Relation et éthique de la responsabilité

publicité
RELATION ET ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE
Frédérique Lerbet-Sereni
Maître de conférences
Laboratoire des Sciences de l’Education
Université de Tours
Juillet 1998
Introduction
« Comment être pour que l’autre dont j’ai accepté la charge, réussisse son
inscription ontologique, sociale et politique dans ce monde qui nous est commun ? A
quoi suis-je obligé (au sens moral) dès lors que je deviens référent pour un autre ? » La
réflexion sur cette relation de référence et sur la posture qu’elle engage, que je tente ici
de mettre en forme, vise à donner consistance à une formalisation paradoxale de cette
relation où morale et éthique, réciprocité et responsabilité, s’articulent
contradictoirement.
I- Relation de référence : repérage
Etymologiquement, référent vient de refero, qui signifie « porter en arrière,
rapporter, reporter, rétablir », et aussi « opposer en réplique, renouveler », ou encore
« porter ailleurs ». Sous sa forme impersonnelle de refert, il signifie « être important,
importer, intéresser ». Le référent peut être ainsi défini comme celui à qui l’on se
reporte, qui est important, tant pour recevoir la réplique, l’opposition, que pour
accompagner le renouvellement et la possibilité de porter ailleurs, de se transporter.
La place singulière qu’occupe une personne du groupe qu’une autre personne a
reconnue comme référente, engage réciproquement l’une et l’autre dans la construction
du travail identitaire de chacun, qui est de l’ordre de « intégrer/s’intégrer » à partir de la
relation à l’autre et au groupe de référence représenté. Cette place confère en outre une
responsabilité immédiate à celui qui l’accepte, dont H. Jonas voit « l’archétype
intemporel (dans) celle des parents à l’égard de l’enfant », à travers « le nouveau né
dont la simple respiration adresse un « on doit » irréfutable à l’entourage, à savoir :
qu’on s’occupe de lui »1. Place propre des parents, elle se trouve aussi être occupée par
de multiples acteurs de la vie socio-professionnelle : l’enseignant, qui doit faciliter
l’affiliation de l’élève à l’institution scolaire (dont les normes préfigurent celles de la
sphère sociale en général) et à la culture qui lui permettront d’interroger le monde et d’y
construire sa place en propre ; le formateur, qui accompagne la construction d’une
identité professionnelle et/ou sociale ; le directeur de recherches, qui est conjointement
garant de la qualité heuristique du travail fourni en tant que représentant de la
communauté scientifique et passeur pour que l’étudiant s’autorise une pensée
personnelle inventive, mais aussi, à bien y réfléchir, tous ceux qui font profession des
métiers de l’humain, à un titre ou à un autre (politique, journaliste, monde juridique et
1
H. Jonas, Le principe responsabilité, Paris, Le Cerf, 1990, p. 179, 180.
1
policier, monde médical). H. Jonas propose d’ouvrir encore la perspective, pour
l’inscrire d’emblée et sans restriction à chacun d’entre nous dans son rapport à l’autre
des générations qui nous succèdent, chacun d’entre nous étant en somme géniteur
puisque membre de « la famille humaine », dès lors que nous nous autorisons à vivre.
S’il y a lieu d’engager irréfutablement notre responsabilité à l’égard de l’autre pour
qu’il puisse être, c’est pourtant en se gardant bien de tenter de savoir « quel » il sera. Si
nous avons à l’introduire au monde, c’est également pour lui permettre de construire à
son tour ce monde. Ainsi énoncée, la place que j’appelle de référent se pose bien
comme portant en elle-même une tension paradoxale, qui la contraint à relever à la fois
de la conformité pré-établie en tant qu’elle est représentante du monde, et de la
dimension critique nécessaire pour introduire du jeu, le jeu nécessaire à la passe
d’affiliation de l’autre dès lors que l’on ne la réduit pas à « s’intégrer », mais que l’on y
adjoint « intégrer »2.
Réciprocité et asymétrie
Dès lors qu’il s’agit d’intégration, la relation se place sous le sceau de la
réciprocité, sous peine de se trouver réduite à un rapport d’assimilation ou d’exclusion.
Cette réciprocité, entendue là au sens de J.-M. Labelle3, est le garant de l’engagement
de l’une et l’autre entité dans cette question d’intégration qui vise le travail sur l’identité
comme processus socialement inscrit. Là où l’intégration travaille l’identité (ipse),
l’assimilation ne reconnaît que la mêmeté (idem) et l’exclusion seulement l’altérité
(alter).
Toutefois, il ne s’agit pas d’une réciprocité qui poserait les deux entités comme
équivalentes. Leur place différenciée dans la relation interdit précisément de procéder à
cette réduction. La relation, certes, est réciproque, c’est-à-dire que chacun s’y engage
pleinement, authentiquement, et sait qu’en retour il en sera autre, par des jeux
d’intégration réciproque des expériences vécues. Mais dans la mesure où cet
engagement même repose sur la reconnaissance partagée d’un statut de référence pour
l’un, il convient bien d’en reconnaître également la spécificité, qui ne peut plus alors se
réduire à l’ordre de la réciprocité. Car ce que le référent engage n’est pas du même
ordre que ce que l’autre engage. Ce que le référent engage pourrait se dire comme son
acceptation à assumer sa place de personne d’autorité, au sens de celui qui est auteur de
ses conduites et de ses pensées, et au sens de celui qui est garant et représentant de la loi
du groupe. Par là, il permettra à celui qui le reconnaît comme autorité d’avancer, de
progresser, d’agir, en confiance, sur le chemin de l’intégration et de l’affiliation.
La relation qui est en jeu ici, en écho à celle de réciprocité des personnes, est
celle de responsabilité exercée unilatéralement de l’un sur l’autre4. Qu’à l’issue du
processus d’affiliation, on puisse envisager une co-responsabilité des personnes à
l’égard du monde, comme le suggère H. Arendt5, certainement. C’est même le but de
toute affiliation réussie. Mais je me situe ici au coeur même du processus en train de
2
Mon propos concerne ici la relation de référence. Il va de soi que, dans le même temps, le référent doit opérer
pour lui-même ce double travail d’intégration entre « intégrer/s’intégrer », dont l’inachèvement seul est au fond
garant de sa disponibilité à accompagner celui de l’autre, disponibilité de l’ordre de la plasticité, ou de la
porosité.
3
J. M. Labelle, La réciprocité éducative, Paris, PUF, 1996.
4
Cf. H. Jonas, opus cité, 1990, p. 185 : « La responsabilité au sens le plus originaire découle du fait d’être
auteur de l’être auquel participent, par delà les géniteurs actuels, tous ceux qui consentent à l’obligation de la
procréation en ne rétractant pas leur fiat dans leur propre cas, donc tous ceux qui s’autorisent à vivre ».
5
H. Arendt, La crise de la culture, Paris, Folio, Gallimard, 1972.
2
s’élaborer, et de ses conditions de possibilité d’élaboration : elles me semblent donc
relever conjointement de la réciprocité de la relation dans sa bilatéralité ou bivocité,
pour reprendre F. Jacques6, et de la responsabilité en relation, dans une univocité
fondamentale, celle du référent, univocité largement silencieuse.
Dans le même temps, le référent, en tant qu’auteur singulier et autonome, est
engagé dans cette relation en termes d’éthique personnelle ; en tant que garant des lois
du groupe, il s’attache à conforter ce qui fait tenir ensemble ce groupe, ce lien d’origine,
qui lui confère des obligations morales.
La posture de référence facilitatrice de procès d’affiliation aurait ainsi partie liée
avec la réciprocité et la responsabilité, ainsi qu’avec la morale et l’éthique, dans des
articulations nécessairement paradoxales en écho au paradoxe « intégrer/s’intégrer » ;
ce que je vais tenter d’élucider.
II- Premières oppositions contradictoires
A) Ethique et morale en contexte
Il paraît banal d'admettre que la question de l’éthique semble aujourd’hui
apparaître en force, via les media, sur la scène politique et sociale, à travers par exemple
les débats sur la « bio-éthique », sans qu’on puisse toujours bien voir en quoi l’éthique
se distingue de la morale.
Ce qui semble émerger en première instance, ce serait le fait qu’aucune norme
pré-établie, au sens juridique du terme, ne serait susceptible d’être appliquée telle quelle
à ces questions, dans la mesure où, pour la première fois dans notre histoire, l’homme
est en mesure techniquement d’intervenir dans les processus fondamentaux de
l’inscription dans la transmission généalogique, à savoir donner artificiellement la vie et
la mort, tout en demeurant dans la légalité. Cela engage de façon renouvelée les
problématiques de l’identité, celle de l’homme singulier dans le monde et celle de
l’humanité, et rebondit récursivement sur la nécessité de repenser le Droit, dans la
mesure où la question de l'identité individuelle, dans ce qu’elle a de fondamentalement
social, est indissociable de la question du droit comme système de règles moralement
nécessaires pour que les hommes parviennent à vivre ensemble ; ce que D. de Béchillon
énonce par exemple ainsi : « L’appartenance sociale forge et constitue l’identité même
du sujet, laquelle peut s’analyser sous la forme d’une reconnaissance, par la société et
selon les formes du Droit, de l’ « accrochage » de la personne à l’espèce humaine »7.
Ce serait alors la question de l’avenir de l’humanité, des doutes quant à
« l’espèce humaine » au moment de légiférer, qui nécessiteraient le glissement de la
norme morale à l'éthique, comme à une éthique de la question, renvoyant chacun à son
for intérieur pour penser et agir en intériorisant cette nécessité devenue problématique
des hommes futurs. Dans le même temps, l’universalité des valeurs se trouve battue en
brêche par un relativisme culturel alors qu'on veut corollairement amener l’homme,
occidental du moins, à prendre conscience de son inscription dans le monde à l’échelle
planétaire8. Cela étant, le débat morale/éthique devient (au moins implicitement)
prégnant pour chaque citoyen, en tant que citoyen du monde et en tant que sujet inscrit
dans une généalogie à l'échelle aussi de l'humanité. Il l'est encore bien davantage pour
6
F. Jacques, L’espace logique de l’interlocution, Paris, PUF 1985.
Cf. Denys de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de Droit ? , Paris, Odile Jacob, 1997, p. 88.
8
Cf. E. Morin, Terre-Patrie, Paris, Seuil, 1993.
7
3
ceux qui ont à accompagner le procès d’intégration intrapersonnelle et sociale, et de
construction identitaire, d’un autre.
B) Ethique et/ou morale
1) La perspective de Ricoeur
Ricoeur le rappelle d’emblée : « Rien dans l’étymologie ou dans l’histoire de
l’emploi des termes n’(...) impose (la distinction entre morale et éthique) »9. Les deux
termes, qu’ils viennent du grec ou du latin, renvoient à l’idée de moeurs, de ce qu’il
convient de faire, soit parce qu’on l’estime bon, soit parce que cela « s’impose comme
obligatoire ». P. Ricoeur propose donc « par convention, (de réserver) le terme
d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de morale pour l’articulation de
cette visée dans des normes caractérisées à la fois par la prétention à l’universalité et par
un effet de contrainte »10.
La visée éthique placerait celle-ci du côté du sens, de l’orientation vers une vie
bonne. La norme morale s’imposerait du dehors de moi, et me contraindrait. Là où la
morale me contraint, l’éthique me libère11. Là où la morale est pour moi hétéroréférencée, l’éthique renvoie à mon autoréférence. Là où la morale me dicte de ne pas
agir ainsi pour ne pas apparaître tel ou tel aux yeux des autres, l’éthique me dicte de ne
pas agir ainsi pour ne pas être tel ou tel à mes propres yeux.
Pour Ricoeur, l’éthique n’est cependant pas à connotation solipsiste. La « vie
bonne » n’a pas de sens en elle-même : elle doit être pensée et mise en actes « avec et
pour les autres, dans des institutions justes ». Elle présente ainsi une double polarité
individuelle et collective, la première sous le sceau de l’ « estime de soi » comme vertu
solitaire, la seconde sous celui de la « justice » comme vertu d’une pluralité humaine de
caractère politique telle que les institutions peuvent en rendre compte.
L’éthique, par l’estime de soi, est à la fois la source de la morale, et en dernier
ressort, le recours auquel il faut revenir quand on se trouve pris dans les apories de la
morale et du devoir telles qu’elles peuvent entraver la vie bonne. Les institutions sont
autant de « tiers inclus entre le « je » et le « tu » », tiers inclus à la fois de l’ordre de la
pluralité et de l’anonyme »12, nécessaires pour référer la notion d’obligation dans son
universalité.
La morale, par ce qu’elle m’impose de l’extérieur, qui m’échappe en tant
qu’auteur, mais que je dois reconnaître parce que je la partage avec les autres si je veux
réussir à vivre avec eux, renvoie ainsi à la dimension « s’intégrer » du processus de
socialisation. L’éthique, en tant que mouvement interne auto-référé, se situerait plus
particulièrement du côté du mouvement complémentaire et antagoniste évoqué par
« intégrer ». Entre les deux, à leur point d’articulation, on rencontrerait alors les
institutions, posées par Ricoeur comme ce qui va permettre la relation/séparation entre
9
P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 200.
Ibidem.
11
Cf. Spinoza, qui distingue entre l’éthique, qui est le fait du sage, et où l’obéissance fait place à l’amour, et la
morale, qui peut être celle du philosophe, où des règles de vie et les préceptes de la raison peuvent guider pour
assurer, à défaut de sagesse ou de béatitude, une vie au moins raisonnable; celle de tout le monde, qui est en fait
celle des ignorants, provenant d’une inculcation mémorisée; et celle des moralisateurs, des « superstitieux qui
savent flétrir les vices plutôt qu’enseigner la vertu » et qui vivent dans la tristesse et le ressentiment.
12
« Un plaidoyer pour l’anonyme, au sens propre du terme, est ainsi inclus dans la visée la plus ample de la
vraie vie ». P. Ricoeur, Ibidem, p. 228.
10
4
« je » et « tu » : que seule fonctionne la morale, et « je » et « tu » ne sont plus
différenciés. Ils sont les deux mêmes, interchangeables, d’une totalité close. Que seule
fonctionne l’éthique, et se profile l’impossible rencontre de visées particulières,
égoïstement référées, à jamais séparées.13 La rencontre non confuse, en termes de
relation/séparation, entre l’universalité et le relativisme, nécessite ainsi l’élaboration de
leur « tiers inclus », que Ricoeur réfère aux « institutions justes » : « justes » à la fois au
regard d’une visée éthique et d’une morale normée.
S’il y a donc lieu de distinguer entre morale et éthique, c’est pour mieux
envisager les articulations qui les relient, et qui, pour Ricoeur, se jouent dans un triple
mouvement qui part d’abord de l’intériorité du sujet et qui est de l’ordre de la visée
éthique, pour rejoindre les autres par le biais de la norme morale, afin de s’incarner en
retour récursif dans une sagesse pratique, à la fois socialisée et faisant sens pour la
personne singulière, et contextualisée dans ses actions (une praxis de l’auteur).
L’affirmation éthique devient paradoxalement l’aune à laquelle, en définitive, chacun
peut reconstruire pour lui-même et intégrer les conflits que génère la perspective
morale.
A ce qui s’impose à moi de l’extérieur répond ainsi ce qui s’impose à moi de
l’intérieur.
A
l’ordre
moral
toujours
susceptible
de
déshumaniser
ses propres visées au profit de son propre maintien en tant que norme (une norme
pouvant, en définitive, devenir extérieure à tous les hommes), répond la visée éthique,
celle qui est juste dès lors qu’elle me permet d’être en accord avec moi-même, au plus
profond de moi, dans un souci de l’autre sans lequel n’existe pas l’estime de soi14.
2) La perspective de F. Imbert
La perspective de F. Imbert15, d’orientation psychanalytique dans ses
interprétations et analyses de la relation/séparation entre morale et éthique, permet de
déplacer cette problématique du champ de la philosophie morale à celui des métiers de
l’accompagnement, qui engagent ceux qui les pratiquent en tant que référents.
Pour Imbert, la morale renvoie à la règle, alors que l’éthique se réfère à la loi
symbolique. Là où la règle introduit un rapport d’appartenance et de contenance, la loi,
au contraire, vise à décontenancer et à arracher à « la possession jalouse des biens ». Le
gardien de la règle est animé « d’une pulsion à contenir le hors-la-loi, à le lier, ou à le
mettre à mort », parce qu’il représente la figure insoutenable de l’Autre. La sanction
qu’il recevra est destinée à resacraliser la règle, dans une perspective tout à fait
durkheimienne, de telle sorte qu’aucun accès à un « devenir-autre » ne soit possible.
Quand l’éducateur se situe davantage dans une visée éthique, il est « acteur de
violence symbolique », par laquelle il contribue à « ouvrir un champ symbolique
suffisamment articulé pour que chacun puisse s’y repérer dans sa différence et disposer
de l’espace nécessaire à son auto-mouvement ». Il fait en somme acte de transmission
13
Ibidem. Cela renvoie à l’émergence de « sujets ».
On retrouve là l’une des formes du combat entre Créon et Antigone, à ceci près que Créon se pose non pas
tant en garant de l’ordre moral qu’en tant que tyran garant d’une règle qu’il a énoncée lui-même. Toutefois,
Antigone incarne bien cette dimension éthique, qui veut que ce qu’elle fait s’impose à elle, quelles qu’en soient
les conséquences, même la mort. La question des institutions en tant que tiers nécessaire inclus, c’est-à-dire
intériorisé par tous, peut être perçue dans cette pièce à travers le recours aux dieux : Antigone est à la fois
animée d’un mouvement autonome qu’elle est prête à payer de sa vie et d’un mouvement politiquement
pertinent, qui interdit à un seul de nier les lois de tous, ici celles qu’imposent les dieux dans le culte des morts.
Cf. Sophocle, Antigone, Paris, Les Belles Lettres, 1994, traduction A. Dain et P. Mazon.
15
Cf. plus particulièrement F. Imbert, La question de l’éthique dans le champ éducatif, Pi Matrice, 1987 et
Médiations, institutions et loi dans la classe, Paris, ESF, 1994.
14
5
d’une violence surmontée, celle de la séparation fusionnelle originaire de la dyade
mère/enfant et de l’interdit de l’inceste, séparation nécessaire pour que l’autre naisse à
son propre désir et à sa parole.
L’éducation morale vise alors à ce qu’il n’y ait aucun écart entre l’opinion
individuelle et collective par une mise en conformité impositive. La prise en compte de
la dimension éthique dans l’éducation relève d’une tâche inachevable, d’un « incessant
travail d’articulation par la mise en pratique de la loi et d’un montage institutionnel
d’un réseau de médiation où puisse s’opérer l’interpelleation du désir ». Elle s ‘emploie
à reconnaître qu’il n’existe pas de modèle unique pour un sujet parlant, et invite à
travailler avec l’incertitude et la création, toujours, à réinscrire, dans une perspective
nettement rousseauiste.
L’enjeu de la morale serait ainsi l’ « édification d’un Moi qui n’a d’autre
fonction que de lier et d’assujettir, et qui aspire à la jouissance du sur-place »,
d’individus animés d’une volonté de maîtrise et de l’anéantissement de tout ce qui
échappe »16(tels que le désir, l’angoisse ou la parole).
L’enjeu de l’éthique serait de délier le sujet de ses « captations imaginaires,
idéologiques et narcissiques », et de lui permettre d’accepter la perte de la toutepuissance et de la toute-jouissance solitaire du Moi, via la loi de séparation et de
captation symbolique. C’est un travail de la limite, qui « se parle toujours sur fond de
gouffre », dont le tracé n’est donc jamais garanti, et qui peut avoir à se réaliser « dans le
plus grand dérangement des règles ».
3) Loi/règle ; morale/éthique
L’opposition marquée par Imbert entre règle et loi n’est pas sans poser difficulté.
On peut voir la règle comme ce qui penche du côté de la norme dans ce que le Droit en
établit, la loi étant moins directement référée au Droit comme droit positif, et, partant,
demeurant plus polysémique17. Mais D. de Béchillon 18 montre par ailleurs que le
caractère d’universalité et celui de sanction (comme réponse au manquement à la
contrainte) ne suffisent pas à caractériser une règle de droit. La séparation entre règle et
loi nécessiterait donc d’être nuancée, dans la mesure où les critères de définition de la
règle subiraient des assauts de plus en plus violents dûs tant à l’internationalisation du
droit qui passe souvent par des négociations, des accords et des formes de pression, qu’à
la prise en compte de la particularité des situations individuelles et des contextes quand
est appliquée la règle.
16
F. Imbert évoque à ce propos l’image de l’huître pour représentés cesêtres volontaires et fermés, et celle de la
statue pour rendre compte de la tendance à l'’mmpbilisme.
17
Ce que traduirait l’expression « nomo kai dikè » (νοµω και δικη) : « d’après la loi et le droit », alors que les
deux termes signifient l’un et l’autre originairement : usages, coutumes, manière d’être et d’agir, règle de
conduite. Leur différenciation se pose seulement en second lieu, quand « nomos » renvoie à la loi, et « dikè » à
la justice et au droit. Dans le texte de Sophocle, il semble difficile de repérer une différence significative dans
l’emploi de ces deux termes. En revanche, la polysémie propre à « nomos » est précisément ce qui scelle
l’opposition entre Créon et Antigone, si l’on suit J.-P. Vernant et P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce
ancienne, Paris, Maspero, 1972. Cf. p. 35 : « Sur la scène, les héros du drame se servent des mêmes mots, mais
ces mots prennent dans la bouche de chacun des significations opposées. Le terme nomos désigne chez Antigone
le contraire de ce qu’en toute conviction Créon appelle nomos ». Ce que les traducteurs rendent à travers des
expressions comme « ma loi » dans la bouche de Créon, pour distinguer d’Antigone qui se réfère aux lois des
« Dieux d’en bas ». Toutefois, il n’y a pas, dans le texte grec, cette forme possessive qui ferait de Créon l’auteur
des lois, ce qui maintient encore plus nettement la tension et la contradiction, source de la tragédie.
18
Opus cit., 1997.
6
Alors, la loi réapparaît non plus tant dans ce qui l’oppose à la règle que dans son
double aspect de ce qui doit être posé entre les hommes pour leur permettre de se parler
et de construire en commun ce qu’ils ont à élaborer pour l’humanité présente et à venir,
et de ce qui permet à chacun de caler sa propre place et sa propre voix, dans un
mouvement de séparation, articulant à la fois souci éthique et moral. La loi rejoint alors
aussi ce que Ricoeur évoque au travers des institutions19, et que F. Imbert traduit par la
« mise en pratique de la loi », qui est de l’ordre de la parole.20 Elle occupe dans ce sens
un statut d’entre-deux dans ce qu’il a de paradoxal, c’est-à-dire qui, conjointement, fait
coupure et lien dans la relation21.
La loi est ainsi à la fois loi symbolique, dont les interdits ("inter-dits") ont valeur
structurante pour la construction de la personne en elle-même dans ses rapports au
monde, et loi juridique d’une société que traduisent les normes et les règles
institutionnellement inscrites, dont « les assises sont les lois concernant la parenté la
généalogie, la filiation, l’alliance »22. Ce sont ces assises mêmes qui apparaissent
aujourd’hui déstabilisées, parce que déstabilisables à cause des avancées
technologiques.
Ainsi, dans la perspective d’Imbert, l’articulation entre morale et éthique est-elle
partiellement différente de celle que propose Ricoeur. Le premier temps est pour lui un
temps d’indifférenciation, celui de la morale au sens de Durkheim, qui lie et fait tenir
ensemble ce qui est de l’ordre du « un-tout ». Le deuxième, plus proprement éthique, est
temps de la séparation, du délier, par lequel se joue la différenciation et l’« advenue »
du sujet comme sujet du désir singulier, de l’ordre du « un ». Le troisième temps est
temps de l’alliance devenue possible, sans confusion des places, celui du « un-parmid’autres ». Soit : lier-délier-allier, dans un processus jamais achevé, toujours à réinscrire, peut-être parce que le désir ne se laisse jamais assigner à une place définitive,
ni le mien, ni celui d’autrui, tant que nous sommes vivants23.
La question du rapport entre morale et éthique rapportée à la relation de
référence pose corrélativement celle du rapport entre réciprocité et responsabilité. En
effet, considérer la part d’autonomie de chacun dans son rapport à la norme par le
respect de visées éthiques singulières qui se co-contrôlent en tenant compte les unes des
autres, c’est reconnaître une réciprocité de fait entre les sujets singuliers : réciprocité
dans la forme de leur lien (l’un ne va pas sans l’autre), et réciprocité dans leur contenu,
qui les poserait à égalité de légitimité et de force. Dans le même temps, la réciprocité,
telle qu'elle s'exprime par exemple dans la réponse "acte pour acte", porte en elle la
menace d’escalades réciproques, difficilement compatibles avec la préoccupation
d’accompagnement. A la réciprocité de la relation et à sa bivocité s'adjoint donc la
responsabilité en relation et son univocité.
19
Pour Imbert, d’ailleurs, institutions, médiations et loi ont même opérationnalité éducative et sont, en ce sens
synonymes.
20
Pour une illustration de ce travail ternaire autour de la loi, cf. l’interprétation que propose D. de Béchillon
(Opus cit., 1997, p.210-211) de l’épisode du Veau d’Or et du conflit entre Dieu et Moïse, à l’issue duquel seront
écrites les paroles de l’Alliance. C’est un jeu de reliances/déliances successives et enchevêtrées, de
présences/absences de l’un à l’autre et de chacun à soi, de tentative d’imposition de règles et de leur refus, qui
débouche sur une élaboration de la Loi, que le peuple d’Israël reçoit et avec laquelle il accepte de vivre, qu’il
mettra donc en pratique, de façon toujours inachevée et à re-prendre.
21
Cf. D. Sibony, Entre-deux. L’origine en partage, Paris, Seuil, 1991.
22
Cf. F. Imbert, art. cité, p. 17, et aussi P. Legendre, Opus cit., 1989.
23
Faudrait-il alors entendre la reliance de M. Bolle de Bal comme re-liance, où le « re » renverrait à la
récursivité et au « / » propre à ces processus du lier-délier-allier, dans leur inachêvement et leur permanence,
plutôt qu’au fait qu’il y aurait à retrouver un lien perdu (Cf. M. Bolle de Bal, Voyage au coeur des sciences
humaines. De la reliance, Paris, L’Harmattan, 1996).
7
C) Réciprocité et responsabilité
1) Réciprocité
Poser la question de la réciprocité dans le débat sur la loi morale, c’est revenir à
celui par lequel Piaget24 s’est opposé à Durkheim, et qui a fait dire à celui-là que la
perspective développée par Durkheim dans L’Education morale25 pouvait être assimilée
au « réalisme moral » de l’enfant jusqu’à 7-8 ans environ, réalisme qui se pose en
termes de contrainte stricte et de sanction expiatoire, où l’autorité des adultes prime sur
la question de la justice. En effet, comme le rappelle Imbert, Durkheim est bien dans le
souci d’une vision sociale où il s’agit de considérer ce qui fait tenir ensemble la société.
Ce serait la force sacrée du lien social, qu’il s’agit impérieusement de restaurer dès lors
qu’elle serait menacée. Un manquement à la norme est en ce sens un sacrilège, qu’il
faut punir, sanctionner, pour restaurer, aux yeux des autres, le caractère sacré de la
norme, afin que soit maintenu le lien, qui revêt là un caractère de transcendance à
laquelle on doit être soumis. A cette morale de la contrainte, Piaget oppose ce que l’on
peut appeler une morale de la réciprocité et de la coopération, qui vise à l’autonomie
des sujets par la formation d’une rationalité critique à l’égard des règles elles-mêmes et
par une participation à leur élaboration26.
Là où le maître de Durkheim est le prêtre laïc des « Dieu savoir, morale sociale
et valeurs », celui de Piaget se cherche du côté du « simple camarade », collaborateur
aîné, dont la « pédagogie active » va faciliter tant l’appropriation des savoirs que celle
des valeurs éprouvées dans la coopération réciproque, qui sont celles qu’un citoyen
d’une société démocratique doit intérioriser. Si Piaget laisse bien entendre la difficulté
de la posture (« s’il en a l’étoffe », précise-t-il) , il ne cherche pas toutefois à
approfondir en quoi il y a lieu de ne pas confondre cette forme de réciprocité avec une
totale égalité. Là où Durkheim posait la déférence et la soumission de l’élève à
l’autorité sacrée du maître de façon incontestable, Piaget introduit la nécessité que cette
contestation soit possible, par réciprocité du lien, au sens où celui-ci ne descend plus
d’un « en haut », mais se construit dans l’horizontalité, de personne à personne, pour
l’apprentissage de l’autonomie.
A cette réciprocité il semble nécessaire d’adjoindre le mouvement
complémentaire de responsabilité de l’un à l’égard de l’autre, qui, presqu’à l’inverse de
Durkheim, engage surtout l’accompagnant à ne pas faillir. Il convient de voir, dit
Piaget, qu’ « un type nouveau d’attitude morale a succédé à une attitude périmée, (car)
entre la responsabilité27 intérieure qui va de pair avec l’autonomie de la conscience et
qui résulte des rapports de coopération, et la forme de responsabilité liée à l’idée de
sanction expiatoire et par conséquent à la contrainte et à l’hétéronomie, il n’y a pas de
filiation simple, (mais) une différence de nature »28
24
J. Piaget, Le jugement moral chez l’enfant, Paris, PUF, 1969.
E. Durkheim, L’Education morale, Paris, Puf, 1963.
26
D’après les observations de Piaget, cette morale émerge spontanémént chez l’enfant vers 7-8 ans. Il reconnaît
alors davantage comme légitime une sanction qui découle de la réciprocité et non plus de la seule autorité.
27
Cf. P. Fauconnet, La responsabilité, Paris, Alcan, 1920, à propos des morales primitives et modernes, H.
Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF Quadrige, 1990, qui distingue entre morale
close et morale ouverte.
28
Ibidem, p. 272.
25
8
2) Responsabilité
Il existe un Droit de la responsabilité qui légifère en termes d’obligation et
d’imputabilité liés à des fautes. A côté de cette dimension juridique de la responsabilité,
mais aussi peu à peu à sa place, comme le fait remarquer Ricoeur29, se développe la
dimension morale de la responsabilité, encadrée par les concepts de solidarité30 et de
risque.
Ce glissement, (déplacement chez Ricoeur) qui laisse possible l’idée de
responsabilité sans faute, renvoie à la question des rapports entre l’acte et l’auteur, avec
une déresponsabilisation juridique de l’auteur tout en reconnaissant une responsabilité
des actes, et une surresponsabilisation morale de celui-ci31. Parler de responsabilité,
comme en contradiction avec l’idée de réciprocité, c’est se situer dans cette perspective
morale, et évoquer quelque chose qui ne serait pas à proprement parler sanctionné
juridiquement s’il y a manquement, mais qui engage fortement celui qui s’y reconnaît
dans son rapport aux autres et au monde, parce qu’il s’agit davantage ici de prévenir des
effets nuisibles de nos actes que de sanctionner des actes antérieurement commis dont
les conséquences sont présentes. En référence à H. Jonas32, Ricoeur invite alors à penser
que « la portée immense attribuée à nos actes par l’idée de nuisance à l’échelle
cosmique (...) peut être assumée si nous introduisons le relais des générations. (Il s’agit)
d’interpôler en quelque sorte entre chaque agent et les effets lointains le lien
interhumain de filiation33. Il est alors besoin d’un impératif nouveau, nous imposant
d’agir de telle façon qu’il y ait encore des humains après nous »34.
Cet impératif m’oblige, au sens moral, à prendre en considération ce lien
interhumain sans lequel l’humanité même est en péril. Ce lien interhumain est l’autre
nom du lien social à l’échelle planétaire, sur le chemin duquel, en tant que référent, je
tente d’accompagner l’autre, afin qu’à son tour il puisse assumer sa part de « passe »
d’humanité auprès d’autres que lui. A cet égard, c’est de l’autre dont j’ai la charge que
je suis responsable, et je signifie par là que je réponds de lui, quoi qu’il fasse, et sans
attendre réciproquement de lui qu’il se sente obligé à mon égard. « Je suis responsable
d’autrui sans attendre la réciproque, dût-il m’en coûter la vie. La réciproque c’est son
affaire. C’est précisément dans la mesure où, entre autrui et moi, la relation n’est pas
réciproque que je suis « sujet » (...) . Je suis responsable d’une responsabilité totale qui
répond de tous les autres et de tout chez les autres, même de leur responsabilité »35.
La responsabilité semblerait ainsi exactement fondée en rupture de réciprocité
pour réintroduire chacun dans l’humanité passée, présente et à venir, une responsabilité
29
P. Ricoeur, « Le concept de responsabilité. Essai d’analyse sémantique », in Le juste, Editions Esprit, 1995,
p.41 à 70.
30
Cette solidarité pourrait renvoyer à la troisième période de la construction du jugement moral qui, selon
Piaget, amène l’enfant vers 11-12 ans à considérer de ne plus concevoir la loi comme identique pour tous, mais à
tenir compte des circonstances personnelles de chacun, par une justice distributive, semblable à ce que J. Rawls
a pu théoriser. Cf. par exemple, Théorie de la justice, Paris, Le Seuil, 1987.
31
Cf. M. Villey, « Esquisse historique sur le mot responsabilité », in Archives des philosophies du droit, n° 22,
La responsabilité, Paris, Editions Sirey, 1977, p. 45-58, qui situe quant à lui « la moralisation de la
reponsabilité » au Moyen-Age.
32
H. Jonas, opus cité, 1990.
33
Ce qui conduit à penser conjointement reliance cosmique, sociale, interpersonnelle et à soi, et à construire
leurs inter-relations.
34
P. Ricoeur, art. cité, 1995, p. 65.
35
E. Levinas, Ethique et infini, Paris, Fayard, 1982, p. 94-95.
9
qui devient alors incessible36 (et en ce sens non réciproque). Elle obligerait au retrait de
soi devant l’autre, devant le souci de l’autre37 pour Levinas, à quoi Ricoeur répond par
l’exigence d’une dialectique entre souci et insouciance, entre affirmation de soi et
effacement de soi, car « le primat éthique de l’autre que soi sur le soi (...) fracturant la
clôture du même, (ne doit pas avoir) pour effet de substituer la haine de soi à l’amour de
soi ».38 L’estime de soi est bien en effet la condition nécessaire pour s’autoriser la
réponse à l’autre. La responsabilité est ainsi à considérer, dans le même temps, comme
obligation de « répondre à », dans une réciprocité de la parole constitutive de l’accès de
chacun au monde commun39.
Responsabilité et réciprocité
Cette double dimension de « répondre de » et « répondre à » serait celle que l’on
trouve sous le terme de « réversibilité », qui signifie le mouvement par lequel, dans la
réciprocité de l’échange dyadique, la mère engage sa responsabilité en renversant la
dynamique perturbatrice que l’enfant tente d’instaurer, afin que celui-ci retrouve les
repères40 de leur relation facilitateurs de sa régulation propre41. La responsabilité du
référent est ainsi conjointement de l’ordre de la réciprocité afin que l’autre fasse
l’expérience de relations de coopération et de collaboration nécessaires à une
appropriation personnelle de son rapport aux autres et au monde, et de l’ordre de cette
réversibilité toujours possible pour permettre à l’autre de se dégager de ses propres
pièges et de re-venir à lui-même.42 Dans ce double mouvement, il n’y a pas de
réciprocité en termes d’attente, de la part du référent, d’un retour de l’autre, retour qui
rendrait la relation « égale »43. Il y a, au contraire, une disponibilité à l’autre quoi qu’il
36
Cf. E. Levinas, Entre Nous, Essai sur le penser à l’autre, Paris, Grasset, 1991, p.257 : « Responsabilité qui
d’emblée (...) incomberait dans la perception même d’autrui, mais comme si dans cette représentation, dans cette
présence, elle précédait déjà cette perception, comme si déjà elle y était plus vieille que le présent et, dès lors,
responsabilité indéclinable, d’un ordre étranger au savoir ; comme si, de toutre éternité, le moi était le premier
appelé à cette responsabilité (...) . Qu’il me regarde ou non, « il me regarde » ; j’ai à répondre de lui. »
37
Ce que Levinas traduit par l’ « épiphanie du Visage ».
38
Opus cit., 1990, p.198.
39
Ce que H. Arendt développe également, quand elle considère conjointement la part incessible d’autorité et de
transmission que les générations antérieures ont à assumer et la nécessité de partager un monde commun, dont
nous sommes co-responsables. Cf. par exemple La crise de la culture, Paris, Folio Gallimard, 1972.
40
Où l’on retrouve à l’ échelle de la dyade ce qu’évoque Jonas (opus cité, 1990, p. 190) à propos du rapport de
chacun d’entre nous avec l’humanité entière : « Née de la menace (la nouvelle obligation) insiste avant tout
nécessairement sur une éthique de la conservation, de la préservation, de l’empêchement, et non sur une éthique
du progrès et du perfectionnement ? »
41
Cf. A. Sroufe, « Les relations et les troubles des relations », in Emde et Sameroff, Opus cit., 1993, p. 149 à
188, p.125.
42
De même, la réponse réciproque d’acte (sanction) pour acte (délit) contient ses limites sous la forme
d’escalades de gravité et démontre que l’acte-réponse n’a pas fonctionné comme coupure/lien pour le sujet mais
l’a au contraire renforcé dans son propre piège narcissique. Elle doit s’accompagner du travail de responsabilité
du référent, travail de parole, par lequel, à un moment donné, celui-ci suspendra son geste de réponse strictement
réciproque, c’est-à-dire symétrique, pour inventer une possibilité de réversibilité pour l’autre, afin qu’il puisse se
ressaisir lui-même, et s’auto-réorganiser. C’est ainsi, par exemple, qu’Imbert interprète, à la suite de Sibony, le
passage du Veau d’Or et des Tables de la loi. De son point de vue, Moïse a permis à Dieu de se libérer de son
enfermement mortifère sur ses Tables qu’il ne parvient pas à transmettre, et de s’arracher à lui-même. (art. cité,
p. 22)
43
Cf. également F. Varela, Quel savoir pour l’éthique ? Action, sagesse et cognition, Paris, La Découverte,
1996, p. 115 : « Lorsque l’action est accomplie sans rien attendre en retour, il peut y avoir un relâchement et
l’action est appelée générosité suprême ( ou transcendantale) ou prajnaparamita » ou encore « la compassion
inconditionnelle, impavide, « inexorable », spontanée » (p.114). Varela tente de montrer que quelque chose du
10
fasse44, sans jugement porté, et un engagement plein « dans la relation », qui
s’apparente à ce que Rogers évoque sous le terme de « considération positive
inconditionnelle », engagement auquel l’autre peut réciproquement répondre, mais
auquel il n’est, lui, jamais obligé. Cet engagement est paradoxalement aussi de l’ordre
du dégagement, ou du retrait, ou de la retenue, afin de n’être ni dans l’imposition
externe à l’égard d’autrui, ni dans la réponse immédiate et susceptible de fonctionner
comme strict miroir et répétition de ce que l’autre viendrait à tenter. Une relation là
aussi de l’ordre de la reliance/déliance45.
III- Morale et éthique, réciprocité et responsabilité, et leurs articulations
paradoxales
A) Relier et délier
A l’opposition morale/éthique s’est substituée une articulation qui a permis
d’envisager des rapports de réciprocité et de contrôle mutuel d’un terme sur l’autre, par
lesquels le conflit se trouvait en quelque sorte dépassé pour laisser place à une
dialectique entre des valeurs universelles traduites par des normes morales et la
reconnaissance de la relativité de ces mêmes valeurs que la visée éthique borne et
dynamise en permettant de les interroger46.
A l’opposition réciprocité/responsabilité s’est également substituée une
articulation par laquelle la relation de référence doit s’expérimenter en termes de
réciprocité dans l’engagement relationnel et de responsabilité inconditionnelle de la part
du référent, l’une et l’autre dimension se co-contrôlant là aussi pour ouvrir à l’autre son
accès à lui-même.47
Ces deux articulations contradictoires, je propose de les conjoindre dans une
formalisation doublement paradoxale, qui me semble traduire plus précisément les
rapports de dépendance et de co-détermination de ces différents termes dans le cadre
précis de la relation d’accompagnement et de référence.
Ainsi, en reliant morale et réciprocité, il s’agit de sortir délibérément la
dimension morale de son aspect impositif unilatéral, que le face-à-face de l’accompagné
et de l’accompagnant est toujours susceptible de réduire à un abus de pouvoir au lieu
d’une relation d’autorité : dans le cadre de cette relation, ce qui vaut pour l’autre vaut
également pour moi. Corollairement, cette réciprocité vaut pour l’ensemble des acteurs
sociaux qui, dans un état démocratique, sont tous idéalement à égalité devant la loi, et
réciproquement liés par elle. Les valeurs, dans leur prétention universelle, valent pour
même ordre que ce qu’il a pu approcher à travers les traditions orientales, et qui relève de l’éthique, engage le
psychanalyste à l’égard de son patient, du moins si l’on se réfère à la perspective éthique de Lacan.
44
Cf. P. Meirieu, Le choix d’éduquer, éthique et pédagogie; Paris, ESF, 1991. Les questions que je traite ici
courent tout au long de l’ouvrage de Meirieu.
45
Cf. M. Bolle de Bal, La tentation communautaire. Les paradoxes de la reliance et de la contre-culture,
Editions de l’Université de Bruxelles, 1985.
46
Cf. J. Piaget, Opus cit., 1969, p.322 : « La morale de la conscience autonome ne tend pas à soumettre les
personnalités à des règles communes en leur contenu même : elle se borne à obliger les individus à se « situer »
les uns par rapport aux autres, sans que les lois de perspective résultant de cette réciprocité, suppriment les
points de vue particuliers ».
47
Ce que G. Bourgeault traduit par le fait qu’ « une nouvelle éthique est en voie de gestation, fondée sur la
responsabilité-responsabilité vécue dans la conscience des solidarités nouvelles, et donc partagée-, qui apparaît
comme un nouveau paradigme. » cf. « La responsabilité comme paradigme éthique ou l’émergence d’une
éthique nouvelle »,in Actualiser la morale, Etudes réunies et présentées par R. Bélanger et S. Plourde, Paris, Ed.
du Cerf, 1992, p. 81.
11
tous. La réciprocité, dans cette affaire, ne signifie plus en retour l’égalité possible des
coups, quelque chose comme la loi du Talion, puisqu’elle est encadrée par une morale
normée, qui sert de tiers régulateur, réciproquement régulateur pour l’un et l’autre,
ciment de leur coopération possible. La coopération devient ainsi en retour « limite et
loi normative de tout groupement humain »48, parce qu’elle seule autorise et permet,
« par la discussion (...) qui n’est possible qu’entre égaux, que l’autorité souveraine (de
l’adulte soit) critiquée au nom de la raison ».49
En reliant éthique et responsabilité, le projet est de sortir l’éthique de sa possible
tendance à une auto-référence stricte, qui pourrait légitimer un conflit infini de
relativismes où chacun serait sourd et aveugle à l’autre, renvoyant indéfiniment et
statiquement chacun dos-à-dos, ou trouvant son issue dans l’affrontement duel. Ainsi, la
responsabilité m’oblige à l’égard de l’autre, de cet autre dont j’ai accepté d’avoir la
charge d’accompagnement, de façon incessible, permettant dès lors aux relativismes
éventuellement opposés de se travailler50. Mais, dans le même temps, elle ne me
subordonne pas absolument à lui, à ses caprices et ses retournements possibles, au point
que je pourrais renoncer à moi-même, parce qu’elle est encadrée par une visée éthique
qui me rappelle à moi-même, à mon souci de moi, et à mon souci de l’autre comme
devant advenir à lui-même. C’est alors d’une reliance première et fondamentale
qu’émerge la possibilité de déliance pour l’autre, déliance intra et interpersonnelle
dégagée parce qu’assurée d’accompagnement et d’engagement indéfectiblement
responsables.
2) Le travail du paradoxe
Poser la posture de référence comme relevant à la fois d’une morale de la
réciprocité et d’une éthique de la responsabilité, c’est reconnaître la complexité des
liens qui unissent l’un, l’autre et le monde, comme monde passé, présent et à venir. Que
cela procède d’une éthique de la communication, comme le suggère Habermas51,
certainement. Les « parlêtres » que nous sommes tous, ont tout à la fois à apprendre à
s’entendre eux-mêmes, à entendre l’autre, à se dire et à dire l’autre, à entendre le monde
et à le dire ensemble, dans un lien tripolaire où G. Pineau propose de considérer le
monde comme « tiers matériel, opaque et silencieux, des transactions sociales »52. Et
aussi à se taire soi-même. Mais cette posture est aussi de façon plus indicible un certain
regard et une sensibilité renouvelés, qui nous inviteraient à plus de porosité à l’autre et à
davantage de conviction en nous-mêmes, et pas seulement en notre savoir53.
48
J. Piaget, Opus cit., 1969, p. 299.
Ibidem, p. 326.
50
Cf. G. Bourgeault, art. cité, 1992, p. 90 : « Tout devient relatif mais pas arbitraire », ou encore M. Blanc qui, à
propos du concept de transaction sociale, parle de « coopération conflictuelle », « La transaction sociale, un
processus d’apprentissage du vivre-ensemble », Séminaire européen sur La transaction sociale, La Rochelle,
11-12 Avril 1997.
51
Cf. J. Habermas, Morale et communication, Paris, Editions du Cerf, 1983, ainsi que De l’éthique de la
discussion, Paris, Editions du Cerf, 1992..
52
G. Pineau, « Transaction tripolaire et formation permanente », Séminaire européen sur La transaction sociale,
La Rochelle, 11-12 Avril 1997.
53
Cf. ainsi M. Barat, La conversion du regard, Paris, Albin Michel, 1992, et F. Varela, opus cit., 1996, qui
invite à reconnaître que l’éthique renvoie davantage à ce qui est de l’ordre du savoir-faire (le know-how de
49
12
L’articulation de cette « morale de la réciprocité/ éthique de la responsabilité »
serait elle aussi placée sous le signe de « / », figure de la coupure/lien, reliance/déliance,
relation/séparation, par laquelle les deux termes du paradoxes jouent ensemble sans
confusion. Ce « / » traduit ici toute la difficulté qu’il y a à incarner ce paradoxe dans la
relation vécue à l’autre, qui suppose justement que l’on tienne ensemble la contradiction
et l’opposition sans jamais choisir absolument, rédibitoirement, l’une ou l’autre figure,
tout en faisant vivre chacune pour l’autre.
Incarner le paradoxe
Au moment même où je semble m’engager dans la réciprocité que la perspective
morale m’impose, je suis entièrement présente à moi-même en tant que responsable de
l’autre qui se construit tel qu’en lui-même, et non conformément à moi. A ce moment
même, je suis prête, disponible à entendre sa contestation, son refus, son désir singulier,
témoins de son autonomie54, sans nécessairement y répondre par les miens propres, tout
légitimes qu’ils soient55, maintenant toutefois la vivance du conflit.
Et je suis prête, au nom de cet engagement initial, à retenir ma propre opposition
et/ou à l’exprimer : dans l’un et l’autre cas, c’est la visée éthique liée à ma
responsabilité qui me dicte ma conduite, dans le souci de l’autre, que je peux seule
décider, en sachant qu’elle est cependant proprement indécidable au fond.
Que, pour parvenir à cela, j’ai dû, pour ma part, intérioriser la dimension
institutionnelle de notre contexte commun, cela va sans dire. Mais en tant que référent,
je suis aussi celle qui assume le travail sur, avec la transgression. Pour qu’un tel travail
soit possible, il faut bien que je ne m’emploie pas à être strict garant de ce qui est préétabli, ni que je tente de remplir les interstices de jeu possible pour l’autre. Il convient
plutôt que je m’attache à être celle dont comptent paroles et silences par lesquels l’autre
ose ce qui lui est propre. Ce qui, réciproquement, ne manquera pas de m’éduquer en
retour, si je veux bien entendre et voir. Mais de là à être certaine d’avoir agi de façon
juste pour l’autre, je ne le saurai absolument jamais. C’est sur ce fond de connaissance
impossible, de doute absolu, d’indécidabilité fondamentale, que se fonde ma conviction
d’accompagnant référent, qui a pour seuls garants la relation/séparation co-construite,
elle-même « encadrée » par une éthique de la discussion, et l’exigence perpétuelle de la
question. C’est sur sa portée en termes de lien interhumain à l’échelle de l’humanité à
venir, que s’appuie la nécessité de l’attention à moi et celle portée à l’autre que moi, lui
qui m’a choisie pour l’accompagner.
A une transcendance verticale, divine, se substituerait ou s’adjoindrait une
transcendance horizontale, celle des hommes entre eux et de leurs « passes »
générationnelles qui, toutes menacées qu’elles sont, n’en requièrent pas moins un
Dewey) plutôt qu’aux savoirs (know-what), et repose sur la « contextualité/immédiateté » avant
« l’intentionnel/logique » (p. 38 à 40).
54
Cf. J. Piaget, Opus cit., 1963, p. 283 : « (...) Si le fait moral demeure extérieur à l’individu et s’impose à lui
du dehors (la loi morale tend à devenir inhumaine) ; elle devient (...) singulièrement profonde si le bien constitue
la loi de perspective et la règle de réciprocité qui veulent rendre effective la compréhension mutuelle : ce que
nous recherchons alors en autrui, c’est ce par quoi autrui est susceptible de sortir de lui-même tout en se situant
dans son intime originalité ».
55
Mais ne pas répondre par les miens, c’est avoir opéré pour moi-même le travail d’élucidation de ce qu’ils sont,
et ma propre implication, ici morale. Cf. J.-M. Baudoin, « La réflexion éthique contemporaine », in
Questionnement éthique, Education permanente, n° 121, 1994, p. 13 à 52, p. 47 : « Cette implication de soi peut
être comprise comme une réciprocité effective, ayant des modalités différentes pour l’apprenant (qui s’éprouve
en principe d’abord à soi) et le formateur (qui s’éprouve d’abord à l’autre). C’est probablement de cette mutuelle
implication asymétrique, quand elle est réussie, qu’un espace de reconnaissance est ouvert ».
13
engagement éthique profond et joyeux, tel que « la sagesse redevienne un
enchantement »56.
Indécidabilité et contexte
Cette posture aux paradoxes entrecroisés ne peut donc pas se décliner en termes
de vérité définitive ou de mots d’ordre à appliquer. Elle est, par sa définition paradoxale
où « / » la rend toujours susceptible de se retourner sur elle-même et de s’inverser57,
fondamentalement indécidable, incomplète et « manquante » : c’est par cette
constitution même qu’elle rend possible l’idée d’humanité ouverte et mobile.
Simplement, ces retournements ne sont pas de l’ordre de l’aléatoire ou de l’arbitraire
purs. Ils sont des retournements « en contexte », dans des urgences de situations ellesmêmes plus largement contextualisées par l’humanité historiquement et cosmiquement
inscrite. Si elle ne peut donc s’incarner sur fond de vérité, et qu’elle s’obstine, par l’idée
d’engagement responsable, à refuser un total retrait nihiliste, cette posture devient
productrice de « sens en contexte », dans « des consensus provisoires suffisants pour la
mise au point de repères pouvant orienter les choix et guider la conduite »58, suffisants à
condition qu’ils soient élaborés pour leur réinterrogation toujours possible. La question
est seule garante de la non-évacuation du paradoxe, et, partant, de la non-évacuation de
l’indécidable avec lequel il nous faut décider.
Au fond, ma responsabilité fondamentale, celle qui me renvoie à ma solitude
absolue, est celle à l’égard de la nécessité de la question. La réponse est co-construite,
dans un échange réciproquement investi, qui nous relie l’un à l’autre, les uns aux autres,
sur fond de notre monde commun intériorisé qui devient inter-monde, tiers inclus, en
référence à des institutions que nous reconnaissons et qui nous débordent, autre
modalité de tiers inclus qui nous « trans-constitue ». L’espace réciproque est ainsi
espace d’inter-trans-co-action59, paradoxalement articulé à une responsabilité solitaire
et incessible à l’égard de cet espace même, l’ensemble pouvant se rassembler dans une
éthique de la rencontre, qui oblige (ici au sens moral) à un incessant travail sur soi,
réinterrogé à chaque rencontre singulière. Il ne se traduit par aucune axiomatique et
s’évoque en terme de posture, disposition intérieure en mouvement, par laquelle se
trouvera facilité le procès paradoxal « intégrer/s’intégrer » de l’autre que soi au monde.
Conclusion
La question de la relation posée en terme de référence assumée à l’égard d’autrui
a été travaillée dans une perspective morale. Celle-ci a révélé la nécessité d’une
approche paradoxale pour interroger la façon dont la loi fait différemment tiers entre les
hommes dans leur « vivre ensemble ». Ce statut polymorphe de la loi a montré les
56
F. Varela, Opus cit., 1996, p. 121.
Cet opérateur « / » , i.e. « versus », signifie étymologiquement « tourner, se tourner, retourner dans tous les
sens » au point qu’il peut « se renverser » et « changer, convertir ». Il figure donc une répétition dynamique,
dans un sens assez voisin de ce que Morin travaille en terme de « récursion » (cf. E. Morin, La méthode 2. La vie
de la vie, Paris, Points Seuil, 1980, p. 336 et sq.). Versus est d’ailleurs un dérivé de « re » par l’intermédiaire de
« retro, rursum ». L’un comme l’autre invitent à associer dans la contradiction, sous peine de répétition
compulsive, vidant leurs propres circuits.
58
Cf. G. Bourgeault, art. cité, 1992, p. 91.
59
Cf. F. Lerbet-Sereni, La relation duale. Complexité, autonomie et développement, Paris, L’Harmattan, 1994.
57
14
enjeux qui, à l’échelle de l’humanité, encadrent la relation interpersonnelle de référence
ou d’accompagnement d’affiliation : celle-ci devient alors la matrice au sein de laquelle
se travaille, prioritairement pour l’autre, son rapport au monde et à cette humanité
prometteuse et vacillante. En proposant de rassembler en une formulation pluriellement
paradoxale ce que peut être la posture de référence, entendue à la fois comme posture
du référent et référence parmi des postures, j’ai essayé de rendre compte de
l’impossibilité et de l’incongruité fondamentales qu’il y a à être animé d’un mouvement
unique vers l’autre. Il s’agirait, au contraire, de maintenir fermement une posture qui
relève conjointement d’une morale de la réciprocité et d’une éthique de la
responsabilité, qui engage chacun indéfectiblement dans la question, afin que l’autre, à
son tour, soit en mesure d’assumer, de façon elle aussi paradoxale, sa « passe
d’humanité ». Parce qu'au bout de cette chaîne se trouvent ceux qui, hors d'un
accompagnement référent, ne pourront que malaisément advenir à eux-mêmes et
construire leur être-au-monde, il y a comme une exigence éthique de la formation à
permettre un travail d'élucidation des postures chez ceux qui font profession des métiers
de l'humain.
BIBLIOGRAPHIE
H. Arendt, La crise de la culture, Paris, Folio Gallimard, 1972.
H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961.
M. Barat, La conversion du regard, Paris, Albin Michel, 1992.
J.-M. Baudoin, « La réflexion éthique contemporaine », in Questionnement éthique,
Education permanente, n° 121, 1994.
Denys de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de Droit ? , Paris, Odile Jacob, 1997.
R. Bélanger et S. Plourde (Etudes réunies et présentées par), « La responsabilité comme
paradigme éthique ou l’émergence d’une éthique nouvelle »,in Actualiser la morale, Paris,
Ed. du Cerf, 1992.
H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF Quadrige, 1990.
M. Bolle de Bal, La tentation communautaire. Les paradoxes de la reliance et de la contreculture, Editions de l’Université de Bruxelles, 1985.
M. Bolle de Bal, Voyage au coeur des sciences humaines. De la reliance, Paris, L’Harmattan,
1996.
E. Durkheim, L’Education morale, Paris, Puf, 1963.
R. E. Emde et A. J. Sameroff, Les troubles des relations précoces, Paris, PUF, 1993.
P. Fauconnet, La responsabilité, Paris, Alcan, 1920
15
J. Habermas, Morale et communication, Paris, Editions du Cerf, 1983.
J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Paris, Editions du Cerf, 1992.
F. Imbert, La question de l’éthique dans le champ éducatif, Pi Matrice, 1987.
F. Imbert, Médiations, institutions et loi dans la classe, Paris, ESF, 1994.
F. Jacques, L’espace logique de l’interlocution, Paris, PUF 1985.
H. Jonas, Le principe responsabilité, Paris, Le Cerf, 1990.
J. M. Labelle, La réciprocité éducative, Paris, PUF, 1996.
P. Legendre, L’inestimable objet de la transmission, Paris, Fayard, 1985.
F. Lerbet-Sereni, La relation duale. Complexité, autonomie et développement, Paris,
L’Harmattan, 1994.
E. Levinas, Ethique et infini, Paris, Fayard, 1982.
E. Levinas, Entre Nous, Essai sur le penser à l’autre, Paris, Grasset, 1991.
P. Meirieu, Le choix d’éduquer, éthique et pédagogie; Paris, ESF, 1991.
E. Morin, La méthode 2. de la La vie vie, Paris, Points Seuil, 1980
E. Morin, Terre-Patrie, Paris, Seuil, 1993.
J. Piaget, Le jugement moral chez l’enfant, Paris, PUF, 1969.
G. Pineau, « Transaction tripolaire et formation permanente », Séminaire européen sur La
transaction sociale, La Rochelle, 11-12 Avril 1997.
J. Rawls, Théorie de la justice, Paris, Le Seuil, 1987.
P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
P. Ricoeur, « Le concept de responsabilité. Essai d’analyse sémantique », in
Editions Esprit, 1995, p.41 à 70.
Le juste,
C. R. Rogers, Un manifeste personnaliste, Paris, Dunod, 1979.
D. Sibony, Entre-deux. L’origine en partage, Paris, Seuil, 1991.
Sophocle, Antigone, Paris, Les Belles Lettres, 1994, traduction A. Dain et P. Mazon.
A. Sroufe, « Les relations et les troubles des relations », in Emde et Sameroff, Les troubles
des relations précoces, 1993, p. 149 à 188.
16
F. Varela, Quel savoir pour l’éthique ? Action, sagesse et cognition, Paris, La Découverte,
1996.
J.-P. Vernant et P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, Maspero, 1972.
M. Villey, « Esquisse historique sur le mot responsabilité », in Archives des philosophies du
droit, n° 22, La responsabilité, Paris, Editions Sirey, 1977
17
Téléchargement