Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19), n° 4, avril 2002
Un autre groupe de chercheurs a
analysé les articles traitant de la rela-
tion entre maladies coronariennes et
émotions publiés de 1980 à 1998. Ils
ont abouti à des conclusions plus tran-
chées. Selon eux, l’implication de
l’anxiété dans l’installation de mala-
dies coronariennes semble la plus
crédible, alors que l’association avec
la colère et l’irritabilité semble plus
limitée mais suggestive. Quoique la
dépression ait été liée de manière
significative à la mortalité consécutive
à un infarctus du myocarde, les argu-
ments en faveur de son rôle dans l’ins-
tallation de la maladie cardiaque
semblent mitigés. Pour ces auteurs, il
apparaît de plus en plus clairement que
des émotions négatives sont suscep-
tibles d’influencer le développement
de maladies coronariennes (Kubzansky
L, Kawachi I. Going to the heart of the
matter : do negative emotions cause
coronary heart disease ? J Psycho-
somatic Research 2000 ; 48 : 323-337).
Mots clé. Maladies coronariennes –
Émotions – Somatisation.
La dépression comme
antécédent dans les
maladies cardiovasculaires :
existe t-il une différence
entre sexes ?
Columbus (États-Unis)
elon une étude de suivi menée sur
12 mois, la dépression ne semble
pas être un état fréquent chez les
patients souffrant de maladies corona-
riennes et les études montrent que
seulement 15 à 22 % d’entre eux
présentent une dépression suite à un
accident cardiaque. Toutefois, chez les
patients souffrant de troubles corona-
riens, la dépression est associée à une
baisse de la survie, tant à court qu’à
long terme. Certains auteurs ont
avancé l’hypothèse selon laquelle le
risque à long terme pourrait provenir
de facteurs qui aggravent l’athérosclé-
rose, comme les perturbations hormo-
nales et la difficulté à respecter un
comportement et un style de vie
recommandés en cas de maladie
cardiovasculaire. La question de savoir
si la dépression peut faciliter la
survenue de maladies cardiovas-
culaires chez des individus a égale-
ment été examinée. Une étude
préliminaire, menée en 1998, indiquait
que la dépression est, chez l’homme,
un prédicteur de maladies corona-
riennes et d’infarctus du myocarde.
Les femmes étant plus sujettes à la
dépression que les hommes, il était
intéressant d’explorer si cette suscepti-
bilité particulière affectait la relation
entre la dépression et les maladies
cardiovasculaires. Les Drs Ferketich et
al. ont testé l’hypothèse selon laquelle
les effets de la dépression sur l’inci-
dence de maladies coronariennes et la
mortalité diffèrent entre les hommes et
les femmes (Ferketich A, Schwartzbaum A,
Frid D et al. Depression as an antece-
dent to heart disease among women
and men in the NHANES I study. Arch
Intern Med 2000 ; 160 : 1261-8). Les
auteurs ont analysé les données de
5007 femmes et 2 886 hommes,
inclus dans la première étude améri-
caine de suivi national concernant la
santé et la nutrition (NHANES I). Au
moment de l’évaluation de départ
(1982-1984), les sujets ne présentaient
aucune maladie cardiovasculaire et ont
rempli une échelle de dépression (la
CES-D, Center for Epidemiologic
Studies Depression Scale). Les sujets
ont été évalués, soit jusqu’à la fin de
l’étude (1992), soit jusqu’à l’appari-
tion d’un trouble coronarien. À partir
de l’incidence des maladies corona-
riennes et de leur mortalité, les auteurs
ont calculé le risque relatif d’incidence
et de mortalité cardiaque chez les
hommes et les femmes dépressifs, en
contrôlant les facteurs de risque stan-
dard (tabac, pauvreté) des maladies
coronariennes. Les résultats montrent
que les femmes de l’étude ont présenté
187 événements cardiaques non létaux
et 137 ayant entraîné la mort, alors que
187 événements non mortels et 129 événe-
ments mortels étaient comptabilisés
chez les hommes. L’incidence de
troubles cardiovasculaires était 1,73 fois
plus élevée chez les femmes dépri-
mées que chez les autres, ce chiffre
atteignant 1,71 chez les hommes.
Aucune incidence de la dépression sur
la mortalité des femmes cardiaques
n’a été mise en évidence. En revanche,
les hommes déprimés avaient un
risque plus élevé de mortalité cardio-
vasculaire par rapport à des hommes
non déprimés, le risque étant multiplié
par 2,3. Les risques standard ayant été
contrôlés, les résultats de cette étude
démontrent l’existence d’une relation
entre la dépression et un risque accru
de maladies cardiovasculaires, tant
chez la femme que chez l’homme, et
cette étude est la première à démontrer
que la dépression est susceptible d’af-
fecter le risque de maladies corona-
riennes chez la femme. L’effet de la
dépression était cependant différent
selon le sexe : des problèmes coronariens
étaient associés à des taux plus élevés
de dépression chez les femmes et, par
ailleurs, la dépression n’avait pas d’inci-
dence sur la mortalité chez ces dernières.
Chez les hommes, la dépression était
associée à des risques coronariens tant
mortels que non mortels.
Contrairement aux chiffres avancés
plus haut, des chercheurs canadiens
considèrent pour leur part que le taux
de dépression chez les cardiaques est
largement sous-estimé, et qu’au moins
30 % de patients hospitalisés pour
maladie coronarienne souffrent de
dépression à des degrés divers. Ils
observent que la dépression est asso-
ciée à des risques accrus de mortalité
et notamment quand la dépression
persiste pendant au moins un an après
la sortie de l’hôpital. En dépit de ses
conséquences graves pour le pronostic
et pour la future qualité de vie des
patients, la dépression est souvent
sous-estimée et non traitée chez les
patients cardiaques (Lespérance F,
Frasure-Smith N. Depression in
patients with cardiac disease : a prac-
tical review. J Psychosomatic
Research 2000 ; 48 : 379-91).
Mots clés. Maladies coronariennes –
Dépression – Mortalité.
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Revue de presse
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