Première Journée Scientifique régionale de l’ANAP SUSPICION D’ALLERGIE ALIMENTAIRE: QUAND LES TESTS SONT NÉGATIFS Dr Claire BAILLIEZ Décembre 2014 LES MOTIFS DE CONSULTATION Urticaires aigues ou chroniques Rhinite per- ou postprandiale Asthme postprandial Troubles digestifs chroniques Ralentissement des courbes de croissance Acné, céphalées, fibromyalgies… TESTS CLASSIQUEMENT RÉALISÉS Pricks Tests IgE Spécifiques Patch tests Pneumallergènes profilines farines Allergènes masqués LTP lait Allergènes suspects PR10 oeufs FàC, Arachide, Œufs, … Albumines soja Farines, laits animaux Allergènes suspects Allergènes suspects Viandes FàC, Arachide, Œufs, … FàC, Arachide, Œufs, … ET QUAND LES TESTS SONT NÉGATIFS … C’est là qu’il faut réfléchir… ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Histamine • Tyramine • Glutamate • Sulfites • Benzoates • colorants • Intolérance au Lactose • Intolérance aux sucres, TG Hypersensibilité non allergique Origine Métabolique Hypersensibilité immunologique non IgE médiée Toxicité • Enterotoxines bactériennes • Pullulation microbienne Origine Physiologique • régimes déséquilibrés • Excès d’aliments irritants (épices…) HYPERSENSIBILITÉ AUX ADDITIFS, CONSERVATEURS, COLORANTS OU AMINES BIOGÈNES Histoire clinique particulière: signes cliniques apparaissant • Au décours d’un repas • Avec aliments différents • Et d’origine industrielle 1) AMINES BIOGÈNES Issues de la décarboxylation d'acides aminés sous l’action de décarboxylases, levures et bactéries Aliments riches en HISTAMINE Aliments HistaminoLibérateurs Boissons alcoolisées Agrumes Poissons, surtout fumés Kiwi, ananas, papaye, banane Fromages fermentés Viandes fumées, charcuterie Légumes secs, pois Fruits à coque Mangue Fruits rouges Aliments riches en TYRAMINE Aliments inhibiteurs de la DAO Chocolat Alcool Boissons alcoolisées Gruyère, brie, roquefort Blanc d’oeuf Tomates, Citrouilles Choux Thé Aubergines, épinards, avocat chocolat Epinards Légumes secs et pois Agrumes Conserves Mollusques et crustacées Germe de blé Avocat Boissons énergétiques Additifs: benzoates, glutamate,nitrites Fruits à coque, arachide Vinaigre, sauce soja Chocolat Plats industriels Produits fermentés, levures Bonbons avec colorants, conservateurs Epices (curry, cannelle…) Caviar Gibier Caféine hareng Formes Cliniques pouvant être liées à une hypersensibilité aux amines biogènes: Urticaire aigue ou chronique: survenue en général plus de 30 minutes jusqu’à plusieurs heures après ingestion , caractère non grave (rares oedèmes de luette ou bronchospasmes) Rhinite ou syndrome oral immédiats le plus souvent Céphalées retardées Troubles digestifs (reflux, gastrite, entéro-colite, diarrhées…) Dermatite atopique: majoration du prurit et poussées inflammatoires aigues REACTIONS en général NON SYSTÉMATIQUES 2) SULFITES (E220 À 228) • 5% des asthmatiques y seraient sensibles (Simon, PAI, 1992), par stimulation des récepteurs cholinergiques des voies aériennes basses ou par déficit en sulfite oxydase (Anibarro, J Allery Clin Immunol, 2012) • Manifestations cliniques DOSE-DEPENDANTES : urticaire, rhinite, bronchospasme, troubles digestifs post-prandiaux • • • • Sulfites dans l’Alimentation: - 1mg/g de fruits secs soit 100mg/100g !! - 10mg/100ml de vin - 6 à 20 mg par jour dans les recommandations • Diagnostic: TPO au métabisulfite de potassium Dose cumulée variable selon les équipes (ex: 390mg) • Dose réactogène dans les asthmes sévères: 20 à 50mg de MBS 3) BENZOATES (E210 À 213) • Conservateurs antiseptiques bloquant le développement des levures • Aliments susceptibles d’en contenir: poissons salés et séchés, conserves, crevettes, laitages arômatisés, fruits à coque enrobés, salade préparée, légumes en saumure, jus de raisin, jus à base de thé, sauces du commerce, moutarde, condiments etc. • Type d’hypersentisibilité: urticaire chronique, prurit sine materia , rhinite chronique ou poussée de dermatite atopique • Dose quotidienne admissible de 5mg/kg de poids ex: enfant de 20kg: 100mg par jour • Prick et patch: possibles cas IgE médiés • Diagnostic: TPO de 250 mg en dose unique (Bourrier, RFA, 2006) Ou 375 mg endose cumulée (25, 50, 100, 200) (Chabane, PARIS) 4) COLORANTS Couleur dénomination jaune Tartrazine, vitamine G et B2, Riboflavine, quinoléine, curcumine, Xanthophylle, Lutéines orange Jaune orangé S, Annatto, pro-vitamine A, béta-carotènes, paprika, Lycopène, Roccou rouge Rouge cochenille, rouge carmin, carmoisine, Ponceau 2R, rouge de Betterave, tanins Amarante, erythrosine, Allura Violet Anthocyanes, extraits de peau de raisin, extrait de cassis Noir Charbon végétal, oxyde de fer Vert Vert acide brillant, chlorophyllines, sels de NA et K bleu Bleu patenté V, indigotine, bleu brillant Brun Caramel, brun chocolat Blanc Carbonate de calcium, bioxyde de titane Metal Aluminium, argent, or, pigments de rubine • 0,2% de TPO positifs chez des patients suspects d’y être sensibles (Young, JR Coll Physicians Lond, 1987) • TARTRAZINE (E102): absence de preuves de relation cause à effet entre TARTRAZINE et ASTHME (Dutau, Pédiat Prat, 2012). Dose recommandée pour le TPO: 25mg • ERYTHROSINE (E127): 1 cas décrit de mécanisme IgE-médié (Bergner, ACI International, 1989) • COCHENILLE et ROUGE CARMIN (E120): mécanisme IgEmédié (Bourrier, RFA, 2006) 5) NITRITES ET NITRATES (E249 À 252) • Conservateurs anti-clostridium pour viandes, charcuteries, fromages • Symptomes possibles: urticaire, céphalées, troubles gastrointestinaux, ou prurit sine-materia par inhibition de la DAO avec augmentation de la permeabilité intestinale et apparition de symptômes histaminiques ETUDE 1994 de FUGLSANG Danemark (Fuglsang et al. Allergy 1994) 472 enfants de 4 à15 ans suivis pour DA, rhinite ou Urticaire TPO avec mélange d’additifs après un régime de 2 semaines sans additifs – 335 TPO ouverts : 23 positifs (7 %) – 16/23 TPODA: 6 positifs (2 %) • Conservateurs: poussée DA, asthme, rhinite • Colorants: poussée de DA, asthme, rhinite, symptômes digestifs • Acide citrique: poussée de DA, symptômes digestifs – Intolérance aux additifs = environ 1-2 % des enfants d’âge scolaire ETUDE de 1993 de FUGLSANG Danemark (Fuglsang, Pediatr Allergy Immunol, 1993) 4374 enfants de 5 à16 ans TPO ouvert avec un mélange d'additifs après régime de 2 semaines sans additifs • Additifs utilisés: conservateurs (sulfites, benzoates, a. ascorbique, propionate), colorants de synthèse (tartrazine, rouge ponceau, azorubine, bleu pathenté, jaune quinoléine, jaune orangé S), colorants synthétiques (annatto, curcuma, beta carotène), acide citrique, ethylvanilline, essence d’orange, de citron, anethol. • 98 sujets sains: réactions = 0 • 173 atopiques: réactions = 17 (sans gravité) (13poussées de DA, 1syndrome digestif, 3 urticaires) Sur les 17: 12 TPODA: 6 positifs (3,5%) (5 colorants synthétiques, 1 acide citrique) et 5 refus de TPODA DIAGNOSTIC EN PRATIQUE - Efficacité du régime d’éviction - TPODA: gold standard après si possible régime d’éviction - TPO ouvert: pour l’aliment suspect ou pour la molécule suspecte si disponible, et après régime d’éviction si possible - Pour les colorants: possible utilisation des DRAGIBUS: carmin, curcumine, bleu patenté V, charbon végétal, caroténoides, anthocyanes, cochenille, jaune quinoléine, ponceau 4R, rouge Allura, HYPERSENSIBILITÉ non IgE médiée aux PRODUITS LAITIERS Substances susceptibles de déclencher des manifestations: - Protéines - Lactose - Triacylglycérol (TAG) dans crème fraîche et lait entier Manifestations rencontrées - Troubles digestifs (OE, RGO, Entérocolites, diarrhées, constipations, gastrites, ballonnements…) - Eczéma - Rhinite chronique - Acné TENEURS EN LACTOSE DANS LES DIFFÉRENTS PRODUITS LAITIERS (CREDOC) Ingrédients g/100g ou g/100ml Lait entier ou écrémé 4,9 Lait maternel, de jument ou d’anesse 6,8 Lait délactosé 0,5 Beurre 0,6 Babeurre 4 Petit suisse 3,3 Yaourt nature 4,8 Kéfir 4 Crème dessert 6,2 Crème glacée 5 et + Gauffre 20,7 Fromage blanc 2,5 à 3,5 Mozzarella 2,5 Fromages pâte molle 1à2 Fromages pâte mi-dure <1 Fromages pâte dure Traces Chocolat au lait 7,2 Biscuit au chocolat 3,2 Pâte à tartiner 4,6 Les coagulants du lait (animal, végétal, microbien) provoquent l’amalgame des protéines du lait pour former le caillé, séparé de la phase liquide appelée lactoserum contenant le lactose qui n’entrera donc que faiblement dans la composition des fromages fermentés INTOLÉRANCE AU LACTOSE - Déficit primaire ou secondaire en lactase - Recherche d’un facteur déclencheur dans les déficits secondaires (épisode infectieux digestif, antibiothérapie…) - Lorsque le lactose n’est pas dégradé par la lactase, il est transformé dans le colon par les bactéries lactiques en glucose, galactose et hydrogène (responsable de ballonnements et diarrhées) - Bonne tolérance des fromages fermentés TECHNIQUES DIAGNOSTIQUES INTOLERANCE au LACTOSE - Régime d’éviction du lactose avec tolérance du lait délactosé ou des fromages fermentés - Test respiratoire au lactose marqué positif INTOLERANCE au TRIACYLGLYCEROL - Absence de symptomes lors de la consommation de lait écrémé INTOLERANCE aux PROTEINES du LAIT - Régime d’éviction des produits laitiers sans tolérance des produits laitiers sans lactose - Test respiratoire au lactose marqué négatif - Pas de diagnostic basé sur le dosage des IgA et IgG (Hochwallner, Allergy, 2014): même résultats constatés chez les tolérants et intolérants HYPERSENSIBILITÉ non IgE médiée au GLUTEN Substances susceptibles de déclencher des manifestations: - Gluten (contenu dans blé, seigle, blé, orge) Manifestations rencontrées - Troubles digestifs (OE, RGO, Entérocolites, diarrhées, constipations, gastrites, ballonnements…) - Maladie coeliaque - Eczéma, dermatite herpétiforme - Céphalées, ataxie, fibromyalgie ? 34 patients avec SII (sans MC ni allergie) Randomisation en double aveugle Différence significative dès la première semaine CONCLUSION: existence d’une Intolérance non coeliaque au Gluten Adapté de Biesiekierski, Am J Gastroenterol, 2011 par Boettcher HYPOTHESES PHYSIOPATHOLOGIQUES SUR L’HYPERSENSIBILITÉ AU GLUTEN D’ORIGINE NON COELIAQUE et NON IgE-médiée (Boettcher and Crowe, Am J of Gastr Ent, 2013) • Gluten: composé gliadine et glutenine riches en prolines et glutamine dont la digestion partielle par le tractus gastro-intestinal supérieur libère de nouveaux peptides immunogènes • Arrivée de ces peptides immunogènes dans les espaces transcellulaires et paracellulaires de la lamina propria de l’intestin grêle pour interagir avec le SI • Contrairement à la MC: absence d’augmentation de la perméabilité intestinale constatée (p<0,03), marqueurs de l’immunité acquise IL-6 (p=0,012) et IL21(p=0,057) non augmentés, augmentation de l’expression du TLR-2(p=0,029) et diminution de l’expression de FOXP3 (p=0,032) (Sapone, BMC medecine, 2011) • Cependant, possibles phénotypes différents décrits tel que le « sous-groupe de MC » pour lequel seraient associés une augmentation de dépots villositaires d’IgA, la présence d’IgG anti-gliadine et TG dans les aspirations duodénales et d’infiltrat lymphocytaire intra-épithélial sans anomalie architecturale muqueuse et un typage HLA-DQ2 • Autre Hypothèse: sensibilité à l’activité opioïde de peptides issus de l’hydrolyse peptique de la farine de blé DIAGNOSTIC DE L’INTOLÉRANCE NON-COELIQUE AU GLUTEN - Efficacité du régime d’exclusion du gluten - Absence d’IgE spécifiques et pricks négatifs pour les farines contenant du gluten - Absence d’IgA ou d’IgG anti-gliadine ou transglutaminase et absence d’anomalie muqueuse sur les biopsies duodénales - Patch-test négatif HYPERSENSIBILITÉS DIGESTIVES non IgEmédiée AUX PROTÉINES ALIMENTAIRES • Responsables de troubles digestifs chroniques OU aigus • Aliment responsable retrouvé à l’interrogatoire lorsque les signes sont aigus et immédiats • Diagnostic plus compliqué lorsque les troubles sont chroniques et que les tests cutanés et biologiques sont négatifs: diagnostique posé en général est le SII • CAT proposée: régime d’éviction pour les aliments les plus fréquemment consommés comme produits laitiers, blé, viandes, œufs, • COLAP (colonoscopy allergen provocation) (Bischoff, Gut, 1997) 70 patients de 17 à 67 ans avec troubles digestifs chroniques et 5 patients sains 17 patients avec MICI Technique: pricks tests réalisés avec solutions commerciales en intramuqueux Résultats: tests negatifs chez 16 patients et négatifs chez les sujets sains tests positifs dans 77% des patients: lait: 40%, blé 46%, Noisette 53%, pomme 47%, œufs 33%, bœuf 33% HYPERSENSIBILITÉ aux SUCRES ALIMENTAIRES • Responsable de troubles digestifs chroniques • Mise en évidence par l’interrogatoire ou le test expiré à l’hydrogène marqué • Pour ‘lintolérance à l’AMIDON: faire un TPO SUCRE ALIMENTS LACTOSE Produits laitiers FRUCTOSE fruits, jus de fruits, confitures, conserves MALTOSE cassonade, sirops SORBITOL édulcorants dans les aliments, les boissons XYLITOL édulcorants dans les aliments, les boissons SUCROSE sucres de table, édulcorants dans les aliments, les boissons AMIDON Céréales, tubercules, banane, rhizomes ORIENTATION DIAGNOSTIQUE EN FONCTION DE LA CLINIQUE TROUBLES DIGESTIFS CHRONIQUES MC et allergie alimentaire éliminées Tests d’éviction pour les amines biogènes en cas de consommation excessive Tests d’éviction alimentaire pour pour les aliments les plus fréquemment consommés (ex: produits laitiers et gluten) Sur une durée de 2 à 6 semaines DIFFICULTÉ: Une inflammation chronique peut engendrer une perturbation de la flore intestinale associée à une hyperréactivité mastocytaire responsables d’une intolérance au lactose et aux amines biogènes Tenue d’un carnet de surveillance alimentaire + information sur les aliments Histaminolibérateurs EFFICACE Faire un test de réintroduction d’emblée pour confirmation diagnostique + Poursuivre le régime d’éviction - ECHEC - Autre test d’éviction - Test respiratoire à l’hydrogène marqué (intol aux sucres ou pullulation microbienne) - TPO mélange d’Additifs - Test pour l’amidon ou triglycérides Urticaire et prurit sine materia • • • • Amines biogènes Colorants Conservateurs: benzoates, sulfites Syndrome de Frey céphalées • • • • Amines biogènes Colorants ? Conservateurs: benzoates, sulfites Produits laitiers (rhino-sinusites) si consommés en excès Rhinite, Asthme • Amines biogènes • Conservateurs: benzoates, sulfites • Produits laitiers (rhino-sinusites) si consommés en excès HYPOTHÈSES SUR L’ORIGINE DES INTOLÉRANCES ALIMENTAIRES - habitudes alimentaires monotones, - consommation de produits industriels, - fréquence d'administration (chronicité), - stress pouvant provoquer une perturbation de la perméabilité de l'intestin grêle - infections intestinales pouvant perturber la perméabilité de l'intestin grêle, et la qualité de la flore intestinale - Surconsommation de médicaments - éventuelle prédisposition génétique, - statut immunitaire de la personne.