la ketamine en analgesie

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LA KETAMINE EN
ANALGESIE
Dr Claire Bergeonneau
DISSPO, CRLCC Léon Bérard
Laboratoire EMET
1
HISTORIQUE ET LÉGISLATION
• L’hydrochloryde de Kétamine fut synthétisé en 1962 par Calvin Stevens.
• Elle est introduite en médecine vétérinaire dès 1965.
• À partir de 1965, elle est utilisée pour les anesthésies brèves chez
l’humain.
• Elle fut utilisée pour la première fois en tant qu’anesthésiant par les
soldats américains durant la guerre du Viêt Nam.
• La kétamine n’est pas un opioïde mais du fait de ses effets psychodysleptiques pouvant conduire à un usage détourné :
– elle a été placée sur la Liste III de la loi sur les substances contrôlées aux ÉtatsUnis en août 1999.
– Dans de nombreux pays, elle est considérée comme un stupéfiant, et son
utilisation hors d'un cadre médical est répréhensible.
– En France, elle est assimilée à un stupéfiant injectable pour son indication
dans le traitement de la douleur, en dehors de son utilisation en
anesthésiologie au bloc opératoire. Sa prescription suit donc la procédure
prévue pour les stupéfiants injectables.
• La fréquence d'utilisation de la kétamine en tant que stupéfiant
augmente, et elle commence à être prise en compte dans les rapports
établis sur des rave parties.
2
UTILISATION EN ANESTHÉSIERÉANIMATION CHEZ L’ADULTE
• Propriétés :
• A forte dose : anesthésique général (effet dose-dépendant) (1),
• Non barbiturique,
• Inducteur d’anesthésie dissociative, sans dépression respiratoire,
• Stimulant du système sympathique, permet maintien de l’hémodynamique =>
anesthésiant de choix en situation de défaillance cardio-vasculaire (2).
• Indications :
–
–
–
–
–
Anesthésie Générale IV ou IM (3),
Etat de choc,
Tamponnade,
Asthme aigu grave,
Brulés.
3
UTILISATION EN ANALGÉSIE
• Bases mécanistiques (cf schéma) :
 Rôle des récepteurs anti-NMDA (N-méthyl-D-aspartate) et du
glutamate.
– ALLODYNIE induite par les neuropathies, inflammation, chirurgie.
– HYPERALGESIE aux opioïdes,
– TOLERANCE (ou tachyphylaxie) aux opioïdes (5)(6).
(4)
• Rôle de la KETAMINE :
• Inhibiteur de la liaison du Glutamate (relargage pré-synaptique) au
récepteur NMDA (post-synaptique),
• Effets : antalgique, amnésiant et psychodysleptique.
• Propriétés :
– A faible dose : « co »-antalgique.
– Psychodysleptique (LSD like),
– Amnésiant.
4
MECANISTIQUE
Kétamine
5
MÉTA – ANALYSE COCHRANE 2012 (7)(8)
Référentiel et objectifs
• Reférentiel :
– Potentialisation de l’effet antalgique des opioides par
adjonction de faibles doses de Kétamine dans les douleurs
cancéreuses rebelles aux opioides (9)(10)(11).
– Intérêt de l’utilisation de la Kétamine en traitement
antalgique adjuvant des opioïdes de douleurs
neuropathiques réfractaires chez le patient adulte
cancéreux (12)(13).
• Objectifs de l’étude :
Evaluation de l’ efficacité et des effets secondaires de la
Kétamine en tant que traitement adjuvant aux opioïdes
de douleurs cancéreuses.
6
MÉTA – ANALYSE COCHRANE 2012
Matériel et méthode
• Revue de littérature :
-
MEDLINE (1966-2001),
EMBASE (1980-2001),
CancerLit (1966-2001),
The Cochrane Library (Issue 1, 2001),
Le laboratoire Pfizer Parke-Davis (producteur de la Kétamine) a communiqué
les résultats issus de ses bases de données.
- Mise à jour en mai 2012: CENTRAL, MEDLINE & OVID MEDLINE R, EMBASE.
- Critères de sélection :
- Essais cliniques randomisés,
- Douleurs cancéreuses de l’adulte,
- Opioides+Kétamine versus opioides+placébo ou autre co-antalgiques.
- Critères de jugement :
- Intensité de la douleur (EVA ou EN),
- Posologies des opioides,
- Effets secondaires de la Kétamine.
- Recherche effectuée par deux acteurs indépendants, évaluation de
la qualité et validité effectuée par 3 acteurs différents.
7
MÉTA – ANALYSE COCHRANE 2012
Résultats
• Sélection:
– 32 études au total.
– 5 exclues pour des raisons méthodologiques : Lauretti
(14)(15), Ishizuka (16), Currow (17), Salas (18).
– 2 inclues : Mercadante (19), Yang (20).
insuffisant pour réalisation d’une méta analyse.
• Résultats :
– Dans les 2 essais inclus : réduction significative de la
douleur ou des doses d’opioïdes nécessaires par
adjonction de Kétamine.
– Sur 32 études, 16 présentent les mêmes résultats.
8
9
MÉTA – ANALYSE COCHRANE 2012
Discussion et conclusion
• Discussion :
– Manque majeur d’essais cliniques randomisés en double
aveugle avec effectif suffisant.
– Hétérogénéité des procédures :
• voies d’administration,
• Posologies,
• Co-antalgiques.
• Conclusion :
– L’état actuel des données ne permet pas de
•
•
Prouver l’efficacité de la co-administration de kétamine aux
traitements opioïdes dans les douleurs neuropathiques
cancéreuses,
D’établir des recommandations de pratique, notamment quant à
la voie et aux posologies.
10
AUTRE PROBLÉMATIQUE
• Pauvreté des données pharmacocinétiques :
• On ne dispose d’aucune donnée
pharmacocinétique concernant la voies souscutanée.
11
RECOMMANDATIONS AFSSAPS 2010 (21)
• Malgré la pauvreté des données de la littérature,
l’AFSSAPS a toute de même édité des
recommandations de bonnes pratiques.
• L’utilisation de la Kétamine en analgésie est
réservée :
– Douleur chronique : Gestion de la douleur cancéreuse
rebelle en situation palliative avancée chez l’adulte,
– Douleur aigue : Antalgie pour réalisation de soins
douloureux (surtout chez l’enfant).
12
RECOMMANDATIONS AFSSAPS POUR LES
DOULEURS RÉFRACTAIRES
• Voie intraveineuse
Posologie :
- 0,5 mg/kg/j en perfusion IV continue (Grade C).
- Adaptation toutes les 24 heures par paliers de 0,25 mg/kg/j
(Accord professionnel)
- Par cure ou en continu (risque tachyphylaxie)
Cadre initial :
Equipe hospitalière spécialisée dans la prise en charge de la
douleur ou de soins palliatifs et formée à son utilisation.
Après stabilisation, le traitement peut être poursuivi à domicile
avec la pose d’une PCA.
13
RECOMMANDATIONS AFSSAPS POUR
LES DOULEURS RÉFRACTAIRES
Surveillance :
- Surveillance horaire pendant 2h à chaque
changement de posologie puis toutes les 4h,
- Si antalgie obtenue satisfaisante=> diminution
posologies opioïdes.
- Effets secondaires :
- Morphiniques : réduction posologie des opioïdes
– Psychodysleptiques : benzo ou réduction doses
– Si persistance des effets indésirables: arrêt Kétamine.
14
RECOMMANDATIONS AFSSAPS POUR
LES DOULEURS RÉFRACTAIRES
• Voie sous cutanée
En l’absence d’accès IV, la voie SC pourra être utilisée aux
mêmes doses (Accord professionnel).
• Voie orale
- n’existe pas en France,
- insuffisance de données pour recommander une posologie
type.
• Voie périmédullaire
Les voies intrathécale et péridurale ne sont pas
recommandées (Accord professionnel).
15
UTILISATION EN ANALGESIE AU CRLCC
Léon Bérard
• Douleur chronique :
– Échec morphiniques (insuffisance de soulagement malgré adaptations
ou effets secondaires) :
les douleurs nociceptives ou mixtes cancéreuses nécessitant des
doses rapidement croissantes de morphiniques, dans le but de
maitriser cette croissance et de contrôler une éventuelle tolérance
aigue
 parfois en situation palliative avancée mais souvent aux stades
antérieurs.
– Douleurs neuropathiques réfractaires aux traitements habituels (antiépileptiques, antidépresseurs)
 rarement en phase palliative avancée
– Hyperalgésie
 rarement en phase palliative avancée
– Sevrage opioide :
 Jamais en phase palliative avancée
• Douleur aigue liée aux gestes invasifs chez l’enfant.
16
UTILISATION EN ANALGESIE AU CRLCC
Léon Bérard
• Trois types d’administration sont possibles en IV
(exceptionnellement S/C si pas de voie d’abord
possible) :
– administration continue par pompe PCA à dose
progressivement croissante de 0.5 à 1.5 mg/kg/j en
moyenne, pour une durée moyenne de 5 à 7 jours,
répétée toutes les 3 à 4 semaines (exceptionnellement de
manière continue définitive dans les situations les plus
rebelles),
– administration en perfusion courte de 3h à 0.5 mg/kg, un
ou plusieurs jours de suite,
– administration en perfusion courte (5 min) en
prémédication des gestes jugés très douloureux chez
l’enfant sous couvert d’une surveillance cardiorespiratoire
et après accord d’un médecin sénior.
17
18
PERSPECTIVES DE RECHERCHE
En analgésie :
 Essai clinique :
– Objectif :
• Evaluation de l’efficacité de l’adjonction de Kétamine sur la douleur
cancéreuse traitée par opioïdes de l’adulte en phase palliative,
• Evaluation comparative de l’efficacité de l’administration de Kétamine
IV versus SC sur la douleur cancéreuse traité par opioïdes de l’adulte
en phase palliative,
• Recueil de données pharmacocinétiques de la kétamine SC en vu
d’un travail de modélisation PKPD de la Kétamine.
– Prospectif, randomisé, en double aveugle,
– N>30, en hospitalisation,
– Adulte atteint de cancer en situation palliative (pas
forcément avancée),
– Co-antalgiques et chimiothérapie palliative acceptés,
– EVA d’inclusion>30/100,
– DNA ?,
19
Perspectives de recherche
– Idée de protocole :
• Kétamine à :
– 0.5mg/kg/j de H0 à H12,
– 1mg/kg/j de H12 à H24,
– 1.5mg/kg/j de H12 à J7
• 4 bras :
–
–
–
–
Bras A : Equivalent PO de morphine + placébo IV
Bras B : Equivalent PO de morphine + Kétamine IV
Bras C : Equivalent PO de morphine + placébo SC
Bras D : Equivalent PO de morphine +Kétamine SC
• 3 critères de jugement :
– EVA à T0, T1, T12, T24, T36 et T72, à J7 et J14.
– Posologies d’opioïdes à T0, T72 et fin de perfusion.
– concentration plasmatique à T0, T1, T12, T24, T36 et T72.
 Modélisation : Modèle PKPD de la Kétamine SC
20
PERSPECTIVES DE RECHERCHE
En psychiatrie :
• PHRC en devenir,
• Hypothèse :
La kétamine, alternative à l'électro-convulsivothérapie?
• Méthode : étude de l’efficacité antidépressive de
petites doses IV de Kétamine chez des patients
dépressifs résistants aux traitements
médicamenteux conventionnels.
21
CONCLUSION
• La Kétamine est largement utilisée dans le monde
de l’anesthésie, l’analgésie et son utilisation
s’ouvre à d’autres domaines (psychiatrie).
• Cependant, il persistent de nombreuses zones
d’ombre, notamment concernant son efficacité
analgésique et antidépressive, son mode d’action
et ses propriétés pharmacocinétiques et
dynamiques.
• Il s’agit d’une bonne candidate à la recherche
clinique et la modélisation pharmacologique.
KETAMINE : MIRACLE ou MIRAGE?
22
BIBLIOGRAPHIE
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12. McMahon S, Kolzenburg M editor(s). Wall and Melzack’s Textbook of Pain. Fifth. Elsevier Churchill Livingstone, 2005.
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refractory cancer pain:considerations about the clinical research in palliative care. Journal of Palliative Medicine 2012;15(3):287–93.
19. Mercadante S, Arcuri E, Tirelli W, Casuccio A. Analgesic effect of intravenous ketamine in cancer patients on morphine therapy: a randomized,
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20. Yang CY,Wong CS, Chang JY. Intrathecal ketamine reduces morphine requirements in patients with terminal cancer pain. Canadian Journal of
Anaesthesia 1996;43(4):379–83.
23
21. AFFSAPS. Juin 2010.
MERCI DE VOTRE ATTENTION
24
Etude
Population
Méthode
Résultats
Mercante 2000
10 patients, avec
cancer et douleurs
neuropathiques
non soulagées par la
Morphine.
Etude prospective
randomisée en
double-aveugle, en crossover.
Administration d’une
dose unique en
30 min de :
- NaCl IV (placebo),
- ou kétamine 0,25mg/kg
IV,
- ou kétamine 0,5mg/kg
IV.
Wash-out de 2 jours.
Evaluation EVA avant
l’injection T0, T30min,
T60minet T180min.
Association Kétamine+morphine:
- réduction de l’intensité de la douleur
de plus de 50%
- effet maximal 30 à 60 min après bolus
IV
- efficacité persistant à 180 min
Eficacité
Etude prospective,
randomisée, double
Aveugle, cross-over.
Administration
intrathécale 2X/j :
- morphine 0,05mg,
- Ou morphine 0,05mg +
kétamine 1mg,
- Et titration de la
Réduction significative de la quantité de
morphine par Co-administration de
kétamine
In fine, dose de morphine IT nécessaire:
- 0,38 mg pour groupe morphine seule
- 0,17mg pour groupe avec kétamine.
Effets indésirables :
. prurit, rétention d’urine,
25
constipation, nausée, hallucination : même
Méta – analyse Cochrane 2003, mise à
jour en 2012.
« Alternatives
treatments of
breakthrough pain
in patients receiving
spinal analgesics for
cancer pain »
• Résultats :
• Sélections de 7 essais dont 2 inclus=> Yang
1996; Mercadante 2000
Yang CY 1996
« Intrathecal
ketamine reduces
morphine
requirements in
patients with
terminal cancer
pain »
20 patients avec
cancer en stade
avancé et douleurs
traitées par des
opioïdes.
EVA
T0
T30
T180
Groupe 0.5
5.9
0.2
1.8
Groupe 0.25
6.6
1.4
3.8
Effets indésirables :
- hallucinations (4 patients après 0,5
mg/kg dont 3 patients aussi après 0,25
mg/kg),
- Somnolence/confusion : augmentation
significative dans les groupes
traités/placebo
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