Diagnostic et dépistage des prédispositions génétiques aux maladies endocriniennes. Aspects éthiques et législatifs Diagnosis and detection of genetic predispositions to endocrine diseases. Ethical and legislative aspects Y. Malthiery*, F. Savagner* points FORTS ▲ L’analyse des caractéristiques génétiques d’un individu est une pratique très encadrée en France. Plusieurs lois parues dans le cadre des lois de bioéthiques du 24 juillet 1994, insérées soit dans le Code civil soit dans le Code de la santé publique gèrent cette pratique. Outre ces lois, différents avis et recommandations sont proposés, avis du Comité consultatif national d’éthique, avis et recommandations européens. ▲ La prescription des tests génétiques nécessite un consentement écrit du patient. Ce consentement est préliminaire à toute analyse. La communication des résultats se fera par l’intermédiaire d’un médecin qui en expliquera toute la signification. Pour les personnes asymptomatiques, la prescription de tests génétiques sera réalisée au sein d’une consultation pluridisciplinaire. ▲ Les analyses génétiques sont réalisées par des laboratoires titulaires de l’autorisation préfectorale de pratiquer les examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales, par des biologistes eux-mêmes agréés. Dans un souci d’organisation de la pratique de ces analyses génétiques, les laboratoires agréés se regroupent en réseaux thématiques, sous le contrôle, et avec le soutien du ministère de la Santé. Si un réseau “oncogénétique moléculaire” est structuré, nous sommes dans l’attente d’un réseau spécifique aux pathologies endocriniennes. Cette organisation est une assurance de la réalisation d’analyses génétiques (hors nomenclature) dans un cadre défini de procédures et de compétence biologique. ▲ Les maladies génétiques souffrent d’une carence partielle de possibilité d’intervention thérapeutique. Une substitution thérapeutique est parfois possible en pathologie endocrinienne. Pourtant, la complexité des régulations géniques et des interactions avec l’environnement rendent délicate l’interprétation des analyses de génétique moléculaire. Cependant, dans certains cas comme la néoplasie endocrinienne multiple de type 2, la mise en évidence d’une mutation pathogène à pénétrance complète sur le gène RET rend possible une décision thérapeutique chirurgicale. Dans de telles pathologies l’analyse de génétique moléculaire fait partie intégrante de l’arbre décisionnel. L es tests génétiques, donnant accès aux caractéristiques génétiques d’une personne, permettent de déceler les prédispositions à développer certaines maladies dans leur composante génétique. Cette analyse, accessible aujourd’hui à la prescription médicale, ne concernait d’abord que les traits phénotypiques des individus et des maladies. Elle s’est étendue, au cours des décennies passées, à l’étude des produits biologiques des gènes par la mise au point des nombreux dosages biologiques. Depuis les deux dernières décennies, la molécule d’ADN est directement accessible à l’analyse et les techniques modernes de biologie moléculaire permettent de détecter et de caractériser les mutations causales ou corrélées à de nombreuses maladies génétiques. Les développements de la génétique et des techniques de biologie moléculaire se sont rapidement appliqués aux divers champs de la pathologie, parmi lesquels les maladies endocriniennes. Une nouvelle vision du champ médical se fait jour permettant une lecture moléculaire de la pathologie, plus appuyée sur les mécanismes moléculaires des maladies que sur leur champ disciplinaire. Cette vision transdisciplinaire n’obère en rien la classification disciplinaire, mais des maladies endocriniennes Tests génétiques Mots-clés : Test génétique – Lois de bioéthique – Législation – Néoplasie endocrinienne de type 2 – RET. * Inserm E 00.18, laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, CHU, Angers. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 7 Tests génétiques des maladies endocriniennes 8 apporte une source d’informations supplémentaires, tant dans l’abord diagnostique que dans l’approche pronostique et thérapeutique. Les développements récents s’attachent même à définir une approche thérapeutique individuelle, adaptée aux caractéristiques génétiques propres des malades. L’étude moléculaire de la pathologie, dans son versant diagnostique, présente une singularité et une informativité certaine par rapport à l’analyse biologique classique. Une seule analyse (à vrai dire deux analyses pour confirmation) caractérisera une mutation localisée sur l’ADN génomique d’un individu et cette connaissance sera porteuse d’une information importante et “définitive”. Si les études “fondamentales” préliminaires ont établi clairement et indiscutablement les conséquences de la mutation, il devient possible d’établir une prédisposition au développement d’une maladie dans sa composante génétique. Point n’est besoin de multiplier les dosages d’un produit biologique pour établir cette prédisposition. Ces analyses issues des techniques de biologie moléculaire sont porteuses d’une information qu’il faut savoir décrypter et interpréter. Elles définissent une anomalie de l’information génétique d’un individu alors même que cette information n’est éventuellement pas encore utilisée par l’organisme. En cela, elle met en évidence des prédispositions, non spéculatives, du développement ultérieur d’une maladie. Elle constitue, en propre, une vision prédictive de la pathologie, sans pourtant apporter, dans la plupart des cas, des certitudes sur l’apparition de la maladie et sur la date de cette éventuelle apparition. Le premier vrai développement de cette médecine prédictive s’est concrétisé dans la mise au point d’un diagnostic prénatal pour certaines pathologies. La difficulté à traiter l’information génétique et à définir la probabilité d’apparition des pathologies dépistées impose un Conseil génétique individuel pour aider les parents concernés à maîtriser cette information et à prendre une éventuelle décision. Les règles de transmission des anomalies de l’ADN sont aujourd’hui assez bien connues. La détection d’une prédisposition génétique à une pathologie doit s’analyser également dans son implication héréditaire. En cela, mettre en évidence une prédisposition génétique au développement d’une pathologie, endocrinienne par exemple, chez un patient, concerne potentiellement les membres de sa famille, descendants, collatéraux et ascendants mêmes. Détecter une prédisposition à une maladie à composante génétique est une information qui dépasse donc le simple cadre de la prise en charge thérapeutique de la personne concernée. Cette information nécessite en elle-même un traitement dont le législateur a pris conscience pour en assurer la confidentialité pour le patient, et pour permettre aux membres de la fratrie d’en bénéficier à titre prédictif et de dépistage conséquent. La demande de tests génétiques est aujourd’hui très encadrée par des textes de loi et par des règles éthiques. Les lois de bioéthique L’examen des caractéristiques génétiques de l’individu est protégé par plusieurs textes parus dans le cadre des “Lois de bioéthique” du 24 juillet 1994 et du décret du 23 juin 2000. Il y est spécifié que l’étude des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entreprise qu’à des fins médicales. Le consentement de la personne doit être préalablement recueilli par écrit par le médecin prescripteur. Le prélèvement biologique permettant l’analyse, ainsi qu’une attestation stipulant que le consentement de l’intéressé a été établi selon les formes légales, seront confiés à un laboratoire habilité à pratiquer cette analyse. L’information sur l’étude génétique doit être de qualité, directe, et doit assurer la compréhension parfaite du Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 patient. Il est nécessaire de laisser à celui-ci un temps de réflexion suffisant entre l’instant de l’information et celui du consentement. La communication des résultats doit se faire par l’intermédiaire d’un médecin qui en expliquera toute la signification et non par le laboratoire, contrairement aux analyses biologiques “classiques”. Les résultats ne peuvent être communiqués directement à la personne explorée ni à plus forte raison communiqués à un tiers (parent ou organisme). Selon le décret du 23 juin 2000 (article R.145-15-5), la prescription des tests génétiques aux personnes asymptomatiques doit être réalisée au sein d’une consultation pluridisciplinaire réunissant toutes les compétences cliniques et génétiques nécessaires à la prise en charge des patients. Pour les mineurs, les examens ne pourront être réalisés que si l’intéressé ou sa famille peuvent personnellement bénéficier des mesures préventives ou curatives immédiates. Lors de la mise en place des lois de bioéthique, il avait été recommandé leur révision après 3 années, dans le but de renforcer les garanties en matière d’information, de recherche et de recueil du consentement des personnes dans un contexte d’évolution rapide des techniques. La révision, faite tardivement, a finalement été adoptée le 6 octobre 2004. Elle confirme que la personne dépistée doit être informée, et elle seule, des résultats de l’analyse génétique par un médecin, charge lui étant faite d’en informer les membres de sa famille et de sa fratrie en cas d’anomalie génétique grave. Elle précise qu’en cas de diagnostic d’une telle anomalie génétique grave, le médecin informe la personne dépistée de sa responsabilité si elle n’informait pas les membres de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures préventives peuvent être proposées. Un document écrit devrait être délivré, ne laissant plus au médecin la délicate responsabilité du choix entre secret professionnel et non-assistance à personne en danger potentiel. Pertinence des tests génétiques Les tests génétiques utilisés à des fins diagnostiques font partie intégrante des actes médicaux effectués chez un patient. Les avantages de cette démarche diagnostique sont multiples : meilleure connaissance de la pathologie potentielle, diagnostic au niveau de l’information génétique avant même le développement de la pathologie permettant une surveillance pour déceler la pathologie à un stade précoce, prise en charge du patient plus structurée et donc plus efficace, possibilité de stopper les examens invasifs lorsque la pathologie est déterminée. Une prise en charge doit souvent accompagner la découverte d’une prédisposition, mais celle-ci peut être orientée et ciblée. L’identification d’une mutation chez un patient atteint d’une maladie sévère permet de répondre à l’angoisse de la récurrence chez d’autres membres de la fratrie en guidant le dépistage de la mutation chez les apparentés. En cas de dépistage positif, on retrouve les bénéfices décrits plus haut, en cas de résultat négatif, toute angoisse sur l’avenir (et la descendance) devrait être levée. Les tests génétiques deviennent ainsi l’outil majeur d’une médecine prédictive. La finalité thérapeutique de ce dépistage est la mise en place d’un traitement ou d’un diagnostic précoce de la maladie. Le test est dit présymptomatique en cas de maladie monogénique à manifestation plus ou moins tardive et à expression variable. Il permet de déterminer le génotype de l’individu et, ainsi, sa probabilité à développer la maladie. Dans le cas des néoplasies endocriniennes multiples de type 2, la présence d’une mutation dans l’un des 7 exons habituellement explorés du gène RET entraînera obligatoirement l’expression d’un cancer médullaire de la thyroïde pendant l’enfance (NEM2B) ou à l’âge adulte (NEM2A et CMTF*). Ces mutations * Cancer médullaire de la thyroïde familial. du gène RET sont à expression assez précoce et à pénétrance totale. Dans le cas de mutation de RET chez un cas index, une thyroïdectomie prophylactique sera proposée. Parallèlement, une enquête génétique sera menée aussi loin que possible, discriminant les branches familiales touchées par ce trait héréditaire et une analyse génétique pourra être réalisée chez les collatéraux, les descendants directs et les ascendants potentiellement atteints. Ainsi, en cas de mutation identifiée chez un cas index, il n’y a plus d’indication à réaliser un test à la pentagastrine de manière systématique chez les apparentés lorsque la recherche de mutation du gène RET est négative sur les 7 exons examinés. Tous les résultats d’analyse génétique, positifs comme négatifs, doivent être confirmés sur un second prélèvement. Les tests de susceptibilité concernent les maladies plurifactorielles. Le développement de ces pathologies est la dépendance de plusieurs allèles (sains, polymorphes ou pathologiques) et d’une combinatoire parfois complexe de l’expression de ceux-ci. Le risque de développer la maladie est d’autant plus difficile à déterminer. L’apparition de la pathologie, la date éventuelle d’apparition, le degré de gravité sont moins accessibles à la prédiction. Le degré de pénétrance des diverses mutations est variable et laisse moins place à la démarche thérapeutique. La découverte d’une mutation impliquée dans une pathologie plurifactorielle doit permettre d’instaurer une surveillance régulière et de préconiser une recherche génétique dans la fratrie ou plus certainement la descendance. Un résultat négatif lève une incertitude. Réalisation des tests génétiques Les analyses génétiques doivent être réalisées dans un laboratoire agréé. Une commission consultative natio- nale est chargée de délivrer les agréments pour les laboratoires d’une part, et pour les biologistes d’autre part, leur permettant la pratique des examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales. Une mutation doit être identifiée sur deux prélèvements distincts, tant chez le cas index que chez les apparentés asymptomatiques. Chez ces apparentés asymptomatiques, l’analyse doit être prescrite par une équipe multidisciplinaire accréditée (JO n°110 du 12 mai 2001). La composition de cette équipe habilitée à la prescription doit être déposée auprès du ministère de la Santé. L’arrêté du 11 décembre 2000 précise que l’analyse de toute maladie génétique doit associer un bilan biochimique à l’analyse directe de l’ADN pour confirmer la composante génétique de la pathologie. La volonté est d’encadrer les analyses de génétique moléculaire et de restreindre leur prescription aux seules atteintes génétiques caractérisées. Ces analyses doivent être réalisées dans des laboratoires répondant aux normes de qualité et présentant les compétences nécessaires. Les tests génétiques ne sont pas classés à la Nomenclature des actes de biologie médicale. Ils ne peuvent être réalisés que dans des laboratoires spécialisés et agréés. Depuis 2002, les laboratoires hospitaliers agréés s’organisent en réseau dans leur prise en charge des analyses génétiques. Jusqu’à aujourd’hui trois réseaux thématiques ont été reconnus et validés par le ministère de la Santé, un réseau “mucoviscidose”, un réseau “oncogénétique moléculaire” et un réseau “neuromusculaire et neurosensoriel”. Nous sommes toujours dans l’attente de la prise en charge des maladies métaboliques et des maladies endocriniennes par la création d’un réseau supplémentaire. Le réseau “oncogénétique moléculaire” a été créé en 2003. Parmi les laboratoires reconnus et soutenus dans cette activité de diagnostic, 7 assurent la recherche des mutations du gène RET dans le cadre des Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 des maladies endocriniennes Tests génétiques 9 Tests génétiques des maladies endocriniennes prédispositions aux néoplasies endocriniennes multiples de type 2. Cette analyse est réalisée par l’un de ces laboratoires qui assurent la prise en charge de ce test, lequel n’est pas inscrit à la nomenclature. Cette organisation en réseau national permet d’adapter l’offre à la demande et de garantir des délais de rendu de résultat raisonnables. Elle s’inscrit également dans une démarche évolutive et d’actualisation de la prise en charge des pathologies. Un réseau spécifique regroupe les laboratoires assurant le diagnostic des tumeurs neuroendocrines et la recherche des prédispositions génétiques correspondantes. Les gènes RET, ménine, SDHB, SDHC, SDHD et VHL sont plus particulièrement explorés dans le cadre des syndromes NEM2, NEM1 et autres tumeurs neuroendocrines. Ce réseau diagnostique a volonté de rapprocher le laboratoire pratiquant les analyses des cliniciens prescripteurs et d’assurer une prise en charge globale de ces pathologies cancéreuses endocriniennes rares. Bénéfice de l’étude génétique Le diagnostic génétique peut présenter un intérêt thérapeutique lorsqu’il existe un traitement médical ou chirurgical à la pathologie dépistée. Certaines maladies monogéniques peuvent bénéficier d’un traitement médical simple (hémochromatose familiale) ou d’un traitement chirurgical (polypose adénomateuse familiale, néoplasie endocrinienne multiple de type 2). Dans un cadre de prévention, la recherche d’une mutation pathogène peut permettre d’éviter certains dépistages astreignants et pénibles. Cela est particulièrement vrai chez les enfants. Lorsqu’une prédisposition est établie, une surveillance rigoureuse et rapprochée permettra de déceler une tumeur à un stade précoce du 10 processus de cancérisation et donc d’accroître l’efficacité d’un acte thérapeutique. Souvent, les tests génétiques n’ont qu’une fonction informative. Ils peuvent soit lever un doute sur le risque de développer une maladie génétique, soit confirmer une prédisposition à développer cette pathologie. La probabilité de transmission héréditaire de cette prédisposition sera établie par un généticien et donnera lieu à un conseil génétique. L’interprétation des résultats d’analyses génétiques n’est pas toujours aisée et doit être réservée aux médecins qui ont cette compétence. La probabilité de développer la maladie dépend du degré de pénétrance de la pathologie. Il est assez rare que celleci soit absolue. Les mécanismes moléculaires induisant les maladies sont parfois contradictoires. Ainsi, certaines mutations de l’oncogène RET induisent l’absence ou l’inactivation de la protéine correspondante et se traduisent par une maladie de Hirschsprung (mutation perte-de-fonction dominante-négative de la tyrosine-kinase codée par le gène RET). D’autres mutations du même gène induisent, au contraire, une hyperactivité de la tyrosine-kinase correspondante et sont responsables de formes familiales de cancer médullaire de la thyroïde (NEM2 ou CMTF). Dans ce cas, les mutations d’un même gène peuvent être à l’origine de maladies différentes. Par ailleurs, les maladies purement monogéniques sont probablement moins fréquentes qu’il n’y paraît. La plupart des maladies génétiques sont plurifactorielles et même multigéniques. Il devient difficile de spéculer sur la conséquence pathogène d’une mutation trouvée sur un gène, même si l’on sait que cette mutation est potentiellement pathogène. Tout résultat d’analyse génétique doit s’accompagner d’une interprétation faite par un médecin compétent. C’est pour cela que les résultats d’analyses génétiques doivent être rendus par le laboratoire qui les a pratiqués à un médecin qui se chargera de les Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 communiquer au patient et de fournir une interprétation. Ils ne doivent pas être communiqués directement au patient par le laboratoire. Impact psychologique La puissance des tests génétiques exige une interprétation de l’information brute obtenue par l’analyse. Cela est tout particulièrement vrai pour les résultats définissant un risque prédictif, risque se traduisant par une probabilité de survenue d’une maladie. Cette information prédictive est d’autant plus délicate qu’elle concernera une maladie pour laquelle il n’existe pas encore de traitement. La connaissance du résultat d’un test génétique de prédisposition peut influencer fortement le futur mode de vie de la personne concernée. L’expérience montre que les perceptions humaines de l’information sont volontiers binaires (un fait se produit ou ne se produit pas), alors que les informations génétiques sont de nature probabiliste. L’information issue des analyses génétiques ne concerne pas exclusivement la personne analysée, mais également sa famille et sa descendance. Elle est due à la personne analysée, mais pour autant elle n’est pas que personnelle. Elle peut d’ailleurs avoir de graves répercussions sur les membres de la fratrie et de la famille. Certaines études montrent que les sujets indemnes d’une mutation héréditaire rencontrent, dans leur famille, des difficultés liées à cette notion de “hasard génétique” qui affecte les uns mais épargne les autres. Il devient parfois malaisé, pour la personne cas index d’une atteinte héréditaire, d’assurer l’information auprès de tous les membres de sa famille et de préconiser un dépistage systématique. La révélation d’un statut génétique d’un individu entraîne des enjeux psychologiques et sociaux considérables. Dans ce contexte, le patient doit impérativement être préparé à l’annonce d’un résultat. Il est surtout indispensable de s’assurer préalablement de ses motivations pour la réalisation du test. Entretien avec le patient et sa famille médicales assurant ces consultations doivent faire preuve de “leurs compétences cliniques et de leurs compétences génétiques”. Leur composition doit être déposée au ministère de la Santé. Conclusion Le conseil génétique est destiné à répondre aux interrogations et aux craintes des patients en leur fournissant des renseignements précis, complets et sans équivoque. Il est d’abord une information riche et éclairée. Il doit constituer une aide dans un processus de décision sur des choix médicaux et des choix non médicaux des familles. Un bon conseil tient à plusieurs éléments : – La spécificité des informations génétiques par rapport aux autres analyses biologiques. Elles sont complexes et présentent souvent un caractère prédictif. Pourtant, elles laissent place à un certain degré d’imprécision dans leur valeur prédictive. Il en est ainsi de toute atteinte génétique à pénétrance incomplète, ainsi d’ailleurs que dans les maladies multigéniques et/ou plurifactorielles. – Le “vide à combler” entre la précision et l’informativité des analyses de génétique moléculaire ou chromosomique, et l’absence fréquente de traitements des maladies héréditaires. – La valeur sociale accordée aux caractéristiques génétiques. – Les problèmes psychosociaux et éthiques s’attachant fréquemment à la prescription et à la réalisation des tests génétiques. Quelques règles éthiques et légales s’imposent dans la prescription et la réalisation de ces analyses génétiques : – Un temps de réflexion suffisant doit être laissé au patient avant la signature du consentement à l’examen génétique. – La prescription d’analyses génétiques, le rendu éclairé des résultats, ainsi que le conseil génétique doivent être assurés au sein d’une consultation pluridisciplinaire. Les équipes L’information génétique est apportée par des tests spécifiques. Elle peut être issue d’analyses biologiques “classiques” qui ne font pas l’objet de contraintes fortes. Elle peut également être issue d’analyses spécifiques, analyses de biologie moléculaire, de génétique moléculaire ou encore de génétique chromosomique, beaucoup plus encadrées et qui doivent répondre à des règles éthiques et législatives. Ces règles ont la volonté d’assurer la confidentialité des résultats au bénéfice du patient. Elles imposent une démarche de prescription et de réalisation des analyses que doit respecter tout médecin. Les analyses génétiques présentent la particularité d’étudier l’information génétique de l’individu. En cela, elles donnent une information rémanente et parfois définitive. Elles concernent le cas index testé qui doit être seul propriétaire de cette connaissance. Pourtant, la fratrie et les descendants sont également concernés. Ceux-ci devraient bénéficier de cette information pour engager une démarche médicale personnelle. Cette dualité entre confidentialité et bénéfice multiple familial est prise en charge par des règles législatives et éthiques. Les maladies endocriniennes à composante génétique entrent totalement dans ce cadre. Les règles législatives sont les mêmes pour toutes les maladies génétiques. Pourtant, leur application doit être adaptée à chaque pathologie. La découverte d’une mutation très pathogène à pénétrance complète, telle une mutation répertoriée sur le gène RET, comme induisant un cancer médullaire de la thyroïde, demande une information personnelle et si possible familiale. En effet, la démarche thérapeutique bénéficiera pleinement de cette connaissance. Nous devons être beaucoup moins catégoriques et directifs devant la mise en évidence d’une mutation moins pathogène, à expression plus tardive, et surtout si elle s’inscrit dans le cadre d’une maladie multigénique ou multifactorielle, et/ou si la pénétrance est partielle. Pour autant, dans ce contexte, la connaissance d’une mutation peut guider une prévention, une surveillance diagnostique, à défaut d’une intervention thérapeutique immédiate. De nombreuses maladies endocriniennes s’inscrivent dans ce cadre des maladies multifactorielles à composante génétique. La prise en charge individuelle par un médecin compétent prend toute son importance. Elle intègrera tant les connaissances scientifiques et médicales que le contexte psychologique individuel et familial. La connaissance d’une atteinte génétique peut fortement perturber l’équilibre psychologique d’un individu et/ou l’équilibre relationnel d’un milieu familial. Pour toutes ces raisons, les analyses génétiques sont soumises à des règles législatives strictes qui s’imposent à tout médecin prescrivant ou réalisant des analyses génétiques. Leur application demande une bonne connaissance de celles-ci par le médecin, ainsi qu’une approche psychologique et éthique. des maladies endocriniennes Tests génétiques Références ■ Lipman-Hand A, Fraser FC. Genetic counselling: provision and reception of information. Am J Med Gent 1979;3(2):113-27. ■ Eng C, Clayton D, Schuffenecker I et al. The relationship between specific RET proto-oncogene mutations and disease phenotype in multiple endocrine neoplasia type 2. International RET mutation consortium analysis. JAMA 1996;276 (19):1575-9. ■ Niccoli-Sire P, Murat A, Rohmer V et al. Familial medullary thyroid carcinoma with noncysteine RET mutations: phenotype-genotype relationship in a large series of patients. J Clin Endocrinol Metab 2001;86(8):3746-53. ■ Bowles Biesecker B, Marteau TM. The future of genetic counselling: an international perspective. Nature Genetics 1999;22:133-7. ■ Sites Internet http://www.genetique.org http://www.legifrance.gouv.fr Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005 11