avec un taux d`actualisation de 10% par an

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Chapitre 4 L’évaluation économique
en santé publique
Les
principales
méthodes
dévaluation
économique
des
programmes de santé vont être
décrites.
Ensuite,
des
exemples
d’application seront analysés.
Avant de décrire les quatre principales
méthodes d’évaluation économique, il convient
de présenter deux éléments essentiels auxquels
ont recours ces méthodes : l’estimation des
coûts (directs et indirects) de la maladie et
l’actualisation des données.


Le coût de la maladie est un domaine important de
l'économie de la santé. Ce concept prend en compte
les conséquences globales de la maladie sur la
société. L'évaluation d'un coût par pathologie permet
aussi de comparer les maladies entre elles et d'établir
éventuellement des priorités dans le cadre d'une
planification sanitaire. Ce type d'étude est aussi
important pour démontrer que les dépenses de santé,
si elles sont adéquates, ne constituent pas des
dépenses "à perte" pour la société mais peuvent être
considérées comme un véritable investissement
financier (facteur de croissance et de développement).
Classiquement, le coût d'une maladie comprend
des coûts directs et des coûts indirects.

Comme il est impossible de calculer la somme des coûts réels de
chaque cas de maladie, un coût moyen par malade doit être
élaboré. Pour cela, une enquête soignée doit être effectuée pour
comptabiliser l'ensemble des coûts liés à la maladie sur un
échantillon de malades. Ces coûts directs sont ceux des soins, des
consultations, des médicaments, de l'hospitalisation, des frais de
transport, salaires du personnel, etc., le plus délicat étant le coût
d'amortissement des valeurs mobilières et immobilières qui ont
servi plus ou moins directement pour les soins aux malades.

De plus, on peut distinguer, d'une part, des coûts variables qui
sont fonction du volume des services médicaux rendus (matériel à
usage unique et médicaments, etc) et, d'autre part, des coûts fixes
ne variant pas en fonction de ce volume, du moins à court terme
(cuisine, blanchisserie, etc). L'utilisation des éventuelles
tarifications officielles n'est pas souhaitable, car elles ne reflètent
qu’imparfaitement les coûts réels des services. Une analyse
minutieuse du temps passé par les personnels de santé et la prise
en compte des coûts d'achat de fournitures et médicaments sont
des moyens plus précis que l'utilisation isolée d'un barème.
Une maladie a un coût plus important que celui des simples
frais médicaux. Un malade est en effet presque toujours contraint de
suspendre son activité professionnelle, pendant une durée variable,
ce qui est préjudiciable pour l'employeur, et indirectement pour la
société.
De plus, la maladie est responsable de nombreux frais ou
pertes de temps annexes pour le malade ou son entourage (frais de
garde des enfants, frais de visites au patient, déplacements, etc.). Or
toutes ces dépenses doivent être prises en compte dans le coût total
de la maladie. Elles constituent des coûts indirects et sont
considérées par les économistes comme un véritable coût social, par
pertes potentielles de production.
Parallèlement à son coût médical direct, la maladie a donc un
coût indirect, qui est en fait exprimé en unités monétaires
(correspondant au travail potentiel qu'aurait pu effectuer le patient
s'il n'avait pas été malade). Bien entendu, ces coûts concernent
surtout les catégories de population ayant une fonction productive
pour la société, c'est-à-dire la population dite active.
Plusieurs méthodes de calcul ont été proposées
pour tenter d'approcher ces pertes productives
liées à la maladie :
-certaines méthodes utilisent le montant du
Produit National Brut (PNB) par habitant. Le PNB
étant le montant de tout ce qui est produit dans
une société en services et en biens pendant une
année donnée, il est facile d'en déduire par un
calcul de prorata et d'extrapolation le montant
moyen de la production par individu pendant un
temps donné. Cette méthode a l'avantage d'être
très simple, donc utilisable pour pratiquer des
comparaisons internationales ou entre pathologies.
Toutefois elle ne détermine pas les coûts indirects
réels, car les maladies ne se répartissent pas toutes
de la même façon dans la population, et le degré
d'activité n'est pas le même pour tous les malades.
- Une autre méthode consiste à dresser une liste
la plus exhaustive possible des frais annexes
inhérents à la maladie, en se basant sur le montant
du salaire du malade. Les salaires horaires moyens
d'une femme de ménage, d'une baby-sitter, d'un
chauffeur de taxi, etc. peuvent aussi être utilisés
pour évaluer la valeur du temps perdu par
l'entourage du malade, pour s'occuper de
l'entretien du domicile de celui-ci pendant son
absence, pour garder les enfants ou pour les
déplacements, etc.
Dans le cadre de ces coûts indirects
peuvent aussi entrer en compte ce que les
auteurs anglo-saxons appellent les effets
intangibles. Il s'agit d'essayer d'évaluer les
effets de la maladie sur la qualité de la vie
(ou pretium doloris): le moral du patient ou
de son entourage, l'angoisse, les pertes
affectives, la souffrance, l'impossibilité de
pratiquer des loisirs, etc. Ces effets liés à la
perte du bien-être sont réels mais très
difficiles à évaluer en termes monétaires, ce
qui explique qu'ils sont souvent oubliés
dans les différentes études sur le coût des
maladies
Malgré les difficultés de la prise en compte
effective de toutes les conséquences d'une
affection pathologique, l'évaluation des coûts
indirects a le mérite de prendre en compte le rôle
social de l'individu et les conséquences "profondes"
des
maladies
dans
les
sociétés.
Impossibles à calculer avec précision, ces
considérations présupposent une vision de la
société axée sur la production. Cette approche de
la finalité de la société humaine est très discutable,
mais a le mérite d'élaborer par une évaluation
monétaire des comparaisons de concepts aussi
différents que la guérison, la souffrance, le temps,
l'ennui, etc.
Une des solutions utilisables pour
évaluer le pretium doloris, consiste à
réaliser une enquête sur un échantillon
adapté de la population étudiée. Cette
enquête a pour objectif de connaître quelle
somme les individus accepteraient de
débourser pour éviter un effet donné: type
de souffrance donné, pour sacrifier les
loisirs, etc... Le montant de cette somme
sera alors celui estimé pour cet effet dans le
calcul des coûts indirects.
La somme des coûts directs et indirects
représente le coût total de la maladie. Il est possible
de le calculer par patient ou par maladie dans une
unité de lieu comme une région ou un pays.
Connaître le coût de chaque maladie permet de
réaliser des comparaisons entre pathologies ou,
pour une même pathologie, entre pays. Dans la
mesure où les méthodologies utilisées sont les
mêmes, ces comparaisons sont précieuses pour
cerner l'impact de la maladie dans la société, ainsi
que pour guider les décisions de politique sanitaire.
Le concept de coût de la maladie renvoie en tous
cas directement à la fonction de l'individu dans la
société.
Cette fonction a donc un prix et pose le
problème universel de l'éventuel prix de la vie
humaine.
Les programmes de santé ont généralement
des coûts (et des recettes) qui se manifestent sur
plusieurs années. Pour aborder le problème de
mesure en rapport avec la dimension temporelle, on
utilisera l'exemple suivant: il s'agit de classer deux
stratégies de prévention appelées A et B. Parmi les
critères
sélectionnés
pour
constituer
la
nomenclature, le montant des investissements
nécessaires à leur réalisation a été choisi. Or pour
ces deux stratégies, ces investissements sont
effectués en deux fois aux mêmes dates.
Ainsi, à la date 1, le montant des
investissements nécessaires à la réalisation de la
stratégie A est de 100 millions d’euros et celui
nécessaire à la stratégie B est de 10 millions
d’euros. A la date 2, les montants nécessaires sont
respectivement de 10 millions d’euros pour A et 100
millions d’euros pour B.
Pour simplifier notre exemple, on supposera que
le taux d'inflation a été nul durant la période qui
sépare les deux dates d'investissement.
Doit-on alors conclure que les stratégies A et B
sont équivalentes pour le critère "investissement",
puisque le montant total des deux investissements
s'élève pour chaque stratégie à 110 millions d’euros
? Les économistes répondent à cette question par la
négative.
En effet, même en l'absence d'inflation, il n'est
pas équivalent de posséder 1 euro à la date 1 et de
posséder 1 euro à la date 2. Pour désigner la
situation qui est préférable, il est toujours
nécessaire de se situer à une même époque, afin de
comparer des sommes d'argent disponibles au
même instant.

Si nous possédons 1 euro à la date 1, nous pouvons l'utiliser
immédiatement à divers usages, comme par exemple le
prêter à un banquier jusqu'à la date 2. Il nous assurera alors
pour ce prêt une rémunération calculée à partir du taux
d'intérêt auquel il emprunte cet euro. Si ce taux est de 10%
pour la période considérée, il nous rendra à la date 2 la
somme de 1 euro plus 10%, soit 1,10 euro.

Si nous nous basons sur cet emploi de notre euro à la date 1,
nous en déduisons sa valeur à la date 2 qui est de 1,10 euro.
Nous sommes alors conduits à préférer 1 euro à la date 1 à 1
euro à la date 2, puisque 1 euro possédé à la date 1 équivaut
à 1,1 euro à la date 2.

Inversement, avec ce même raisonnement, nous aurions pu
également nous ramener à la date 1, en cherchant quelle était
la somme que nous devions posséder à la date I pour que
cette somme soit équivalente à 1 euro possédé à la date 2,
lorsque nous souhaitons utiliser les services de notre
banquier. Cette somme x est telle que:
x + 0,1x = 1 soit x = 1 /(1 + 0,1) = 0,91 euro

Bien évidemment, on aurait pu utiliser notre euro
d'une autre façon: le placer sur un marché avec un
taux d'intérêt différent, acheter un objet qui serait
revendu à la date 2, etc. L'évaluation du rapport de
cet euro durant une certaine période est donnée
grâce à un taux appelé taux d'actualisation.

Si effectivement nous envisageons de prêter notre
argent à notre banquier au taux d'intérêt de 10 %,
le taux d'actualisation sera égal au taux d'intérêt
du prêt, c'est-à-dire 10%. Le choix d'un taux
d'actualisation est toujours difficile, car il intègre
nos préférences pour l'immédiat vis-à-vis du futur,
et relève donc pour une grande part du domaine
subjectif. La détermination de ce taux doit donc
être le résultat d'un consensus entre les acteurs qui
auront à l'utiliser.


Si, dans notre exemple nous décidons d'utiliser un
taux d'actualisation de 10%, le montant des
investissements pour la stratégie A, calculé à la
date 1 sera égal à :
100 + 10 / (1 + 0,1) = 109,09 millions
et celui nécessaire pour la stratégie B, calculé à
la même date sera égal à:
10 + 100 / (1 + 0,1) = 100,91 millions
Pour ce critère, la stratégie B sera donc
préférée à la stratégie A qui est plus coûteuse.
Cette technique d'actualisation est délicate à
utiliser à cause du choix du taux d'actualisation
lorsqu'on manipule des sommes d'argent. Elle l'est
encore plus lorsqu'il s'agit de l'utiliser pour des
critères non monétaires comme par exemple des
années de vie potentiellement gagnées par deux
stratégies de prévention.

Le problème est alors de comparer une
année de vie gagnée à la date 1 avec une
année de vie gagnée à la date 2.

En général, par analogie avec ce qui est fait
dans le cadre monétaire, on choisit un taux
d'actualisation et on applique la formule
mathématique du calcul actuariel (présenté
dans tous les ouvrages de gestion) au
nombre
d'années
de
vie
gagnées.
L'ennuyeux est que dans ce cas, aucune
théorie crédible ne cautionne cette méthode
qui a néanmoins l'avantage d'être simple et
pratique pour manipuler les résultats d'une
évaluation.


La question récurrente posée aux professionnels de la santé peut être
formulée ainsi: comparé à d'autre projets consommant les mêmes ressources,
le programme de santé étudié vaut-il la peine d'être réalisé ? cette
interrogation utile en matière de décisions de santé doit être précédée par
trois autres types d'évaluation :
- l'efficacité théorique du programme de santé (efficacy), c'est-à-dire
l'examen de l'impact a priori du programme sur la santé de la population
concernée ;
- l'efficacité pratique du programme de santé (effectiveness), c'est-à-dire
l'examen de la concrétisation de l'efficacité théorique du service de santé sur
une population acceptant de recevoir ce service.
- la disponibilité du programme de santé (availability), c'est-à-dire
l'évaluation de l'accessibilité du service de santé à ceux qui doivent en
bénéficier.
L'évaluation économique doit s'appuyer sur une analyse systématique des
options pertinentes (services antérieurs, nouveaux services, programmes de
prévention). Le choix du point de vue privilégié est également important: le
patient, le budget du Ministère de la santé, le point de vue de la société, une
institution particulière…). Enfin, la conduite d'une analyse en termes de coûts
d'opportunité apparaît primordiale : le coût réel d'un programme n'est pas
son montant en milliers d’euros, inscrit au budget ; il correspond davantage
aux résultats de santé qui auraient été obtenus avec un autre programme si
les ressources lui avaient été affectées. C'est ce coût d'opportunité que
l'évaluation économique cherche à estimer et à comparer avec les bénéfices
du programme. Les évaluations économiques utilisent plusieurs méthodes.
1 - L'évaluation par la minimisation des coûts
2 - L'évaluation par l'analyse coût - efficacité
Prenons le cas où le résultat du programme est le prolongement
de la vie pour des patients victimes d'une insuffisance rénale
chronique terminale. On va comparer les coûts et les conséquences
d'une dialyse à l'hôpital par rapport à une greffe de rein.
Le résultat qui est le nombre d'années de vie gagnées est
commun aux deux options mais peut être plus ou moins performant
au regard de ce critère. Le coût des options peut aussi différer.
L'option la plus intéressante n'est pas forcément la moins coûteuse, à
moins qu'elle ne donne le plus grand prolongement de vie. La
comparaison des options va nécessiter la calcul de la durée de vie
gagnée qui associée au coût permet d'obtenir le coût par unité d'effet,
c'est-à-dire le coût par année de vie gagnée. Cette analyse où les
coûts sont liés à un seul type d'effet dont l'importance est variable
selon les options est une analyse coût - efficacité (ACE). Les résultats
des comparaisons peuvent être exprimés soit en en coût par unité
d'effet, soit en effet par unité de coût (année de vie gagnée par euro
dépensé). La seconde approche est utile quand il existe une contrainte
de budget. Si le critère est le nombre d'années de vie gagnées,
l'analyse coût - efficacité peut être réalisée sur toutes les options
ayant le même critère d'efficacité (comparaison d'une greffe de rein
avec une opération de chirurgie cardiaque ou encore avec la
législation sur le port obligatoire du casque pour les motocyclistes).
3 - L'évaluation par une analyse coût - bénéfice
Il existe le cas où les conséquences des options envisagées ne sont
pas identiques et il n'est pas possible de les limiter à un seul effet
commun. On peut alors s'intéresser, soit à des effets, qui, communs à
toutes les options, sont multiples, soit à des effets uniques ou multiples
qui ne sont pas communs à toutes les options. Le besoin d'un
dénominateur commun pour mesurer les conséquences des options
apparaît nécessaire. Ainsi, pour la comparaison d'un programme de
dépistage de l'hypertension pour empêcher une mort prématurée à un
programme de vaccination contre la grippe pour réduire la durée de la
maladie. Ici, le résultat attendu diffère selon les options, d'où une
impossibilité de faire une comparaison coût - efficacité ayant un sens.
Les analystes le plus fréquemment dépassent la prise en compte des
effets spécifiques pour mesurer la valeur des effets pris dans leur
ensemble.
Cette valeur peut être mesurée en unités monétaires et les effets
d'un programme sont exprimés par le bénéfice en unités monétaires, ce
qui facilite la comparaison avec les coûts. Des effets tels que les jours
de handicap évités, les années de vie gagnées, les complications
médicales évitées sont alors exprimés en unités monétaires. Les
analyses qui mesurent à la fois les coûts et les conséquences des
options en unités monétaires sont appelées analyse coût - bénéfice
(ACB). Les résultats sont exprimés sous la forme de ratio du coût au
bénéfice ou sous la forme d'une somme pour dégager un effet net.
4 - L'évaluation par analyse coût - utilité
L'utilité est une autre mesure de la valeur. Elle est préférée par les
analystes qui contestent l'évaluation monétaire des bénéfices. Le terme utilité
signifie préférence des individus ou de la société par rapport à un ensemble de
résultats de santé. L'analyse de l'utilité est considérée comme une technique
intéressante parce qu'elle tient compte des ajustements par la qualité de vie pour
un ensemble donné de résultats de traitement. Elle fournit aussi une mesure de
résultat générique permettant la comparaison des résultats de programmes
différents. Le résultat générique, habituellement exprimé en années de vie
pondérées par la qualité ("Quality Adjusted Life Year " ou année de vie ajustée par
la qualité) est mesuré en ajustant la durée de vie affectée par le résultat de santé,
à l'aide des valeurs d'utilité des états de santé correspondants (sur une échelle de
0 à 1).
La notion de QALY, formalisée en 1977 par Weinstein et Stason, est
issue de l'application au champ de la santé de la théorie de l'utilité. C'est un
moyen de formaliser l'expression des préférences individuelles et collectives entre
différents états de santé et de qualité de vie. Le patient préfère-t-il une
thérapeutique chirurgicale présentant un risque opératoire et une certaine
probabilité de succès, à une thérapeutique médicale moins efficace et moins
risquée et présentant des effets secondaires ? Le QALY est une mesure de l'utilité
perçue par les patients d'une action médicale qui modifie leur état de santé. Il
correspond à un nombre d'années de vie gagnées pondérées par la valeur
accordée à ces années par les patients en fonction de l'état dans lequel ce temps
est vécu sur le plan des handicaps et de la souffrance (physique et
psychologique). De tels choix implicites apparaissent également au niveau
collectif, chaque fois que des décisions d'allocation des ressources médicales
sont effectuées.
Ainsi, dans une approche de type QALY,
le coefficient de pondération de la qualité de
vie pour chaque état de santé est multiplié
par le temps passé dans cet état (susceptible
d'être actualisé). La somme des résultats
obtenus va représenter le nombre d'années
de vie pondérées par la qualité.
La mesure du résultat de santé par les
QALYs permet de rassembler les gains issus
de la réduction de la morbidité (gains en
qualité) et de la réduction de la mortalité
(gains en quantité) dans une mesure unique.
Soit l'exemple ci-dessous où l'on suppose les résultats de santé connus sans incertitude.
Sans traitement, la qualité de la vie liée à la santé de l'individu donné se détériorerait
selon la courbe la plus basse et la personne mourrait au temps Mort 1. Mais si la
personne est soignée, son état va se détériorer plus lentement ; elle va vivre plus
longtemps et mourra au temps Mort 2. L'aire entre les deux courbes représentatives des
états va fournir le nombre de QALYs gagnés grâce au traitement. Cette aire peut être
scindée en deux parties A et B. La partie A est le nombre de QALYs gagnés grâce à
l'amélioration de la qualité (c'est-à-dire le gain de qualité de vie pendant la période où
l'individu est vivant dans chacune des deux options), et la partie B est le nombre de
QALYs gagnés grâce à l'amélioration de la quantité (c'est-à-dire la gain de durée de vie,
pondérée par la qualité de cette vie).


Les analyses recourant à l'utilité comme mesure de
la valeur des effets d'un programme sont appelées
analyse coût - utilité. Les résultats des ACU sont
généralement exprimés en coût par année de vie
en bonne santé ou en coût par QALY gagné.
Souvent, au début d'une étude, l'analyste ne
sait pas la forme que prendra l'analyse finale car
elle dépend des résultats de l'évaluation clinique
correspondante (exemple : l'évaluation clinique
peut montrer que deux traitements sont
médicalement équivalents, ce qui ramène l‘analyse
économique à une AMC). Les différentes méthodes
peuvent aussi être utilisées si l'on explore une
dimension différente de la valeur.
1 - Combien de QALY sont-ils gagnés si une personne obtient une
espérance de vie additionnelle de 5 ans avec une qualité de vie de 0,67:
- sans actualisation ? ;
- avec un taux d’actualisation de 10% par an ?
2 - Combien de QALY sont-ils gagnés si une personne obtient 9 mois
de survie supplémentaire avec une qualité de vie de 0,60 :
- sans actualisation ? ;
- avec un taux d’actualisation de 10% par an ?
3 - Combien de QALY sont-ils gagnés par la prévention d’un cas de
maladie qui serait traité durant 6 mois avec une qualité de vie de 0,60:
- sans actualisation ? ;
- avec un taux d’actualisation de 10% par an ?
1 – sans actualisation : 5 x 0,67 = 3,35 QALY
- avec une actualisation de 10% :
[ 1 + 1/1,1 + 1/(1,1)2 + 1/(1,1)3 + 1/(1,1)4 ]x 0,67
=2,79 QALY
2 – sans actualisation : 0,75 x 0,60 x = 0,45 QALY (9 mois = 0,75
année).
- avec un taux d’actualisation de 10% : 0,75 x 0,60 = 0,45 QALY (il
n’y a pas lieu d’actualiser, le délai concerné est inférieur à l’année).
3 - sans actualisation : (1 – 0,60) x 0,5 = 0,2 QALY ; grâce à la
prévention, une dégradation de la qualité de vie est évitée au
patient.
- avec un taux d’actualisation de 10% : (1 – 0,60) x 0,5 = 0,2 QALY
Dans cette section seront proposés des exemples d’analyse
empirique. Il s’agit d’une étude de cas relative aux méthodes
d’évaluation économique des actions de santé publique :
minimisation des coûts à l’analyse coût – utilité.
de la
A - Etude coût-bénéfice
Les études coût-bénéfice sont destinées à relier les
coûts d'une action médicale à ses conséquences
exprimées en unités monétaires. Elles mettent en
oeuvre une nomenclature qui traduit toutes les
variables en termes monétaires. Pour chacune de ces
variables est calculée la valeur absolue de la
différence entre la situation de référence et la
stratégie évaluée. Le coût de la stratégie est obtenu
en effectuant la somme des valeurs absolues des
différences de coût pour les variables de la situation
de référence et de la stratégie. Le bénéfice est obtenu
en effectuant la somme des valeurs absolues des
différences de bénéfice pour les variables de la
situation de référence et de la stratégie.
Il s'agit d'évaluer deux stratégies de prévention de l'ostéoporose par
un traitement hormonal substitutif chez la femme ménopausée :
. La première stratégie consiste à administrer aux femmes ne
présentant pas de contre-indications un traitement hormonal durant 15
années à partir de l'âge de 50 ans;
. La seconde stratégie consiste à administrer le même traitement
durant toute leur vie aux femmes de 50 ans et plus ne présentant pas
de contre-indications;
. La situation de référence est de ne rien faire.
L'évaluation est faite par l'organisme qui finance les
soins et le traitement hormonal.
Les variables sélectionnées sont:
. les frais d'hospitalisation pour le traitement d'une fracture du
fémur proximal ;
. les frais de soins à domicile ;
. les frais de soins en institution ;
. les frais de traitement hormonal et de surveillance médicale.
Un modèle de simulation a été réalisé en retraçant l'histoire de 100 000 femmes selon la
stratégie utilisée. Il donne les résultats suivants:
Hôpital
A domicile
Institution
Hormones
Ne rien faire
670
626
8946
0
15 ans
570
563
8746
515
Toute la vie
301
485
8551
1127
Ces
résultats
sont
exprimés
en
millions
(modèle de M. Van der Loos, thèse de doctorat - Lausanne).
de
francs
suisses.

agrégation coût-bénéfice absolue,

agrégation coût-bénéfice relative.
L'agrégation coût-bénéfice absolue consiste à préférer la stratégie qui procure le gain le
plus élevé, c'est-à-dire la différence la plus élevée entre le bénéfice et le coût.
Dans cet exemple, le gain de la stratégie du traitement sur 15 ans est égal au bénéfice
moins le coût:
363 - 515 = -152 millions de francs suisses
Celui de la stratégie du traitement à vie est égal à:
905 - 1127 = -222 millions de francs suisses
Dans une perspective d'agrégation coût-bénéfice absolue, la stratégie du traitement sur 15
ans est donc préférée à la stratégie du traitement à vie.
L'agrégation coût-bénéfice relative consiste à préférer la stratégie pour laquelle le quotient
coût sur bénéfice est le plus petit.
Dans notre exemple, ce quotient est égal à:
Stratégie sur 15 ans: 515 / 363 = 1,42
Stratégie à vie: 1 127 / 905 = 1,24

Dans la perspective d'une agrégation coût-bénéfice
relative. ce sera cette fois-ci la stratégie du
traitement à vie qui sera préférée à la stratégie du
traitement sur 15 ans. Tout en étant rigoureuses,
ces deux méthodes de calcul aboutissent à des
résultats opposés et peuvent rendre l'observateur
perplexe.

En fait, en économie de la santé, ce sont rarement
les résultats bruts qui sont intéressants à connaître
mais la discussion même de ces résultats en
fonction des hypothèses qui ont été émises. Toute
conclusion peut être remise en question par
l'application d'une autre méthodologie fondée sur
des hypothèses différentes.
B. Etude coût-efficacité


Les études coût-efficacité sont destinées à relier les
coûts d'une action médicale à ses conséquences
exprimées en unités physiques (années de vie
sauvées, nombre de malades évités, ...).
Elles utilisent une procédure d'agrégation dont la
nomenclature est composée d'un critère non
monétaire (critère d'efficacité) et de critères dont les
unités s'expriment en quantité de monnaie.

Les critères monétaires sont agrégés en un seul
critère qui est le gain de la stratégie à étudier par
rapport à une stratégie de référence (voir agrégation
coût-bénéfice absolu pour calculer ce gain).
A chaque stratégie est associé son gain d'efficacité par rapport à la
situation de référence. Reprenons l'exemple précédent et ajoutons à la
nomenclature, le critère "espérance de vie à 50 ans" calculé en nombre
de jours.
Le modèle de Van der Loos permet de calculer cette espérance de vie
pour chacune des stratégies envisagées :
- stratégie "ne rien faire" : 12 143 jours ;
- stratégie "hormonothérapie pendant 15 ans": 12 163 jours ;
- stratégie "hormonothérapie à vie" : 12 206 jours.
ans:
Les gains d'efficacité correspondent ici à l'espérance de vie à 50
- stratégie "hormonothérapie pendant 15 ans": 20 jours ;
- stratégie "hormonothérapie à vie": 63 jours.
Lorsque la même stratégie est meilleure simultanément sur le
critère gain et sur le critère efficacité, il n'y a pas de problème de choix
puisqu'elle paraît d'emblée la meilleure. Si deux stratégies ont la même
efficacité, la rationalité économique conduit tout naturellement à choisir
celle qui présente le gain le plus élevé; cette procédure très simple
relève du principe du choix du coût minimum (choix de minimisation
des coûts).

Mais souvent la situation est plus complexe.
Dans notre exemple: la stratégie "traitement sur 15
ans" a un gain négatif égal à -152 millions de francs
suisses pour une efficacité de 20 jours. La stratégie
"traitement à vie" coûte plus cher (gain négatif de 220 millions de francs suisses) mais procure une
efficacité plus grande: 63 jours.

Deux procédures sont à notre disposition pour
nous aider à conclure: l'agrégation coût-efficacité en
moyenne et l'agrégation coût-efficacité marginale.
L'une et l'autre ont le même objectif: se ramener à
une situation où l'efficacité des deux stratégies est la
même puis comparer leurs coûts respectifs. Pour
chacune d'elle, il est nécessaire de supposer que pour
chaque stratégie, le gain (ou le coût si ce dernier est
négatif) est fonction du niveau d'efficacité atteint.

L'agrégation coût-efficacité en moyenne. On va calculer le
gain d'une unité d'efficacité et la stratégie choisie sera celle
dont le gain par unité d'efficacité sera le plus grand.
Dans notre exemple, le gain par unité d'efficacité pour la
stratégie "traitement sur 15 ans" est:
-152 / 20 = -7,6 millions de francs suisses
Pour la stratégie "traitement à vie", ce gain est:
-220 / 63 = -3,49 millions de francs suisses

La procédure d'agrégation coût-efficacité en
conduit à préférer la stratégie du traitement à vie.
moyenne
Implicitement, cette méthode suppose l’acceptation de la
linéarité de la fonction de gains. En réalité, elle est rarement
satisfaite à cause de l'existence de coûts fixes et de
l'impossibilité d'accroître indéfiniment l'efficacité, quels que
soient les moyens matériels affectés à une stratégie. Dans les
cas fréquents où cette hypothèse ne peut être satisfaite, on
peut recourir à l'agrégation coût-efficacité marginale.

L'agrégation coût-efficacité marginale est délicate à mettre en
œuvre. Elle suppose que les gains et les efficacités des deux
stratégies
à
comparer
sont
voisins.
Il faut aussi décider pour lequel des deux niveaux d'efficacité
sera effectuée la comparaison des gains: au niveau de
l'efficacité de la première stratégie ou de la seconde stratégie.

Supposons que le gain d'efficacité de la seconde stratégie
(traitement à vie) soit supérieur à celui de la première
stratégie et que l’on compare les deux stratégies à ce niveau
d'efficacité.
La procédure coût-efficacité marginale consiste à estimer
quel serait le gain monétaire d'une unité supplémentaire
d'efficacité pour la stratégie 1. Connaissant ce gain et en
supposant qu’il varie linéairement sur un intervalle court
séparant les niveaux d'efficacité des deux stratégies, il est
aisé de calculer le coût de la stratégie 1 pour le niveau
d'efficacité de la stratégie 2.
Considérons l'exemple suivant:
.la stratégie 1 amène un gain de -1000 et une
efficacité de 100 ;
.la stratégie 2 amène un gain de -1200 et une
efficacité de 105.
On souhaite comparer ces deux stratégies au
niveau d'efficacité 105 et on a établi que pour passer
du niveau d'efficacité 100 au niveau 101 (gain d'une
unité d'efficacité à partir du niveau 100), il fallait
dépenser 100 unités monétaires.
Si l'on admet la linéarité de la fonction qui lie le
gain monétaire à l'efficacité sur l'intervalle court 100
- 105, le gain de la stratégie 1 pour un niveau
d'efficacité 105 sera égal à:
-1000 + 5 (- 100) = -1500 unités monétaires
Au niveau 105, c'est donc ici la seconde stratégie
qui est préférée. Ce résultat est alors opposé à celui
obtenu avec une procédure d'agrégation coûtefficacité en moyenne.
C- Une étude coût-utilité
Les études coût-utilité relient les coûts d'une action
médicale à ses conséquences exprimées en variables
qualitatives telles l’utilité.

Elles font intervenir une nomenclature qui comporte des
variables non monétaires. C'est par exemple le cas lorsqu'au
critère nombre d'années de vie gagnées, on souhaite associer la
qualité de vie liée à ces années de vie gagnées.

Il est alors nécessaire d'agréger ces deux critères en un seul. Le
bénéfice médical sera évalué par le nombre d'années de vie
gagnées pondéré par la qualité de vie au cours de ces années.
Cette méthode doit permettre d’établir, par exemple, le niveau
d'utilité de 10 ans de vie avec une mobilité restreinte ou de 5
ans de vie avec une mobilité moyenne.

Exemple d’utilisation de la grille de Rosser : il s’agit d’une grille permettant
d'appliquer une pondération (ou coefficient) à chaque "état de santé" possible d'un
patient, selon deux critères: la fonctionnalité et la douleur morale. A partir de ces
pondérations, on peut calculer les QALYs.
Douleur morale
Fonctionnalité
Aucune
Légère Moyenne Importante
Pas de dysfonction
1,000
0,995
0,990
0,967
Légère dysfonction sociale
0,990
0,986
0,973
0,932
0,980
0,972
0,956
0,912
personnes âgées, ménagères limitées à des tâches 0,964
0,956
0,942
0,870
0,935
0,900
0,700
0,875
0,845
0,680
0,000
Grabataire
0,677
0,564
0,000
0,000
Inconscience
- 1,028
Dysfonction sociale importante et baisse de capacité au
travail
Importante
limitation
de
l'activité
professionnelle,
simples
Incapacité à tenir un emploi, à suivre des études,
personnes âgées incapables de sortir seules, ménagères 0,946
incapables d'effectuer des tâches ménagères
Condamné à la chaise ou à la chaise roulante, ne pouvant
se déplacer dans la maison sans aide



Un patient qui survit 10 ans sous traitement médical, avec une
légère douleur morale et une légère dysfonction sociale sera en
fait concerné par 10*0,986 = 9,86 QALYs.
Autre exemple en termes d ’équivalence à partir de la grille de
Rosser, on peut établir qu’il est équivalent de passer «une année
sans dysfonctionnement et aucune douleur morale» ou «un an
neuf mois (très exactement 1,7730 an) grabataire avec une légère
douleur morale».
1 QALY issu de : 1 année, sans dysfonction et aucune
douleur morale => 1 x 1 = 1 ;
1 QALY issu de : 1,7730 année, grabataire et légère douleur
morale) => 1,7730 x 0,564 = 1.
Plusieurs critiques concernent ces méthodes en ce qui concerne,
par exemple, la cardinalité de l’utilité, la constance dans le temps
du comportement face au risque, la reproductibilité des réponses,
etc. Néanmoins, ces évaluations peuvent apporter un ensemble
d’informations utiles pour les décideurs en santé publique, à
condition de ne pas constituer l’unique élément d’aide à la
décision.
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