Conférence de Monseigneur Gérald Cyprien Lacroix
Archevêque de Québec
Primat du Canada
à la paroisse du
TRÈS-SAINT-SACREMENT
Québec, Québec, 14 juin 2011
« L’adoration eucharistique : demeurer en ma présence »
Très chers frères et sœurs,
Avec le thème qui m’est confié ce soir : « Demeurer en ma présence », demeurer en la pré-
sence de Dieu, vous vous attendez peut-être à ce que je vous parle du ciel, spontanément
nous imaginons la présence de Dieu ? Je vais plutôt vous entretenir d'une des grandes vérités de
la foi chrétienne, celle dont Jésus a parlé dans sa réponse à la question de Jude : « Si quelqu’un
m’aime, il obéira à mes paroles. Mon Père l’aimera, nous irons à lui et nous habiterons chez
lui ». (Jn 14, 23)
Voilà une parole claire. Si nous aimons le Seigneur Jésus Christ, si nous obéissons à ses pa-
roles, son Père et Lui viendront à nous et habiteront chez nous ! Un autre passage de la Parole de
Dieu dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en
vous ? » (1 Cor 3, 16). Nous devons toujours garder en mémoire cette vérité de notre foi. Si nous
appartenons au Seigneur Jésus Christ, nous devenons une habitation de Dieu. « En lui (Christ)
vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit. » (Ep 2, 22).
Dieu a envo son Esprit dans nos cœurs, car c'est par la présence de son Esprit qu’il habite
en nous. Nous comprenons bien que cette situation est spirituelle, c'est à dire qu'elle se réalise par
la présence de l'Esprit de Dieu en nous. Tout en étant du domaine spirituel, cela concerne aussi
notre corps : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous,
que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? » (1 Cor 6, 19).
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Dieu veut habiter en nous, faire sa demeure en nous. Quelle grâce merveilleuse ! Le Dieu
Tout-Puissant, le Créateur du ciel et de la terre, l'Éternel, le Dieu Saint, le Père de notre Seigneur
Jésus Christ, désire venir habiter en nous. Cette vérité fondamentale précise notre relation avec
Dieu notre Père céleste et avec Jésus Christ, notre Seigneur. Les passages des Écritures qui con-
firment la présence de l'Esprit de Dieu en nous sont très nombreux. Ils permettent de concrétiser
cette importante réalité.
Dieu ne se lasse pas de nous répéter, sous toutes les formes, qu'il veut faire son habitation
dans nos cœurs. Nous avons avantage à approfondir cette vérité de notre foi, à nous y arrêter et à
la goûter profondément. Ainsi, cette parole du Christ pénètrera notre pensée, notre esprit, notre
âme et notre cœur. Alors, avec assurance, nous pourrons adorer Notre Père céleste et son fils Jé-
sus Christ. Rappelons-nous les conditions de Sa présence : « Si quelqu’un m’aime, il obéira à
mes paroles". Mon Père l’aimera, nous irons à lui et nous habiterons chez lui ». (Jn 14, 23).
Une bonne nouvelle a fait dégringoler notre ami Zachée de son arbre : « Zachée, descends
vite, aujourd'hui il faut que j'aille demeurer chez toi » (Lc 19, 1-10). Elle s’adresse à nous aussi.
Prêtons l'oreille à cette nouvelle noyée parmi le flot de toutes les nouvelles, bonnes ou mauvaises,
concernant Dieu, et que l'humanité a accumulées depuis des millénaires. Dieu n'a qu'une seule
parole - et il la tient : c'est « je viens ». La première des choses qu'il veut que nous sachions de
lui, c'est celle-ci : « Il me faut venir demeurer chez toi ».
Qu’est-ce que cela signifie pour Dieu de « demeurer chez nous » ? Qu’est-ce que cela si-
gnifie pour nous de le laisser demeurer chez nous ? La vie va nous le révéler. Ce sera une longue
histoire, avec des hauts et des bas, parsemée de peines et de joies. Mais d'abord, entre Dieu et
nous, entre ce Dieu dont nous disons avoir entendu la voix, et nous-mêmes, il y a une histoire
d'hospitalité. De la part de Dieu, une demande d'hospitalité et de notre part, la décision de lui
ouvrir la porte ou non. Ces mots de Jésus ne cessent de me hanter et de me poursuivre : « Voici,
je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez
lui et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi » (Ap 3, 20).
En Jésus le Christ, c'est devenu définitivement, irrévocablement une bonne nouvelle. Jésus,
c'est Dieu qui tient sa promesse : je viens. Non pas une manière de parler, par prophète interposé,
par symbole, ou par tout ce que l'on pourrait imaginer pour éviter de prendre à la lettre ce simple
verbe : je viens. Jésus est ce Verbe. Il est ce Verbe « je viens ! », Verbe devenu chair. Le christia-
nisme, c'est cela.
« Zachée, descends vite. Aujourd'hui il me faut demeurer chez toi. » en ce lieu tu vis,
tu t'arranges avec ta vie et avec ce que tu en fais. Là où tu travailles et vis. Là où tu souffres et te
réjouis. tu aimes et savoures quelques bonheurs furtifs. tu dors et rêves. Au cœur de
ton corps et de tes fatigues, de tes querelles et de tes amitiés, de tes questions et de tes angoisses.
« Je viens » pour être avec toi, faire route avec toi, pas à côté, pas ailleurs, en toi.
Celui qui s’invite chez toi arrive sans escorte, sans tribunal, sans dossier. C'est Dieu aux
mains nues. Lui, le créateur des mondes, à l'intelligence insondable, vient léger comme un matin
naissant. Il peut agir ainsi car il est le commencement et le recommencement de tout commence-
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ment. Les siècles des siècles ne pèsent pas sur ses épaules. Il se présente libre de tout programme,
libre de tout préalable, libre pour toi, libre pour la rencontre.
Il vient évidemment « pour sauver ». C'est comme cela que nous disons les choses. Mais te
sauver, cela veut essentiellement dire pour lui : te permettre d'exister de nouveau sous son regard.
Le bonheur, c'est de pouvoir de nouveau vivre sous le regard de Celui de qui tu tiens tout, et qui
tient à toi non comme un maître à son esclave mais comme jamais un père n'a tenu à ses enfants,
ou un mari à sa femme et une femme à son mari, ou un ami à son ami. Oui, Zachée, il est ce
simple regard posé sur nous, ici et maintenant, mais quel regard !
Nous placer devant le Christ dans l’Eucharistie, dans son cœur eucharistique, c’est accueil-
lir Celui qui vient à notre rencontre. Ouvrir à Celui qui veut demeurer chez nous, à Celui qui veut
que nous demeurions chez Lui, en Lui. Qu’il est grand le mystère de la foi ! Mystère de commu-
nion, de relation, d’Alliance qui nous dépasse. Dieu cherche sans cesse à entrer en relation avec
nous, en amitié avec nous. La main tendue de Dieu, son amitié offerte, son Alliance proposée
exigent une réponse de notre part, une réponse qui ne peut pas être autre chose qu’une réponse
d’amour.
Jésus dit : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. » (Jn 14,15), « Celui qui a mes
commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime; et celui qui m’aime sera aimé de mon
Père, je l’aimerai, et je me ferai connaître à lui. » (Jn 14, 21). « Si quelqu’un m’aime, il gardera
ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui.
Celui qui ne m’aime pas ne garde point mes paroles. Et la parole que vous entendez n’est pas de
moi, mais du Père qui m’a envoyé. » (Jn 14, 23-24).
Nous réalisons, au plus profond de nous-mêmes, la nécessité de cette relation d'amour avec
Dieu notre Père et avec Jésus notre Sauveur, établie dans notre cœur par le Saint Esprit. Aussi
nous tendons de toute notre âme, de tout notre cœur, de toute notre force et de toute notre pensée,
vers une plus grande communion avec le Seigneur dans une obéissance humble et aimante. C'est
parce que je suis conscient de ce merveilleux privilège de la présence du Père et du Fils dans ma
vie par le Saint-Esprit, que je puis devenir un meilleur et véritable adorateur, comme le Père le
demande. Les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité (Jn 4, 23). Je réponds à l'attente
de Dieu, je me prosterne et j'adore avec toutes les créatures célestes, avec tous ceux et celles qui
l'adorent.
J'adore Dieu : « Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et
l’honneur et la puissance; car tu as créé toutes choses, et c’est par ta volonté qu’elles existent et
qu’elles ont été créées. » (Ap 4, 9-11). J'adore l'Agneau de Dieu, le Christ, mon Sauveur et mon
Seigneur.
Le livre de l’Apocalypse nous ouvre à cette adoration véritable : « Je regardai, et
j’entendis la voix de beaucoup d’anges autour du trône et des êtres vivants et des vieillards, et
leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers. Ils disaient d’une voix
forte: L’agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la
force, l’honneur, la gloire, et la louange. Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre,
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sous la terre, sur la mer, et tout ce qui s’y trouve, je les entendis qui disaient: À celui qui est assis
sur le trône, et à l’agneau, soient la louange, l’honneur, la gloire, et la force, aux siècles des
siècles ! Et les quatre êtres vivants disaient: Amen ! Et les vieillards se prosternèrent et adorè-
rent. » (Ap 5, 11-14).
Demeurer. Rappelons-nous que c’est d’abord Dieu qui a voulu venir habiter chez nous. Il a
pris l’initiative. « Au commencement était le Verbe. Et le Verbe a habité parmi nous ». Lumière
qui éclaire les ténèbres. C’est désormais le jour de Dieu. Jésus vient et il est au milieu de ses
disciples, présent dans le lieu où ils sont réunis. Homme parmi les hommes avec ses mains et son
côté, ses blessures et son amour. Le Christ ressuscité qui tient sa gloire du Père est aussi Dieu
parmi les siens. Dieu avec nous. Il répand son souffle et c’est sormais ainsi qu’Il habitera chez
nous. Ce souffle de vie sera sa présence en nous. Demeurer. Il demeure en nous pour que le
monde croie.
Vous connaissez peut-être ce Commentaire de Saint Grégoire le Grand (v. 540-604), pape et
docteur de l'Église.
« Mon Père l'aimera et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre de-
meure. » Songez-y, frères très aimés, quelle fête que de recevoir Dieu dans la de-
meure de notre cœur ! Si un ami riche et puissant voulait entrer chez vous, la maison
entière serait évidemment nettoyée, pour que rien ne puisse choquer son regard lors-
qu'il entrerait. Que celui qui prépare pour Dieu la demeure de son âme nettoie les sa-
letés de ses mauvaises actions.
Remarquez bien ce que dit la Vérité : « Nous viendrons et nous ferons chez lui
notre demeure ». Car il peut passer dans le cœur de certains sans y faire sa demeure.
Quand ils ont du remords, ils voient bien le regard de Dieu ; mais quand vient la ten-
tation, ils oublient l'objet de leur repentir précédent et retombent dans leurs péchés,
comme s'ils ne les avaient jamais pleurés. Au contraire, dans le cœur de celui qui
aime véritablement Dieu, qui observe ses commandements, le Seigneur vient et éta-
blit sa demeure, car l'amour de Dieu le remplit tellement qu'il ne s'écarte pas de cet
amour au moment de la tentation. C'est donc celui dont l'âme n'accepte pas d'être do-
minée par un plaisir mauvais qui aime véritablement Dieu... D'où cette précision :
« Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles ». Examinez-vous soigneuse-
ment vous-mêmes, frères très aimés ; demandez-vous si vous aimez vraiment Dieu.
Mais ne vous fiez pas à la réponse de votre cœur sans la comparer à vos actes.
L'attachement des disciples à Jésus s'est développé petit à petit, et un groupe solide s'est
constitué. La passion qui se prépare, et la mort du Maître qui en sera la conséquence, posent des
questions et provoquent peur, inquiétude et effroi. Le discours d'adieu de Jésus (13, 33-14, 31; 15, 1-
16, 4a; 16, 4b-33) rend compte de tous ces aspects et prend la forme d'un dialogue. On y rencontre
les questions de Thomas (v. 5), de Philippe (v. 8) et de Jude (v. 32), ainsi que les paroles d'apaise-
ment et de réconfort du Christ. Se superposent et s'entrecroisent alors le vécu de la semaine de la
passion et celui de la vie de foi de la première communauté ecclésiale.
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En effet, si le Christ part, quelle sera désormais la relation des disciples avec celui qu'ils
aiment ? le trouveront-ils ? sera sa demeure ? Privés de sa présence physique, les Apôtres
doivent compter sur une nouvelle présence à vivre dans la foi. Ce nouveau mode de relation avec
le Christ et Dieu s'effectuera dans leur cœur. Il aura un caractère intérieur et personnel, intime et
profond, tant pour eux que pour les générations croyantes qui naîtront : Si quelqu'un m'aime, il
restera fidèle à ma parole; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer au-
près de lui (v. 23).
La fidélité à la parole ! Dans le contexte, la parole, c'est le Christ, le Verbe fait chair.
est la demeure de Dieu, la vie de Dieu. Aimer Dieu, c'est donc habiter le mystère insondable de
sa parole, c'est connaître le Christ. Le croyant n'a pas à être troublé et désemparé par l'absence
physique de Jésus, car l'Esprit est donné : il est envoyé par le Père et le Fils. Dans le temps de
l'Église, celui de la mission, il y aura une étroite communion entre le Fils et l'Esprit.
Oui, « l'Esprit, celui-là qui est le Saint » jouera le rôle d'enseignant, d'avocat, de témoin
(v. 26). Tout ce que le Père avait à révéler, il l'a communiqué par son Envoyé, Jésus. Désormais,
l'Esprit nous fait souvenir de tout; il porte l'enseignement que Jésus a proclamé. En réalité, il nous
imprègne des paroles de Jésus, il nous aide à les intérioriser pour que nous ne nous attardions pas
uniquement à la lettre, mais que nous en saisissions l'esprit qui vivifie, inspire les attitudes du
cœur et les gestes chaleureux et féconds qui font vivre ceux et celles qui nous entourent.
Comment alors ne pas connaître la joie et la paix que Dieu donne ! Comment ne pas
goûter aux fruits de la foi : Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! (20, 29). La demeure de
Dieu Trinité est là au cœur de chaque personne et au milieu du peuple croyant.
Matthieu 26, 38: « Restez ici et veillez avec moi ». C'est Jésus Christ qui nous dit de rester
avec Lui. Jésus a envie que l'on soit avec Lui. (verset 40) : « Vous n'avez pas pu veiller avec moi »,
restez avec moi. Jésus Christ nous invite à le rencontrer, à aller vers Lui, à rester avec Lui, à pen-
ser à Lui, à vivre de Lui, « par Lui, avec Lui et en Lui... » Il y a tellement de circonstances
nous ne tenons plus compte de sa présence en nous, que nous ne réagissons plus avec Lui en
nous. Il y a tant d'occasions nous procédons sans Lui, sans même penser qu'Il est pour tout
réaliser avec nous. Marcher avec l'Esprit de Dieu, c'est tenir compte de Jésus en nous.
Mais au milieu des événements intenses, nous l'invitons à rester près de nous comme les
disciples d'Emmaus : « Reste avec nous Seigneur ! » (Luc 24, 29). N'a t-il pas déclaré : « Je suis
avec vous tous les jours, jusqu'à la fin des temps » (Matthieu 28, 20). Et Jésus nous dit comme à
Zachée : « Il faut que je demeure chez toi aujourd'hui » (Luc 19, 5). Sommes-nous comme l’apôtre
Jean, penchés sur sa poitrine. Désirons-nous vivre cette expérience de demeurer en la présence de
Dieu, dans le cœur du Christ ? C’est un grand secret pour grandir dans la vie spirituelle.
Saint Pierre-Julien Eymard n’hésitait pas à dire (1811-1868) :
Nous ne craignons pas de l'affirmer : le culte de l'exposition du très saint Sa-
crement est le besoin de notre temps ; il faut cette proclamation publique de la foi des
peuples en la divinité de Jésus Christ et en la vérité de sa présence sacramentelle. […]
Ce culte est nécessaire pour sauver la société. La société se meurt, parce qu'elle n'a
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