Le mouvement du 4 mai 1919

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Le mouvement du 4 mai 1919
Classe concernée
Terminale L/ES : rappel des consignes de l’épreuve n° 2 du baccalauréat
En histoire, l’étude critique d’un ou de deux document(s) doit permettre au candidat de rendre
compte du contenu du ou des document(s) proposé(s) et d’en dégager ce qu’il(s) apporte(nt) à la
compréhension des situations, des phénomènes ou des processus historiques évoqués. Il s’agit de
dégager le sens général du ou des document(s) en relation avec la question historique à laquelle
il(s) se rapporte(nt) ; d’en montrer l’intérêt et les limites éventuelles, tout en prenant la distance
critique nécessaire ; et de montrer l’intérêt de leur confrontation.
Documents utilisés (cf dossier 8093, pp. 32-33)
– Texte 1 : “Les travailleurs chinois dans la première guerre mondiale”
Par notification en date du 15 août 1917 insérée au Journal officiel de la République Française des 16
et 17 août, le gouvernement chinois a fait connaître sa décision de participer d’une manière effective
à la lutte soutenue par la France et les Puissances alliées contre les Empires centraux et déclaré la
guerre à l’Allemagne et à l’Autriche, à partir du 14 août 1917.
Je vous invite à porter cet événement à la connaissance des travailleurs chinois de votre groupement
[…] et à lui donner la plus large publicité tant à l’intérieur des cantonnements que sur les chantiers.
à cette occasion, j’ai décidé que toutes les punitions d’isolement n’excédant pas trente jours […]
seraient immédiatement levées.
Je ne doute pas que cette mesure ne soit appréciée comme une nouvelle marque de la confiance que les
ouvriers chinois ont su inspirer par leur assiduité au travail et par leur bon esprit, et qu’ils auront à cœur
de justifier à l’avenir, puisqu’ils sont appelés à concourir à l’effort commun des Gouvernements alliés.
Extrait de la circulaire du Service de l’organisation des travailleurs coloniaux (SOTC), 19 août 1917, adressée pour le ministre de la
Guerre par le général directeur des troupes coloniales, P. Famin, au commandant du dépôt des travailleurs coloniaux de Marseille et aux
commandants de groupements de travailleurs chinois.
– Texte 2 : “Les concessions faites au Japon”
Article 156. L’Allemagne renonce, en faveur du Japon, à tous ses droits, titres et privilèges – concernant notamment le territoire de Kiao-Tchéou, les chemins de fer, les mines et les câbles sous-marins
– qu’elle a acquis, en vertu du traité passé par elle avec la Chine, le 6 mars 1898, et de tous autres
actes concernant la province de Chantoung.
Tous les droits allemands dans le chemin de fer de Tsingtao à Tsinanfou, y compris ses embranchements, ensemble ses dépendances de toute nature, gares, magasins, matériel fixe et roulant, mines,
établissements et matériel d’exploitation des mines, sont et demeurent acquis au Japon, avec tous les
droits et privilèges qui s’y rattachent.
Les câbles sous-marins de l’État allemand, de Tsingtao à Shanghai et de Tsingtao à Tchéfou, avec tous
les droits, privilèges et propriétés qui s’y rattachent, restent également acquis au Japon, francs et quittes
de toutes charges.
Article 157. Les droits mobiliers et immobiliers que l’État allemand possède dans le territoire de
Kiao-Tchéou, ainsi que tous les droits qu’il pourrait faire valoir par suite de travaux ou aménagements
exécutés ou de dépenses engagées par lui, directement ou indirectement, et concernant ce territoire,
sont et demeurent acquis au Japon, francs et quittes de toutes charges.
Article 158. L’Allemagne remettra au Japon, dans les trois mois qui suivront la mise en vigueur du
présent traité, les archives, registres, plans, titres et documents de toute nature concernant les administrations civile, militaire, financière, judiciaire ou autres, du territoire de Kiao-Tchéou, à quelque endroit
qu’ils se trouvent.
Dans le même délai, l’Allemagne notifiera au Japon tous les traités, arrangements ou
contrats concernant les droits, titres ou privilèges visés aux deux articles ci-dessus.
Traité de Versailles de 1919,
Partie IV, Droits et intérêts allemands hors de l’Allemagne, Section VIII, Chantoung [Shandong].
à partir de l’analyse contextualisée de deux documents,
vous montrerez en quoi ils permettent de comprendre le mouvement du 4 mai 1919.
Présenter les documents de manière conjointe
– Précisez leur nature, leur destinataire, leur date et leur contexte.
– Dégagez l’idée générale de chacun d’entre eux.
Analyser les documents en les confrontant
– D’après le texte 1, quel a été le rôle de la Chine durant la première guerre mondiale ?
– Quand est-elle entrée en guerre ? De quel côté ?
– Pourquoi des ouvriers chinois travaillent-ils alors en France ? Est-ce nouveau ? Cherchez des
exemples célèbres.
– Quel organisme s’occupe de ces travailleurs ? Qu’est-ce que cela traduit ?
– Qu’est-ce que le traité de 1898 évoqué dans le texte 2 ?
– Cherchez sur une carte de manuel ou dans un atlas où se trouvent les lieux cités dans ce texte.
– Quelles sont les caractéristiques de ces territoires dans la Chine d’avant 1914 ?
– Connaissez-vous d’autres exemples de territoires chinois dans la même situation ?
– Qu’est-ce que le traité de 1898 révèle sur les rapports de la Chine du début du xxe siècle avec
l’étranger ?
– Recherchez quel a été le rôle du Japon durant la première guerre mondiale ?
– En quoi la Chine peut-elle être humiliée par le contenu du texte 2 ?
Interpréter et dégager la portée des documents
En quoi ces documents permettent-ils de comprendre ce que fut le mouvement du 4 mai 1919 ?
Extrait de : Catherine Maillé-Virole, Propositions de travaux sur Projetables, Documentation photographique n° 8093, mai-juin 2013 ® Dila, 2013
Projetables 8093 / la chine. des guerres de l’opium à nos jours
Éléments de correction
La confrontation de ces documents de nature et de dates différentes permet de comprendre quel
fut le rôle de la Chine durant le premier conflit mondial et d’envisager les conséquences du règlement d’après-guerre sur la société chinoise.
Le texte 1 est un texte administratif, envoyé par le ministère de la Guerre français le 19 août 1917
aux directeurs des services d’État employant des travailleurs chinois afin de leur faire part de l’entrée en guerre de la Chine aux côtés de l’Entente. Le texte 2 est un texte diplomatique, extrait du
traité de Versailles signé le 28 juin 1919, rédigé par les vainqueurs et qui précise le sort de l’Allemagne après sa défaite. Les articles concernent la Chine et ont été rédigés lors de la Conférence de
Paris qui s’est ouverte en janvier 1919. Les trois articles mentionnés favorisent clairement le Japon
au détriment de la Chine.
La Chine n’est entrée que tard dans le conflit, le 14 août 1917, à la suite de l’appel du président
Wilson aux pays neutres à se mobiliser. Cependant, comme le montre le texte 1, elle avait déjà été
mise à contribution par la France et l’Angleterre pour fournir des travailleurs, ces derniers étant
gérés par le Service de l’organisation des travailleurs coloniaux (SOTC), ce qui traduit un rapport
de dépendance aux pays européens. D’après le texte 1, on comprend en effet qu’il existe sur le sol
français avant même l’entrée en guerre de la Chine plusieurs unités de travailleurs chinois dont on
salue “l’assiduité au travail et […] le bon esprit”. Ils sont une aide appréciée pour compenser le
départ des hommes au front. En France, ce sont environ 140 000 hommes qui ont été envoyés par
la Chine pour travailler dans les usines d’armement ou sur des chantiers de terrassement. Après le
conflit, ces travailleurs rentreront en Chine. Mais environ trois mille resteront par choix et formeront
le premier noyau de l’immigration chinoise en France : certains tenteront de se joindre au mouvement “travail-études” consistant à mener de pair études et travail en usine. Plusieurs Chinois
présents à cette époque en France joueront ensuite un rôle politique de premier plan en Chine,
comme Zhou Enlai et Deng Xiaoping.
Le traité de 1898 évoqué ici est un des “traités inégaux” signés entre la Chine et une puissance
étrangère depuis la fin des guerres de l’opium (le traité de Nankin, qui mit fin à la première guerre
de l’opium en 1842, en est un autre), qui l’oblige à céder une portion de son territoire à bail, en
général pour 99 ans. Ici est évoqué le traité signé entre l’Allemagne et l’empire chinois, qui cède à
celle-ci ses droits souverains sur une grande partie de la province du Shandong (ou Chantoung), autour de la baie de Kiao Tchéou ou Jiaozhou. Cette cession a été réalisée à la suite d’une crise diplomatique provoquée par l’assassinat de deux missionnaires et sous menace d’intervention militaire.
Sur ce territoire, les Allemands ont mis la main sur des infrastructures existantes ou en ont créé
de nouvelles. Ce sont, comme le précise le texte 2, des “embranchements, dépendances de toute
nature, gares, magasins, matériel fixe et roulant, mines, établissements et matériel d’exploitation”.
Les Allemands exploitent “le chemin de fer de Tsingtao à Tsinanfou” et d’autres voies ferrées à
leur seul profit, ce qui leur permet de drainer les richesses de l’hinterland. C’est le cas en particulier pour le charbon produit dans les mines évoquées au paragraphe 2 du texte 2 et qui fait du
port de Tsing-Tao, ou Tsingtau en allemand, une escale charbonnière appréciée pour les navires à
vapeur. Tsing-Tao est aussi le point de départ d’un réseau de câbles sous-marins reliant ce territoire
aux autres possessions allemandes (Tiensin ou Tianjin, port au sud de Pékin). Le texte ne précise
pas que la rade de Kiao-Tchéou est devenue une excellente base navale encadrée de forts. Les
Allemands ont aussi implanté une brasserie dans cette ville, d’où le nom d’une marque de bière
chinoise actuelle.
Le cas du territoire de Kiao-Tchéou n’est pas isolé. Plusieurs autres exemples de territoires chinois
devenus des concessions étrangères ou des territoires à bail en 1898 peuvent être cités comme
Port-Arthur au nord de la mer Jaune, occupé par la Russie, puis conquis par le Japon en 1905,
Guangzhouwan (Kouang Tchéou) par la France, tout au sud, ou encore Weihai à l’extrémité de la
04 documentation photographique
la chine. des guerres de l’opium à nos jours / Projetables 8093
péninsule du Shandong par le Royaume-Uni qui contrôlait déjà Hong Kong depuis les guerres de
l’opium (cf dossier 8093, pp. 18-19). Les puissances étrangères ont en effet profité de la faiblesse
de la Chine des Qing pour la dépecer. Cela révèle la perte de souveraineté et le déclin de l’Empire
chinois qui fut pourtant durant des siècles “l’empire du Milieu” auquel les autres peuples prêtaient
tribut.
Le Japon et la Chine ont tous les deux participé à la première guerre mondiale aux côtés de
l’Entente, mais leur participation ne s’est pas faite suivant les mêmes modalités. Le Japon est
entré en guerre dès le 23 août 1914 en raison de traités qui le liaient à l’Angleterre depuis 1902,
renouvelés en 1912. Mais, mis à part un appui naval donné à la Royal Navy, son rôle militaire s’est
cantonné à l’aire asiatique. En revanche, dès son entrée en guerre (août-novembre 1914), le Japon
s’est emparé des possessions allemandes en Chine, en particulier au Shandong, proche de la Corée
qu’il a annexé dès 1895. Les articles 156 à 158 du traité de Versailles cèdent donc au Japon tous
les droits sur les territoires allemands en Chine, alors que les deux pays ont participé chacun à leur
manière à l’effort de guerre dans le camp des vainqueurs.
C’est une humiliation pour la Chine : ses droits ont été bafoués par les Alliés en dépit des
promesses faites par les États-Unis. La déception est d’autant plus forte que la Chine avait mis
beaucoup d’espoir dans les 14 points énoncés par le président Wilson en janvier 1918, qui
relativisait les prétentions colonialistes des puissances en prenant en compte le droit des peuples.
Or, les diplomates américains ont aussi reconnu durant la guerre les “intérêts spéciaux du Japon”
en Chine, “particulièrement dans sa partie contiguë à ses possessions”, ce qui préparait la
reconnaissance diplomatique de leur annexion du Shandong. Cette cession s’explique aussi par
l’acceptation par Yuan Shikai, président de la jeune République chinoise, des “21 demandes japonaises” qui, en 1915, reconnaissaient entre autres l’état de fait de l’occupation de cette région.
Ainsi, ces textes permettent de comprendre pourquoi la Chine s’est sentie trahie par les dispositions du traité de Versailles, alors même qu’elle pensait avoir contribué à l’effort de guerre par
l’intermédiaire des milliers de travailleurs envoyés en Europe. La conséquence immédiate est
l’émeute des étudiants et intellectuels le 4 mai, puis le refus du gouvernement chinois de signer le
traité en juin 1919. Mais le mouvement du 4 mai, du point de vue intellectuel, est bien antérieur à
la fin du premier conflit mondial, et c’est toute la société chinoise qu’il tend à remettre en cause,
notamment en s’inspirant des valeurs occidentales. C’est là toute l’ambiguïté d’un mouvement à
la fois hostile aux pays occidentaux, mais également marqué par la volonté de s’inspirer de leurs
valeurs et de tourner le dos aux traditions chinoises jugées sclérosantes.
Thème 2 : La politique étrangère de la Chine maoïste pendant la guerre froide
Classe concernée
Cet exercice guidé est adapté à une classe de terminale L/ES. Il s’agit de préparer les élèves au
commentaire de documents type épreuve n° 2 du baccalauréat, en lien avec le chapitre “La Chine
et le monde depuis le mouvement du 4 mai 1919”. La consigne générale est la suivante :
à partir de l’analyse contextualisée et d’une réflexion critique sur des documents,
vous montrerez en quoi ils rendent compte de la politique étrangère de la Chine dans les années 1950.
Documents utilisés (cf dossier 8093, pp. 48-49)
– Transparent 12 : Deux affiches de propagande : “Vive la victoire de l’armée populaire coréenne et
de l’armée des volontaires chinois”, 1951 (document A) et “Apprenons de l’expérience de l’URSS
en matière de production moderne dans notre lutte pour industrialiser la patrie”, 1953 (document
B).
Présenter les deux documents de manière conjointe en insistant sur leur nature
Il s’agit d’affiches de propagande en couleur, donc d’un mode de communication visuel et vertical
destiné à toucher le maximum de personnes (y compris analphabètes) en véhiculant un message
simple et qui s’impose immédiatement. Dans les deux cas, il s’agit de dessins aux couleurs vives.
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documentation photographique
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