2. Les principaux apports de la 1 école de Chicago (1892

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2. Les principaux apports de
la 1ère école de Chicago (1892-1950).
2.1. Le problème de la désorganisation sociale.
a) Le théorème de Thomas.
b) La théorie du cycle des relations interethniques.
Robert Park (1864-1944) élabore la théorie du cycle des relations interethniques qu’il
présente dans Introduction to the Science of Sociology – qu’il écrit en 1921 avec Ernest
Burgess. Cette théorie repère 4 étapes à travers lesquelles les populations de migrants doivent
passer avant de s’insérer définitivement dans leur société d’accueil.
Compétition.
Conflit
Accommodation
Assimilation
Lorsque des migrants
arrivent dans une société
d’accueil, il y a
compétition entre les
nouveaux venus et les
anciens occupants. Cette
compétition concerne
- Cette compétition
débouche généralement
sur le conflit..
- Phase de rapprochement
des positions des
différentes parties :
concessions et
compromis.
-L’assimilation décrit la
solution au problème des
relations interethniques.
-l’accès au travail
(menace de concurrence
déloyale),
- la culture, les questions
de reconnaissance et de
prestige, la compétition
- le sol et l’occupation de
l’espace.
-Selon Park, l’étape du
conflit représente un
progrès par rapport à la
précédente, car le groupe
prend conscience de luimême et développe des
formes de solidarité
collective (associations,
centres culturels)
- Les minorités ethniques
n’ont pas nécessairement
abandonné leurs
particularités.
-Les conditions d’une
cohabitation pacifique
sont réunies.
- Le conflit est donc
positif parce qu’il est
structurant.
Park reconnaîtra lui-même que sa théorie des relations interethniques était trop optimiste. Il la
modifiera en développant la concept d’ « homme marginal ». Le migrant est partagé entre
deux cultures, deux sociétés, deux pays et se trouve fréquemment contraint de vivre aux
marges de celles-ci.
c) La désorganisation sociale.
La principale notion introduite par Thomas et Znanieki dans Le paysan polonais, est celle de
« désorganisation sociale » définie par les auteurs comme « le déclin de l’influence des règles
de comportement sur les membres du groupe ».
Les immigrés polonais sont confrontés aux Etats-Unis à de nouvelles situations et à des
univers sociaux différents qui les amènent à remettre en question les normes traditionnelles
qu’imposaient leurs communautés d’appartenance. La désorganisation sociale frappe
fondamentalement la famille et les communautés formées par les migrants.
-Désorganisation familiale d’abord puisque l’individualisme, le désir de posséder et de
reconnaissance affectent la solidarité du groupe familial et provoquent des conflits entre les
générations. Les normes et les valeurs du groupe ne sont plus en adéquation avec les attitudes
des individus.
-Désorganisation de la communauté qui sous la pression des mêmes facteurs n’est plus en
mesure d’imposer à ses membres les normes nécessaires à son unité. Son pouvoir de
socialisation en est alors affecté et la dislocation du groupe s’accroît, devenant ainsi de plus
en plus inapte à fournir à ses membres les moyens d’une adaptation sociale. C’est donc avec
plus ou moins de difficultés que la désorganisation progressivement se réduit face à la montée
d’un processus de réorganisation.
-Désorganisation sociale enfin lorsqu’elle concerne la collectivité dans son ensemble.
Dans l’étude consacrée au « Paysan polonais » Thomas et Znaniecki considère un processus
d’organisation-désorganisation-réorganisation qui accompagne les migrants polonais de leur
pays d’origine jusqu’à leur société d’accueil.
Désorganisation de la
communauté polonaise avant
l’immigration.
Désorganisation familiale
notamment en milieu rural à
cause de l’irruption de
nouvelles pratiques de
consommation, de
l’apparition de nouveaux
comportements économiques
et sociaux.
 Désorganisation de la
communauté qui est
incapable de mettre en place
de nouvelles formes
d’intégration.
L’immigration renforce
la désorganisation.
Une réorganisation prend
forme progressivement.
 La désorganisation
familiale s’accroît car la
se détache davantage de
ses autres liens familiaux
(famille élargie) ou de
voisinage.
 Selon thomas et
Znaniecki, cette
réorganisation prend d’abord
appui sur les éléments les
plus résistants au changement
comme la religion. Elle va
contribuer au statut des
populations, à leur identité et
fixer leurs attitudes.
 Les anciennes
solidarités de proximité
sont absentes ou
balbutiantes dans le pays
d’accueil. La
paupérisation conduit
alors souvent à la
délinquance.
 la mise en place de
nouvelles formes de
solidarité (entraide
communautaire) et le
développement de
l’éducation contribuent à
l’intégration
2.2. Déviance et délinquance.
Ce sont des thèmes importants et récurrents dans les travaux des sociologues de l’école de
Chicago.
-Voir document 3 du dossier.
-Voir manuel Sociologie. Théorie et analyses, pp. 525-537.
2.3. L’école de Chicago et la sociologie urbaine.
a) La ville, laboratoire social.
Les sociologues de l’école de Chicago sont considérés comme les fondateurs de la sociologie
urbaine, c’est-à-dire d’une sociologie étudiant la ville comme un objet social fondamental au
même titre que la culture, les classes sociales ou la criminalité.
L’analyse sociologique de la ville et des phénomènes urbains est orientée par plusieurs
questionnements qui sont permanents dans les réflexions de ces auteurs. Trois questions
paraissent particulièrement importantes :
1/ La première concerne l’intégration des populations immigrées au sein de l’espace
urbain. Ces populations arrivent dans une ville déjà occupée par d’autres populations et dans
laquelle les relations sociales, les équipements sont distribués d’une certaine manière.
Comment la population allogène est-elle reçue, comment organise-t-elle son installation ?
2/ La 2e question porte sur les formes de ségrégation, l’espace urbain est aussi un espace
social : la localisation des individus est en rapport avec leur place dans la société.
3/ La 3e question est centrée sur les désordres urbains qui du fait de la concentration des
populations prennent souvent des proportions considérables.
« La ville comme laboratoire social » ou « the city as a social laboratory » est une expression
de Robert Park. Le phénomène urbain est associé dans l’histoire des hommes à la civilisation
et à son progrès. La ville elle-même est un produit de la division du travail. Elle s’est affirmée
comme centre de la vie intellectuelle, scientifique, artistique, culturelle et économique. Selon
Park, si l’homme a créé la ville, la ville dorénavant recrée l’homme, c’est-à-dire qu’elle
participe à sa transformation.
Robert Park s’intéresse donc à la façon dont l’environnement urbain façonne la mentalité de
l’homme moderne.
Il trouve cette problématique dans une étude de Georg Simmel « Métropoles et mentalités »
écrite en 1903. Simmel explique dans ce texte que les relations sociales en ville sont beaucoup
plus rationalisées qu’en milieu rural où le poids du voisinage et l’influence du groupe
familial élargi leur donnent une épaisseur affective qu’elles tendent à perdre en ville.
Pour Simmel, la ville dont il observe au début du 20e siècle l’expansion rapide est un lieu où
sont réunies une série da caractéristiques déterminantes :
-c’est le lieu de la division du travail, c’est là qu’apparaissent de nouvelles
activités, que se manifestent de nouveaux besoins, c’est là qu’on innove ;
-c’est le lieu de l’usage de la monnaie (alors que le troc est davantage présent
en milieu rural) ;
-c’est le lieu de la généralisation des liens marchands qu’il s’agisse de
s’attacher les services de travailleurs ou d’acquérir des biens et des services, l’usage de la
monnaie permet d’utiliser des prix de référence et de revêtir d’une certaine objectivité les
conditions de l’échange ;
-la ville est encore le lieu de la mobilité, mobilité des hommes, des biens et
des idées, mais surtout des hommes qui changent d’emploi, de résidence et de statut.
Ces traits caractéristiques des villes entraînent une dépersonnalisation des liens.
Les individus évoluent moins dans des groupes primaires (groupes dans lesquels les
individus ont des relations très étroites, durables et intimes : la famille, les relations filiales, la
fratrie, les amis intimes, groupes auxquels on s’identifie complètement, pour lequel on
accepterait tous les sacrifices, les relations des membres sont fusionnelles) et davantage dans
des groupes secondaires à l’intérieur desquels leurs relations sont plus distendues. Il s’agit de
groupes professionnels et de groupes associatifs divers.
Mais, il y a un autre aspect qui est inhérent au précédent : le relâchement des liens
interpersonnels s’accompagne d’une plus grande liberté des individus.
Le problème social qui est alors posé dans un tel environnement est celui du contrôle social.
Environnement rural ou villageois
Environnement urbain
Relations sociales directes/ étroites, durables,
Relations sociales plus indirectes /
intimes, très personnalisées/ principalement à dépersonnalisées /principalement à l’intérieur
l’intérieur de groupes primaires
de groupes secondaires
Liberté individuelle limitée
Liberté individuelle étendue
Contrôle social spontané et global
Contrôle social affaiblie
L’analyse de Park a l’immense mérite de faire reculer des préjugés qui étaient alors
extrêmement présents et qui le sont restés. La plupart des contemporains pensaient que les
immigrés d’alors – et en particulier les plus misérables d’entre eux comme les polonais, les
tchèques, les italiens, les irlandais ou les noirs – immigrés de l’intérieur – éprouvaient les
pires difficultés à assimiler la culture américaine et par conséquent se retrouvaient très
fréquemment impliqués dans les faits de délinquance.
Park avance 3 arguments qui permettent de mieux saisir ces faits.



D’abord, il faut prendre en compte le changement considérable que suppose
l’expérience de l’immigration : les individus étaient engagés à l’origine dans des
relations sociales de proximité qui participaient au contrôle social, puis brusquement
ces relations sont rompues et on leur substitue des relations plus impersonnelles qui
reposent sur le respect de lois dont une partie leur est inconnu (la réglementation sur
l’hygiène alimentaire par ex. la possibilité d’avoir des animaux dans le lieu
d’habitation et de les abattre pour se nourrir, ou dans le domaine économique le travail
au noir, le travail clandestin, les petits trafics illicites) ; Ces lois tendent même à
devenir de plus en plus nombreuses, car les problèmes posés par l’augmentation de la
taille des villes et la concentration des hommes rendent nécessaires de nouvelles
législations (sur les automobiles, sur le vagabondage, sur la propriété foncière et
immobilière, sur l’hygiène et la salubrité etc…) ;
Par ailleurs, Park observe que les groupes de migrants sont généralement confrontés à
un isolement très important. En tant que migrants, ils forment une communauté qui se
désagrège puisque chacun cherche à améliorer son sort individuel ; mais ils ont des
difficultés à tisser des relations suffisamment intenses avec la population de la société
d’accueil ;
Enfin, Park observe que d’une génération de migrants à l’autre, les comportements
déviants ou délinquants tendent à se modifier, et à ressembler de plus en plus à ceux
de la population américaine.
b) Ségrégation spatiale et ségrégation sociale.
Fascinés par la croissance des villes, les sociologues de l’école de Chicago et en particulier,
Ernest Burgess vont construire un schéma récapitulant les étapes du processus d’expansion
urbaine. Ce schéma des aires concentriques pose que l’expansion urbaine naît à partir d’un
centre des affaires, le loop, autour duquel apparaissent progressivement des aires
concentriques successives dont la taille et la nature sont variables et changeantes dans le
temps.
Burgess précise qu’aucune ville, pas plus Chicago qu’une autre ne se conforme à ce schéma.
D’abord, parce qu’il faut prendre en compte différents obstacles, des obstacles physiques et
naturels comme le lac Michigan ou un cours d’eau, des infrastructures comme voie ferrées ou
voies de communication.
En fait, derrière cette description géographique, il y a une problématique sociologique : il
s’agit de préciser les relations entre le processus d’expansion de la ville et l’évolution des
relations sociales, se demander par exemple si un taux d’accroissement des villes trop rapide
ne serait pas de nature à bouleverser les rapports entre les individus et leurs conduites. Une
expansion urbaine trop rapide et désordonnée affecte les relations sociales en les dégradant.
1- Chaque aire urbaine exerce des influences fortes sur les attitudes et les comportements des
individus (même si les sociologues de l’école de Chicago, ne sont ni holistes, ni déterministes,
on retrouve l’idée d’une détermination du milieu, ici du milieu urbain) ; Robert Park et Ernest
Burgess étudient par exemple, la distribution spatiale des divorces. Ils observent qu’ils sont
effectivement concentrés dans les zones où l’on retrouve les populations les plus instables,
c’est-à-dire la zone de transition. Mais, dès lors que les familles quittent cette aire urbaine,
elles deviennent plus stables et la divortialité diminue. Ce ne sont donc pas les origines
ethniques ou nationales des populations qui expliquent leur propension au divorce, mais le
milieu urbain dans lequel elles vivent et les relations sociales que celui-ci impose.
2- La trajectoire sociale des individus peut être analysée comme un déplacement d’une zone à
l’autre. Les phénomènes de mobilité sociale, d’ascension et de régression sociale peuvent être
étudiés à travers les déplacements de l’individu sur une échelle de revenu, sur une échelle de
prestige, mais aussi à partir de ses déplacements d’une zone urbaine à une autre.
3- Un troisième point doit être signalé, il résulte des considérations précédentes que les
processus d’expansion urbaine ont des conséquences importantes sur les attitudes, les
comportements et les trajectoires sociales. Ils peuvent, par exemple, conduire à un
renforcement de la ségrégation spatiale, à l’augmentation de la désorganisation sociale et des
maux sociaux qui lui sont associés.
3. Une seconde école de Chicago à partir des années 1950…
a) Erving GOFFMAN (1922-1982).
Voir manuel Sociologie. Théories & analyses, pp. 49-51.
b) Howard BECKER (né en 1928).
Voir manuel Sociologie. Théories & analyses, pp. 517-518.
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