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Le commerce varial n’obéit pas à la spécialisation internationale, cette
notion étant interdite par la nature de la technologie. De toute évidence, la maîtrise
de la technologie des moteurs, des roues et des carrosseries permet de produire
simultanément les voitures, les camions, les trains, les chars, les tracteurs, les
moulins, les bateaux ou les machines-outils. De même, la maîtrise du transistor et
du tube à vide entraîne la capacité de fabriquer simultanément le téléviseur, le
poste radio, le téléphone ou le micro-ordinateur.
Tous ces produits n’étant que des combinaisons différentes des mêmes
composantes, on ne peut demander à un pays de se spécialiser dans les camions
et un autre dans les tracteurs, à celui-ci de se spécialiser en téléviseur et l’autre en
micro-ordinateur. Un pays est donc condamné à tout fabriquer ou à ne rien
fabriquer et la spécialisation est tout simplement impossible.
Pourtant, les échanges variaux présentent une configuration qui peut faire
illusion : les Japonais dominent dans la construction navale et on peut croire qu’ils
s’y sont spécialisés. Mais ces formes hégémoniques sont davantage l’expression
d’un oligopole international, où une firme japonaise a affirmé son autorité face à
des concurrentes venant d’autres pays.
Alors que le commerce smithien traduit des complémentarités entre les
économies, le commerce varial exprime des substitutions et son rôle est différent :
il transpose à l’échelle mondiale les concurrences locales et nettoie le marché des
firmes peu compétitives et peu adaptées, obligeant tous les acteurs à l’innovation
et la compétitivité.
Son volume est d’autant plus important que les pays sont développés. On
ne peut néanmoins l’additionner avec le commerce smithien pour élaborer un
quelconque raisonnement pertinent. Un échange des voitures contre des voitures
n’entraîne que des activités limitées au commerce alors que l’importation du
minerai de fer donne lieu à une longue chaîne d’activités intérieures. La
sommation des échanges extérieurs peut donc être utile pour évaluer le niveau
d’intégration des Economies, mais elle ne peut évaluer ni les gains du commerce
international, ni son intérêt.
I.4. LES ECHANGES HIERARCHISES
Dans un pays, l’implantation des entreprises obéit à une règle précise : à
coûts de production identiques, elles s’installent dans l’agglomération la plus
importante qui dispose du plus grand avantage en termes de marché.
Une entreprise dont le rayonnement est national s’installe de préférence
dans la plus grande ville du pays, une entreprise de taille régionale dans l’une des
capitales provinciales, et ainsi de suite.
L’espace économique s’organise ainsi en un vaste réseau arborescent,
sous l’autorité de la ville centrale qui domine les villes provinciales, lesquelles à
leur tour dominent les villes départementales, suivant un processus récurrent.
Cette organisation assigne aux diverses agglomérations un rôle bien
précis dans la chaîne de production. Les plus petites ouvrent la chaîne avec les
produits agricoles, de pêche, d’élevage ou les minerais bruts et les expédient vers
les plus grandes qui les transforment en biens manufacturés. Ceux-ci sont alors
disséminés dans l’ensemble du pays, où ils donnent lieu à des activités de
commerce et de service.