Accompagner des patients en déplacements

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Accompagner des patients en déplacements Infiressources rencontre…
Claire-Andrée Frenette-Leclerc, inf., Ph.D.
Septembre 2012
Une infirmière accompagnatrice de patients en
déplacements se raconte : Jacinthe Gagné, née le 13
mai 1953 à St-Rémi de Napierville au Québec, a
obtenu son DEC en soins infirmiers au CÉGEP
Saint-Jean-sur-Richelieu en 1974. Elle a travaillé à
l’Hôpital St-Luc de Montréal de Montréal (CHUM),
notamment aux soins intensifs médicaux et
chirurgicaux, à l’unité coronarienne et en tout
dernier à la salle de réveil. Elle a pris sa retraite en décembre 2009.
Infiressources l’a rencontrée pour qu’elle nous parle de ses activités
d’accompagnement vers divers centres d’examens ou de traitements pour des
patients de l’Hôpital du Haut-Richelieu de Saint-Jean-sur-Richelieu, sa ville de
résidence située à 40 kilomètres de Montréal et à 125 kilomètres de Sherbrooke,
là où se font la plupart des transports de patients.
Infiressources : Comment en êtes-vous venue à occuper ce poste d’infirmière
d’accompagnement?
J.G. J’ai pris ma retraite en décembre 2009. Comme j’avais encore beaucoup d’énergie en
réserve, j’étais allée rencontrer les gestionnaires des Soins infirmiers de l’Hôpital du
Haut-Richelieu en leur proposant mes services pour faire de l’accompagnement de
patients. Pendant mes années de travail à Montréal, j’avais souvent rencontré de telles
infirmières et cela m’intéressait. Elles m’avaient répondu : « Nous avons besoin de
quelqu’un. Il y a trois infirmières régulières à ce poste et, parmi elles, deux sont en
préretraite. » En pratique, j’ai commencé à travailler le 3 janvier 2010 et j’ai presque
toujours travaillé à temps plein depuis; je ne travaille jamais les fins de semaine. Mon
contrat est très simple : si l’hôpital n’a plus besoin de moi, je pars et si je décide que je
veux partir, je suis libre de le faire. J’ai un poste de retraitée et je n’accumule pas
d’ancienneté dans l’hôpital.
Infiressources : Est-ce que tous les patients sont transportés en ambulance ou s’il
existe d’autres modes de transport?
JG. À Saint-Jean, il y a quatre modes de transport pour l’extérieur : 1. Si l’état du patient
l’exige, le transport se fait par ambulance avec une infirmière et le personnel requis; 2. Il
existe aussi un modèle de transport médical avec fauteuil gériatrique, d’un, deux ou 3
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patients accompagnés d’une ou de deux infirmières, dans un minibus équipé d’un
défibrillateur et d’oxygène; 3. Le taxi adapté ou la fourgonnette où l’infirmière apporte le
matériel : bonbonne d’oxygène de l’hôpital, si nécessaire, fauteuil gériatrique. Le
conducteur n’a pas de formation particulière pour aider l’infirmière, contrairement au
conducteur du minibus qui a une formation de style RCR. 4. Le taxi ordinaire est utilisé
par des patients qui arrivent de la maison (exemple patients hémodialysés) et qui auront
besoin de l’accompagnement d’une infirmière à leur retour de l’examen. L’hôpital qui
fait l’examen ne s’occupe pas du suivi, c’est l’hôpital d’origine qui est responsable du
patient et qui fournit le transport et l’accompagnement. Selon l’état du patient, il y a des
accompagnements par des infirmières, des infirmières-auxiliaires, des préposés et par des
bénévoles.
Infiressources : Quel est l’intérêt de ce travail pour une infirmière?
C’est un travail qui est moins stressant que le travail hospitalier, du moins pour moi. Je
n’ai pas à côtoyer de nombreux intervenants, je suis seule avec mon patient. J’en ai la
totale responsabilité, c’est moi qui évalue, qui juge et qui décide. Je dois lui assurer les
mêmes soins, de la même qualité que s’il était à l’hôpital, que ce soit dans une unité
régulière ou s’il provient des soins intensifs, qu’il soit sous moniteur, qu’il reçoive sa
médication par pompe, per os ou par voie intraveineuse. C’est un service privilégié autant
pour l’infirmière que pour le patient. Je ne fais jamais d’accompagnement pour les
enfants ni pour les femmes enceintes. Ce sont des clientèles que je ne connais pas. Je n’ai
jamais travaillé ni en obstétrique ni en pédiatrie, encore moins en néonatalogie. Je ne
connais pas les médicaments. Plusieurs infirmières sont mal à l’aise avec ces patients et,
souvent, c’est une infirmière de l’unité de soins qui va faire le transport.
Infiressouces : Et pour le patient?
Je pense que le patient est privilégié parce que je lui donne un soutien moral, un soutien
empathique; c’est un soutien privé, une aide contre le stress, je lui fais de l’enseignement.
J’ai de nombreuses occasions d’intervenir et j’ai le temps de l’écouter. Les patients
aiment bien jaser en général, ils font facilement des confidences à l’infirmière qui reste à
ses côtés pendant quelques heures. Ils n’ont pas tellement souvent l’occasion de se
raconter quand ils sont à l’unité de soins, car les infirmières travaillent sous pression et
n’ont pas tellement le temps de s’arrêter aux confidences même si elles veulent agir avec
empathie. Parfois, je détecte des choses que je communique aux gens de l’étage quand je
reviens.
Infiressources : Comment se fait votre premier contact sur l’unité de soins?
JG. C’est moi qui vais chercher le patient sur l’étage. Avant de le rencontrer, je dois
suivre une certaine routine qui me permet d’assurer sa sécurité pendant le transport.
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Dans mon horaire, j’ai 15 minutes allouées pour connaitre son historique
d’hospitalisation, ce qui est important pour être capable de réagir correctement à toute
situation d’urgence hors du contexte de l’hôpital. J’arrive habituellement à l’hôpital
beaucoup plus tôt que l’heure fixée, car parfois les situations sont très complexes : sa
médication actuelle et à la maison, ses antécédents médicaux, chirurgicaux et personnels,
le pourquoi de cet examen, sa mobilité, ses résultats de laboratoire, son orientation dans
l’espace et le temps, son degré d’anxiété face à cet examen, son degré de compréhension
de l’examen à venir, les traitements réalisables hors du milieu hospitalier, etc. J’obtiens
tous ses renseignements au dossier et auprès de l’infirmière soignante du patient.
Je dois vérifier si le patient risque d’avoir besoin d’analgésique pendant la journée et au
besoin, je demande aux infirmières de me fournir ce qu’il faut pour le temps de l’absence
de l’hôpital. Je peux toujours en obtenir de l’hôpital d’examen, mais c’est très compliqué;
il faut avoir la prescription avec soi ce qui n’est pas très réaliste et c’est difficile de se
pointer à l’urgence... C’est beaucoup mieux de prévoir. Je dois penser à la médication de
la journée si le patient n’est pas à jeun. S’il est nauséeux, il faut apporter un antinauséeux.
Il faut que je sois très vigilante selon la sorte d’examen que le patient devra subir. Par
exemple, pour un patient allergique à l’iode, il faut prévoir une préparation particulière.
En présence d’insuffisance rénale, les produits de contrastes iodés peuvent augmenter le
problème et selon le protocole, pour protéger les reins, il doit recevoir trois doses de
Mucomyst per os avant le traitement et/ou une perfusion intraveineuse de bicarbonate. Si
je me rends compte en vérifiant le dossier qu’il ne l’a pas reçu, je vais faire annuler
l’examen, car je sais que le médecin de l’hôpital où se fera l’examen va le refuser.
Si j’amène un patient à Sherbrooke pour une tomographie par émission de positrons
(PET-scan ou TEP scan), je dois vérifier sa glycémie, car il peut être refusé. En effet,
pour l’examen, on injecte une certaine quantité de glucose et il ne faut pas que la
glycémie soit trop élevée. Récemment, une nouvelle infirmière a dû revenir de
Sherbrooke avec son patient pour cette raison. C’est sûr qu’on apprend, mais le coût pour
le patient et pour le système de santé est pas mal élevé. Parfois, il faut juste retarder
l’examen et on peut garder le rendez-vous dans la même journée.
Pour le transport, je me suis fabriqué une grosse valise sur roulettes avec un petit coffre
où j’ai des Jelco, des seringues, des aiguilles, des garrots, du diachylon, des compresses,
un masque d’oxygène, des gants, etc. Je fais le plein de matériel à l’Hôpital du HautRichelieu. Je traîne aussi toute ma documentation sur la compatibilité des médicaments,
documentation pour l’enseignement aux patients, etc.
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Les protocoles sont très bien structurés pour les examens à l’extérieur. Quel que soit
l’hôpital où le patient doit se rendre 1, nous avons un protocole informatisé. Tout est là. La
préparation physique, quel médicament donner ou ne pas donner avant l’examen, la
surveillance des résultats d’analyse : par exemple, si on n’a pas vérifié le temps de
coagulation avant de partir, le patient risque de voir son examen annulé et repris un autre
jour. Même si le protocole est mis au dossier à l’annonce de l’examen, il arrive que, sur
l’unité de soins, l’on oublie de le vérifier en se fiant que l’infirmière du transport le fera :
il est parfois trop tard et le rendez-vous peut être manqué. Les protocoles sont mis à jour
régulièrement.
Contact avec les patients
Quand j’arrive le matin, les patients sont bien contents de me voir. C’est souvent une
source d’anxiété pour eux de sortir de l’hôpital pour passer un examen. Souvent, ils ont
des questions et ils en profitent à mon arrivée. Même la manière de se vêtir pour aller
dans un autre hôpital peut devenir une source de stress : jaquette d’hôpital ou habits
civils? Lunettes? Sous-vêtements? Ce n’est pas toujours évident. Souvent le personnel ne
sait pas trop quoi répondre et c’est moi qui le fais, car je suis habituée à accompagner les
patients. Il faut démystifier.
Je dois faire de l’enseignement, je dois renseigner les patients. Souvent, ils ne savent
pas à quoi s’attendre au sujet de l’examen. Ou bien, ils n’ont pas demandé la question ou
bien l’infirmière ou l’auxiliaire ne savait pas trop quoi répondre. Encore là, mon
expérience me permet de vraiment bien expliquer : quel transport allons-nous utiliser, où
est-ce qu’on va attendre avant l’examen, comment se fait l’examen, est-ce qu’il faut
attendre suite à l’examen, est-ce que l’examen sera douloureux ? Beaucoup de questions
auxquelles le patient est bien content que je puisse répondre. Je ne suis pas certaine que
les malades enregistrent tout ce que je leur dis, car ils sont énervés… mais c’est facile de
compléter sur place si d’autres questions se posent. J’insiste sur le fait qu’on sait à quelle
heure nous quittons l’hôpital, mais qu’on ne peut jamais préciser à quelle heure nous
allons revenir. Dans les hôpitaux où nous allons, les malades proviennent de plusieurs
centres et le statut de chacun est particulier, leur état plus ou moins urgent. Ce sont les
spécialistes de l’hôpital qui décident de l’heure de l’examen et de l’ordre de passage des
patients. Une seule chose est certaine, c’est que le patient va passer son examen au cours
de cette journée-là.
Il faut aussi vérifier la préparation physique du malade, notamment le rasage de la
zone d’insertion d’un cathéter par exemple. Il faut s’assurer que le soluté est au bon
endroit, au bon bras. Si j’arrive à 6 heures du matin pour le transport et que le soluté est
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Maisonneuve, Notre-Dame, Hôtel-Dieu (Montréal), Charles-Lemoyne, Pierre-Boucher, (Rive-Sud de
Montréal), CHU de Sherbrooke
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placé du mauvais côté, je dois parfois me résoudre à attendre de le replacer sur les lieux
de l’examen.
Relations avec le patient pendant le transport pour examen ou traitement
J’ai une relation bien privilégiée avec le malade. Dans plusieurs hôpitaux, l’attente avant
l’examen et le suivi après celui-ci se passe dans les corridors. Les temps d’attente
s’avèrent parfois assez longs et je ne laisse jamais un patient seul; s’il était nécessaire que
je l’accompagne pendant le transport, il s’impose que je reste avec lui pendant l’attente
de l’examen ou du traitement.
Il y a des patients avec qui je développe un sentiment particulier. Pendant une journée
complète avec un patient, il y a des liens qui se tissent. J’ai eu une patiente toute jeune,
dans la vingtaine qui souffrait d’un cancer. Son conjoint était venu avec nous. Nous
avions passé la journée ensemble, le couple et moi. Ils étaient très « symbiotiques ». Je
les ai accompagnés une autre fois pour d’autres examens quelques mois plus tard. Ils
m’ont raconté plein de choses, des choses très intimes. Ils étaient comme à nu. Pendant
l’examen, j’avais parlé avec le conjoint; il avait partagé ses inquiétudes et j’avais le
temps de lui offrir l’occasion de s’exprimer. C’est par le journal que j’avais ensuite appris
le décès de la patiente et j’en avais été très émue.
Après l’examen, je suis seule responsable de faire un suivi; selon la procédure, je dois
vérifier sa tension artérielle, surveiller sa respiration, son état de conscience et les sites de
ponctions pour détecter tout signe hémorragique, etc. En général, personne ne s’occupe
de moi ou de mon patient. L’examen est un service « vendu » par un hôpital à une autre
institution; il n’est pas responsable de la préparation du malade, ni du suivi après
l’examen. C’est moi qui décide du moment du retour, personne ne me donne de
permission ou de consigne, sauf parfois le médecin. Je juge du moment du départ, du
moyen de transport à utiliser en fonction de la sécurité du client.
Si on demande l’ambulance pour le retour, il faut attendre son arrivée. Quand un patient
vient de St-Jean vers Montréal en ambulance, l’ambulancier nous dépose à l’hôpital et il
s’en va; pour des raisons de budget, c’est Urgence santé qu’il faut appeler pour le retour.
Avec eux, nous ne sommes pas prioritaires et on peut attendre longtemps. Plus la journée
passe, les patients deviennent parfois « impatients » et fatigués. C’est aussi à ce niveau
que mon rôle de soutien peut devenir important pour le bien-être du malade.
Infiressources : En plus du transport pour examen ou traitement, avez-vous d’autres
expériences d’accompagnement?
J’ai longtemps travaillé aux soins intensifs, je me sens à l’aise avec ces patients. Je n’ai
aucun problème avec les cas d’urgence par traumatismes, les accidentés par exemple qui
vont en neurochirurgie, ou encore les patients cardiaques. J’aurais aimé pouvoir faire
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toutes les urgences, mais c’est impossible, car il y a une contrainte de temps : quand un
transport en ambulance est annoncé pour un cas d’urgence, il faut être en route dans les
quinze minutes qui suivent la demande et quand je suis à la maison, cela me prend entre
17 et 18 minutes pour me rendre à l’hôpital et c’est un minimum. Évidemment, quand je
suis dans l’hôpital et qu’on annonce un transport d’urgence, c’est avec grand plaisir que
je le fais.
L’organisation du transport se fait avec les ambulanciers : l’un d’eux conduit le véhicule
et l’autre reste à l’arrière avec moi. C’est moi qui suis responsable, mais on travaille en
équipe. S’il faut faire un massage, s’il faut utiliser le défibrillateur, l’ambulancier va le
faire, car c’est son équipement. Parfois si le patient n’est pas stable, un médecin nous
accompagne et gère l’administration de la médication. C’est surtout pour les patients
cardiaques. J’ai des protocoles qui sont précisés au départ si le médecin ne vient pas.
Nous travaillons réellement en collaboration, la situation ne se prête généralement pas
aux conflits. Il arrive qu’un inhalothérapeute vienne aussi et nous nous partageons les
tâches. Chacun a sa place et son rôle.
Avec les accidentés, la famille est souvent en stress intense, les gens ne savent pas
comment réagir et quoi faire. Nous ne laissons monter personne de la famille dans
l’ambulance, mais je m’assure d’avoir les numéros de téléphone, les coordonnées de
téléphones cellulaires pour pouvoir communiquer avec eux rapidement. « On s’en va à tel
hôpital. Je vais vous appeler dès que nous serons sur place et je vais vous donner des
nouvelles. Je vais aussi donner vos coordonnées aux gens de l’hôpital pour que vous
puissiez communiquer. » Plusieurs décident de nous suivre en auto, mais nous les
avertissons que nous devrons rouler rapidement et que, légalement, ils ne peuvent pas
suivre l’ambulance. Évidemment, il arrive que certains nous suivent et on ne peut rien
faire pour les empêcher. Il arrive même que sur la route, certains automobilistes se
faufilent derrière l’ambulance et profitent impunément du corridor ainsi créé. Là encore,
on ne peut rien faire. Donc, mon rôle comme infirmière est de communiquer avec la
famille et de leur donner de l’information sur l’état et la situation de leur malade.
On peut faire des transferts sélectifs pour des chirurgies cardiaques dans des hôpitaux
de Montréal quand le patient hospitalisé à St-Jean figure sur leur liste opératoire.
Normalement, avec l’Institut de cardiologie de Montréal, il s’agit de patients qui y sont
déjà suivis et qui veulent y retourner. Normalement, notre hôpital de référence en
chirurgie cardiaque, c’est l’Hôtel-Dieu de Montréal, car les cardiologues viennent à StJean pour les consultations.
Jusqu’à récemment, pour la radio-oncologie, nous allions à Montréal, mais tout
récemment, un service externe a ouvert à l’Hôpital Charles-Lemoyne qui est beaucoup
plus proche. Toutes les demandes de radiothérapie y sont donc dirigées et c’est eux qui
font les transferts de demandes à Maisonneuve le cas échéant. Ils acceptent de plus en
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plus de patients et pour une variété de plus en plus grande de traitements. Les patients qui
sont à la maison et qui doivent subir une radiothérapie ne bénéficient pas de
l’accompagnement, ils se rendent avec un membre de leur famille ou quelqu’un d’autre.
Si le patient est hospitalisé, il doit être accompagné par quelqu’un qui le prend en charge
durant le transport vers l’autre centre hospitalier, cela peut être un membre de sa famille,
mais le transport est de la responsabilité de l’hôpital. S’il n’a aucune médication à
recevoir et qu’il n’a pas de traitement ou de soluté, il peut être accompagné d’un préposé
à défaut d’un membre de sa famille. S’il a un soluté, cela peut être une infirmièreauxiliaire, mais s’il reçoit des médicaments intraveineux, alors ce sera l’infirmière qui
sera du voyage.
La radiothérapie palliative a pour but de soulager la douleur et de diminuer le volume
d’une masse qui comprime un organe quelconque. Le service a un protocole de cinq
traitements, un traitement par jour, qui apportent souvent du soulagement au malade en
fin de vie. Pour ces patients en particulier, c’est aidant que le voyage soit plus court parce
qu’il n’a pas à se rendre à Montréal. Si le patient est très souffrant, le voyage se fait en
ambulance, c’est une question de jugement pour le confort du patient. Si je me rends
compte que le choix du transport est inapproprié, ou bien je modifie la demande sur place
si c’est possible, ou bien je le fais pour la fois suivante. Les demandes sont quotidiennes
et on peut toujours s’ajuster aux circonstances. Malheureusement, c’est rarement la même
personne qui fait l’accompagnement, car il y a beaucoup des demandes et le choix des
accompagnateurs est fait selon les besoins des patients. Dans mon cas, par exemple, on
me demande habituellement d’accompagner les « cas de moniteur cardiaque » à cause de
mon expérience aux soins intensifs; c’est certain qu’au choix, on ne m’enverra pas
accompagner quelqu’un pour une radiothérapie.
Avec les patients cardiaques, nous avons des protocoles à suivre pour le transport
normal et en cas d’urgence. Par exemple, chez un patient qui est transféré pour la mise en
place d’un pacemaker, je dois surveiller ses signes vitaux et donner la médication du
protocole s’il devient bradycarde. Je me souviens d’un patient qui s’était détérioré
pendant le transport en minibus. J’avais appelé le 911, le chauffeur avait donné ses
coordonnées et l’ambulance Cetam de Brossard était venue le chercher en route. Nous
avions d’ailleurs eu un petit problème technique de transport : on s’en allait à l’HôtelDieu de Montréal; l’ambulance Cetam de Brossard appartenait au secteur de Brossard et
son hôpital de référence, l’hôpital le plus proche, était Charles-Lemoyne sur la Rive-Sud
de Montréal. Il avait appelé l’Urgence de Charles-Lemoyne pour demander la permission
d’amener directement le patient à l’Hôtel-Dieu, ce qui lui fut accordé par l’urgentologue
en charge. C’était beaucoup plus logique.
Une autre fois, je revenais d’une coronarographie avec un patient et celui-ci avait fait un
choc vagal à bord du transport médical avec fauteuil gériatrique. Il était sous moniteur. Il
avait bien réagi aux manœuvres : baisser le dossier du fauteuil (donc la tête), augmenter
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le débit du soluté, l’asperger avec une bouteille d’eau pour le rafraichir. On prend les
moyens à notre disposition. En étant seule, on ne peut compter que sur nos
connaissances, notre expérience, notre jugement et notre débrouillardise. Bien entendu, je
m’étais efforcée de le rassurer… Finalement, tout était rentré dans l’ordre, mais sinon,
j’aurais demandé l’aide du 911. Il ne faut surtout pas paniquer.
Normalement, nous avons le temps de faire un seul transport par jour. Il peut arriver
qu’un deuxième transport advienne, mais c’est plutôt rare. Les tempêtes, le trafic routier,
tout cela n’a aucune importance pour moi, car les transporteurs connaissent leur travail et
je n’ai jamais à me préoccuper de la météo ou de l’état des routes. C’est génial!
Infiressouces : Si je comprends bien, vous appréciez votre travail…
JG. Je fais de l’accompagnement de malades depuis plus de deux ans maintenant et
j’aime vraiment ce travail. Toutefois, je pense que c’est mieux d’avoir de l’expérience en
milieu hospitalier avant de commencer une telle carrière. Sur les unités de soins, les
nouvelles infirmières sont encadrées, elles prennent de l’expérience à partir des situations
qu’elles rencontrent et elles sont davantage en sécurité (et les patients aussi); elles ont une
équipe multidisciplinaire pour interagir avec elles et répondre à leurs questions. Par
contre, en fin de carrière, pour une infirmière qui a de l’expérience, notamment aux
urgences ou aux soins critiques, c’est un travail idéal. L’expérience de travail fait que
l’infirmière expérimentée est moins tendue, moins stressée. Quand j’accompagne les
patients, je constate que les infirmières que je rencontre viennent de partout, et que
plusieurs ont une bonne expérience des soins intensifs ou d’urgence.
L’expérience de vie a aussi une grande importance : accompagner des gens âgés pendant
toute une journée peut sembler inintéressant pour une très jeune infirmière.
Malheureusement, j’ai vu des jeunes accompagnatrices, pas nécessairement des
infirmières, qui sont assises avec leur malade et qui « jouent » avec leur iPhone. Cela me
chamboule complètement. Ce n’est pas cela accompagner un patient. Avec le téléphone
cellulaire, le patient est exclu et il a pourtant besoin de soutien. Je vois très rarement des
« vieilles » infirmières qui ont ce comportement. Si le patient veut se reposer et avoir la
paix, je le laisse tranquille, mais le téléphone cellulaire me paraît un écran à la
communication. Le plus que je m’autorise est de toujours avoir un livre de lecture dans
mon sac à main; je le sors si le patient dort, s’il se repose ou quand il est en examen et
que je dois rester à l’extérieur de la salle.
Accompagner un malade n’est pas une assignation banale qu’il s’agisse d’une sortie en
vue d’un examen, d’un traitement ou encore pour le surveiller pendant le transport vers
un hôpital spécialisé. Je suis seule avec lui et j’en suis entièrement responsable pour la
durée de l’accompagnement. Comme je le dis au malade au moment du départ : « Je suis
votre ange gardien pour la journée. »
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