c'est dans les textes de Popper que l'on retrouve, assemblés sous forme synthétique et condensée,
les principaux arguments mis en avant pour contester la validité scientifique du darwinisme. De
cette théorie, Popper dit, en effet, qu'elle n'est pas une théorie scientifique authentique et qu'elle
constitue plutôt un « programme métaphysique de recherche ». Deux raisons fondamentales sont
avancées par Popper pour justifier cette caractérisation. Tout d'abord, il s'agirait d'une théorie
métaphysique parce qu'on ne saurait la tester. On pourrait, de prime abord, croire le contraire en
pensant que, si l'on trouvait sur une autre planète quelconque une forme de vie qui ferait place à
l'hérédité et à la variation, alors s'enclencherait le mécanisme de la sélection naturelle, qui
aboutirait, avec le temps, à une riche variété de formes vivantes différenciées. Pour Popper, le
darwinisme « n'affirme pas autant que cela » (Popper, 1981 : 245). Car, supposons par exemple
que, sur la planète Mars, on trouve une forme de vie consistant exactement en trois espèces de
bactéries dont le bagage génétique serait semblable à celui de trois espèces vivant sur Terre. Une
si petite prolifération de types de vivants sur Mars ne réfuterait-elle pas alors le darwinisme?
Popper répond ici : « En aucun cas », puisque l'on pourrait toujours arguer, du point de vue de la
théorie darwinienne, que ces trois espèces étaient les seules formes suffisamment bien adaptées
pour survivre, nonobstant le grand nombre de mutants qui auraient vu le jour sur Mars. Quel que
soit le nombre d'espèces que l'on puisse trouver sur Mars, et y compris s'il n'y en a aucune, on
pourra toujours argumenter de la même manière. C'est ce qui fait dire à Popper que le darwinisme
ne prédit pas véritablement l'évolution de la variété des espèces, et que, dans cette mesure même,
il ne saurait l'expliquer.
On pourrait certes rétorquer que la théorie darwinienne prédit au moins l'évolution de la
variété des espèces « sous des conditions favorables », mais il est pratiquement impossible de
fixer l'avance, en termes précis, ce que sont ces conditions favorables. Donc, « dire qu'une espèce
– vivante maintenant – est adaptée à son environnement, est en fait presque tautologique » (Ibid.).
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7 Suivant Williams (1981b : 385), on a reproché à cette théorie de ne pas formuler de lois (Smart,
1963), de mal définir ses termes (Beckner, 1959), de ne pas être axiomatisable (Beckner, 1959),
de ne faire aucune prédiction testable (Scriven, 1959; Manser, 1965; Smart, 1963), de violer les
canons de l'explication déductive-nomologique (Hempel, 1965; Goudge, 1961), et finalement de
baser son argument central sur une simple tautologie (Waddington, 1960).