Pèlerinages dans la Grèce antique : DELPHES … A LA RENCONTRE DU DIVIN Marie-Françoise BASLEZ
En harmonie avec une nature superbe, investie d'une signification sacrée, le sanctuaire panhellénique de Delphes était au VIe
siècle av. J.-C. le véritable centre et le symbole de l'unité du monde grec.
Plusieurs devises philosophiques ornaient la ville: « rien de trop », la mesure et le rejet des excès, et «connais-toi toi-même» sur
le fronton du temple d'Apollon, maxime enseignant l'importance de l'autonomie dans la recherche de la vérité (formule que
Socrate reprendra). Il s’agit donc d’un lieu de révélation.
On venait de toue la Grèce et de la Grande Grèce consulter l’oracle de Delphes. Par voie terrestre, par voie maritime (en
arrivant au port d’Itea). Delphes est central !
Delphes… Un lieu saint, une colline inspirée
Dans l’Antiquité grecque, la notion de lieu saint est fondamentalement attachée aux oracles, puisque le contact avec les dieux
se fait par une voie qui sort de terre et que médiatise le prophète ou la prophétesse, ici la Pythie.
L’Omphalos représentait essentiellement le « centre du monde ». Cette antique pierre conique, à l'abri dans l'adyton du temple
d'Apollon, était revêtue, comme les divins, d'une résille, de linge… signe de son pouvoir oraculaire. (Omphalos, copie
d'époque romaine, Musée archéologique de Delphes)
Les mythes de Delphes rapportent que l’oracle y est détenue par la terre-mère et que le premier médiateur fut le serpent
Python, animal rampant sur la terre (d’où la Pythie, Pythia, Pythique). Selon le mythe, le serpent est ensuite vaincu par
Apollon, avec qui l’oracle prend une forme anthropomorphique et rationalisée.
Evidemment à Delphes, la beauté grandiose du site facilitait la reconnaissance d’un lieu inspiré.
Venir consulter l’oracle de Delphes, c’est effectuer une « montée », dont le plan général du sanctuaire rend compte.
Le site comprend un théâtre évidemment creusé dans la pente comme tous les théâtres grecs, une voie sacrée en lacets pour
monter graduellement, le temple sur une terrasse, des escaliers…
En arrivant, le pèlerin se sentait écrasé par la majesté des falaises, les Phédriades. C’est le siège de la majesté et de la puissance
divine, lieu de miracles (par exemple, en 378, quand Apollon arrêta l’invasion galate du haut des falaises par des chutes de
neige et de pierres). La fondation des « fêtes du salut », annuelles, ajoutèrent encore à la renommée du sanctuaire.
Les grottes, souvent considérées en Grèce comme des lieux privilégiés d’expérience mystique, devinrent des lieux de culte, en
particulier l’Antre Corycien, située sur les pentes du Mont Parnasse, ainsi que l’attestent des dépôts votifs retrouvés par les
archéologues.
Enfin l’eau de la fontaine Castalie jaillissant d’une faille à la jonction des deux Phédriades, devint une eau sacrée, utilisée dans
les rites de purification préalables à la consultation.
Un parcours ritualisé
C’est encore une caractéristique de pèlerinage.
Venir à Delphes, c’était venir rencontrer le dieu Apollon
Sur un vase d’époque classique (à figures rouges), le dieu accueille le pèlerin. Il est matérialisé par sa statue cultuelle, trônant
dans le temple.
Tous les médiateurs de la voie divine sont représentés :
! les trépieds, qui rappellent sa victoire sur Python, au cours d’une compétition athlétique mythique dont un trépied
était l’enjeu. Ceci explique que le trépied devint le prix remis aux vainqueurs des Pythia (jeux pythiques de Delphes).
! L’omphalos, qui est le rappel nécessaire avec la terre.
! Le laurier, arbre d’Apollon (à mettre en rapport avec le mythe de Daphnée), dont on fait ses couronnes.
Le personnage couronnée, portant la canne est à l’extérieur du temple. On doit donc l’interpréter comme un pèlerin qui s’en
va. C’est la même symbolique que les empreintes de pieds, soit les deux moments d’un pèlerinage : arriver et repartir comblé.
Les mêmes médiateurs apparaissent une autre image qui représente la Pythie en action.
Coupe attique à figures rouges (peintre de Kodros vers 440) Consultation de l’oracle à Delphes, Egée et la pythie Thémis
Le personnage couronné devant elle est un pèlerin à l’extérieur du temple (symbolisé par la colonne). Elle porte une branche
de laurier, auquel certain ont aussi voulu prêter des vertus extatiques et une phiale, pour le rituel de libation.
Tout cela relève des procédures rituelles, sans aucune suggestion de transports échevelés (invention des Pères de l’Eglises
pour lutter contre le paganisme)
Pour répondre aux questions qui lui étaient posées par écrit (sur des papyrus disparus ?), la Pythie pouvait utiliser plusieurs
techniques : tirage au sort par exemple… ses réponses étaient rédigées de façon intelligible et parfois en vers par les prêtres.
La Pythie était une jeune fille de Delphes en charge de l’office pour quelques années. Elle a ici les traits d’une jeune fille. Vers
100 de notre ère, on choisira des femmes plus âgées après un scandale sexuel.
La Pythie fonctionnait dans une crypte, un adyton en grec, où l’on ne parvenait qu’après un certain nombre de rites
préliminaires, dont un sacrifice évidemment célébré par un Delphien, qui servait de patron en quelque sorte au consultant
étranger durant toue sa démarche .
Tout cela prenait du temps. Les files d’attente étaient longues, plusieurs semaines souvent, si bien qu’on créa pour les pèlerins
notables, un privilège de priorité, la promantie, c’est-à-dire le droit de consulter l’oracle avant tous les autres. La mantique, c'est-
à-dire le domaine de la divination, n'est, dans le monde grec antique, constituée que des sciences oraculaires.
La consultation de l’oracle de Delphes fonctionnait donc bien comme tout pèlerinage, antique ou moderne, comme une
parenthèse dans le temps vécu, dans la vie ordinaire du dévot.