Evolution morphologique du cerveau I

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A. Delattre
L'évolution morphologique du cerveau. Généralités. Le lobe
temporal
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, X° Série. Tome 2 fascicule 1-3, 1951. pp. 32-55.
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Delattre A. L'évolution morphologique du cerveau. Généralités. Le lobe temporal. In: Bulletins et Mémoires de la Société
d'anthropologie de Paris, X° Série. Tome 2 fascicule 1-3, 1951. pp. 32-55.
doi : 10.3406/bmsap.1951.2882
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1951_num_2_1_2882
L'ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
GÉNÉRALITÉS — LE LOBE TEMPORAL
par le D' A. DELATTRE
Professeur à la Faculté Libre de Médecine de Lille
Docteur es sciences
Volume et forme du cerveau.
Il est établi depuis bien longtemps que le volume relatif du
cerveau humain l'emporte de beaucoup sur celui de la plupart
des animaux. Ce volume important du cerveau de l'Homme
a-t-il déterminé le volume considérable de sa boîte crânienne ?
Apparemment, la réponse à cette question est affirmative et,
pourtant, il y a lieu de faire quelques réserves, et il est néces
saire de donner quelques explications.
Nous avons montré (1) que le volume du crâne s'accroissait,
au cours de l'évolution, d'une façon très particulière, par l'a
djonction
d'une partie nouvelle dans la région postérieure de la
boîte crânienne. Ceci résulte de la bascule de la loge cérébelleuse,
autour de l'axe vestibien, d'un arc de cercle de 70° environ. Il
est évident que l'accroissement du volume du cerveau est inca
pable de provoquer un mouvement osseux d'une telle import
ance. C'est la position verticale du cou et du tronc qui a donné
au crâne humain sa grande capacité. En outre, une certaine
expansion latérale des parois du crâne se surajoute à ce pre
mier
mouvement d'adjonction. Il est cependant possible que
ces deux mouvements (soient dépendants l'un de l'autre. L'é
tude des rapports entre l'élargissement du crâne d'une part,
— c'est-à-dire brachy et dolichocéphalie — et de la bascule
occipitale, d'autre part, est en effet à peine ébauchée et serait
pourtant fort instructive.
Le redressement du corps de l'Homme a donc rendu possible
(1) Delattre (A.). Du crâne animal au crâne humain. Masson, 1951.
A.. DELATTRE.
EVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
33
le plus grand développement du cerveau dans une boîte crâ
nienne
de dimension accrue. A ce facteur favorable, extérieur
au cerveau, se sont ajoutés des facteurs internes de développe
ment.
Nous constatons simplement la résultante de ces actions
en nous efforçant de reconnaître leur part respective. Mais il
serait très imprudent d'affirmer que c'est uniquement le cerveau
qui, en se développant, a amplifié la boîte crânienne. Quelle
que soit la succession de ces deux phénomènes : influence primi
tivedu cerveau sur le crâne ou accroissement primitif du crâne,
le résultat nous paraît identique.
Le cerveau doit adapter ses contours généraux à la forme de
son écrin, il doit se modeler sur les parois du crâne.
La forme générale du cerveau suit obligatoirement la forme
de la cavité crânienne. Il est impossible de soutenir la proposi
tion
inverse, car nos travaux antérieurs ont montré que la mor
phologie
du crâne et de la face est commandée par la fonction
masticatrice et transformée par le degré de redressement du
cou et du tronc sur l'horizon. Il importe donc d'étudier ce que
nous appelons les conditions crâniennes de la morphologie du
cerveau et d'analyser ensuite la façon dont le cerveau captif
s'adapte à cette servitude.
Conditions crâniennes : le moule crânien , ses transformations.
La boîte crânienne ne se développe pas, depuis les Carnassiers
jusqu'à l'Homme, comme un ballon qui se gonfle progressive
ment.
Le crâne humain n'est pas un crâne animal « soufflé ».
L'accroissement de son volume est dû, pour une très large part,
au changement de sa forme. Ceci a été précédemment établi,
mais ce mode de transformation doit être rappelé brièvement.
L'orientation préalable des crânes que l'on veut comparer
entre eux est indispensable, elle se trouve réalisée grâce à la mé
thode
vestibulaire, laquelle apparaît la seule rationnelle. Elle
consiste à orienter les crânes, suivant le plan des canaux semicirculaires horizontaux ; à superposer les profils crâniens de
telle manière que les axes vestibiens, ligne qui unit le milieu
des deux canaux semi-circulaires horizontaux, coïncident, ces
axes vestibiens étant préalablement ramenés à une même lon
gueur.
Cette méthode a montré que tout l'arrière-crâne bascule
autour dé l'axe vestibien, découvrant dans la voûte du crâne
un large hiatus en forme d'onglet sphérique, d'une valeur angul
aire de 70° environ. Ce mouvement est indiqué par les déplace
mentsde l'inion. Cette brèche osseuse est comblée au fur et à
BULL. ET MÉM. SOCIÉTÉ ANTHROP. DH PARIS. T. 2, 10e SÉRIE, 1951.
3
34
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
mesure de sa production par les os membraneux du voisinage,
pariétaux et occipitaux. Il en résulte l'adjonction d'une région
nouvelle à la boîte crânienne, tandis que la loge cérébelleuse se
déplace en dessous d'elle d'un angle de 70° également (fig. 1).
En même temps que se produit la bascule occipitale, la base
chien
chimpanzé
homme
——
Fig.
H
V
I,
1. — Profils craniométriques superposés de Chien, Chimpanzé, Homme.
H', tracé du plan des canaux semi-circulaires horizontaux.
V, tracé du plan frontal passant par l'axe vestibien C.
inion ; B, basion ; O, opisthion.
du crâne se brise au niveau de la loge pituitaire. L'angle sphénoïdal se forme et pénètre comme un coin dans la cavité crâ
nienne.
Plus en avant, le planum suit ce mouvement ascensionn
el,
le crible ethmoïdal également, et le crible s'aligne sur le
planum. De chaque côté du crible, les parois supérieures des
orbites se relèvent par leur partie interne, c'est-à-dire celles qui
sont voisines du crible. Telles sont les principales modifications
A. DELATTRE. — ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU 35
S V'|
chien
n
v,j
-chimpanzéj
Fig. 2. — Les cavités crâniennes en position vestibulaire. Mêmes indications
S, sommet de l'angle sphénoïdal ; N, nasion ; Br, bregma.
V
Br
H
N
'
i
i N
N L.
•-
s* "*s/
homme
!
I
/
H'
chien
chimpanzé
VI
-./
Fig. 3. — Les cavités crâniennes orientées
commun. et superposées avec axe vestibien
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SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
qui amènent le crâne de la forme animale à la forme hu
maine.
Ces changements de forme du crâne doivent être étudiés dans
l'espace : sur la figure 2, les contours de la cavité crânienne
sont représentés en position réelle, vestibulaire, par rapport à
deux plans de référence perpendiculaires entre eux, dont l'un est
le plan des canaux semi-circulaires horizontaux. La loge céré-
H
chien
chimpanzé
position des
hypophyses
=
homme
en blanc,
orang
Fig.
loge4. cérébelleuse
— L'anneaudepariéto-squamo-sphénoïdal
l'Homme a été figurée. Onetvoit
la le
position
refoulement
des cerveaux.
de la partie
La
antérieure des cerveaux dans le tunnel osseux et la bascule de la partie temporooccipitale en arrière.
belleuse n'a pas été figurée ; elle ne présente pas de modifica
tion
morphologique autre qu'un évasement progressif depuis
l'animal jusqu'à l'Homme. La figuration des cavités crâniennes
est donc limitée en arrière à la tente du cervelet. Mais, d'une
façon conventionnelle, cependant proche de la réalité, nous
l'arrêtons à un plan perpendiculaire du plan sagittal de la tête,
passant par l'inion (1) et le sommet de l'angle sphénoïdal. Les
profils de Carnassiers, d'Anthropoïdes et d'Homme diffèrent
de façon considérable, à la fois par leur forme et leur position
(fig. 3).
cérébelleuse.
( 1 ) Inion interne, qui marque la limite entre la grande cavité cérébrale et la loge
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
37
Faisons ici une remarque très importante : parmi les régions
du crâne il existe une partie osseuse de position et de forme in
variables,
au cours du développement évolutif de la boîte crâ
nienne.
Cette région a une forme générale annulaire, elle corres
pond à l'union des pariétaux, des écailles du temporal et du
post-sphénoïde avec ses ailes. Cet anneau porte, à sa partie
inférieure, l'hypophyse, enchâssée comme un chaton de bague
dans la loge pituitaire. Mais la loge est située non pas à l'exté
rieur, mais à l'intérieur de l'anneau ; et en outre le chaton pé
nètre
de plus en plus à l'intérieur de la cavité limitée par l'a
nneau (fig. 5).
carnassier
homme
Fig. 5. — Coupes de l'anneau osseux primitif. La région hypophysaire s'élève à
l'intérieur du crâne, séparant les deux fosses sphéno-temporales.
Ce tunnel pariéto-squamo-sphénoïdal est immobile. Derrière
lui va se former la nuque, devant lui va se transformer le massif
facial. Dans ce tunnel, véritable filière, l'encéphale va se mouv
oir durant son évolution (fig. 4).
La région plano-criblée se relève d'un angle de 35 à 40° en
pivotant autour du sommet de l'angle sphénoïdal. En arrière,
au contraire, le plan qui indique la position de la tente du cer
velet
bascule de 70° environ, de telle manière qu'elle se trouve
placée horizontalement et sensiblement dans le prolongement
du planum, chez l'Homme. Nous appelons « angle d'inscription
du cerveau » l'angle formé, dans le plan sagittal médian, par la
rencontre du planum et de la droite unissant l'inion au sommet
de l'angle sphénoïdal (fig. 6).
Chien : 150°, Gorille et Orang : 150°, Chimpanzé : 165°,
Homme : 190°.
Telles sont les limites générales des différents cadres, des
moules dans lesquels le cerveau va devoir se loger et dans le
squels
également il devra adapter ses contours. Mais une disposi
tion
anatomique spéciale intervient qui règle le sens de cette
adaptation, qui lui impose une direction et qui, au cours de l'é-
38
société d'anthropologie de paris
volution, détermine le genre de mouvement caractérisant l'e
xpansion
des hémisphères. Cette disposition, c'est la fixation de la
base du cerveau à la boîte crânienne.
Fixation du cerveau.
Seule, la partie inférieure et médiane de l'encéphale est sol
idaire
de la paroi crânienne. En effet, les bulbes olfactifs sont
fixés au crible ethmoïdal par les filets nerveux qui le tra-
°3
Pc
Fig.PcSIc
6. — Angle
= 150°,
d'inscription
Chien
des hémisphères.
PchSIog = 150°, Gorille et Orang
PchSIch = 165°, Chimpanzé
PhSIh = 190°, Homme
versent. Plus en arrière, entre le planum et le sommet de l'angle
sphénoïdal, l'hypophyse, suspendue à la base du cerveau par
la tige pituitaire, constitue une attache importante par son i
ncarcération
dans la fosse pituitaire. Derrière cette région, la
protubérance est libre, couchée sur le clivus, comme dans un
berceau, mais plus loin la moelle allongée, encerclée par les
bords du foramen magnum, rend tout le tronc du cerveau et le
cervelet solidaires des déplacements de la loge cérébelleuse.
Enfin, les deux flocculus ou les paraflocculus fixent, à droite et
à gauche, le cervelet à la paroi osseuse, par leur pénétration dans
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
39
les fossa sub-arcuata des rochers, chez les animaux pourvus de
cette cavité osseuse.
La présence des multiples nerfs crâniens ne constitue pas une
attache importante, car ils sont susceptibles d'allongement,
comme on peut en juger par la disposition similaire des nerfs
rachidiens. Les vaisseaux cérébraux et, en particulier, les colla
térales
de la carotide interne méritent plus d'attention, ils
semblent guider les mouvements des lobes, ou, tout au moins,
ils soulignent et indiquent leur déplacement.
On peut dire, par ailleurs, que l'encéphale repose de tout son
poids sur la base du crâne, mais la surface d'appui varie
beaucoup suivant les animaux. Chez les Carnassiers et les Pri
mates
l'appui se fait principalement sur la partie de la base du
crâne située en avant du sommet de l'angle sphénoïdal (fig. 1) ;
tandis que, chez l'Homme, le poids se répartit également sur la
région postérieure. On ne peut vraiment soutenir que la masse
pesante de l'encéphale intervient pour modifier la forme de la
base du crâne, car, au cours du développement évolutif de la
boîte crânienne, on voit, au contraire, la partie antérieure
de la base du crâne se relever progressivement et pénétrer à
l'intérieur de la cavité, alors que, précisément, c'est elle qui sup
porte
le fardeau encéphalique ; tout ceci se voit, bien entendu,
sur les crânes préalablement orientés.
Nous attachons une très grande importance à la fixation de la
base du cerveau par l'hypophyse, au niveau de la loge pituitaire. Cette attache, située en avant du sommet de l'angle sphé
noïdal,
sert en quelque sorte de pivot et va régler le mouve
mentévolutif du cerveau et des hémisphères.
Mouvement général des hémisphères,
leur développement.
Les modifications des hémisphères au cours de l'évolution
sont de deux ordres : ceux-ci se déplacent de façon très import
ante, et, d'autre part, ils se développent considérablement.
1° Leur déplacement est commandé par le relèvement du
planum et du crible déjà décrit antérieurement. Il doit être
étudié sur des cerveaux et des crânes orientés suivant la méthode
vestibulaire, avec axe vestibien commun, cette disposition
mettant nettement en évidence la position variable des loges
pituitaireš.
Ce relèvement refoule la partie antérieure du cerveau et les
lobes frontaux au cours du développement évolutif. C'est un
mouvement angulaire dont le point fixe est situé au niveau du
40
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
sommet de l'angle sphénoïdal ; sa valeur est de 40° environ
depuis les Carnassiers jusqu'à l'Homme.
Les hémisphères traversent l'anneau osseux constitué par les
pariétaux, les écailles temporales et le post-sphénoïde (fig. 4).
Ces hémisphères qui débordaient à peine cet anneau en arrière,
chez les Carnassiers, le dépassent très nettement chez les Pr
imates
et l'Homme. Ils paraissent s'échapper en quelque sorte
chimpanzé
homme
Fig. 7. — Vue latérale de cerveaux orientés.
vers l'arrière, dans l'espace laissé libre, par la bascule de la ré
gion
occipitale, et ils s'y développent.
Dans leur traversée du tunnel osseux, les hémisphères perdent
leur hauteur. En effet, la plate-forme hypophysaire, ainsi que
l'étage antérieur, pénètre de plus en plus dans la cavité crâ
nienne.
Dans cette région la hauteur relative (1) de la cavité
crânienne, donc du cerveau, est plus courte chez l'Homme que
chez les animaux.
2° Un développement important des hémisphères accom
pagne leur déplacement. Il est assez difficile de discerner ce qui
(1) Voir note page 53.
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
41
revient à ces deux modifications dans l'établissement de la
morphologie des hémisphères de l'Homme. En fait, cette étude
consiste à faire la part du refoulement des hémisphères par le
planum et celle due à leur épanouissement. Sur la figure 9, nous
avons superposé la position normalement orientée du cerveau
d'un Chien, avec la position du même cerveau après refoule
ment, supposé jusqu'à la position du cerveau humain. Cette
IcK
"ri"
Ih
V'I
chien
orang
chimpanzé
homme
Fig.
commun.
8. — Cerveaux superposés après orientation vestibulaire et axe vestibien
Sph, Spch, Spc : directions des planums d'Homme, de Primates, de Carnassiers.
S le, S Ior, S Ich, S Ih, directions des tentes du cervelet.
image montre le bord postérieur des hémisphères du Carnassier
occupant une situation toute voisine de celle des Primates. Nous
en concluons que des Carnassiers aux Primates les modifications
morphologiques des hémisphères sont surtout déterminées par
le refoulement de leur partie antérieure et la bascule des hémis
phères vers l'arrière, qui en est la conséquence. Au contraire,
sur la figure 10, on voit l'épanouissement des hémisphères de
puis
l'animal Carnassier ou Primate jusqu'à l'Homme. Le dé
ploiement
des hémisphères vers l'arrière s'arrête à l'horizontale
du sommet de l'angle sphénoïdal et donne un gain d'une valeur
angulaire de 40° à ce véritable déploiement en éventail.
Nous croyons avoir isolé d'une façon globale, par ce procédé,
ce qui revient au refoulement des lobes et ce qui revient à Гех-
42
société d'anthropologie de paris
pansion propre des hémisphères dans la morphologie générale
du cerveau. Sur cette figure 10, les sommets des angles sphénoïdaux ont été artificiellement confondus, afin de pouvoir
mieux juger et mesurer les déplacements du cerveau.
position
normale
/ cerveau
/ en position
/ de l'homme
/par refoulement
Ih
Fig. 9. — Étude du et
refoulement
position supposée
du cerveau.
après
Position
refoulement.
normale du cerveau du Chien
Gomment étudier maintenant la part dévolue à chaque lobe
des hémisphères dans cette expansion générale ? Il nous paraît
que, seule, l'étude des changements de position des scissures
permet de répondre à cette question importante au point de
vue morphologique. Ces scissures ont toujours servi à l'isol
ement descriptif des différents lobes ; en suivant leur développe
ment,
leur orientation dans les différents groupes de Mammifè
res,
il sera possible de déterminer les détails de l'évolution
morphologique du cerveau.
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU 43
La scissure latérale — ou scissure de Sylvius — apparaît
très précocement au cours du développement embryonnaire.
Sa présence est des plus constantes. Elle sépare très nettement
la surface latérale des hémisphères en deux parties. Nous étu
dierons
d'abord cette scissure et son orientation, puis nous mont
rerons
comment son étude permet de connaître facilement les
variations évolutives du lobe temporal.
Scissure de Sylvius et artère sylvienne.
Cette scissure, encore appelée scissure latérale, ne se présente
pas de façon identique chez tous les Mammifères. En suivant
son développement chez les Carnassiers, les Lémuriens, les Singes
et les Primates, on la trouve d'abord représentée sur la face la
térale
des hémisphères cérébraux des Carnassiers par une sim
ple ligne déprimée « la pseudo Sylvia » (1), autour de laquelle
les circonvolutions dessinent des arches concentriques (fig. 11).
Puis cette fente primitive se laisse déborder, enfouir en quelque
sorte par le développement des circonvolutions voisines. Ces
dernières vont, dès lors, constituer les bords progressivement
surélevés de la fosse sylvienne.
Ce n'est donc pas un pli, ni une simple fente, mais, suivant le
terme consacré par Broca : une fosse, la fosse sylvienne, dans le
fond de laquelle il faut rechercher les vestiges des circonvo
lutionsprimitives, graduellement absorbées. Leur ensemble
constitue l'insula de Reil, masquée par le rapprochement des
lèvres de la fosse.
La disposition symétrique par rapport à la scissure de Sylvius
des faces latérales des hémisphères des Carnassiers disparaît
chez les Singes et les Primates. Les circonvolutions* ne sont plus
ordonnées régulièrement par rapport à la scissure latérale. En
outre, cette scissure s'incline sur le plan horizontal de façon
très marquée. M ais, quelle que soit sa position, elle sépare tou
jours
topographiquement le terrritoire du lobe temporal du
reste du Néopallium (fig. 7).
Enfin, dernière remarque, les deux lèvres de la scissure ne
possèdent plus une même longueur, comme on l'observait pr
imitivement
chez les Carnassiers. La lèvre antérieure apparaît
beaucoup plus courte que la postérieure chez les Singes et les
Primates. L'extrémité du lobe temporal déborde alors très net
tement
le reste de l'hémisphère correspondant par le bas. Nous
n'insisterons pas, ici, sur la formation de l'insula et le creuse
mentprogressif de la fosse sylvienne, mais nous nous efforcerons
(1) Voir Anthony (R.). Anatomie comparée du cerveau. G. Doin, Paris, 1928.
44
SOCIETE D ANTHROPOLOGIE DE PARIS
log
chien
homme
Pc
Fig.
tigure
des
10.
Primates
— Étude
précédente.
à l'Homme.
dePosition
l'expansion
normale
des hémisphères.
du cerveau humain
Même disposition
montrant l'expansion
que sur la
H
Fig. 11. — Cerveau de chien orienté. Ps. pseudo-sylvia ;
sylvia ; E, ecto-sylvia.
H'
S, supra-sylvia ; P, pré-
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
45
d'élucider le mécanisme du décalage qui se produit entre les
deux lèvres de la scissure et, d'autre part, l'inclinaison de cette
même scissure sur les crânes et cerveaux orientés d'après la mé
thode
vestibulaire.
1° Décalage. — La dénivellation observée entre la partie
inférieure des lobes frontaux et l'extrémité des lobes temporaux
dépend de la formation des étages antérieur et moyen du crâne.
Le cerveau est l'esclave de son étui osseux, il doit adapter sa
forme à celle du crâne.
Nous avons montré ailleurs (1) comment se creuse la fosse
sphéno-temporale, comment l'étage antérieur du crâne est formé
par le relèvement du planum sphénoïdal et du toit des orbites,
lesquels se rapprochent graduellement du plan vestibulaire
horizontal au cours de l'évolution. Ce relèvement très impor
tantde la partie basale antérieure du crâne refoule vers le haut
la partie frontale des hémisphères. Il est donc à l'origine de
l'écart entre les plans frontaux et temporaux inférieurs du cer
veau
humain.
La séparation se fait précisément au niveau de l'origine de la
scissure de Sylvius. La partie présylvienne du cerveau remonte
avec le planum, tandis que la partie rétro sylvienne garde sa
position primitive en contact avec le fond de la. fosse sphénotemporale, qui représente le fond de la large gouttière basilaire
crânienne primitive des Carnassiers (fig. 5).
2° Direction de la scissure. — La méthode idéale d'étude consiste
à fixer la tête entière de l'animal, à la décalcifier, à sculpter
les canaux horizontaux, puis à découper un large volet latéral
dans la paroi crânienne pour mettre à découvert les circonvo
lutionscérébrales. Cette méthode est surtout réalisable sur
les animaux de petite taille (fig. 14, 15).
Par ailleurs, il est possible d'étudier les crânes et les cerveaux
isolément et de procéder à l'ajustement de leurs profils après
repérage de leur position (fig. 12 et 13, 12 bis et 13 bis).
Chez l'Homme, l'artériographie cérébrale paraît une méthode
simple et pratique qui permet l'étude sur le vivant de la Syl
vienne
et de ses branches et livre en même temps les repères
osseux nécessaires (fig. 16) (2).
Les artériogrammes des carotides dessinent de façon précise
le bouquet terminal de la cérébrale moyenne, ils le situent par
rapport au crâne. Un plan conventionnel de référence a été
(1) 38e Réunion des anatomistes, Nancy, 1951.
(2) Woringer et Gernez. Presse médicale, 1948.
46
socrÉTÉ d'anthropologie de paris
V
Fig. 12. — Crâne et cerveau de Chien orientés.
Fig. 12 bis. — Crâne et cerveau d'Ours blanc orientés. La scissure latérale a été,
seule, représentée.
A. DELTATRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
Fig. 13. — Crâne et cerveau de Papio Hamadryas.
Fig. 13 bis. — Crâne et cerveau de Gorille orientés.
47
48
société d'anthropologie de paris
proposé, plan^perpendiculaire au plan sagittal de la tête, pas
sant par l'inion interne et le centre de la loge pituitaire. L'an
gleformé par la direction des branches de la sylvienne (1),
groupées en faisceau, avec ce plan de référence est de 40° envi-
57e
И
nouveau-ne
humain1
jeune chat
4-2 jours
Fig. 14 et 15. — Vue latérale de tête de chat et de tête de nouveau-né humain
orientées.
ron, chez l'Homme. Bien que ce plan de référence n'ait pas été
déterminé par la dissection du plan vestibulaire horizontal,
nous pensons qu'il représente une direction parallèle à ce plan et
peut lui être substitué.
Cet angle vasculaire sylvien assure-t-il bien la direction de la
scissure ?
(1) Egas Moniz l'a nommé l'axe artériel du cerveau.
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU 49
Nous le croyons, car malgré ses méandres le cours d'un fleuve
indique bien la direction générale de la vallée. Sans doute, dans
l'artériographie cérébrale carotidienne, la vallée et le lit du
fleuve ne sont pas vus et projetés ensemble. Les lèvres de la
scissure, qui représentent en quelque sorte la ligne des crêtes,
s'éloignent plus ou moins du lit du fleuve. Mais à leur émergence
les artères du pli courbe montrent bien la terminaison de la
scissure. Et, à l'autre extrémité de la scissure, à son débouché
dans la fosse sylvienne, l'artère cérébrale moyenne est sans
doute très éloignée de la surface des hémisphères, mais, en pro-
H
Fig. 16. — Vues de face et de profil de l'artère cérébrale moyenne (artériographies).
jection sur le plan sagittal, nous ne pensons pas qu'il existe un
écart important entre le vaisseau et l'origine de la scissure.
Ces remarques étant apportées, nous croyons pouvoir dire que
la direction de l'artère sylvienne représente la direction de la
scissure de Sylvius.
En utilisant les divers procédés indiqués : dissection globale
du crâne et du cerveau, ajustement des images orientées clés
crânes et cerveaux, artériographie carotidienne, on peut affi
rmer que la scissure latérale s'incline progressivement en arrière
depuis les Carnassiers jusqu'à l'Homme. L'angle formé par les
positions extrêmes est d'environ 60°. Le sommet de l'angle est
situé sur la scissure à hauteur de la fosse pituitaire, au niveau de
l'origine de l'artère cérébrale moyenne.
La scissure a suivi le mouvement général des hémisphères
vers l'arrière et a pivoté autour de l'axe vasculaire précédem
ment
décrit. Sa position est presque verticale chez les Carnass
iers,légèrement inclinée vers l'avant ; chez l'Homme, sa di
rection
forme un angle de 40° avec le plan vestibulaire horizont
al.
Chez les Primates elle occupe une position intermédiaire.
Nous analyserons plus loin la signification de cet angle de 60°.
• BULL. ET MÉM. SOCIÉTÉ ANTHROP. DE PARIS. T. 2, 10e SERIE, 1951.
4
50
société d'anthropologie de paris
Ce changement d'orientation scissurale entraîne naturell
ement
une orientation nouvelle de la surface hémisphérique s
ituée
derrière elle, c'est-à-dire du lobe temporal.
Lobe temporal.
Le lobe temporal ne porte ce nom que chez les Primates ;
chez les Mammifères inférieurs la partie des hémisphères qui lui
correspond est celle qui est située en arrière de la pseudo-sylvia
et d'une ligne qui en prolongerait la direction (flg. 7). Deux
autres scissures, l'ecto-sylvia et la supra-sylvia, disposées en forme
de fer à cheval, entourent la pseudo-sylvia. Au cours du déve
loppement
évolutif des hémisphères, elles sont progressivement
absorbées par les bords de la fosse sylvienne qui s'approfondit
par le processus dit de l'operculisation. Aussi la première ci
rconvolution
apparente sur le lobe temporal des Primates est la
post-latérale, encore nommée parallèle ou temporale 2 (c'est la
partie postérieure de la supra-sylvia).
La forme du lobe temporal demeure singulièrement constante
Limité en avant et en haut par la scissure de Sylvius, dont on
peut pour la commodité de la description prolonger la direction
jusqu'au bord interhémisphérique, ce lobe est borné en bas
par le bord inférieur de l'hémisphère. Il a une forme triangulaire
à sommet inférieur arrondi, à base située sur la fente qui sépare
les deux hémisphères.
Il importe de préciser que ces termes de supérieur, inférieur,
antérieur et postérieur ont une valeur relative, puisque le lobe
se déplace durant la transformation évolutive du cerveau. Il
serait mieux de les appeler : bord sylvien, bord occipital, bord
pétreux.
La face inférieure ou pétreuse du lobe est en rapport constant
avec la fosse sphéno-temporale, le rocher. L'extrémité arrondie
du lobe se trouve en position inférieure ou antérieure suivant
les espèces animales considérées.
1° Mouvement de déplacement du lobe temporal. — Nous
avons déjà écrit que les hémisphères cérébraux se déployaient
comme un éventail qui s'ouvrirait par l'arrière, et qui se déplac
erait, lui-même, en pivotant en totalité, sur son axe, d'un
angle de 40° environ vers l'arrière, le pivotement se faisant
autour de la fixation hypophysaire du cerveau dans la loge pituitaire.
Le déplacement particulier du lobe temporal est jugé par celui
de la scissure latérale et par celui de son bord pétreux. Comme
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
51
la forme du lobe est à peu près toujours la même, on peut dès
lors se servir indifféremment de l'un ou l'autre de ces bords.
Le bord sylvien apparaît comme refoulé par toute la masse des
hémisphères située devant lui. La scissure de Sylvius du Gor
ille (fig. 13) est refoulée d'un angle égal à celui qui sépare la
direction du planum de Carnassiers et de Primates, soit 20° en
viron.
Mais la position de la scissure sylvienne, chez l'Homme,
fait apparaître un déplacement bien plus important que devrait
le faire supposer le simple relèvement de 35 à 40° subi par le
Fig. 17.
chien
orang
++++4 chimpanzé
homme
Lobes temporaux superposés et orientés. Direction des scissures de
Sylvius.
planum au cours de l'évolution. Il faut admettre qu'au refoul
ements'est ajoutée une action d'expansion due à un accroiss
ement
de volume, propre à la partie présylvienne des hémis1
phères, et qui a rejeté en arrière la scissure latérale.
Une remarque identique s'applique à la mesure de déplace
ment
du bord pétreux du lobe temporal. D'après un simple cal
cul le relèvement du planum devrait refouler la totalité des
hémisphères de l'Homme, jusqu'au point où son bord pétreux,
orienté suivant la méthode vestibulaire, ferait avec le plan des
canaux horizontaux un angle de 35° environ. En fait, ce bord
pétreux est parallèle au plan vestibulaire horizontal. Il y a donc,
chez l'Homme, une cause surajoutée à l'ascension des planum,
c'est-à-dire l'accroissement présylvien des hémisphères.
La figure 7 représente quatre images de cerveaux orientés :
Chien, Orang, Chimpanzé, Homme. Le changement d'orienta
tion
de la scissure latérale est nettement visible. Cette figure
montre également la façon dont le sommet du lobe temporal
52
société d'anthropologie de paris
.
s'échappe du contour inférieur du cerveau en raison du relèv
ement des lobes frontaux. Elle indique que le grand axe de la
partie rétrosylvienne de l'hémisphère du Chien est nettement
dirigé vers le bas ; même disposition chez l'Orang. La direc
tion est un peu plus inclinée chez le Chimpanzé. Chez l'Homme
elle est antéro-postérieure.
Le sommet du lobe temporal ne quitte pas son rapport osseux
avec l'aile du post-sphénoïde (fig. 5 et 8), il est en contact
permanent avec le* fond de la fosse sphéno-temporale. Au cours
du développement évolutif du cerveau il roule, en quelque sorte,
dans la concavité de cette fosse. Un mouvement de 70° environ
place l'extrémité lobaire sous le rebord postérieur tranchant
de l'aile du présphénoïde ; telle est sa position chez l'Homme.
La figure 8 réalise la superposition des dessins des quatre
lobes temporaux en orientation vestibulaire. La superposition
est faite par le point le plus inférieur de chacun des lobes ; c'està-dire celui qui est placé dans la partie la plus déclive des fosses
sphéno-temp orales. Le choix de ce point se justifie, car le fond de
cette loge correspond à la position primitive de la gouttière basilaire des Mammifères inférieurs. Celle-ci ne varie point de niveau
malgré l'élévation progressive centrale de la plate-forme hypophysaire, laquelle atteint son maximum chez l'Homme.
Sur la figure 17 les directions des scissures latérales sont
groupées, et l'amplitude de leur mouvement est résumée par
l'image. Les bords inférieurs ou pétreux des lobes temporaux
tracent également la gerbe de leur déplacement.
2° Pivot du mouvement. — Quel est le pivot de ce véritable
mouvement de rotation du lobe temporal que nous venons de
décrire ? Tout se passe comme si ce pivot était la tige hypophysaire sur la ligne sagittale, et les deux artères cérébrales
moyennes sur les parties latérales. Ou plus exactement la pre
mière
portion de ces artères sous la base du cerveau (fig. 16).
La figure 18 montre l'endroit où, chez l'Homme, l'artère va
se couder sur le pli falciforme, pour pénétrer dans la fosse sylvienne et décrire ensuite ses flexuosités à la surface du lobe de
l'insula.
C'est la partie de l'artère comprise entre sa naissance sur la
carotide interne et ce pli falciforme qui constitue le pivot du
mouvement. Sur cette image la partie antérieure du lobe tem
poral a été écartée, mais on peut facilement rétablir sa position
exacte.
L'axe de rotation du lobe temporal passe par le golfe limité
par le pli falciforme et traverse le lobe temporal en un point
marqué d'un cercle noir sur la fig. 7.
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
53
L'axe de rotation se trouve à la hauteur de la fosse pituitaire,
un peu en avant du sommet de l'angle sphénoïdal. La distance
qui le sépare du fond de la fosse sphéno-temporale, donc du som
met du lobe temporal, varie avec les animaux. L'exhaussement
progressif du coin sphénoïdal, à l'intérieur de la cavité crâ
nienne,
au cours de l'évolution, l'éloigné de plus en plus du fond
de la fosse (1). Ceci explique que l'extrémité du lobe se prononce
et s'affirme en s 'allongeant.
H
H'
position
de l'artère
cérébrale moyenne
Fig. 18. — Le pli falciforme (d'après Testut).
En outre, tandis que la partie supérieure du lobe s'incline très
fortement vers l'arrière, la partie inférieure située sous l'axe de
rotation se porte en avant ; ces deux mouvements sont donc
de sens inverse. Nous pensons que ce mouvement de la partie
sous-axiale du lobe explique l'agencement des plis de l'insula
et en particulier des circulaires de Reil qui l'entourent (fig. 18).
3° L'insula. — Le lobe de l'insula représente, chez l'Homme,
les vestiges de l'architecture primitive des hémisphères dans la
région voisine de la pseudo-sylvia (fig. 11). Autour de cette scis
sure, les gyri concentriques voisins sont progressivement r
ecouverts
par les circonvolutions, de telle manière que la surface
insulaire forme le fond d'une fosse, la fosse sylvienne masquée
(1) L'axe vestibien est le même pour tous les Vertébrés ; mais les axes de pivo
tement des hémisphères diffèrent suivant les espèces. Ils sont tous parallèles entre
eux et s'élèvent progressivement en raison de la brisure de la base du crâne et de la
pénétration progressive du coin sphénoïdal au cours du développement évolutif du
crâne.
54
société d'anthropologie de paris
par une disposition complexe, que l'on nomme les formations
operculaires.
Mais la surface insulaire, masquée ou non, présente toujours
le même rapport profond avec les noyaux gris de la base du cer
veau et, en particulier, avec l'avant-mur ou claustrum. L'insula
est en quelque sorte fixée à ces noyaux et en suit le sort, c'est-àdire le relèvement, lié au déplacement des planum.
Nous avons montré, d'autre part, que la surface hémisphér
ique
bascule et s'étale en arrière dans son mouvement d'expans
ion.
Le néopallium, le manteau, glisse sur l'insula et tire sur
elle le rideau operculaire.
chien
orahg
+++++ chimpanzé
homme
Fig. 19. — Les lobes temporaux-occipitaux superposés suivant leur grand axe.
Mais le mouvement général des hémisphères n'explique pas
seulement la formation des opercules, il permet de comprendre
également certaines particularités du relief de la surface de l'in
sula.
Les anatomistes assimilent certains sillons de ce lobe aux
scissures primitives des hémisphères des Carnassiers. En parti
culier, fig. 18, la pseudo-sylvia serait représentée, chez l'Homme,
par le sillon longitudinal insulaire, et l'ecto-sylvia par la circu
laire antérieure de Reil. Nous pensons que de toutes ces dispo
sitions vestigiales la plus intéressante est la circulaire posté
rieure, laquelle serait l'homologue de la moitié postérieure de la
supra-sylvia. Or, la direction de cette circulaire nous paraît
nettement influencée par la bascule du lobe temporal. Ce sillon
se rapproche par son extrémité inférieure du pli falciforme et
s'en écarte par son extrémité supérieure. Ainsi, l'insula est en
quelque manière cerclée par les circulaires, alors que ses plis
intérieurs ont une disposition en éventail.
A. DELATTRE.
ÉVOLUTION MORPHOLOGIQUE DU CERVEAU
55
4° Forme du lobe temporal. — II a déjà été dit, au cours de
cette étude, que les changements de position et de forme du
lobe frontal s'étendent également au lobe occipital, qui en pro
longe
la direction. Il suffît de supposer que la scissure latérale
se continue jusqu'à la fente interhémisphérique ; la région des
hémisphères située derrière elle forme un tout morphologique.
La figure 19 montre les lobes temporaux occipitaux superposés.
Celui du Chien apparaît plus globuleux, limité par une ligne
courbe à peu près symétrique de la ligne du. profil antérieur du
cerveau par rapport à la pseudo-sylvia.
Les autres lobes temporaux d'Orang, Chimpanzé, Homme sont
presque confondus dans la région voisine de la pointe du lobe.
Dans la région moyenne les lobes des Primates sont un peu plus
étranglés que le lobe de l'Homme. A la pointe du lobe occipital
c'est le lobe humain qui paraît culminer, mais les profils des
lobes dans la région occipito-pariétale, même celui de l'Ours,
sont singulièrement parallèles.
Il apparaît donc que, morphologiquement, ce n'est pas dans
la région rétro-sylvienne qu'on peut trouver une différence im
portante
entre les hémisphères animaux et humains.
Nous pensons pouvoir écrire, en terminant, que l'étude s
imultanée
des crânes et des cerveaux orientés est très instruct
ive.
Elle indique, comme on était en droit de le supposer, que
le moule crânien détermine la forme des hémisphères. Comme le
moule augmente son volume en changeant sa forme, on peut
dire que le cerveau augmente son volume en changeant égal
ement de forme. Cette méthode d'étude montre que les hémi
sphères
refoulés dans leur partie antérieure pivotent sur leur
attache hypophysaire, traversent le tunnel osseux crânien pri
mitif,
s'échappent vers l'arrière en se développant. Les direc
tions des scissures de Sylvius soulignent, en particulier, le mou
vement
des lobes temporaux, lequel accompagne et suit pas à
pas la bascule occipitale.
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