A. Émergence du droit économique
1. Droit et économie –La dichotomie entre étude du droit et étude de l’éco-
nomie, qui se manifeste dans la création, au sein des universités, de Facultés diffé-
rentes, contribue à une séparation parfois artificielle entre droit et économie. Si
des initiations à chacune de ces branches constituent un socle commun des
études supérieures, elles ne permettent pas toujours une interpénétration des
réflexions. D’où des incompréhensions et des compartimentations néfastes à la
réflexion. La doctrine s’est cependant progressivement saisie du problème, et
certains ont tenté de rapprocher droit et économie. Le premier à s’être clairement
intéressé aux liens entre les deux est sans doute Max Weber. Il aboutit à des
conclusions qui aujourd’hui sont pour partie remises en cause, notamment en ce
qui concerne l’opposition de fond entre le droit, à caractère normatif et logique, et
l’économie, qui se développe uniquement au niveau de la réalité, et qui ne serait
donc pas saisissable par la norme. Karl Marx s’est aussi penché sur les relations
entre droit et économie, considérant que la seconde détermine la construction
juridique étatique.
C’est en réalité la définition du Droit qui donne la solution au problème. Si l’on
considère qu’il s’agit d’un ensemble de normes destinées à régir le corps social,
n’importe quelle activité est susceptible d’être concernée, y compris l’économie.
Il n’est cependant pas question, dans le cadre de cet ouvrage, d’étudier les inter-
connexions subtiles entre droit et économie, et si l’un doit déterminer ou non la
cohérence de l’autre (ce que le juriste a une tendance naturelle à croire, à son
profit).
2. Émergence du concept de droit économique –Le droit économique répond à
cette interrogation. Si l’Allemagne, au début du XX
e
siècle, voit l’origine du
concept, parallèlement au développement des interventions étatiques, il faut
attendre la fin du siècle pour en voir la transposition en France. C’est un
ouvrage de 1971 de Gérard Farjat, qui qualifie alors un droit de « droit écono-
mique ». Il conçoit le droit économique comme une adaptation logique et néces-
saire de la réglementation aux mutations de l’économie. Ce serait le droit appli-
cable à l’ensemble des matières entrant dans la notion d’économie ; il aurait donc
vocation à rassembler toutes les parties du droit privé comme du droit public qui se
rapporteraient à l’économie, dépassant l’opposition droit public-droit privé. Pour
résumer, il considère de manière très générale qu’il s’agit d’un droit à vocation
transversale, ou encore fédérateur. Ainsi, G. Farjat montre notamment que les
pouvoirs publics, quand ils interviennent dans la sphère économique, utilisent
des solutions dégagées par les acteurs privés, comme le contrat, plutôt que la voie
unilatérale.
La nouveauté de son approche réside dans le constat que, symétriquement, les
entreprises ont parfois tendance à se comporter de façon unilatérale ou domina-
trice, par le biais d’ententes (cf. entente sur le marché de la téléphonie mobile,
sanctionnée en décembre 2005) ou par la voie de l’établissement progressif de
monopoles.
12 DROIT PUBLIC ÉCONOMIQUE