Applications des progrès du génie génétique à la lutte contre

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1983, 2 (3),
655-675.
Applications des progrès
du
génie génétique
à
la
lutte contre
les
maladies animales*
H.L. BACHRACH**,
J.J.
CALLIS**,
F.
BROWN***
et K.
STROHMAIER****
Résumé
: Le
génie génétique consiste
en des
manipulations
du
génome
des cellules
ou des
virus, permettant de produire les substances désirées
(protéines),
codées par les gènes,
en vue de
leur utilisation
par un
orga-
nisme
ou un
animal hôte. Cette définition englobe
les
recombinaisons
génétiques,
le
clonage, l'injection
ou le
transfection
de
l'ADN,
les
fusions cellulaires
et
l'induction
ou la
répression
de
l'expression
du
génome. Cette technologie fournit déjà
des
moyens efficaces
de
lutte
contre
les
maladies infectieuses. Elle
va
donner naissance
à une
nou-
velle génération
de
vaccins,
à
la fois sans danger, stables
et peu
coû-
teux; ceux-ci sont composés
de
protéines
de
surface
(ou
de fragments
de ces protéines)
des
agents infectieux, produites artificiellement
par
clonage moléculaire
ou
synthèse organique.
Un
des
premiers vaccins
de ce
type étudiés
est un
vaccin anti-
aphteux
à
base
de
sous-unités clonées. L'administration
de
deux doses
de
ce
vaccin induit
la
production d'anticorps neutralisants chez
des
bovins
et
des porcs
et
les protège contre
le
virus aphteux.
De
même,
un
peptide produit
par
synthèse organique, comportant
20
acides aminés,
a
été
conjugué
à
une protéine porteuse;
le
vaccin ainsi préparé
a
pro-
tégé
des
cobayes contre
le
virus
et
produit
des
anticorps chez
des
bovins.
D'autres possibilités nouvelles sont offertes
par les
techniques
du
génie génétique pour la prophylaxie
des
maladies.
Les
anticorps mono-
clonaux issus
de
la fusion
des
cellules immunogènes avec des cellules
de
myélome permettent d'améliorer
le
diagnostic,
le
traitement
et
l'identi-
fication des épitopes dans
les
maladies infectieuses
et
tumorales.
Les interférons, répartis en trois classes
alpha, bêta
et
gamma,
forment
un
groupe hétérogène
de
protéines
qui
modulent certaines
fonctions immunitaires. Récemment,
un
interféron
a été
produit
par
génie génétique à partir
d'E.
coli
en
quantités suffisantes pour réaliser
des essais cliniques.
* Rapport présenté
à la 51e
Session Générale
de
l'O.I.E., Paris, 23-27
mai 1983
(Thème
technique
I).
Traduction
du
rapport intitulé
: «
Achievements
in
genetic engineering
and
their
influence
on the
control
and
prevention
of
animal diseases
».
** Plum Island Animal Disease Center,
U.S.
Department
of
Agriculture, Greenport,
New York (U.S.A.)
*** Wellcome FMDV Laboratory, Pirbright, Surrey (Grande-Bretagne).
**** Bundesforschungsanstalt
r
Viruskrankheiten
der
Tiere, Tübingen (République Fédé-
rale d'Allemagne).
656
Toutes ces substances et d'autres sont actuellement produites par les
méthodes du génie génétique. Avant la fin de l'actuelle décennie, cette
technologie permettra de produire une nouvelle génération de vaccins
et d'agents thérapeutiques contre les maladies infectieuses, ainsi que
des hormones de croissance destinées à différentes espèces animales.
INTRODUCTION
Le génie génétique consiste en des manipulations du génome des cellules
ou des virus. Il permet de produire les substances désirées, codées par les gènes
(par exemple des protéines). Ces substances sont utilisées par l'organisme ou
l'animal-hôte pour le traitement d'une maladie ou d'une autre anomalie chez
d'autres hôtes. Ces manipulations comprennent les recombinaisons généti-
ques,
le clonage, l'injection ou la transfection de l'ADN, les fusions cellulai-
res et l'induction ou la répression de l'expression du génome. Cette technolo-
gie donne déjà des moyens efficaces pour mieux contrôler les maladies infec-
tieuses. Par ailleurs, des travaux sont en cours pour introduire ou renforcer
des caractères souhaitables tant chez l'homme que chez les animaux. Parmi
les réalisations de cette technologie de pointe,
s'est
révélée une nouvelle géné-
ration de vaccins, très différents des vaccins conventionnels qui contiennent
les agents pathogènes entiers (virus ou bactéries) sous forme inactivée ou atté-
nuée.
Les vaccins conventionnels sont très efficaces contre de nombreuses
maladies mais ils peuvent provoquer parfois des réactions secondaires de type
allergique ou même déclencher des maladies aiguës ou chroniques. De plus,
ils peuvent perdre leur efficacité à la température ambiante et au cours d'une
conservation prolongée au réfrigérateur. Enfin, aucun vaccin à virus entier
n'a été mis au point à l'encontre des maladies déterminées par le virus de
l'hépatite B, le .rétrovirus et de nombreux virus herpès.
Il existe donc un réel besoin de vaccins qui soient à la fois sans danger,
stables et efficaces, produits à bon marché et en grande quantité. Ils doivent
aussi protéger contre un plus large éventail de maladies que celui offert par
les vaccins à agents entiers, actuellement disponibles pour la prévention.
Heureusement, les vaccins de la nouvelle génération promettent de possé-
der tous ces caractères dans l'avenir. Ces vaccins sont composés de protéines
de surface, ou de leurs fragments, d'agents infectieux, produites artificielle-
ment par clonage moléculaire ou synthèse organique. Les deux techniques
ont été mises en oeuvre pour préparer des vaccins contre les maladies virales
ou bactériennes. Leur application aux affections tumorales et à certaines
maladies parasitaires telles que la trypanosomiase humaine est prévisible.
Ainsi, l'administration de deux doses d'un vaccin anti-aphteux à base de
sous-unités clonées a induit la production d'anticorps neutralisants chez des
bovins et des porcs. Premier vaccin efficace du genre, il a permis de les proté-
ger contre l'exposition au virus aphteux (1). D'autre part, une dose d'un pep-
tide de synthèse a été conjuguée à une protéine porteuse. Ce peptide compor-
tait 20 acides aminés correspondant aux segments 141 à 160 de la protéine
657
de surface du virus aphteux. Cette association induit la formation d'anticorps
neutralisants et protège les lapins contre la maladie (2) et trois doses d'une
chaîne de 16 acides aminés induisent les mêmes effets (3).
De la même façon, les protéines de surface du virus de l'hépatite B, pro-
duites par clonage (4) et leurs segments produits par synthèse (5, 6, 7) ont
révélé des propriétés immunogènes. Selon un auteur (8), la glycoprotéine D
du virus herpès simplex 1, clonée dans E. coli, déclenche la production
d'anticorps neutralisants vis-à-vis des virus herpès 1 et 2. Cette découvert
laisse présager le développement de vaccins anti-herpétiques destinés aussi
bien à l'homme qu'aux animaux (8). De plus, le clonage des protéines de sur-
face est actuellement réalisé sur les virus de la peste aviaire (9), de la grippe
(10,
11). Le clonage est en cours pour les virus de la parvovirose canine
(W.E. Hann, communication personnelle), de la fièvre de la Vallée du Rift
(Service de recherche médicale de l'Armée américaine, 1982), pour arénavirus
(17) et les paramyxovirus (P. Choppin, communication personnelle). L'effi-
cacité des sous-unités en tant que vaccins est accrue par les adjuvants, les pro-
téines porteuses et le mode de présentation des antigènes (par exemple leur
présentation en micelles ou leur inclusion dans un liposome).
Les techniques du génie génétique offrent aussi d'autres possibilités pour
la prophylaxie des maladies que la préparation de nouveaux vaccins à base de
protéines. Les anticorps monoclonaux issus de la fusion de cellules immuno-
gènes avec des cellules de myélome sont en train d'améliorer le diagnostic, le
traitement, et l'identification des épitopes dans les maladies infectieuses et
tumorales. De même, les anticorps monoclonaux permettent d'envisager de
façon plus réaliste la préparation de vaccins contre les anticorps idiotypiques.
Enfin, la production d'interférons alpha, bêta et gamma et de leurs modifica-
tions par recombinaison de l'ADN pourrait devenir abordable en médecine
humaine et, dans certains cas, en médecine vétérinaire : par exemple, repro-
ducteurs de concours, chevaux de course, animaux de compagnie de grande
valeur.
VACCINS A SOUS-UNITÉS
Au cours des années 1970, il a été formellement démontré que les protéi-
nes de surface isolées à partir des virus et de certaines bactéries pouvaient
induire la synthèse d'anticorps neutralisants et protéger les animaux contre
les agents infectieux correspondants. Des cours segments de protéines de sur-
face découpés sur certains virus (tels que le virus aphteux) ont montré un
pouvoir immunogène (18, 19, 20). Ces constatations sont conformes à celles
d'Atassi qui a démontré que les déterminants antigéniques (les épitopes) dans
les protéines (par exemple, la myoglobine ou le lysozyme) sont formés de
séquences d'acides animés de surface. Ces séquences comprennent 6 à 7 aci-
des aminés liés de façon continue ou discontinue entre les segments distaux de
la chaîne protéique; ils sont mis en contact par le repliement tertiaire et stabi-
lisés par les ponts disulfures (21). Un raisonnement a priori fondé sur la brié-
veté des sites de fixation des anticorps a révélé également que chaque épitope
était vraisemblablement très court.
658
Les résultats obtenus avec les vaccins composés de sous-unités naturelles
et la preuve de la brièveté des épitopes ont orienté les travaux de nombreux
laboratoires vers la production artificielle des protéines de surface et de leurs
segments actifs par clonage moléculaire ou synthèse organique. Ces éléments
antigéniques ont fait également l'objet de contrôles quant à leur capacité de
produire des anticorps neutralisants et de protéger les animaux exposés. Pra-
tiquée sous forme manuelle ou automatisée, la synthèse organique des poly-
peptides et des protéines relève d'une technique de chimie organique bien
maîtrisée alors que leur clonage moléculaire ne
s'est
développé qu'en 1973.
Le clonage consiste à introduire un segment d'ADN (issu du génome)
codant pour les protéines désirées, dans un ADN vecteur à double brin (db)
(par exemple un plasmide bactérien ou un ADN viral). L'ADN est ensuite
transféré dans un hôte monocellulaire (pro- ou eucaryote) ou chez un animal
en vue de sa réplication et de son expression sous forme de protéines.
La plupart des techniques de clonage sont devenues pratique courante
mais la préparation du segment qui code l'ADN est souvent difficile. Ainsi,
en l'absence d'ADN naturel pour exprimer une protéine, comme celles de
nombreux virus ARN, il convient de préparer un ADN complémentaire à
double brin (db) par voie enzymatique : on traite l'ARN du génome viral
isolé ou l'ARN messager (ARNm) par la transcriptase réverse.
Si l'ARN est polycistronique (c'est-à-dire s'il code pour plusieurs protéi-
nes),
il convient de déterminer la séquences d'acides aminés de la protéine
désirée pour identifier les segments correspondants de l'ADN complémen-
taire à double brin, dont on déterminera, à leur tour, la séquence, le plus sou-
vent selon la méthode de Maxam et Gilbert. Pour une protéine codée par un
ARNm monocistronique, on peut parfois préparer l'ADN nécessaire sans
avoir établi préalablement la séquence de la protéine ou des acides nucléi-
ques.
En
bref,
la protéine naissante est encore attachée à son ARNm (dans un
extrait cellulaire) lorsqu'on la précipite dans un anticorps très spécifique.
L'ARN messager est séparé de la protéine et transcrit comme précédemment
en ADN complémentaire à double brin en vue de son insertion dans un vec-
teur approprié.
Les vaccins à base de protéines obtenues par clonage ou synthèse ont plu-
sieurs avantages que ne possèdent pas les vaccins à agent entier. Ces protéines
ou polypeptides ne proviennent pas de particules virales. Donc, ils ne sont
pas infectieux, résistent aux variations thermiques et sont beaucoup moins
enclins à déclencher des effets secondaires défavorables comme ceux qui font
suite parfois à l'injection de vaccins à agent entier.
L'inconvénient actuel réside dans le fait que les vaccins à base de protéi-
nes artificielles sont encore au stade expérimental. Il faudra encore un certain
temps avant qu'on dispose de données suffisantes pour permettre leur géné-
ralisation par des essais sur le terrain. Les vaccins à base de sous-unités ont
des applications potentielles aux maladies virales, bactériennes, parasitaires et
tumorales. Cependant, puisque la plupart des travaux ont porté sur les vaccins
659
a protéines dirigés contre les maladies virales, le degré d'avancement des
recherches à leur égard sera décrit de façon détaillée dans ce rapport alors
que les travaux relatifs aux autres maladies seront évoqués plus brièvement.
VACCINS A SOUS-UNITÉS CONTRE LES MALADIES VIRALES
On classe dans les familles des Viridae les virus qui possèdent une même
structure spécifique, un génome de composition identique et, par conséquent,
des protéines très comparables en nombre et en types dans leur « noyau » et
à leur surface. La réponse immunitaire de l'hôte aux protéines virales de sur-
face est l'élément le plus important pour développer l'immunité vis-à-vis des
maladies virales.
Le Tableau I, modifié de Bachrach (22), regroupe les virus selon leur
famille. La 3e colonne indique les protéines de surface qui, une fois isolées du
virus,
conservent une ou plusieurs des protéines immunogènes suivantes :
a) réaction avec les anticorps neutralisants ou précipitants,
b) induction d'anticorps neutralisants ou précipitants,
c) protection des animaux contre une infection virale d'épreuve.
Les colonnes 4 et 5 mentionnent, dans la situation actuelle, la production
de ces immunogènes ou de leurs segments actifs soit par clonage soit par
synthèse organique.
Comme plusieurs centaines de virus animaux sont maintenant identifiés,
on ne peut pas les indiquer tous dans le tableau. Cependant, il faut noter un
principe important : une fois que sont réalisés pour un membre d'une famille
de virus, l'isolement, le clonage ou la synthèse des immunogènes, les mêmes
techniques devraient s'appliquer aux autres membres de la famille. Par con-
séquent, nous présentons surtout dans le tableau les immunogènes protéiques
contenus dans les membres d'une famille, pour lesquels on a réalisé les plus
grands progrès jusqu'à maintenant.
Les vaccins à sous-unités contre les papovavirus, les adénovirus et les
virus herpès seront envisagés en commun : en effet, ils présentent des simili-
tudes dans leur mode de réplication et dans la capacité de leur ADNdb isolé à
provoquer l'infection. Au sujet des papovavirus, le clonage de leur ADN
viral, impliqué dans la formation des verrues humaines est en cours et per-
mettra peut-être de préparer un vaccin (Université de Minnesota, 1981). Par
ailleurs, on a synthétisé deux polypeptides du virus simien 40. Ces polypepti-
des possèdent partiellement le pouvoir immunogène du volumineux antigène
tumoral codé par le virus (23). Au sujet des adénovirus, il a été signalé que les
fibres des hexons et des pentons induisaient la production d'anticorps neutra-
lisants (24). De plus, une collection de segments d'ADN issus d'adénovirus a
été préparée par clonage moléculaire et fonctionnement à l'aide de l'endonu-
cléase de restriction (H.S. Ginsberg, communication personnelle). Cepen-
dant, rien n'a été publié, à notre connaissance, sur l'expression de l'une ou
l'autre de ces protéines de surface.
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