Christian Salenson
LIMINAIRE
Les célébrations anniversaires se multiplient. Les personnes
réunissent volontiers leurs amis pour fêter leur changement de
dizaine! Les institutions elles-mêmes n’échappent pas à l’air du
temps. Des anniversaires, tel celui de l’édit de Nantes, sont très
médiatisés. La proximité du troisième millénaire contribue sans
doute à ce besoin de se souvenir, de comprendre et d’évaluer l’his-
toire, son histoire ou celles des institutions dans lesquelles vivent
les personnes. Un travail s’effectue sur la mémoire qui cherche à
guérir des blessures du passé et à donner force pour l’avenir. Ceci
dans le meilleur des cas, car nous ne pouvons exclure que parfois
il s’agit moins de travail d’anamnèse que d’une tentative d’exor-
ciser l’histoire… et pour cause!
Ce siècle a vu, en effet, les conflits les plus meurtriers que le
monde ait jamais connu. Deux guerres mondiales en une
génération. Cette violence insoutenable a produit dans nos sociétés
une rupture telle que, comme le dit Hannah Arendt, les cadres de
référence ont volé en éclat, et que la rupture de tradition est telle
que l’homme contemporain s’est trouvé dans une situation inédite
de sa condition humaine1. Les travaux des psychologues autour de
Bettelheim2analysent les retentissements de la Shoah dans la
subjectivité de l’homme, retentissements qui n’affectent pas
uniquement la génération de la guerre mais qui se sont transmis
aux descendants. On n’a pas encore pris la mesure de ce que « le
plus grand crime de l’histoire » a opéré dans l’inconscient collectif.
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1. Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951 (tr. fr. Paris, Seuil, 1972).
2. Bettelheim, La forteresse vide, Paris, Gallimard, 1970; Survivre, Paris, Laffont,
1979.