Fondements de la Mécanique Quantique

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Université Lille 1 Sciences et Technologies, Lille, France
Laboratoire de Physique des Lasers, Atomes et Molécules
Équipe Chaos Quantique
Fondements de la Mécanique Quantique
Jean-Claude Garreau
24/5/2013
1
Développement de la mécanique quantique
Maxwell, 1865
Bunsen et Kirchhoff, 1860
Électromagnétisme
Spectroscopie
Spectre du « corps noir »
Spectre des éléments chimiques
Planck, 1900
Thomson 1897, Rutherford 1911
Échanges d’énergie avec rayonnement
électromagnétique quantifiés
Atomes constitués de protons et électrons
Einstein, 1905
Bohr, 1911
L’énergie du rayonnement électromagnétique
quantifiée: photon
Électrons dans des orbites discrètes
de Broglie, 1924
Caractère corpusculaire des photons
Caractère ondulatoire des électrons
Schrödinger, 1927
Équation d’« ondes de matière »
2/105
Physique classique
Particules
Ondes
•
Position et une vitesse
bien définies
•
Décrites par un champ avec
une phase et une intensité
•
Le nombre de particules est additif
•
Champ additif, pas l’intensité
•
Pas d’interférences
•
Interférences possibles
•
Équations différentielles ordinaires
•
Équations différentielles partielles
•
Équation dynamique
•
Théorie du champ
Loi de Newton
Équation d’onde
3/105
Interférences
Expérience de Young
𝐼1
𝐼
𝐼2
R. P. Feynman, The Feynman Lectures in Physics, vol. 3 « Quantum Mechanics »
4/105
Physique quantique
Entités quantiques
•
Impossible de leur attribuer une position et une vitesse simultanément (Heisenberg)
Onde
•
Détectées à des positions bien définies
Particule
•
Interférences possibles
Onde
Sont-elles des ondes ou des particules ?
R. P. Feynman, The Feynman Lectures in Physics,
vol. 3 « Quantum Mechanics »
5/105
Expérience de Young avec des particules
𝑁1
𝑁
𝑁2
6/105
Expérience de Young avec des entités quantiques
•
Ce sont des ondes !?
•
Ce sont des particules !?
Louis de Broglie :
« particules »
« ondes »
7/105
Observations « expérimentales »
•
Quand un seul trou est ouvert, les entités quantiques se comportent comme des particules classiques
•
Elles sont détectées à des positions bien définies
•
Si les deux trous sont ouverts, une figure d’interférence apparaît, comme pour des ondes
•
Cette figure d’interférence n’est visible que lorsqu’on détecte un grand nombre de particules !
Explication possible : les entités quantiques qui passent par un des trous,
interférent (par un processus inconnu) avec celles qui passent par l’autre trou.
Que se passe-t-il si on fait l’expérience avec une seule particule quantique à la fois ?
8/105
Interférences avec un photon unique
Ca
9/105
Interférences avec un photon unique
P. Grangier., Thèse de Doctorat, Université Paris-Sud, 1986
http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00009436
10/105
Interférences avec des atomes froids
F. Shimizu et al., Double-slit interference with ultracold metastable neon atoms,
Phys. Rev. A 46, R17--R20 (1992)
11/105
Interférences avec des molécules uniques
Fullerène : masse moléculaire ~ 720
Dans un futur (proche ?) : Interférences avec des virus ???
T. Juffmann et al., Real-time single-molecule imaging of quantum interference, Nature Nanotechnology 7, 297-300 (2013)
http://dx.doi.org/10.1038/nnano.2012.34
12/105
Comment expliquer
•
Les entités quantiques qui passent par un seul trou se comportent comme des particules classiques
•
Elles sont détectées à des positions bien définies
•
Si les deux trous sont ouverts, une figure d’interférence apparaît, comme pour des ondes
•
Cette figure d’interférence n’est visible que lorsqu’on détecte un grand nombre de particules !
Explication possible : les entités quantiques qui passent par un des trous,
interférent (par un processus inconnu) avec celles qui passent par l’autre trou.
Que se passe-t-il si on fait l’expérience avec une particule quantique à la fois ?
Réponse expérimentale : ce n’est pas ça, car une particule quantique interfère avec
elle-même !!!
13/105
Interférences
Ondes
Particules
𝑁
Par quel trou passe l’onde ?
Par quel trou passe la particule ?
14/105
« Quelle trajectoire ? » (Which path ?)
𝑁1
La particule quantique
passerait-elle pas les
deux trous à la fois ?
La particule quantique
passe par un seul trou,
mais l’interférence
disparaît !
15/105
La relation d’incertitude de Heisenberg
Pour pouvoir détecter le changement
d’impulsion de la paroi il faut que
D’après le principe d’incertitude
Mais si ∆𝑥 > 𝐿, c’est-à-dire ∆𝑃 < ℏ/𝐿 on ne peut
plus savoir par quel trou passe la particule
Si 𝐿 = 1 mm et 𝑀 = 1 g,
𝑉 ≈ ℎ/𝑀𝐿 ≈ 10−24 mm/s
Si 𝐿 = 10−3 mm, et 𝑀 = 10−25 g, 𝑉 ≈ 10 m/s
16/105
La principe de complémentarité
Si 𝑀 ≫ 𝑚 (∆𝑝 ≪ 𝑃), on ne voit pas le recul de la paroi. On ne sait pas par
quel trou passe la particule et on voit des interférences (physique classique)
Si 𝑀 ≈ 𝑚 (∆𝑝 ≈ 𝑃), on voit le recul de la paroi, on sait par quel trou passe
la particule, mais on ne voit pas des interférences (physique quantique)
On ne peut pas à la fois savoir par quel trou est passée la particule
(propriété à caractère particulaire) et voir en même temps des
interférences (propriété à caractère ondulatoire)
Principe de complémentarité (Bohr, 1924):
Les aspects ondulatoires et particulaires d’une entité quantique ne
se manifestent jamais simultanément
17/105
Formalisation
• Fonctions d’onde avec amplitude et phase : interférences
• Amplitude de probabilité :
de passer par le trou 1
de passer par le trou 2
Interférence !
18/105
Formalisation
• Si on sait par quel trou est passé la particule
• Probabilité de passer par le trou 1 :
• Probabilité de passer par le trou 2 :
Pas d’interférence !
19/105
Principe de la réduction du paquet d’onde
Comment concilier ces observations avec le fait que l’on détecte une
particule quantique toujours dans position bien déterminée ?
Si on fait une mesure qui permet de déterminer par quel trou passe la particule, on
produit un collapse instantané du « paquet d’onde » :
avec une probabilité
avec une probabilité
La connaissance (complète) de l’état quantique du système ne permet pas de prévoir son
évolution future. Ce n’est pas le cas d’un système classique, même si parfois une description
statistique est plus commode.
Interprétation dite « de Copenhague »
20/105
Equation de Schrödinger
L’évolution de la fonction d’onde est donnée par
l’équation de Schrödinger
Et c’est tout ce qu’il y a à savoir sur la Mécanique Quantique !
21/105
Propriétés de l’équation de Schrödinger
Si
ne dépend pas de
Equation « aux valeurs propres » : vaut aussi pour une corde
22/105
Applications simples de la mécanique quantique
Oscillations d’une corde
Seules des fréquences discrètes sont possibles !
23/105
Applications simples de l’équation de Schrödinger
Potentiel constant
(particule libre)
Oscillation lente (longueur d’onde élevée) = faible énergie
Les énergies ne sont pas quantifiées !
24/105
Applications simples de la mécanique quantique
L’équation de Schrödinger est linéaire
sont aussi des solutions
Dans le cas le plus général
« paquet d’onde »
25/105
Quantification des énergies
Puits carré infini
Seules des énergies discrètes sont possibles !
26/105
Puits fini
Energies discrètes et continuum sont possibles !
La quantification des énergies est une conséquence du confinement de la
particule (comme dans l’optique).
27/105
Applications de la mécanique quantique
Double puits carré
« Effet tunnel » : impossible en physique classique !
Exemples : radioactivité a, jonction métallique
28/105
Microscope à effet tunnel
Gerd Binning
Heinrich Rohrer
Prix Nobel 1986 (avec Ruska, inventeur
du microscope électronique).
29/105
Conséquences de la quantification
La quantification des états implique (par exemple) que les états
excités deviennent inaccessibles dès que
.
Loi de Dulong-Petit
Prédiction quantique
d’Einstein
30/105
Principe de superposition
La quantification des états est une des différentes importantes entre
la mécanique quantique et la mécanique classique.
L’existence des superpositions d’états (responsable des interférences
quantiques) en est une autre, qui a des effets encore plus étranges.
Quel est le sens de dire qu’un système quantique est « dans une
superposition d’états » ?
31/105
Superposition d’états (combinaison linéaire)
L’exemple de la lame séparatrice
Classique
Quantique
On ne peut pas prévoir l’état final
du système !
Comment représenter cela
mathématiquement ?
32/105
Superposition d’états (combinaison linéaire)
Passage d’un photon unique par une lame séparatrice
50 %
50 %
33/105
Photon unique
Preuve expérimentale de l’existence du photon
Détecteur de
coïncidences
0
Le signal classique est constant et égal à zéro
Le signal quantique fluctue en permanence
34/105
Superposition d’états (combinaison linéaire)
Passage de deux photons par une lame séparatrice
35/105
Effet Hong-Ou-Mandel
36/105
« Quelle trajectoire ? »
Interféromètre de Mach-Zender
Courtoisie : J.-M. Raimond
P. Bertet et al., A complementarity experiment with an interferometer at the quantum-classical boundary,
Nature 411, 166--170 (2001)
37/105
Expériences du type « Delayed choice »
38/105
Expériences du type « Delayed choice »
Wheeler : “Delayed choice”
John Archibald Wheeler, "The 'Past' and the 'Delayed-Choice' Double-Slit Experiment",
in Mathematical Foundations of Quantum Theory
39/105
Expériences du type « Delayed choice »
V. Jacques et al., Experimental Realization of Wheeler's Delayed-Choice Gedanken Experiment,
Science 315, 966--968 (2007)
40/105
Pas de chauvinisme !
41/105
La mécanique quantique hier et aujourd’hui
Les physiciens classiques avaient le sentiment de “marcher sur des œufs avec
ces idées nouvelles et totalement contre-intuitives pour eux.
Bohr, le vrai « père fondateur » de la mécanique quantique, avait une vision
très rigide et prudente du sujet. Il ne croyait pas qu’on puisse se servir de
l’intuition.
Dans les premiers textes de mécanique (e.g. Dirac, « Principles of Quantum
Mechanics » (1930)) ne contenaient pratiquement pas de figures, jugées
dangereuses, car des représentations approximatives d’un phénomène sans
analogue dans le mode macroscopique.
Feynman, en 1962, en revanche, disait déjà que « le seul vrai mystère, est la
dualité onde-particule ».
Les physiciens d’aujourd’hui sont beaucoup moins rigides. On s’est habitué à
« penser quantique » et on est capable d’acquérir une intuition même en
mécanique quantique.
42/105
Le débat Bohr x Einstein
Einstein n’a jamais vraiment accepté la
mécanique quantique sinon qu’en tant
qu’une théorie provisoire et incomplète.
Pour lui, une « superposition d’états
quantiques » était le reflet de l’incapacité
de l’observateur – et de la théorie
quantique – de donner une description
plus complète du système.
Il croyait qu’une théorie plus approfondie, contenant des « variables cachées » - c’est-à-dire des grandeurs jusqu’alors inconnues – permettrai un jour de
rendre la physique quantique totalement déterministe.
Dans une série de discussions, restées célèbres, avec Bohr lors des « congrès
Solvay », il a essayé de démontrer l’inconsistance de la mécanique quantique.
La suite des évènements a donnée raison a Bohr contre Einstein, mais cette
« attaque » contre la mécanique quantique s’est avérée très fertile.
43/105
Le débat Bohr x Einstein
1926 : Einstein attaque
Ressort
Boite contenant un photon
Mécanisme d’ouverture
piloté par une horloge
Le diaphragme est programmé pour s’ouvrir pendant un temps
(éventuellement) s’échapper le photon
Le ressort permet de déterminer la variation
laissant
de la masse de la boîte
L’énergie du photon est donc
On peut connaître
et
avec des précisions arbitraires, donc
44/105
Le débat Bohr x Einstein
La contrattaque de Bohr
1
2
3
1. Pour permettre de déterminer sa masse, la boîte doit être placée dans un champ
gravitationnel
2. Quand le photon s’échappe, la masse de la boîte diminue
3. Pendant que le photon s’échape, la boîte monte, or une horloge ralenti quand elle
remonte un champ gravitationnel (c’est la théorie de la relativité générale d’Einstein qui
le dit !) Pour connaître le retard, il faut connaître à l’avance l’énergie du photon, donc
tautologie !
45/105
Schrödinger et son chat (1935)
La notion de superposition quantique effrayait les physiciens « classiques », car
sans équivalent macroscopique.
Peut-on appeler cela un « état », puisqu’il ne caractérise pas totalement l’évolution future
du système ? Un tel état peut-il décrire une « réalité physique » ?
“One can even set up quite ridiculous cases…”
E. Schrödinger, Naturwissenschaften 23, 807-812 (1935)
46/105
Nouvelle attaque d’Einstein (1935)
Le « paradoxe » EPR
L’évolution future d’un système (fut-il quantique) doit être prédéterminée dans son état présent :
l’état du système doit être un “élément de réalité”.
“Dieu ne joue pas aux dés” (A. Einstein)
A. Einstein, B. Podolsky and N. Rosen, Can Quantum-Mechanical Description of Physical Reality Be
Considered Complete?, Phys. Rev. 47, 777--780 (1935)
47/105
Intrication quantique
Réalisation expérimentale du paradoxe EPR avec des photons
Ca
Ca
Photon 2
Photon 1
Photon 2
Photon 1
Etat intriqué
48/105
Intrication quantique
Systèmes comprenant plusieurs entités quantiques
Exemple : Deux électrons
(Les probabilités d’événement indépendants sont multiplicatives)
Etat intriqué
49/105
Le paradoxe EPR
Ca
Violation de la relation de causalité !
50/105
La corrélation est CLASSIQUE
Alice
Bob
51/105
La corrélation est CLASSIQUE
Dunkerque
Bob
Alice : Salut Jean-Claude! Je suis devant la Tour Eiffel !
Alice
Paris
Savoir qu’Alice est à Paris conduit à la conclusion
immédiate que Bob est donc à Dunkerque !
52/105
Corrélations quantiques
L’état intriqué
contient dès le départ (avant la mesure) une corrélation être l’ « état » d’Alice et celui de Bob
Ce qui est « quantique » :
L’interprétation de Copenhague (Bohr) postule que cet état contient l’information la plus
complète possible sur le système (« psi-function is maximal sum of knowledge » -- Schrödinger)
On ne peut pas connaître a priori (avant la mesure) l’état précis du système (savoir qui est à
Paris et qui est à Dunkerque).
53/105
« Réalisme local »
Einstein pensait qu’il pouvait y avoir une description plus complète incluant des
« variables cachées » (c’est-à-dire pas encore découvertes) qui déterminaient
parfaitement l’état du système avant la mesure
Il dit que si l’on doit considérer l’état quantique du système comme un « élément de
réalité », alors il possible d’avoir a priori une information complète sur le système
Cette caractéristique des théories à variables cachées a été ainsi nommée « réalisme local »
Réalisme parce que l’état du système est parfaitement défini à tout instant
Local parce qu’on ne peut pas changer l’état d’une partie éloignée du système en faisant une
mesure (réduction du paquet d’onde)
54/105
La « variable cachée »
Alice
Bob
55/105
L’impact du paradoxe EPR
Web of Knowledge Citation Index
Articles de l’« Annus Mirabilis » 1905
56/105
L’impact du paradoxe EPR
L’article le plus « moderne » d’Einstein
« End of the citing life »
J. S. Bell
Mort d’Einstein
“Speakable and Unspeakable in
d’Aspectet al.
QuantumExpérience
Mechanics”
Expérience de Clauser et al.
« BB84 »
57/105
Les inégalités de Bell
Les inégalités de Bell
La question posée par l’argument EPR (la fonction d’onde décrit-elle une « élément de la
réalité »?) est le genre de question qui a toutes les chances, en physique, de rester
purement philosophique, et, finalement, une affaire de goût.
En 1964, John Stewart Bell fait une percée majeure. Il montre que cette
question peut être tranchée par l’expérience. Il établi des inégalités qui
doivent être respectées si une théorique, quelle qu’elle soit, respecte les
postulats d’Einstein dits de « réalisme local ». La mécanique quantique,
elle ne respecte pas ces inégalités. L’expérience peut donc trancher.
58/105
Expérience EPR avec des photons : mesure des corrélations
mesure de la polarisation en
mesure de la polarisation en
La mesure de la corrélation est
59/105
Mesurer des polarisations de la lumière
60/105
Expérience EPR avec des photons
61/105
L’argument de Bell (1)
Le « réalisme local » d’Einstein signifie en fait que la mesure
dépendre que de
et
que de
Pour un état intriqué quantique
l’intrication implique nécessairement que
ne doit
(de même pour
)
L’intuition géniale de Bell a été de se rendre compte que, si on ne connait pas la
« variable cachée » on sait précisément ce qu’elle doit faire : elle doit rentre la
mesure
dépendant uniquement de
(et éventuellement d’une variable
cachée )
62/105
L’argument de Bell (3)
La vision quantique d’une expérience EPR est que toutes les paires sont identiques
puisqu’elles correspondent à un même état quantique (intriqué)
C’est la mesure que force le système à « choisir » entre les configurations
Dans la vision « variable cachée », chaque pair est caractérisé par une valeur de la
variable cachée qui détermine univoquement sa configuration. Par exemple
si
si
La mécanique quantique, étant « incomplète » est « obligée » d’utiliser la
superposition d’états pour combler sa méconnaissance de la variable cachée.
63/105
L’argument de Bell (4)
Bell propose de considérer la quantité
64/105
L’argument de Bell (5)
Selon la théorie des variables cachées, si
de la variable cachée, alors
est la distribution de probabilité
(une forme de) l’inégalité de Bell
65/105
L’argument de Bell (6)
On peut calculer
en utilisant la mécanique quantique
Pour l’état
66/105
Violation de l’inégalité de Bell
Mesure expérimentale de
Si
:
: violation de l’inégalité de Bell
S. J. Freedman and J. F. Clauser, Experimental test of local hidden-variable
theories, Phys. Rev. Lett. 28, 938 (1972)
A. Aspect et al., Experimental Test of Bell's Inequalities Using Time-Varying
Analyzers, Phys. Rev. Lett. 49, 1804 (1982)
Les théories à variable cachée de type « réalisme local » sont exclues !
67/105
Du quantique au classique
Si les particules microscopiques (atomes, électrons) sont quantiques, et
que les objets macroscopiques sont faits de ces particules, comment
peuvent-ils avoir un comportement classique ?
Phénomène d’« émergence » : un système « complexe », formé de
différentes « parts » en interaction peut avoir un comportement
qualitativement différent du comportement de chaque part, grâce à une
brisure spontanée de symétrie
68/105
Un exemple du phénomène d’« émergence » : l’irréversibilité temporelle
Exemple : gaz parfait
69/105
Irréversibilité
70/105
Transition du quantique au classique : « décohérence »
Les particules ne sont plus indépendantes (intrication)
Agir sur la particule 1 peut influencer la particule 2 (et vice-versa)
71/105
Transition du quantique au classique : « décohérence »
72/105
Particule macroscopique
Plus la particule macroscopique contient des « parts », plus il est « facile »
pour la particule de d’intriquer avec elle, plus il y a des chances pour
qu’une information sur l’état de la particule « fuit » vers l’environnement
73/105
Transition du quantique au classique : « décohérence »
74/105
Réduction du paquet d’onde : états « pointeur »
Pourquoi seul un états – les états propres – survivent à une mesure ?
mesure
particule
instrument
(von Neumann)
75/105
Réduction du paquet d’onde : états « pointeur »
particule
instrument
Wojciech H. Zurek
W. H. Zurek, Pointer basis of quantum apparatus: Into what mixture does the wave packet collapse?,
Phys. Rev. D 24, 1516--1525 (1981)
Faire un mesure sur un système quantique signifie le faire interagir avec un système
macroscopique qui « remonte » une information vers le monde macroscopique
Les états qui peuvent survivre sont ceux qui sont « immunes » à la décohérence
ou
ou…
76/105
Information quantique
Transmission de l’information : « bits » 0 et 1
On peut transmettre un bit avec un seul photon. Par exemple, le bit 0 =
polarisation H, bit 1 = polarisation V.
Que peut-on faire avec un « q-bit » ?
77/105
Cryptographie quantique
Protocole « BB 84 » (Bennett et
Brassard)
A (Alice)
B (Bob)
Si Alice et Bob choisissent la même orientation (H/V ou 45/135) → communication « normale »
Si Alice et Bob choisissent des orientations différentes, p. ex. Alice choisit 45/135 et Bob H/V →
erreurs de communication dans 50 % des cas
78/105
Protocole BB 84 : code quantique d’un message
Position du problème : Alice veut transmettre à Bob le message binaire « 01 »
Alice envoi à Bob une série aléatoire de q-bits avec des orientations choisies au hasard.
Bob réalise une mesure avec une orientation choisie au hasard. Bob obtient une valeur fidèle du
q-bit s’il a choisit la même orientation qu’Alice (25% des cas).
Bob communique à Alice (par un canal « classique » : téléphone, internet) ses choix
d’orientation (H,H,H,45,H…) mais pas les résultats qu’il a obtenus.
Alice
q-bit
Bob
Res.
1
H
1
H
1
2
45
0
H
1
3
45
1
H
1
4
H
1
45
0
5
H
0
H
0
6
45
0
H
0
7
H
1
45
1
8
45
0
H
1
9
45
1
45
1
10
H
0
H
0
Alice compare les orientations choisies par Bob
avec les siennes : elle sait donc que Bob a lu
une valeur correcte pour les q-bits 1,5,9,10.
Elle choisit (p.ex.) les q-bits 5 et 1 pour coder
le message.
Pour les autres q-bits, Alice communique à Bob
ses choix d’orientation, i.e. _,45,45,H,_,45,…
ainsi que la valeur correspondante du q-bit :
_,0,1,1,_,0,…
Bob peut vérifier que dans les cas où
l’orientation est la même (9 et 10) la valeur du
q-bit est la même.
Alice dit à Bob (par téléphone, internet): « le
message est ‘q-bit 5, q-bit 1’, c’est-à-dire 01.
79/105
Cryptographie quantique
E (Eve)
A (Alice)
B (Bob)
Les lois de la mécanique quantique rendent la présence d’Eve détectable !
10
Alice
q-bit
Eve
Rés.
Eve
Bob
Res.
Bob
H
0
45
1
H
0
1
50%
50%
Probabilité
50%
12.5%
Sur un grand nombre de q-bits transmis, Bob verra qu’il y a 12.5% de cas où
il a choisi le même orientation qu’Alice, mais les résultats sont différents ! Il
sait donc que le message a été intercepté ; quand Alice l’appelle, il lui dit « il
y a un espion sur la ligne », Alice ne dit alors pas quel est le message.
80/105
Le protocole BB 84 est commercialisé
http://www.magiqtech.com/
http://www.idquantique.com/
81/105
Générateurs quantiques de nombres aléatoires
82/105
Générateurs quantiques de nombres aléatoires
1001
0110
83/105
Ordinateur quantique
Simulation massivement parallèle
Condition initiale
Résultat
0110
0110
0010
0111
Ordinateur
classique
1110
0100
…
Ordinateur
quantique
84/105
Comment extraire un résultat
Pas si simple !
mesure
Réduction du paquet d’onde !!!
85/105
Algorithme de Shor
Algorithme de Shor : factorisation de grand nombres
Algorithme
de Shor
2012 : le nombre 21 a été factorisé par un ordinateur quantique !
Problème majeur : « scalabilité » ???
86/105
La « revanche » d’Einstein
Le traitement quantique de l’information a ouvert un domaine de recherche
très actif en recherche. Serge Haroche et David Wineland ont eu le prix
Nobel en 2012 pour des recherches en partie liées à ce domaine.
Les premières retombées pratiques commencent à arriver.
Du point de vue fondamental, il a déclenché une réflexion sur les fondements
de la mécanique quantique du point de vue de la théorie de l’information.
Interprétation de Copenhague :
« psi-function is maximal sum of knowledge » (Schrödinger).
Vision émergente « informationnelle »:
« psi-function is maximal information that can be brought into the
macroscopic world ».
87/105
Particules classiques identiques
Problème de la « scalabilité » : peut-on mettre en contact un grand nombre
d’entités quantiques sans les « décohérer » ?
Particules classiques sont distinguables
88/105
Particules quantiques identiques
Particules identiques sont indistinguables
(Fermions)
Ne peuvent pas se trouver dans le même état !
(Bosons)
« Aiment » se trouver dans le même état !
89/105
Particules composées
Une particule composée d’un nombre pair de Fermions est un Boson !!!
90/105
Bosons et Fermions
Les particules formant la matière sont des fermions : électrons, protons,
neutrons… Mais l’atome d’hydrogène (1 proton + 1 électron) est un boson.
Le photon est un boson.
Si un atome émet un photon en présence d’autres photons, le photon émis
aura tendance à être identique à ceux qui sont déjà présents : effet dit
d’« émission stimulée » : base du fonctionnement du laser.
91/105
Bosons et Fermions
Fermions
Principe d’« exclusion » de Pauli :
responsable de la stabilité de la matière
Bosons
Regroupement de bosons
92/105
Particules distinguables x particules indistinguables
Particules
classiques
Bosons
T>
=0K
~1/4
~1/2
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Condensation de Bose-Einstein
Condensation de Bose-Einstein
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Superfluidité
Statistique de
Bose-Einstein
Critère de superfluidité de Landau
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Supraconductivité
La supraconductivité est la superfluidité d’un fluide chargé !
FAUX !!! Pourquoi ?
Les électrons sont des fermions ! Pas de condensation de Bose-Einstein !
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Théorie BCS de la supraconductivité
Bardeen, Cooper et Schrieffer : à basse température les électrons forment des
pairs.
Les pairs d’électrons forment un condensat de Bose-Einstein.
Bardeen : seule personne à avoir reçu deux prix Nobel de Physique.
1986 : Découverte des cuprates,
supraconducteurs à haute température (~
100 K) par Müller et Berdnoz (prix Nobel
1987), BCS ne peut pas l’expliquer.
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Histoire de la condensation de Bose-Einstein
L’observation expérimentale condensation de Bose-Einstein est une longue histoire,
commençant en 1926 et culminant en 1995.
En 1938 F. London proposa une condensation partielle pour expliquer la
superfluidité de l’Hélium liquide.
En 1950 L. D. Landau (prix Nobel 1962) et V. Ginzburg (prix Nobel 2003)
proposèrent une théorie permettant d’expliquer certains aspects de la superfluidité
et de la supraconductivité comme une condensation de Bose-Einstein partielle
dans un système présentant des fortes interactions entre particules.
Dans les années 1980, apparurent les techniques de refroidissement d’atomes par
laser (C. Cohen-Tannoudji, S. Chu, W. Phillips prix Nobel 1995).
En 1995 E. Cornell et C. Wieman, W. Ketterle, R. Hulet ont observé la condensation
de Bose-Einstein resp. d’un gaz de Rb, Na, Li (Cornell, Wieman et Ketterle, prix
Nobel 2001).
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Comment produire un condensat
Dégénérescence quantique : les « nuages de probabilité » s’interpénètrent.
Taille du nuage de probabilité d’un atome
équilibre thermique à température :
. Pour un nuage en
Avec une densité de atomes par unité de volume, la distance moyenne
entre deux atomes est
. La condition de dégénérescence quantique
est donc :
Il faut donc une densité élevée et une température faible : la plupart des
substances devient solide dans ses conditions. Cette difficulté a « bloqué »
l’observation de la condensation de Bose-Einstein pendant 70 ans !
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Refroidissement d’atomes par laser
Première piste : l’hydrogène. Des décennies de recherches qui n’ont pas
abouti.
Années 1980 : Refroidissement d’atomes par laser.
Pression de radiation :
m/s,
mm/s, donc
mais
ms !
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Refroidissement Doppler
Problème : l’atome finit par faire demi-tour et accélérer dans l’autre sens.
Effet Doppler :
Température minimale prévue :
, température observée :
!
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Refroidissement évaporatif
Température encore 10 fois au dessus de la température de condensation.
On perd des atomes, mais la densité augmente plus vite que le
nombre d’atomes ne diminue !!!
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Condensation de Bose-Einstein d’un gaz (quasi-)parfait
Observation de la condensation en 1995
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Où en est-on ?
• On « comprend » de mieux en mieux la mécanique quantique.
• On arrive à avoir une « intuition quantique ».
• C’est de loin la théorie physique testé le plus précisément et de la façon
la plus étendue.
• Elle reste la base essentielle de la physique moderne (modèle standard,
etc.)
• Cependant, une (petite) révolution conceptuelle se profile à l’horizon.
• « Simulateurs quantiques »: réaliser des modèles simples de systèmes
compliqués avec des vrais systèmes quantiques.
« Much fun is still to come! »
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Bibliographie
• R. P. Feynman, L. B. Leighton and M. Sands, « The Feynman Lectures
on Physics » (Basic Books) vol. 3, VF : Le Cours de physique de
Feynman, tome 3 : Mécanique quantique (Dunod)
• J. L. Basdevant et J. Dalibard, « Mécanique Quantique » (Ed. Ecole
Polytechnique)
• C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et F. Laloë, « Mécanique Quantique »
(Hermann)
• C. Ngô et H. Ngô, « Physique Quantique, Introduction » (Dunod)
• M. Le Bellac, « Introduction à l'information quantique » (Echelles)
• M. Kumar, « Le grand roman de la physique quantique : Einstein, Bohr...
et le débat sur la nature de la réalité » (Flammarion)
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