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tracé. L’entrée en guerre de la France contre l’Autriche et les mesures de proscription qui
frappent les officiers nobles finissent toutefois par obliger le jeune officier à reprendre sa
carrière à zéro en s’engageant dans la garde nationale. Cette rupture brutale n’est pourtant pas
sans bénéfices : elle amène en effet Caulaincourt à développer une grande capacité
d’adaptation et à envisager des voies nouvelles pour son avancement. Dès 1796, il part ainsi à
Constantinople comme aide de camp du général Aubert-Dubayet, nommé ambassadeur du
Directoire auprès de la Porte ottomane. Après cette expérience diplomatique limitée, il
seconde son oncle, le général d’Harville, à l’inspection de la cavalerie des armées françaises
en Allemagne, s’initiant aux subtilités de l’administration et des relations avec le ministère.
Mais Caulaincourt aspire avant tout à prendre le commandement d’un régiment de
cavalerie et à le mener au combat. Après de multiples démarches et de nombreuses
frustrations, il parvient à se faire nommer à la tête du 2
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régiment de Carabiniers qu’il conduit
notamment à la bataille de Hohenlinden, remportée par le général Moreau (1800). Ce qui
aurait dû être le commencement d’une brillante carrière militaire va pourtant en constituer le
sommet. Dès 1801, Caulaincourt est en effet envoyé à Saint-Pétersbourg porter une lettre au
tsar Alexandre de la part du Premier Consul : le jeune officier délaisse à nouveau l’armée
pour une mission diplomatique. À son retour en France, cette hésitation de fait entre métier
des armes et diplomatie est tranchée par Bonaparte qui décide d’employer Caulaincourt à son
service : une décision qui s’explique par le succès de la mission à Saint-Pétersbourg mais
surtout par les nombreux liens qui existent entre la famille Caulaincourt et la famille de
Beauharnais. L’opportunité pour Bonaparte de rallier un jeune noble au régime consulaire
n’est pas non plus à sous-estimer.
Devenu aide de camp du Premier Consul, Caulaincourt s’intègre rapidement à
l’entourage du nouveau maître de la France qui le comble d’honneurs, au point d’en faire
rapidement aux yeux de l’opinion une sorte de « favori » – à l’instar d’autres personnages
comme Savary ou Duroc. L’aboutissement de ce processus est la nomination de Caulaincourt,
en 1804, à la fonction prestigieuse de grand-écuyer de la cour impériale. Une fonction qui lui
permet de déployer tous ses talents d’administrateur et lui fait côtoyer l’Empereur au
quotidien. Les relations entre Caulaincourt et Napoléon ne sont pourtant pas sans ambiguïtés :
dès 1804, l’affaire du duc d’Enghien – dans laquelle l’aide de camp du Premier Consul est
impliqué malgré lui – divise les deux hommes. Il en est de même lorsque, quelques années
plus tard, Napoléon refuse à Caulaincourt la permission de se marier avec une femme
divorcée. Mais le véritable motif de leur discorde est plus profond : il vient du décalage entre
la vision du grand-écuyer qui veut rester cantonné au service curial – envisageant à la rigueur
quelques missions diplomatiques ponctuelles – et celle de Napoléon qui le destine à un rôle de
plus grande ampleur. De 1804 à 1807, l’Empereur parachève l’apprentissage de Caulaincourt
en l’envoyant négocier avec le chargé d’affaires russe (1804), l’ambassadeur prussien (1806)
ou l’ambassadeur ottoman (1807). Il enlève ainsi à son grand-écuyer un de ses meilleurs
arguments pour refuser tout poste d’importance : son inexpérience.
En 1807, le projet de Napoléon prend forme : après la signature du traité de Tilsit et la
mise en place de l’alliance franco-russe, Caulaincourt apparaît comme le meilleur candidat au
poste d’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. Sa proximité avec l’Empereur est en effet
indispensable au lustre de l’ambassade, de même que les sentiments russophiles qu’il n’a
cessé de manifester depuis plusieurs mois. L’expérience accumulée lui permet de même de