Dr. Marc Chanelière - Dr. Anne Hersart Soigner ses proches « Je sais que t’aime pas donner des conseils médicaux, mais… » Jaddo, 2011 (« on a les neurones qui s’encafouillent ») Quelques chiffres 48-75% des médecins concernés Ages et sexe des médecins, lieu d’installation ? Enfants ++ Médicaments prescrits : ATB, antihistaminiques, AINS, Antidépresseurs, hypnotiques, CO Pourquoi? tradition familiale, amour ou amitié, désir (ou besoin) d’aider ou d’être disponible, commodité, curiosité, devoir, pression Déroulement de la soirée Présentation des intervenants – tour de table des attentes Première séquence: Travail en petits groupes: Echanges sur vos situations de soins: Quelles situations (motifs) ? Quel(s) proches ? Quel(s) soin(s) ou intervention Synthèse collective puis avis expert Seconde séquence: Travail en petits groupes: Quelles attitudes avoir face à la demande d’un proche ? Synthèse puis avis expert Conclusion de la soirée – réponses aux questions Qu’est-ce qu’un proche? Nombreuses définitions Comité d’éthique de l’American College of Physicians : « ce n’était pas le type de relation qui comptait mais le fait que le médecin soit émotionnellement proche : un ami pouvait être plus proche qu’un membre de la famille éloignée géographiquement » Avantages, difficultés et risques Des avantages? Un accès au soins facilité ? Le côté pratique de l’accès au soin La disponibilité du médecin La réévaluation et le suivi plus aisé La gratuité, la diminution des dépenses de santé publique La facilité et la rapidité de prise en charge lorsque le proche est adressé à un confrère Une limitation de la iatrogénie? Implication auprès de proches H; limitation de l’automédication Des avantages?(2) Une relation privilégiée ? La bonne connaissance du patient La confiance dans son « proche médecin » La situation rassurante dans laquelle se trouve le « proche patient » La liberté de décision, la simplicité de la relation, l’absence de jugement et d’intermédiaire pour le médecin Le sentiment de fierté et d’utilité que ressent le médecin Des difficultés? Fixer les limites Conditions de consultation inadaptés : consultation informelle (lieu, temps dédié, horaire…), manque d’information (dossier médical), interrogatoire/EC/ttt incomplet (examen gynécologique?) et biaisé (fausses hypothèses) Distorsion du modèle du médecin chez le proche médecin (et adhésion du proche patient…inobservance?) et du modèle psychanalytique (transfert, contre transfert, EMPATHIE), confusion des rôles Des difficultés? (2) Perte d’objectivité Manque d’objectivité ? Thomas Percival « l’éthique médicale voudrait qu’on ne soigne pas ses proches (…) l’anxiété générée par la maladie de ses proches risquait d’obscurcir son jugement et de produire de la timidité et de l’irrésolution dans sa pratique. M. Mailhot dans « Caring for our own families » « pour fournir des soins de haute qualité, nous devons éviter les omissions, les fausses hypothèses, la violation de la confidentialité, le manque d’objectivité, dont le risque est beaucoup plus important en soignant des proches » F. Chen et al. ”la maladie d’un membre de la famille engendre une émotion qui peut obscurcir la pensée critique et le bon jugement” Article 7 du code de déontologie médicale : « l’objectivité nécessaire à l’action du médecin s’accommode mal de sentiments subjectifs » Attitude maximaliste/ minimaliste Des difficultés? (2) Perte d’objectivité Confraternité avec les autres praticiens Confidentialité (questions des proches ; souffrance du médecin) Les risques? Erreur médicale et impacts de l’évènement indésirable Fragilisation de la relation entre proche médecin et proche patient (… et un vécu de l’erreur encore plus difficile pour les proches médecins E. Gallam) FDR de survenue d’EILS Evénements indésirables liés aux soins à des proches, V. Delmas 2014 Étude qualitative auprès de 12 MG, analyse selon la méthode CADYA Facteurs identifiés Facteurs médecin-dépendants Facteurs patient-dépendant et liés à la relation médecin-« proche patient » Facteurs liés à l’environnement et au système de soin Facteurs liés à la maladie Un cadre législatif? Et dans les textes ? La loi ? Hippocrate « le médecin s’engage à prodiguer ses soins à l’indigent et à quiconque le lui demandera (…) et préservera l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de sa mission » Code de la déontologie « le médecin doit soigner en toutes circonstances et avec la même conscience toute personne, quelle que soit sa situation. » CNOM (CSP: article R4127-7) « le médecin va soigner un ami, un proche ou une personnalité avec une attention renforcée, des précautions supplémentaires, qui peuvent être aussi bien bénéfiques que nuisibles. L'objectivité nécessaire à l'action du médecin s’accommode mal de sentiments subjectifs. » Refus réquisition Aucune interdiction explicite dans les textes régissant l’exercice de la médecine Assurance maladie: Pas de condition de remboursement Et à l ’étranger? CDM du Collège des Médecins du Québec « le médecin doit, sauf dans les cas d'urgence ou dans les cas qui manifestement ne présentent aucune gravité, s'abstenir de se traiter lui-même ou de traiter toute personne avec qui il existe une relation susceptible de nuire à la qualité de son exercice, notamment son conjoint et ses enfants » CME de l’American Medical Association « ne pas soigner leurs proches, en dehors des situations d’urgence dans des endroits isolés où aucun autre médecin n’est disponible. Le médecin ne devait pas être le médecin référent de ses proches mais pouvait occasionnellement prendre en charge les problèmes bénins aigus ». USA: (Fam Pract Manag. Mars 2005) Certains états limitaient la prescription de substances pour des proches Certaines assurances ne remboursaient pas les actes donnés à un proche Quelques outils de réflexion E. Caniato: Attentes des proches ? Une réassurance et des explicitations Un soutien Des conseils Du professionnalisme De conserver ses privilèges De préserver le lien familial (en sachant passer la main…) Que répondre à une demande de soins venant d’un de nos proches? Synthèse de la littérature M. Béguin et O. Marchand. Pas de réponse unique, pas de position dogmatique possible. Nécessité d’une réflexion antérieure pour anticiper sa position en fonction des situations et clarifier sa décision avec ses proches. Résultats : 29 documents retenus Questions à se poser Situations à éviter Ø Qu’est ce que je pourrais faire dans cette situation si je n’avais pas un doctorat en médecine ? Influences à prendre en compte Ø Y a-t-il une autre option ? Ø Facteurs individuels (âge, personnalité, relation préexistante) Ø Attentes des confrères et de la famille Ø Ses propres idéaux de proche et de médecin ØTechniques de manipulation (2-6) (7-9) Ø Rôle de médecin traitant Ø Psychiatrie, Chirurgie Ø Maladies à forte implication affective Situations à préférer Ø Rôle de conseiller, d’accompagnant Ø Adresser à un confrère Ø Situations bénignes sans risque de complication en fixant des limites (2,8-10) Règles à se fixer Réponses types Ø Cadrer la consultation comme avec n’importe quel autre patient Ø Permets-moi de m’assurer que je comprends bien ce que tu me demandes. Ø Expliquer à ses proches Ø J’aimerais pouvoir t’aider mais je t’en prie, comprends que (je ne t’ai pas examiné) (je ne suis pas cardiologue) (je ne suis pas ton médecin)… Ø Respecter vie privée / vie professionnelle Ø Echanger avec ses pairs (6-11) Ø Je me sentirais mieux si tu demandais à ton médecin pour ce sujet. (11) Sept questions de J. La Puma et E. Priest À se poser face à une demande de soins venant d’un membre de la famille (31) : Suis-je formé pour gérer la demande de soins de mon proche ? Suis-je trop proche pour l’interroger sur son histoire personnelle et état physique, et pour être porteur de mauvaises nouvelles le cas échéant ? Puis-je être suffisamment objectif pour ne pas dispenser trop ou pas assez de soins ou de façon inappropriée ? Est-ce que mon implication médicale est susceptible de provoquer ou d’intensifier des conflits familiaux ? Mes proches seront-ils plus compliants si les soins sont prodigués par un médecin indépendant ? Vais-je autoriser le médecin à qui j’adresse mes proches à s’occuper d’eux ? Suis-je prêt à rendre des comptes à mes pairs et à la société pour cette prise en charge ? Enquête qualitative de P. Dagnicourt Est-ce que les soins peuvent modifier mon identité familiale ? Les soins peuvent-ils être réalisés dans de bonnes conditions pratiques et techniques ? Suis-je prêt à faire face aux critiques de mon proche ou du reste de la famille ? Est-ce que la relation de soin est susceptible de compromettre mon bien-être personnel ? Les 5 recommandations de G. Eastwood Etre clair sur les attentes de chacun Garder la même expertise et le même jugement, consigner le dossier médical Choisir le lieu de la consultation. Le règlement de la consultation rend la consultation légale Respecter la confidentialité Être conscient du risque de conflit entre jugement professionnel et émotionnel V. Delmas : attitude des MG En sélectionnant des situations bénignes et banales de soins primaires : « pour régler un nez qui coule… si les choses se corsaient… je passerais la main » Et en cas d’urgence « en cas d’urgence, ou de mort imminente,… il faut pas trop réfléchir » En fixant un cadre: Spatiotemporel: « ça serait bien, si vous veniez au cabinet » Moral: « si j’acceptais… y’a aussi des exigences… même si on est ami » En partageant les décisions :« aucun membre de ma famille suivi par moi uniquement… j’ai pas envie d’être la seule décisionnaire en ce qui concerne leur santé » En orientant vers des confrères « je peux pas répondre à ta question, donc euh, vas avoir ton médecin » V. Delmas : pistes de discussion La bobologie existe-elle réellement? Refus catégorique et proche médecin « exclu » de la dimension corps/soin/bien-être ? Examen non rationnel ET perte du « gut feeling » Perte de l’incarnation du médecin et du « médecin – remède » rdv au cabinet: cadre, démarche de soin active Bon, ben qu’est-ce qu’on fait ? « Je te dérange pas longtemps, c’est juste pour une petite question… » « …je sors de chez le cardiologue et… » « …mon petit de 2 mois tousse un peu … » « …je crois que j’ai encore une cystite… » « …j’ai mal là, là, et pis quand je fais çà ça me tire ici … » « …tu sais, j’ai l’impression que maman, elle perd un peu la mémoire… » « …j’ai pas pu aller au taf/stage/pôle emploi… » « …pour mon certif pour le semi… » « …pour ma pilule… » « …j’aimerai mieux que t’en parles pas à (…), mais … » « …tu peux juste me regarder les oreilles ? » Bibliographie JADDO. Je sais que t’aimes pas donner des conseils médicaux, mais… | Juste aprèsdresseuse d’ours [Internet]. [cité 27 nov 2013]. Disponible sur : http://www.jaddo.fr/2011/04/10/je-sais-quetaimes-pasdonnerdesconseilsmedicaux-mais/ Définitions : relation - Dictionnaire de français Larousse [Internet]. [cité 5 déc 2014].Disponible sur: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/relation/67844 Balint M, Valabrega J-P. Le Médecin, son malade et la maladie: 3e. Paris:Payot; 2003. 418 p. Mailhot M. Caring for our own families. Can Fam Physician M.decin Fam Can. Mars 2002;48:546-7, 550-2. La Puma J, Stocking CB, La Voie D, Darling CA. When physicians treat members of their own families. Practices in a community hospital. N Engl J Med. 31 oct 1991;325(18):1290-4. Fromme EK, Farber NJ, Babbott SF, Pickett ME, Beasley BW. What do you do when your loved one is ill? The line between physician and family member. Ann Intern Med. 2 d.c2008;149(11):825-31. Percival T. 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Article 6 - Libre choix | Conseil National de l’Ordre des Médecins [Internet]. [cité 8 déc2014]. Disponible sur: http://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-6-librechoix-230 KENNETH DC. AMA Attacks Physicians Caring for Their Families (American Medical Association). 2011;16(3). Code de déontologie des médecins - cmqcodedeontofr.pdf [Internet]. [cité. 2 déc 2013].Disponible sur:http://www.cmq.org/~/media/Files/ReglementsFR/cmqcodedeontofr.pdf Dagnicourt P. Soigner ses proches, une attitude à raisonner ?: réflexion sur lesinterférences entre la relation de soin et la relation préexistante par enquête qualitative [Thèse d’exercice]. [France]: Université d’Angers; 2012. Eastwood GL. When relatives and friends ask physicians for medical advice: ethical,legal, and practical considerations. J Gen Intern Med. d.c 2009;24(12):1333-5. Delmas V. Soigner ses proches: une erreur ? [Thèse d’exercice]. [Lyon, France]: Université Claude Bernard; 2014.Forum. 1 juin 2012;24(2):127-37. 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