C’est pourquoi, je voudrais commencer cette réflexion sur la question des normes de la santé
ou de la maladie à partir de l’analyse de quelques expressions du langage ordinaire qui vont
nous permettre de mettre en lumière la grande polysémie qui caractérise les termes de maladie
et de santé. Nous pourrons ainsi montrer, à partir de la perception que nous avons de ces deux
états, que leur signification ne peut pas uniquement provenir de la seule approche
technoscientifique que serait tentée d’en donner une médecine qui oublierait de prendre en
considération la singularité des patients qu’elle doit traiter. Et pour appuyer mon propos, je
citerai ici Aristote est Georges Canguilhem.
Aristote qui dans la Métaphysique écrit que :
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Par cette phrase, il exprime l’idée selon laquelle, la médecine, loin d’être une science est
avant tout un art, c’est-à-dire une teknè. En effet, comme il le souligne dans les Seconds
Analytiques, « les démonstrations sont universelles2 » ce qui est une autre manière de dire
qu’il n’y a de science que du général. Or, précisément, la science ne suffit pas pour faire un
bon médecin. Dans le même texte de la Métaphysique Aristote poursuit en affirmant :
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À la lumière de la pensée d’Aristote, on est donc en droit de s’interroger au sujet de ce sur
quoi nous devons nous appuyer pour définir les normes de la santé et de la maladie, si la
connaissance ne peut suffire à les définir de manière suffisamment précise.
Cette idée se trouve d’ailleurs confirmer par Georges Canguilhem qui souligne, dans
l’introduction à sa thèse de doctorat en médecine Le normal et la pathologique, que :
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Tout cela nous conduit donc à penser qu’il ne suffit pas pour comprendre ce que sont la
maladie et la santé de se baser sur les données objectives sur lesquelles s’appuient les sciences
dites dures ou exactes, mais qu’il faut aussi écouter ce qu’en disent les sujets ordinaires afin
de faire jaillir toute la richesse de sens de ces termes. Il ne s’agit pas, bien évidemment de
1 Aristote, Métaphysique, A, 1, Introduction, notes et index par J. Tricot, Paris, Vrin, 1981, p. 6.
2 Aristote, Seconds analytiques, traduction nouvelle et notes par J. Tricot, Paris, Vrin, 1979, p. 147.
3 Aristote, Métaphysique, A, 1, op. cit., p. 6-7.
4 Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, « Quadrige », p. 7.