Photométrie Nous allons voir dans ce chapitre comment les phénomènes d'émission et d'absorption de lumière par les atomes ou les molécules peuvent être utilisés pour le dosage de certaines solutions les contenant. Pour cela, nous devrons préalablement définir quelques grandeurs "photométriques" c'est-à-dire relatives à la mesure de la lumière. 1 Le flux lumineux 1.1 Mise en évidence de l'énergie lumineuse Un faisceau de lumière transporte de l'énergie. Cette énergie peut être mise en évidence par l'expérience illustrée par la figure 2 : un thermomètre dont le réservoir a été noirci afin d'absorber l'énergie, est éclairé par un faisceau lumineux. On constate au bout de quelques instants une augmentation de la température. L'énergie transportée par le faisceau lumineux s'est transformée en chaleur sur la partie noire. La température monte C'est aussi cette énergie, transportée par le faisceau lumineux, qui impressionne la rétine et provoque le mécanisme de la vision. Flux lumineux Fig 2 : Un faisceau lumineux transporte de l’énergie. Cette énergie transformée en chaleur provoque une élévation de la température. 1.2 Le flux énergétique Φ e Une lampe à incandescence envoie de la lumière, donc de l'énergie, dans toutes les directions de l'espace qui l'entoure. On appelle flux énergétique, la quantité d'énergie émise, sous forme de rayonnement, par une source lumineuse, pendant l'unité de temps. Dans le système international d'unités, le flux énergétique s'exprime donc en joule par seconde, c'est-à-dire en watt. Il est analogue à une puissance. Pour une lampe à incandescence, le flux énergétique est la puissance indiquée sur la lampe. Remarque :Le Soleil envoie sur la Terre un flux énergétique d'environ 2 × 10 17 W ! 1.3 Le flux lumineux Φ l Un flux énergétique pénétrant dans l'oeil produit sur la rétine une sensation lumineuse. Cette sensation dépend, à flux énergétique donné, de la personne qui reçoit la lumière mais aussi de la longueur d'onde de celle-ci. La sensation est en particulier plus intense pour de la lumière jaune que pour de la rouge ou de la bleue. On est donc amené à définir un autre flux que l'on appelle flux lumineux, qui est proportionnel au flux énergétique, mais qui dépend de l'effet produit sur l'oeil. Le flux lumineux s'exprime en lumen ( lm ) Il se calcule à l'aide de la formule Φ = km ⋅Vλ ⋅ Φ e l Le facteur km est une constante qui permet de relier le watt et le lumen : km = 683 lumens par watt Vλ est l'efficacité lumineuse relative sur l'oeil de la longueur d'onde λ. Comme l'oeil présente un maximum de sensibilité pour la radiation vert-jaune de longueur d'onde 555 nm, on choisit Vλ = 1 pour cette longueur d'onde. Pour les autres longueurs d'onde Vλ , est inférieur à 1 et elle s'annule en dehors de l'intervalle 400 - 750 nm (fig. 3). Pour une lampe de 60 W, le flux lumineux est de 600 lumens. Pour un tube fluorescent de 40 W, il est de 2900 lumens. Ces sources lumineuses émettent une lumière complexe composée de nombreuses longueurs d'onde, le flux lumineux émis est alors la somme des flux correspondant à toutes les composantes monochromatiques. Fig 3 : Variation de l’efficacité lumineuse relative d’une lumière sur l’œil en fonction de sa longueur d’onde. L’œil est plus sensible vers 550 nm (couleur jaune-vert) 1.4 Mesure d'un flux lumineux ou énergétique Le flux émis par une source lumineuse peut se mesurer : on utilise pour cela une cellule photoélectrique, un phototransistor … Ce sont des récepteurs sensibles à la lumière qui, lorsqu'ils sont éclairés par un faisceau lumineux, sont parcourus par un courant électrique dont l'intensité est, dans certaines conditions, proportionnelle au flux reçu . 2 Absorbtion de lumière par une solution : Transmittance et absorbance. 2.1 Les couleurs des solutions La couleur d’une solution d’un composé est la conséquence de l’absorption d’une partie de la lumière provenant d’un faisceau de lumière blanche qui la traverse. Si la solution absorbe une partie de la lumière dans un domaine de longueurs d’ondes, la couleur perçue par l’œil est la couleur complémentaire de celle associée aux photons absorbés. Les domaines de longueurs d’ondes des six couleurs de base sont indiqués dans le tableau cidessous : Couleur du permanganate perçue par l’oeil rouge jaune Couleur absorbée Longueur d’onde (nm) Couleur perçue Rouge 620-700 Cyan Jaune 560-590 Bleu Vert 520-560 Magenta Cyan 480-500 Rouge bleu vert cyan Couleurs absorbées par le permanganate de potassium Bleu 420-460 Jaune Magenta 380-420 vert D’après CAPES et AGREGATION de Sciences Physiques : 100 manipulations de chimie. Chimie Générale et Analytique de Jacques Mesplède et Jérôme Randon (Ed. Bréal) Si la couleur absorbée est l’une des couleurs de base, la couleur perçue est celle qui figure en opposé dans les triangles des couleurs ci-dessus. Mais en réalité, comme la perception de l’œil n’est pas la même pour toutes les longueurs d’onde (il est plus sensible pour le jaune que pour le bleu ou le rouge), la sensation visuelle diffère un peu. Si la solution absorbe dans un domaine quelconque, la couleur perçue se déduit approximativement à partir des triangles des couleurs. Ainsi, comme l’a montré l’expérience réalisée avec la lumière issue de différents filtres à travers une solution de permanganate de potassium dans l’eau, l’absorption est grande dans le cyan et le jaune et est maximale dans le vert. L’œil perçoit les couleurs opposées : magenta, rouge et bleu dont le mélange restitue la couleur caractéristique du permanganate de potassium en solution. 2.2 Transmittance T Si nous éclairons une cuve contenant une solution absorbante à l'aide d'un faisceau de lumière monochromatique, nous constatons qu'à la sortie de la cuve, le flux lumineux émergent est inférieur au flux lumineux incident (fig. 5). La solution a donc absorbé une partie de la lumière et transmis l'autre partie. cuve avec solution absorbante Φ0 Φt Flux incident Flux transmis Φt < Φ0 Fig5 Si on note Φ0 , le flux lumineux (ou énergétique) incident et Φ t , le flux lumineux (ou énergétique) transmis, on appellera transmittance T de la solution le rapport du flux transmis au flux incident, soit : Φ T= t Φ0 La transmittance, rapport de deux grandeurs de même nature s'exprime sans unité. D'après sa définition même, la transmittance est inférieure ou égale à 1. Elle est égale à 1 pour une solution qui n'absorbe pas du tout la lumière. 2.3 Absorbance A Par définition, on appelle absorbance A d'une solution de transmittance T, le logarithme décimal Φ 1 de l'inverse de T, soit A = log = log t T Φ0 Comme T, A n'a pas d'unité mais varie théoriquement entre 0 et l'infini. Dans la pratique A n'excède par 2, comme nous le verrons par la suite. la figure 6 montre les variations relatives de T et A (pour une même solution) en fonction de λ. fig 6 3 : Loi de Beer Lambert pour une solution absorbante 3.1 Enoncé L'étude expérimentale de l'absorbance de nombreuses solutions éclairées en lumière monochromatique montre qu'elle dépend de quatre facteurs : l'épaisseur de solution traversée la longueur d'onde de la lumière utilisée; la nature du soluté que contient la solution la concentration de la solution. solution de concentration c Flux incident Flux transmis l Fig 7 Beer et Lambert ont montré que l'absorbance A d'une solution est donnée par la loi : A = ε ⋅l⋅c (fig. 7) - l est l'épaisseur (en m) de la solution traversée par la lumière. - c est la concentration molaire (en mol.m-3) de cette solution. - ε est le facteur qui dépend à la fois de la nature du soluté et de la longueur d'onde utilisée. On l'appelle coefficient d’extinction molaire ou absorbance linélique molaire et on l'exprime en m2.mol-1 dans le système international. Pour une solution donnée, ε varie beaucoup avec la longueur d'onde de la lumière utilisée (fig. 8) et très peu avec la température. Fig 8 : Variation de A avec la longueur d’onde pour une solution de KMnO4. La courbe présente un maximum à environ 525nm 3.2 Conditions d'utilisation de la loi Pour que la loi puisse s'appliquer, il faut que certaines conditions soient remplies : la lumière doit être monochromatique; les solutions utilisées doivent être très peu concentrées sous peine d'absorber toute la lumière ; les solutions testées doivent être homogènes (ni suspension, ni émulsion) et non fluorescentes. 3.3 Absorbance d'un mélange Si une solution contient deux espèces absorbantes (ou plusieurs) de concentrations respectives cl et c2 (c3, c4, ... ) qui ne réagissent par l'une sur l'autre, l'absorbance du mélange est alors la somme des absorbances dues à chaque constituant du mélange: A = A1 + A2 ( +...) = ε 1 ⋅ l ⋅ c1 + ε 2 ⋅ l ⋅ c2 ( +...) 4 Dosage d’une solution par spectrophotométrie 4.1 Le spectrophotomètre L'absorbance d'une solution étant une fonction linéaire de sa concentration, on pourra, à partir de la mesure de son absorbance, déterminer la concentration molaire de la solution. L'absorbance d'une solution peut se mesurer en utilisant l'appareil approprié qui est le spectrophotomètre (fig. 9). Il en existe de nombreux modèles mais tous possèdent : une ou plusieurs lampes : par exemple une lampe à incandescence à filament de tungstène pour la lumière visible et une lampe au deutérium pour l'ultraviolet. un monochromateur, prisme ou réseau ou filtres , qui permet la séparation des longueurs d'onde émises par la lampe. La rotation du monochromateur permet de sélectionner la radiation désirée. une ou deux cuves dans lesquelles on placera la solution à doser et de l'eau pour laquelle l’absorbance A est nulle (étalonnage de l'appareil), un système de mesure de l’absorbance A comportant une cellule photoélectrique, un amplificateur, et un affichage de l'absorbance. Φ0 Φ0 Φ solvant Φ0 Φ solution Φ 4.2 Longueur d'onde à utiliser Nous avons dit dans le paragraphe précédent qu'il était nécessaire d'utiliser une lumière monochromatique pour pouvoir appliquer la loi de Beer-Lambert, puisque ε dépend de λ. Or, il n'existe aucune lumière strictement monochromatique. Toutes les sources dites monochromatiques émettent en fait simultanément une petite série de longueurs d'onde comprises dans un intervalle ∆λ très étroit. ε aura donc plusieurs valeurs pour la lumière utilisée. Pour que ces valeurs soient très voisines, on est amené à travailler avec la longueur d'onde autour de laquelle la variation de ε est la plus faible possible. Le tracé de la courbe A = f ( λ ) correspondant à une solution donnée permet de déterminer cette longueur d'onde de travail. En effet, A = f ( λ ) présente un maximum pour la plupart des solutions. De part et d'autre de ce maximum A, donc ε qui lui est proportionnel, varie peu (fig.8). On choisira donc systématiquement pour l'étude d'une solution absorbante la longueur d'onde correspondant au maximum de A = f ( λ ) . A A Remarque : la longueur d'onde du minimum de A = f ( λ ) peut aussi convenir car autour de cette longueur d'onde, ε varie peu mais l'absorbance est alors beaucoup plus faible et donc la précision des mesures moins grande. 4.3 Tracé de la courbe A = f ( c ) La longueur d'onde de travail étant déterminée, on pourra, en utilisant une série de solutions de concentrations c connues, tracer pour une substance dissoute donnée la courbe A = f ( c ) . Celle-ci est -2 -3 -1 une droite si les concentrations utilisées sont faibles (< 10 à 10 mol.L ) (fig. 10). Il suffira alors, pour la solution de concentration inconnue, de mesurer son absorbance et de lire la concentration correspondante sur la courbe A = f ( c ) (voir TP ). Vous verrez, en Terminale, que l'étude de l'évolution de l'absorbance d'une solution colorée au cours d'une réaction chimique, peut permettre d'étudier la vitesse à laquelle se déroule cette réaction. Fig 10 : La fabrication de solutions-étalons par dilution d’une solution mère permet de tracer la courbe A=f(c), qui est une droite, si les solutions utilisées sont suffisamment diluée. Variation de l’absorbance en fonction de la concentration de la solution Solution mère (1mmol/L) Réalisation de la gamme étalon (de 0,1mmol/L à 1mmol/L) 5 Le photomètre de flamme. Un autre appareil, le photomètre de flamme, permet de déterminer la concentration molaire de certaines solutions. Son principe est totalement différent de celui du spectrophotomètre. 5.1 Principe Dans un atome, ou un cation métallique, les électrons ont des niveaux énergétiques quantifiés. Toute variation d'énergie correspond au passage d'un électron d'un niveau énergétique à un autre. L'absorption d'énergie correspond à une transition électronique d'un état stationnaire à un autre de plus forte énergie : c'est l'état excité instable. L'émission énergétique, et en particulier l'émission de radiations électromagnétiques, correspond à la transition inverse : de l'état excité à l'état fondamental de plus basse énergie. Certains atomes ou cations métalliques sont susceptibles d'être excités par une flamme. Des électrons sont amenés à un niveau d'énergie supérieur par chauffage dans la flamme d'un brûleur à gaz, et, lors du retour à l'état fondamental, il y a émission d'énergie lumineuse, sous forme de photons. Pour un métal donné, il y a émission, dans ces conditions, d'un spectre de radiations simples, chacune d'elles correspond à une transition électronique possible. La photométrie de flamme permet le dosage des cations alcalins Li+ , Na+ et K+ . 5.2 Descrition de l'appareil Le photomètre de flamme permet de doser des solutions d'ions sodium ( Na + ), potassium ( K + ), ou lithium ( Li + ) par analyse de la lumière que ces ions émettent lorsqu'on les excite par une flamme. Il comporte : Vol Approx un système de pulvérisation de la solution à doser. un brûleur où le carburant (butane), le comburant (air) et la solution pulvérisée donnent une flamme colorée par l'ion à doser : jaune pour le sodium, rouge-orangé pour le lithium et violet pâle pour le potassium. un filtre isolant la longueur d'onde caractéristique de l'ion étudié, en éliminant d'éventuelles autres radiations. Un système de mesure comportant une cellule photoélectrique qui, par l'intermédiaire d'un amplificateur et d'un milliampèremètre, donne une indication proportionnelle au flux lumineux reçu. On montre que: pour une même température de flamme et pour une longueur d'onde donnée, le flux lumineux émis par le cation pulvérisé dans la flamme est fonction de sa concentration. Schéma de principe d’un photomètre de flamme 5.3Détermination d'une concentration Voir TP : dosage d’une eau minérale 120 100 Intensité relative 80 60 Ion potassium Ion sodium 40 20 0 0 0,005 0,01 0,015 0,02 0,025 0,03 0,035 Concentration en g/L Fig. 12. La figure donne deux exemples de courbes D = f ( cNa + ) et D = f ( cK + ) qui serviront au dosage du sodium et du potassium contenus dans une eau minérale.