2.3. L’école de Chicago et la sociologie urbaine.
a) La ville, laboratoire social.
Les sociologues de l’école de Chicago sont considérés comme les fondateurs de la sociologie
urbaine, c’est-à-dire d’une sociologie étudiant la ville comme un objet social fondamental au
même titre que la culture, les classes sociales ou la criminalité.
L’analyse sociologique de la ville et des phénomènes urbains est orientée par plusieurs
questionnements qui sont permanents dans les réflexions de ces auteurs. Trois questions
paraissent particulièrement importantes :
1/ La première concerne l’intégration des populations immigrées au sein de l’espace
urbain. Ces populations arrivent dans une ville déjà occupée par d’autres populations et dans
laquelle les relations sociales, les équipements sont distribués d’une certaine manière.
Comment la population allogène est-elle reçue, comment organise-t-elle son installation ?
2/ La 2e question porte sur les formes de ségrégation, l’espace urbain est aussi un espace
social : la localisation des individus est en rapport avec leur place dans la société.
3/ La 3e question est centrée sur les désordres urbains qui du fait de la concentration des
populations prennent souvent des proportions considérables.
« La ville comme laboratoire social » ou « the city as a social laboratory » est une expression
de Robert Park. Le phénomène urbain est associé dans l’histoire des hommes à la civilisation
et à son progrès. La ville elle-même est un produit de la division du travail. Elle s’est affirmée
comme centre de la vie intellectuelle, scientifique, artistique, culturelle et économique. Selon
Park, si l’homme a créé la ville, la ville dorénavant recrée l’homme, c’est-à-dire qu’elle
participe à sa transformation.
Robert Park s’intéresse donc à la façon dont l’environnement urbain façonne la mentalité de
l’homme moderne.
Il trouve cette problématique dans une étude de Georg Simmel « Métropoles et mentalités »
écrite en 1903. Simmel explique dans ce texte que les relations sociales en ville sont beaucoup
plus rationalisées qu’en milieu rural où le poids du voisinage et l’influence du groupe
familial élargi leur donnent une épaisseur affective qu’elles tendent à perdre en ville.
Pour Simmel, la ville dont il observe au début du 20e siècle l’expansion rapide est un lieu où
sont réunies une série da caractéristiques déterminantes :
-c’est le lieu de la division du travail, c’est là qu’apparaissent de nouvelles
activités, que se manifestent de nouveaux besoins, c’est là qu’on innove ;
-c’est le lieu de l’usage de la monnaie (alors que le troc est davantage présent
en milieu rural) ;
-c’est le lieu de la généralisation des liens marchands qu’il s’agisse de
s’attacher les services de travailleurs ou d’acquérir des biens et des services, l’usage de la
monnaie permet d’utiliser des prix de référence et de revêtir d’une certaine objectivité les
conditions de l’échange ;
-la ville est encore le lieu de la mobilité, mobilité des hommes, des biens et
des idées, mais surtout des hommes qui changent d’emploi, de résidence et de statut.
Ces traits caractéristiques des villes entraînent une dépersonnalisation des liens.
Les individus évoluent moins dans des groupes primaires (groupes dans lesquels les
individus ont des relations très étroites, durables et intimes : la famille, les relations filiales, la
fratrie, les amis intimes, groupes auxquels on s’identifie complètement, pour lequel on
accepterait tous les sacrifices, les relations des membres sont fusionnelles) et davantage dans