C) Comment la violence de la guerre se manifeste-t-elle en Algérie et en métropole ?
(correction de l' étude de documents)
La guerre d'Algérie n'a jamais été reconnue comme telle par la France pendant le conflit : on parle
« d’événements d'Algérie » pour en minimiser la gravité. Pourtant, la France s'enfonce bien dans
une guerre longue et extrêmement meurtrière.
D'abord, la France s'enlise dans le conflit en envoyant toujours plus de soldats (120 000 en 1956).
En 1956, les appelés du contingent (= les jeunes en âge de faire leur service militaire) sont
envoyés en renfort. Ils participent aux « opérations
de maintien de l'ordre » (euphémisme!).
Pourquoi l'armée française est-elle en difficulté ?
La guerre d'Algérie est une guerre de guérilla : son
territoire est difficile d'accès, l'ALN opère à partir de
« maquis montagnards » (le djebel : Atlas et Aurès)
et obtient l'aide d'une partie de la population rurale,
qui cache les armes et les combattants dans les
villages.
Le pouvoir décide alors de laisser carte blanche à
l'armée pour décider des stratégies à adopter. Dès
lors, l'escalade de la violence est inévitable.
1 – A quels événements l'historien Henri-Irénée Marrou fait-il référence pour évoquer la politique
menée par la France en Algérie ?
Il fait un parallèle entre les pratiques des nazis sous l'occupation et les pratiques des français dans la
guerre d’Algérie. En effet, le contrôle du territoire est difficile. Il convient d'obtenir un maximum de
renseignements permettant d'identifier les opposants et les lieux où ils se cachent. Pour cela, toutes
les méthodes sont employées, y compris le recours à la torture. D'abord ponctuelle, celle-ci devient
générale et est organisée méthodiquement par l'État-major.
En 1957, c'est la bataille d'Alger : les parachutistes du général Massu opèrent des interrogatoires
systématiques de tous les Algériens, fouillent les femmes voilées, pratiquent massivement la torture
pour démanteler le réseau FLN à Alger. 40 % des hommes seraient passés entre les mains de
l'armée !
Texte : Un soldat du contingent évoque l'engrenage dans lequel se trouvent pris les " appelés " servant en
Algérie.
« La guerre d'Algérie, du côté arabe, est une guerre de partisans. Ce sont
donc eux qui choisissent le jour et l'heure du harcèlement ou de
l'embuscade (...). Pourchassés, ils disparaissent d'un secteur, pour
réapparaître longtemps après. Et un soir, à la surprise générale, des quatre
coins du poste à la fois, ils tirent sur les sentinelles (...).
Des " suspects " sont arrêtés. Un spécialiste s'attaque aux suspects :
quelques coups de poings, deux ou trois gifles, des menaces. Ses
méthodes soulèvent la nausée et la protestation de ceux qui ont vu. " Nous
ne sommes pas des assassins ", disent les appelés. " Mais vous savez de
quoi les rebelles sont capables ? " leur répond-on. Ils ont exécuté trois amis
de la France, la compagnie voisine a eu deux tués dans une embuscade. Le
saviez-vous ? Non, nul ne le savait. Alors, on parle d'efficacité, de sauver
des vies humaines, la vôtre peut-être. Ceux qui protestent sont déjà moins
nombreux. Tous s'imaginent la gorge ouverte. (...) Le capitaine dit : " On
vous a confiés à moi, je veux que vous reveniez entiers. Pour cela, nous devons prendre les fellouzes. Vous savez ce
que les rebelles font aux types qui leur tombent entre les pattes ?" Un geste du tranchant de la main à la hauteur de la
gorge. Message reçu. »
Les patrouilles se multiplient. La fatigue et la peur commencent à agir. Alors quelques-uns bousculent un peu un
Arabe. Un salaud, il est de mèche avec les rebelles. Bicots ou bougnoules apparaissent dans le vocabulaire du poste.
J.P. Vittori, Nous, les appelés d'Algérie, Stock éd., 1977, p. 241
« Fellouze » = mot d'argot désignant les « fellagas », les combattants pour l’indépendance de l’Algérie.