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Le serment d’Hippocrate
fondement de l’éthique médicale ?
Le statut de l’éthique aujourd’hui
L’éthique : « une vieille fille résignée qui devient sans
comprendre pourquoi la coqueluche d’un salon » ? A. Badiou,
L’éthique, Essai sur la conscience du mal, Caen, Nous, 2003 , p.
15.
Comment définir l’éthique ? Différence avec la morale, avec les
codes de bonne conduite ou la déontologie ?
Le serment d’Hippocrate : un ancêtre pour la pensée bioéthique
? L’éthique doit-elle être repensée à partir de fondements
nouveaux ?
Quelques distinctions
éthique, morale, déontologie
Ethique : réflexion sur le genre de vie permettant à un
être de se réaliser comme être humain, vie réussie ou
accomplie.
Éthos : les mœurs, usages habitudes. Êthos : caractère
manière d’être.
La réflexion éthique pendant l’Antiquité.
Platon, Apologie de Socrate : une vie sans examen ne
vaut pas la peine d’être vécue.
Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 2 : tous les hommes
s’accordent sur le fait que le bien suprême est le bonheur.
« par contre, en ce qui concerne la nature du bonheur, on
ne s’entend plus (…) ».
La morale
La morale est plutôt associée à l’idée
d’obligation, de devoir, de loi.
Morale de mores, les mœurs.
G. Lipovetsky, Le crépuscule du devoir, Paris,
Gallimard, 1992.
Une distinction possible entre éthique
et morale
Paul Ricoeur, Ethique et Morale, dans Lectures 1, Autour du Politique, Le seuil,
p. 258.
« C’est par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée
d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes, et celui de
morale, pour le côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des
interdictions caractérisées à la fois par une exigence d’universalité et par un
effet de contrainte ».
Ethique téléologique / morale déontologique
Morale : universalité et nécessité (Kant, Fondements Métaphysique des
Mœurs) / Ethique : incertitude, conflit de valeurs, dilemme.
Un exemple : la question du « droit de mentir ».
Comment situer alors le Serment d’Hippocrate ? Un
texte déontologique (moral) ou / et téléologique
(éthique)
Serment d’Hippocrate : énonce un ensemble de
devoirs pour le médecin.
J. Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, 1992.
Le serment : un code idéal ?
Qui est Hippocrate
A la fois célèbre et peu connu. Né sur l’île de Cos
en 460 avant JC. Appartient à la lignée
d’Asclépiade, descendants du dieu de la
médecine Asclépios, qui se transmettent la
médecine de père en fils.
Il serait mort à 85 ans, laissant derrière lui le
corpus hippocraticum, 96 écrits qui ne sont pas
tous de sa main. Œuvre collective.
Les articles 1 et 2 : l’entrée en fonction du
médecin, les règles de transmission de l’art
« (art. 1) Je jure par Apollon médecin, pas Asclépios, par Hygie et
Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin,
de remplir, selon ma capacité et mon jugement, ce serment et ce
contrat ; (art. 2) Mon maître en médecine, je le mettrai au même rang
que mes parents. Je partagerai mon avoir avec lui, et s’il le faut je
pourvoirai à ses besoins. Je considèrerai ses enfants comme mes frères
et s’ils veulent étudier la médecine, je la leur enseignerai sans salaire
ni engagement. Je transmettrai les préceptes, les explications et les
autres parties de l’enseignement à mes enfants, à ceux de mon Maître,
aux élèves inscrits et ayant prêté serment suivant la loi médicale, mais
à nul autre ».
L. Lacan, Le Serment d’Hippocrate, Nîmes, Lacour, 1999.
A. Masquelet, Le Serment d’Hippocrate, Paris, Maloine, 1997.
Articles 3 et 6 : une approche éthique et pas
seulement déontologique : les notions de bien des
malades et les limites du pouvoir du médecin
Art. 3. « J’utiliserai les régimes pour le bien des
malades, selon mon pouvoir et ma raison. Je
m’écarterai de tout mal et de tout tort ».
Art. 6. « Je n’inciserai pas non plus les malades
atteints de lithiase (ne pas tailler ceux qui ont la
pierre), mais je laisserai cela aux hommes
spécialistes de cette intervention ».
L’idée d’une valeur de la vie
Art. 4. « Jamais je ne remettrai du poison
(pharmakon), même si on me le demande, et je ne
conseillerai pas d’y recourir. Je ne remettrai pas aux
femmes de pessaires abortifs ».
Conception du début de la vie, des rapports âme
corps déterminante pour penser le statut du fœtus.
Platon, République, 621 b-c.
Vie pensée comme bios et pas seulement comme
zôè
Articles 7 et 8 :
l’espace éthique et politique de l’art médical
Art. 7. « Dans toute maison où je serai appelé, je
n’entrerai que pour le bien des patients. Je m’interdirai
d’être volontairement une cause de tort ou de corruption,
ainsi que toute entreprise voluptueuse à l’égard des
femmes ou des hommes, libres ou esclaves ».
Art. 8. « Tout ce que je verrai ou entendrai autour de moi,
dans l’exercice de mon art ou hors de mon ministère, et
qui ne devra pas être divulgué, je le tairai et le
considèrerai comme un secret ».
// John Gregory, Lectures on the Duties and Qualifications
of a Physician, 1772
Le « triple encadrement normatif de
l’acte médical » selon Paul Ricoeur
Le médecin hippocratique se réfère donc à un
ordre fondé sur des valeurs.
Il opère des choix en tenant compte des limites
de son art (limites techniques et éthiques), de la
position de son patient (espace privé) et aussi
de sa place dans la cité (politique).
Ricoeur. Article « éthique » dans Dictionnaire
d’éthique et de philosophie morale, dir. M.
Canto-Sperber, Paris, Puf, 2004.
Version actuelle du serment
« En présence des maîtres de cette école, de mes chers
condisciples et devant l’effigie d’Hippocrate, je promets
et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la
probité dans l’exercice de la médecine.
Je donnerai mes secours gratuits à l’indigent et
n’exigerai mais un salaire au dessus de mon travail.
Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux n’y
verront pas ce qui s’y est passé, ma langue taira les
secrets qui me seront confiés et mon état ne servira
pas à corrompre les mœurs ni à favoriser les crimes.
Respectueux et reconnaissant envers mes
Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction
que j’ai reçue de leurs pères.
Que les hommes m’accordent leur estime si je
suis fidèle à mes promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de
mes confrères si j’y manque ». Serment
d’Hippocrate dans sa version actuelle.
De l’éthique hippocratique à la
bioéthique contemporaine
- Quels changements aujourd’hui ?
Voir Hans Jonas, le principe responsabilité, 1979.
« Toute éthique jusqu’à présent (…) admettait tacitement les présuppositions
suivantes, reliées entre elles : (1) La condition humaine, donnée par la nature
de l’homme et par la nature des choses, est établie une fois pour toutes dans
ses traits fondamentaux. (2) Sur cette base ce qui est bon pour l’homme se
laisse déterminer sans difficulté et de manière évidente. (3) La portée de l’agir
humain et par conséquent celle de la responsabilité humaine est étroitement
définie. (…) Mon affirmation est que par suite de certains développements de
notre pouvoir l’essence de l’agir humain s’est transformée ; et (…) la
transformation de la nature de l’agir humain rend également nécessaire une
transformation de l’éthique. (…) la nature qualitativement inédite de
certaines de nos actions a dégagé une dimension intégralement nouvelle de
la signification éthique qui n’était pas prévue dans les points de vue et les
canons de l’éthique traditionnelle
Les facultés nouvelles que j’ai en vue sont naturellement celles de la
technique moderne ».
Hans Jonas, Le Principe Responsabilité (1979).
Hans Jonas, Le droit de mourir, trad. P. Ivernel, Rivages poche, 1996.
« Voici alors le problème d’un genre nouveau qui se pose : la
technologie médicale moderne, même quand elle ne peut guérir ou
calmer la douleur, ou procurer un délai supplémentaire de vie qui vaille
la peine, aussi court soit-il, est néanmoins en mesure à maints égards
de retarder la fin au-delà du point où la vie ainsi prolongée garde
encore son prix pour le patient lui-même, voire au-delà du point où ce
dernier est encore capable de jugement. Cela désigne en règle
générale (abstraction faite de la chirurgie) un stade thérapeutique où
la frontière entre la vie et la mort coïncide totalement avec celle entre
la poursuite du traitement et la cessation de celui-ci : en d’autres
termes, une étape où le traitement se limite à maintenir l’organisme
en marche, sans améliorer son état en aucun sens (pour ne pas parler
du tout de guérison).
- L ’éthique hippocratique : une éthique minimaliste ? % éthiques
maximalistes. Voir R. Ogien, La vie, la mort, l’Etat, Paris, Grasset, 2009.
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