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laquelle peuvent être facilement et commodément regroupés les
thèmes envisagés par l'analyste. Mais d'un autre côté, le mythe
peut être considéré comme dévoilant et fournissant le secret de
la culture, offrant ainsi la clé qui ouvre un domaine essentiel
de la culture, si ce n'est la culture dans sa totalité. Il nous semble
que l'auteur hésite et ne choisit pas entre les deux attitudes ou
plutôt suggère la seconde sans nous fournir assez d'arguments
et de preuves, de sorte que le mythe finit par avoir une fonction
plus rhétorique qu'analytique et démonstrative.
Une première question se pose : quelle est la place de ce
mythe dans l'ensemble de la mythologie Kaluli? Et l'on sait
combien il est difficile de séparer le mythe de tous les autres
récits diffusés dans une culture. L'auteur distingue deux espèces
de mythes, les mythes étiologiques — « une façon d'expliquer le
comportement sur lequel je m'interrogeais2 » (p. 22) —, connus de
toute la population, racontés dans des circonstances quelconques,
et dont les héros sont des animaux; et les mythes dont le héros
est Nervelesu, cycle d'histoires centrées autour d'un personnage
de « trickster », racontées par des spécialistes dans des cir-
constances particulières — la nuit, dans la maison commune.
Le mythe de référence appartient à la première catégorie et fait
partie d'un groupe de douze mythes concernant les oiseaux;
plusieurs de ces mythes traitent aussi de sons et de musique —
« et plusieurs parmi les autres mythes portent aussi sur les
sons3
» (p. 22). Rien n'est plus difficile, avons-nous dit, que de
distinguer les mythes et de les définir par rapport aux autres
récits transmis par une culture (cf. par exemple Kirk 1970).
Le récit de référence est-il un mythe, un mythe étiologique,
un récit (l'auteur emploi indifféremment les mots « myth » et
« story ») ? Nous retrouvons l'ambiguïté que nous avons
soulignée tout à l'heure et nous n'arrivons pas à comprendre
clairement s'il
s'agit
d'un mythe étiologique, qui nous « explique-
rait » la genèse de la musique — comme le mythe d'Orphée dans
la culture grecque — ou d'un récit dans lequel se trouverait
illustrée une configuration symbolique caractéristique de la
culture Kaluli, selon laquelle s'associent les oiseaux muni,
la tristesse de l'abandon et la musique. Et cette question nous
ramène aux autres mythes qui traitent d'oiseaux et de musique :
sons et musique y sont-ils présentés de la même façon, y sont-ils
associés aux mêmes circonstances et aux mêmes sentiments ?
Notre insatisfaction n'est pas l'expression d'un purisme qui
aurait beau jeu d'opposer au détail significatif une totalité