Diagnostic et dépistage des prédispositions génétiques

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Diagnostic et dépistage des prédispositions
génétiques aux maladies endocriniennes.
Aspects éthiques et législatifs
Diagnosis and detection of genetic predispositions to endocrine diseases.
Ethical and legislative aspects
Y. Malthiery*, F. Savagner*
points FORTS
▲ L’analyse des caractéristiques génétiques d’un individu est une
pratique très encadrée en France. Plusieurs lois parues dans le cadre
des lois de bioéthiques du 24 juillet 1994, insérées soit dans le Code
civil soit dans le Code de la santé publique gèrent cette pratique. Outre ces
lois, différents avis et recommandations sont proposés, avis du Comité
consultatif national d’éthique, avis et recommandations européens.
▲ La prescription des tests génétiques nécessite un consentement
écrit du patient. Ce consentement est préliminaire à toute analyse. La
communication des résultats se fera par l’intermédiaire d’un médecin
qui en expliquera toute la signification. Pour les personnes asymptomatiques, la prescription de tests génétiques sera réalisée au sein
d’une consultation pluridisciplinaire.
▲ Les analyses génétiques sont réalisées par des laboratoires titulaires
de l’autorisation préfectorale de pratiquer les examens des caractéristiques
génétiques à des fins médicales, par des biologistes eux-mêmes agréés.
Dans un souci d’organisation de la pratique de ces analyses génétiques,
les laboratoires agréés se regroupent en réseaux thématiques, sous
le contrôle, et avec le soutien du ministère de la Santé. Si un réseau
“oncogénétique moléculaire” est structuré, nous sommes dans l’attente
d’un réseau spécifique aux pathologies endocriniennes. Cette organisation
est une assurance de la réalisation d’analyses génétiques (hors nomenclature) dans un cadre défini de procédures et de compétence biologique.
▲ Les maladies génétiques souffrent d’une carence partielle de possibilité d’intervention thérapeutique. Une substitution thérapeutique est
parfois possible en pathologie endocrinienne. Pourtant, la complexité
des régulations géniques et des interactions avec l’environnement
rendent délicate l’interprétation des analyses de génétique moléculaire.
Cependant, dans certains cas comme la néoplasie endocrinienne
multiple de type 2, la mise en évidence d’une mutation pathogène à
pénétrance complète sur le gène RET rend possible une décision
thérapeutique chirurgicale. Dans de telles pathologies l’analyse de
génétique moléculaire fait partie intégrante de l’arbre décisionnel.
L
es tests génétiques, donnant
accès aux caractéristiques génétiques d’une personne, permettent de déceler les prédispositions à
développer certaines maladies dans
leur composante génétique. Cette
analyse, accessible aujourd’hui à la
prescription médicale, ne concernait
d’abord que les traits phénotypiques
des individus et des maladies. Elle
s’est étendue, au cours des décennies
passées, à l’étude des produits biologiques des gènes par la mise au
point des nombreux dosages biologiques. Depuis les deux dernières
décennies, la molécule d’ADN est
directement accessible à l’analyse et
les techniques modernes de biologie
moléculaire permettent de détecter
et de caractériser les mutations causales ou corrélées à de nombreuses
maladies génétiques.
Les développements de la génétique
et des techniques de biologie moléculaire se sont rapidement appliqués
aux divers champs de la pathologie,
parmi lesquels les maladies endocriniennes. Une nouvelle vision du
champ médical se fait jour permettant
une lecture moléculaire de la pathologie, plus appuyée sur les mécanismes moléculaires des maladies
que sur leur champ disciplinaire. Cette
vision transdisciplinaire n’obère en
rien la classification disciplinaire, mais
des maladies endocriniennes
Tests génétiques
Mots-clés : Test génétique – Lois de bioéthique – Législation – Néoplasie endocrinienne
de type 2 – RET.
* Inserm E 00.18, laboratoire de biochimie et
biologie moléculaire, CHU, Angers.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
7
Tests génétiques
des maladies endocriniennes
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apporte une source d’informations
supplémentaires, tant dans l’abord
diagnostique que dans l’approche pronostique et thérapeutique. Les développements récents s’attachent même
à définir une approche thérapeutique
individuelle, adaptée aux caractéristiques génétiques propres des
malades.
L’étude moléculaire de la pathologie,
dans son versant diagnostique, présente une singularité et une informativité certaine par rapport à l’analyse
biologique classique. Une seule analyse (à vrai dire deux analyses pour
confirmation) caractérisera une mutation localisée sur l’ADN génomique
d’un individu et cette connaissance
sera porteuse d’une information
importante et “définitive”. Si les
études “fondamentales” préliminaires
ont établi clairement et indiscutablement les conséquences de la mutation, il devient possible d’établir une
prédisposition au développement
d’une maladie dans sa composante
génétique. Point n’est besoin de multiplier les dosages d’un produit biologique pour établir cette prédisposition.
Ces analyses issues des techniques de
biologie moléculaire sont porteuses
d’une information qu’il faut savoir
décrypter et interpréter. Elles définissent une anomalie de l’information
génétique d’un individu alors même
que cette information n’est éventuellement pas encore utilisée par l’organisme. En cela, elle met en évidence
des prédispositions, non spéculatives,
du développement ultérieur d’une
maladie. Elle constitue, en propre,
une vision prédictive de la pathologie,
sans pourtant apporter, dans la plupart
des cas, des certitudes sur l’apparition
de la maladie et sur la date de cette
éventuelle apparition.
Le premier vrai développement
de cette médecine prédictive s’est
concrétisé dans la mise au point d’un
diagnostic prénatal pour certaines
pathologies. La difficulté à traiter
l’information génétique et à définir
la probabilité d’apparition des pathologies dépistées impose un Conseil
génétique individuel pour aider les
parents concernés à maîtriser cette
information et à prendre une éventuelle décision.
Les règles de transmission des anomalies de l’ADN sont aujourd’hui
assez bien connues. La détection
d’une prédisposition génétique à une
pathologie doit s’analyser également
dans son implication héréditaire. En
cela, mettre en évidence une prédisposition génétique au développement
d’une pathologie, endocrinienne par
exemple, chez un patient, concerne
potentiellement les membres de sa
famille, descendants, collatéraux et
ascendants mêmes.
Détecter une prédisposition à une
maladie à composante génétique est
une information qui dépasse donc
le simple cadre de la prise en charge
thérapeutique de la personne concernée. Cette information nécessite en
elle-même un traitement dont le
législateur a pris conscience pour
en assurer la confidentialité pour
le patient, et pour permettre aux
membres de la fratrie d’en bénéficier à titre prédictif et de dépistage conséquent. La demande de
tests génétiques est aujourd’hui très
encadrée par des textes de loi et par
des règles éthiques.
Les lois de bioéthique
L’examen des caractéristiques génétiques de l’individu est protégé par
plusieurs textes parus dans le cadre
des “Lois de bioéthique” du 24 juillet
1994 et du décret du 23 juin 2000. Il
y est spécifié que l’étude des caractéristiques génétiques d’une personne
ne peut être entreprise qu’à des fins
médicales. Le consentement de la personne doit être préalablement recueilli
par écrit par le médecin prescripteur.
Le prélèvement biologique permettant l’analyse, ainsi qu’une attestation
stipulant que le consentement de
l’intéressé a été établi selon les formes
légales, seront confiés à un laboratoire
habilité à pratiquer cette analyse.
L’information sur l’étude génétique
doit être de qualité, directe, et doit
assurer la compréhension parfaite du
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
patient. Il est nécessaire de laisser à
celui-ci un temps de réflexion suffisant entre l’instant de l’information
et celui du consentement.
La communication des résultats doit
se faire par l’intermédiaire d’un médecin qui en expliquera toute la signification et non par le laboratoire,
contrairement aux analyses biologiques “classiques”. Les résultats ne
peuvent être communiqués directement à la personne explorée ni à plus
forte raison communiqués à un tiers
(parent ou organisme).
Selon le décret du 23 juin 2000
(article R.145-15-5), la prescription
des tests génétiques aux personnes
asymptomatiques doit être réalisée
au sein d’une consultation pluridisciplinaire réunissant toutes les compétences cliniques et génétiques nécessaires à la prise en charge des patients.
Pour les mineurs, les examens ne
pourront être réalisés que si l’intéressé ou sa famille peuvent personnellement bénéficier des mesures préventives ou curatives immédiates.
Lors de la mise en place des lois de
bioéthique, il avait été recommandé
leur révision après 3 années, dans le
but de renforcer les garanties en
matière d’information, de recherche
et de recueil du consentement des
personnes dans un contexte d’évolution rapide des techniques. La révision, faite tardivement, a finalement
été adoptée le 6 octobre 2004. Elle
confirme que la personne dépistée
doit être informée, et elle seule, des
résultats de l’analyse génétique par
un médecin, charge lui étant faite d’en
informer les membres de sa famille
et de sa fratrie en cas d’anomalie génétique grave. Elle précise qu’en cas
de diagnostic d’une telle anomalie
génétique grave, le médecin informe
la personne dépistée de sa responsabilité si elle n’informait pas les membres
de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures préventives peuvent être proposées. Un
document écrit devrait être délivré, ne
laissant plus au médecin la délicate
responsabilité du choix entre secret
professionnel et non-assistance à
personne en danger potentiel.
Pertinence des tests
génétiques
Les tests génétiques utilisés à des fins
diagnostiques font partie intégrante
des actes médicaux effectués chez
un patient. Les avantages de cette
démarche diagnostique sont multiples : meilleure connaissance de la
pathologie potentielle, diagnostic au
niveau de l’information génétique
avant même le développement de la
pathologie permettant une surveillance
pour déceler la pathologie à un stade
précoce, prise en charge du patient
plus structurée et donc plus efficace,
possibilité de stopper les examens
invasifs lorsque la pathologie est
déterminée. Une prise en charge doit
souvent accompagner la découverte
d’une prédisposition, mais celle-ci
peut être orientée et ciblée.
L’identification d’une mutation chez
un patient atteint d’une maladie sévère
permet de répondre à l’angoisse de
la récurrence chez d’autres membres
de la fratrie en guidant le dépistage de
la mutation chez les apparentés. En
cas de dépistage positif, on retrouve
les bénéfices décrits plus haut, en cas
de résultat négatif, toute angoisse sur
l’avenir (et la descendance) devrait
être levée. Les tests génétiques deviennent ainsi l’outil majeur d’une médecine prédictive. La finalité thérapeutique de ce dépistage est la mise en
place d’un traitement ou d’un diagnostic précoce de la maladie.
Le test est dit présymptomatique en
cas de maladie monogénique à manifestation plus ou moins tardive et à
expression variable. Il permet de
déterminer le génotype de l’individu
et, ainsi, sa probabilité à développer
la maladie. Dans le cas des néoplasies
endocriniennes multiples de type 2,
la présence d’une mutation dans l’un
des 7 exons habituellement explorés
du gène RET entraînera obligatoirement l’expression d’un cancer
médullaire de la thyroïde pendant
l’enfance (NEM2B) ou à l’âge adulte
(NEM2A et CMTF*). Ces mutations
* Cancer médullaire de la thyroïde familial.
du gène RET sont à expression assez
précoce et à pénétrance totale. Dans
le cas de mutation de RET chez un
cas index, une thyroïdectomie prophylactique sera proposée. Parallèlement, une enquête génétique sera
menée aussi loin que possible, discriminant les branches familiales
touchées par ce trait héréditaire et
une analyse génétique pourra être
réalisée chez les collatéraux, les descendants directs et les ascendants
potentiellement atteints. Ainsi, en cas
de mutation identifiée chez un cas
index, il n’y a plus d’indication à
réaliser un test à la pentagastrine de
manière systématique chez les apparentés lorsque la recherche de mutation du gène RET est négative sur les
7 exons examinés. Tous les résultats
d’analyse génétique, positifs comme
négatifs, doivent être confirmés sur
un second prélèvement.
Les tests de susceptibilité concernent
les maladies plurifactorielles. Le développement de ces pathologies est la
dépendance de plusieurs allèles (sains,
polymorphes ou pathologiques) et
d’une combinatoire parfois complexe
de l’expression de ceux-ci. Le risque
de développer la maladie est d’autant
plus difficile à déterminer. L’apparition de la pathologie, la date éventuelle d’apparition, le degré de gravité
sont moins accessibles à la prédiction.
Le degré de pénétrance des diverses
mutations est variable et laisse moins
place à la démarche thérapeutique. La
découverte d’une mutation impliquée
dans une pathologie plurifactorielle
doit permettre d’instaurer une surveillance régulière et de préconiser
une recherche génétique dans la fratrie
ou plus certainement la descendance.
Un résultat négatif lève une incertitude.
Réalisation
des tests génétiques
Les analyses génétiques doivent être
réalisées dans un laboratoire agréé.
Une commission consultative natio-
nale est chargée de délivrer les agréments pour les laboratoires d’une
part, et pour les biologistes d’autre
part, leur permettant la pratique des
examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales. Une mutation doit être identifiée sur deux prélèvements distincts, tant chez le cas
index que chez les apparentés asymptomatiques. Chez ces apparentés
asymptomatiques, l’analyse doit être
prescrite par une équipe multidisciplinaire accréditée (JO n°110 du
12 mai 2001). La composition de
cette équipe habilitée à la prescription doit être déposée auprès du
ministère de la Santé.
L’arrêté du 11 décembre 2000 précise que l’analyse de toute maladie
génétique doit associer un bilan biochimique à l’analyse directe de l’ADN
pour confirmer la composante génétique de la pathologie. La volonté
est d’encadrer les analyses de génétique moléculaire et de restreindre
leur prescription aux seules atteintes
génétiques caractérisées. Ces analyses doivent être réalisées dans des
laboratoires répondant aux normes
de qualité et présentant les compétences nécessaires.
Les tests génétiques ne sont pas
classés à la Nomenclature des actes
de biologie médicale. Ils ne peuvent
être réalisés que dans des laboratoires spécialisés et agréés. Depuis
2002, les laboratoires hospitaliers
agréés s’organisent en réseau dans
leur prise en charge des analyses
génétiques. Jusqu’à aujourd’hui trois
réseaux thématiques ont été reconnus
et validés par le ministère de la Santé,
un réseau “mucoviscidose”, un réseau
“oncogénétique moléculaire” et un
réseau “neuromusculaire et neurosensoriel”. Nous sommes toujours
dans l’attente de la prise en charge
des maladies métaboliques et des
maladies endocriniennes par la création d’un réseau supplémentaire.
Le réseau “oncogénétique moléculaire” a été créé en 2003. Parmi les
laboratoires reconnus et soutenus
dans cette activité de diagnostic,
7 assurent la recherche des mutations du gène RET dans le cadre des
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
des maladies endocriniennes
Tests génétiques
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Tests génétiques
des maladies endocriniennes
prédispositions aux néoplasies endocriniennes multiples de type 2. Cette
analyse est réalisée par l’un de ces
laboratoires qui assurent la prise en
charge de ce test, lequel n’est pas
inscrit à la nomenclature. Cette organisation en réseau national permet
d’adapter l’offre à la demande et
de garantir des délais de rendu de
résultat raisonnables. Elle s’inscrit
également dans une démarche évolutive et d’actualisation de la prise
en charge des pathologies.
Un réseau spécifique regroupe les
laboratoires assurant le diagnostic
des tumeurs neuroendocrines et la
recherche des prédispositions génétiques correspondantes. Les gènes
RET, ménine, SDHB, SDHC, SDHD
et VHL sont plus particulièrement
explorés dans le cadre des syndromes
NEM2, NEM1 et autres tumeurs
neuroendocrines. Ce réseau diagnostique a volonté de rapprocher
le laboratoire pratiquant les analyses des cliniciens prescripteurs et
d’assurer une prise en charge globale de ces pathologies cancéreuses
endocriniennes rares.
Bénéfice
de l’étude génétique
Le diagnostic génétique peut présenter un intérêt thérapeutique lorsqu’il
existe un traitement médical ou
chirurgical à la pathologie dépistée.
Certaines maladies monogéniques
peuvent bénéficier d’un traitement
médical simple (hémochromatose
familiale) ou d’un traitement chirurgical (polypose adénomateuse familiale, néoplasie endocrinienne multiple de type 2).
Dans un cadre de prévention, la
recherche d’une mutation pathogène
peut permettre d’éviter certains dépistages astreignants et pénibles. Cela est
particulièrement vrai chez les enfants.
Lorsqu’une prédisposition est établie, une surveillance rigoureuse et
rapprochée permettra de déceler
une tumeur à un stade précoce du
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processus de cancérisation et donc
d’accroître l’efficacité d’un acte
thérapeutique.
Souvent, les tests génétiques n’ont
qu’une fonction informative. Ils peuvent soit lever un doute sur le risque
de développer une maladie génétique,
soit confirmer une prédisposition à
développer cette pathologie. La probabilité de transmission héréditaire
de cette prédisposition sera établie
par un généticien et donnera lieu à
un conseil génétique.
L’interprétation des résultats d’analyses génétiques n’est pas toujours
aisée et doit être réservée aux médecins qui ont cette compétence. La probabilité de développer la maladie
dépend du degré de pénétrance de la
pathologie. Il est assez rare que celleci soit absolue. Les mécanismes moléculaires induisant les maladies sont
parfois contradictoires.
Ainsi, certaines mutations de l’oncogène RET induisent l’absence ou
l’inactivation de la protéine correspondante et se traduisent par une
maladie de Hirschsprung (mutation
perte-de-fonction dominante-négative de la tyrosine-kinase codée par
le gène RET). D’autres mutations du
même gène induisent, au contraire,
une hyperactivité de la tyrosine-kinase
correspondante et sont responsables
de formes familiales de cancer
médullaire de la thyroïde (NEM2 ou
CMTF). Dans ce cas, les mutations
d’un même gène peuvent être à l’origine de maladies différentes.
Par ailleurs, les maladies purement
monogéniques sont probablement
moins fréquentes qu’il n’y paraît.
La plupart des maladies génétiques
sont plurifactorielles et même multigéniques. Il devient difficile de spéculer sur la conséquence pathogène
d’une mutation trouvée sur un gène,
même si l’on sait que cette mutation
est potentiellement pathogène.
Tout résultat d’analyse génétique doit
s’accompagner d’une interprétation
faite par un médecin compétent. C’est
pour cela que les résultats d’analyses
génétiques doivent être rendus par
le laboratoire qui les a pratiqués à
un médecin qui se chargera de les
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
communiquer au patient et de fournir
une interprétation. Ils ne doivent pas
être communiqués directement au
patient par le laboratoire.
Impact psychologique
La puissance des tests génétiques
exige une interprétation de l’information brute obtenue par l’analyse.
Cela est tout particulièrement vrai
pour les résultats définissant un risque
prédictif, risque se traduisant par
une probabilité de survenue d’une
maladie. Cette information prédictive est d’autant plus délicate qu’elle
concernera une maladie pour laquelle
il n’existe pas encore de traitement.
La connaissance du résultat d’un
test génétique de prédisposition peut
influencer fortement le futur mode
de vie de la personne concernée.
L’expérience montre que les perceptions humaines de l’information
sont volontiers binaires (un fait se
produit ou ne se produit pas), alors
que les informations génétiques sont
de nature probabiliste.
L’information issue des analyses
génétiques ne concerne pas exclusivement la personne analysée, mais
également sa famille et sa descendance. Elle est due à la personne analysée, mais pour autant elle n’est pas
que personnelle. Elle peut d’ailleurs
avoir de graves répercussions sur les
membres de la fratrie et de la famille.
Certaines études montrent que les
sujets indemnes d’une mutation héréditaire rencontrent, dans leur famille,
des difficultés liées à cette notion de
“hasard génétique” qui affecte les uns
mais épargne les autres. Il devient
parfois malaisé, pour la personne
cas index d’une atteinte héréditaire,
d’assurer l’information auprès de
tous les membres de sa famille et de
préconiser un dépistage systématique.
La révélation d’un statut génétique
d’un individu entraîne des enjeux
psychologiques et sociaux considérables. Dans ce contexte, le patient
doit impérativement être préparé à
l’annonce d’un résultat. Il est surtout
indispensable de s’assurer préalablement de ses motivations pour la
réalisation du test.
Entretien avec le patient
et sa famille
médicales assurant ces consultations
doivent faire preuve de “leurs compétences cliniques et de leurs compétences génétiques”. Leur composition doit être déposée au ministère
de la Santé.
Conclusion
Le conseil génétique est destiné à
répondre aux interrogations et aux
craintes des patients en leur fournissant des renseignements précis,
complets et sans équivoque. Il est
d’abord une information riche et
éclairée. Il doit constituer une aide
dans un processus de décision sur
des choix médicaux et des choix
non médicaux des familles.
Un bon conseil tient à plusieurs éléments :
– La spécificité des informations
génétiques par rapport aux autres
analyses biologiques. Elles sont
complexes et présentent souvent un
caractère prédictif. Pourtant, elles
laissent place à un certain degré
d’imprécision dans leur valeur prédictive. Il en est ainsi de toute atteinte
génétique à pénétrance incomplète,
ainsi d’ailleurs que dans les maladies
multigéniques et/ou plurifactorielles.
– Le “vide à combler” entre la précision et l’informativité des analyses
de génétique moléculaire ou chromosomique, et l’absence fréquente de traitements des maladies héréditaires.
– La valeur sociale accordée aux
caractéristiques génétiques.
– Les problèmes psychosociaux et
éthiques s’attachant fréquemment à
la prescription et à la réalisation des
tests génétiques.
Quelques règles éthiques et légales
s’imposent dans la prescription et la
réalisation de ces analyses génétiques :
– Un temps de réflexion suffisant
doit être laissé au patient avant la
signature du consentement à l’examen génétique.
– La prescription d’analyses génétiques, le rendu éclairé des résultats,
ainsi que le conseil génétique doivent
être assurés au sein d’une consultation pluridisciplinaire. Les équipes
L’information génétique est apportée
par des tests spécifiques. Elle peut
être issue d’analyses biologiques
“classiques” qui ne font pas l’objet
de contraintes fortes. Elle peut également être issue d’analyses spécifiques, analyses de biologie moléculaire, de génétique moléculaire ou
encore de génétique chromosomique,
beaucoup plus encadrées et qui doivent répondre à des règles éthiques et
législatives. Ces règles ont la volonté
d’assurer la confidentialité des résultats au bénéfice du patient. Elles
imposent une démarche de prescription et de réalisation des analyses
que doit respecter tout médecin.
Les analyses génétiques présentent
la particularité d’étudier l’information génétique de l’individu. En cela,
elles donnent une information rémanente et parfois définitive.
Elles concernent le cas index testé qui
doit être seul propriétaire de cette
connaissance. Pourtant, la fratrie et les
descendants sont également concernés. Ceux-ci devraient bénéficier de
cette information pour engager une
démarche médicale personnelle. Cette
dualité entre confidentialité et bénéfice
multiple familial est prise en charge
par des règles législatives et éthiques.
Les maladies endocriniennes à
composante génétique entrent totalement dans ce cadre. Les règles législatives sont les mêmes pour toutes
les maladies génétiques. Pourtant,
leur application doit être adaptée à
chaque pathologie. La découverte
d’une mutation très pathogène à pénétrance complète, telle une mutation
répertoriée sur le gène RET, comme
induisant un cancer médullaire de la
thyroïde, demande une information
personnelle et si possible familiale. En
effet, la démarche thérapeutique bénéficiera pleinement de cette connaissance. Nous devons être beaucoup
moins catégoriques et directifs devant
la mise en évidence d’une mutation
moins pathogène, à expression plus
tardive, et surtout si elle s’inscrit dans
le cadre d’une maladie multigénique
ou multifactorielle, et/ou si la pénétrance est partielle. Pour autant, dans
ce contexte, la connaissance d’une
mutation peut guider une prévention, une surveillance diagnostique,
à défaut d’une intervention thérapeutique immédiate. De nombreuses
maladies endocriniennes s’inscrivent
dans ce cadre des maladies multifactorielles à composante génétique.
La prise en charge individuelle par
un médecin compétent prend toute
son importance. Elle intègrera tant
les connaissances scientifiques et
médicales que le contexte psychologique individuel et familial. La
connaissance d’une atteinte génétique
peut fortement perturber l’équilibre
psychologique d’un individu et/ou
l’équilibre relationnel d’un milieu
familial.
Pour toutes ces raisons, les analyses
génétiques sont soumises à des règles
législatives strictes qui s’imposent à
tout médecin prescrivant ou réalisant
des analyses génétiques. Leur application demande une bonne connaissance de celles-ci par le médecin,
ainsi qu’une approche psychologique
et éthique.
des maladies endocriniennes
Tests génétiques
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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
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