médico-économique qui se profile, il
n’existe par de réponse claire, sur l’apport de ces médicaments dans le coût comparatif vis-à-vis d’une prise en
charge institutionnelle.
ET DONC ?
La maladie d’Alzheimer se caractérise cliniquement par des
troubles cognitifs associés à des troubles psychocomportementaux responsables d’une perte d’autonomie
dans les activités de la vie quotidienne. Cette affection est
fréquente, grave et invalidante et pose un véritable
problème de santé publique. Aucun traitement antiAlzheimer ne ralentit l’évolution du processus Alzheimer.
L’efficacité des traitements anti-Alzheimer sur les troubles
cognitifs et psycho-comportementaux est démontrée mais
reste modeste. La tolérance reste satisfaisante, globalement
équivalente quelle que soit la molécule avec au premier plan
des troubles digestifs qui restent dose-dépendants. Faute de
mieux, un traitement se doit d’être proposé. L’instauration
d’une thérapeutique par un expert des pathologies démentielles permet de mettre en place, puis d’adapter une prise
en charge globale médico-sociale du patient, de sa famille et
des aidants. Le soutien et l’information des patients, de leur
famille ou des aidants restent essentiels.
L’optimisation de la prise en charge passera par une optimisation des échelles d’évaluation des troubles cognitifs, mais
également par une optimisation de l’évaluation des troubles
psycho-comportementaux qui posent de véritables problèmes de prise en charge par les aidants et les institutions.
Dans l’avenir, se dessinent également, l’identification et la
sélection des patients « bons répondeurs » aux thérapeutiques, grâce au dosage par exemple du génotype de l’ApoE ε
et de la butyrylcholinestérase. En effet, les patients atteints
de MA et porteurs de l’ApoE ε4 semblent répondre plus
favorablement au donépézil que les patients non porteurs
de l’Apo ε4 [2]. La butyrylcholinestérase (BChE), quant à
elle, est une des cholinestérases dont l’activité augmente
dans le cerveau des patients Alzheimer. La présence de
mutations sur le gène de la BChE, tel que le variant K,
qui est le plus fréquent, induit une réduction d’environ
30 % de l’activité de cette cholinestérase. La rivastigmine,
en tant qu’inhibiteur réversible de l’acétylcholinestérase
mais également de la butyrylcholinestérase, pourrait
donc être plus efficace chez les patients porteurs de ce
variant.
Références
1. Homma A, Imai Y, Tago H, et al. Donepezil treatment of patients with severe
Alzheimer’s disease in a Japanese population: results from a 24-week, doubleblind, placebo-controlled, randomized
trial. Dement Geriatr Cogn Disord 2008 ;
25 : 399-407 [Epub 2008 Apr 3].
2. Choi SH, Kim SY, Na HR, et al. Effect of
ApoE genotype on response to donepezil
in patients with Alzheimer’s disease.
Dement Geriatr Cogn Disord 2008 ; 25 :
445-50 [Epub 2008 Apr 10].
neurologie.com | vol. 1 n°3 | mai 2009 85
Téléchargement