Imaginer des solutions de rechange pour un développement durable

Institut canadien de recherches sur les femmes FemNorthNet
Conception accessible par Forest Communications. 1
Feuillet no10
Ce document fait pare
d’une série de dix
feuillets d’informaon
traitant des femmes et
du développement de
l’industrie d’extracon des
ressources naturelles. Tous
les feuillets d’informaon
sont disponibles au www.
fnn.criaw-icref.ca et vous
y trouverez aussi des
ressources addionnelles
sur les sujets abordés.
CRIAW-ICREF reconnait
sa présence et son travail
en territoire autochtone.
Nous reconnaissons avec
respect l’héritage de
lacolonisaon sur les
peuples autochtones.
Cee publicaon a été
créée par le Réseau du Nord
féministe. Traducon par
Michele Briand. Pour la liste
complète des contributeurs
consulter notre site Web.
978-1-894876-75-9
IMAGINER DES SOLUTIONS
DE RECHANGE POUR UN
DÉVELOPPEMENT DURABLE
Ce feuillet d’informaon met l’accent sur la nécessité d’un développement viable
des ressources naturelles an que les populaons du Nord, y compris les diverses
femmes de ces communautés, puissent en rer un meilleur par. Il propose
des façons de préparer l’avenir en se basant sur des principes diérents de ceux
d’aujourd’hui, notamment:
la pleine reconnaissance des droits et du contrôle des Autochtones sur leurs
territoires tradionnels
des changements dans la distribuon de la richesse issue de l’extracon
des ressources
l’ulisaon des ressources naturelles à un rythme raisonnable et viable.
Reconnaissance des droits des Autochtones et du contrôle par les
peuples de leurs territoires traditionnels
Les peuples autochtones du Canada ont inves beaucoup de temps et d’eorts, sans
parler de nombreux recours judiciaires, pour commencer à reprendre le contrôle des
terres et des cours d’eau qu’ils ulisaient depuis bien avant la colonisaon. Malgré
la lenteur du processus, d’importantes décisions judiciaires et diverses ententes ont
reconnu les droits des Autochtones et leur pouvoir de prendre des décisions.
La Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique le 26 juin 2014 en
reconnaissant que les droits territoriaux des autochtones s’étendent aux terres
ulisées tradionnellement, y compris à l’extérieur des sites d’établissement. Cee
cause impliquait la Naon Tsilhqot’in, au centre-nord de la Colombie-Britannique.
Depuis plus de 20 ans, la Naon Tsilhqot’in tentait par l’entremise des tribunaux et
de barrages rouers de stopper l’extracon des ressources (exploitaon foresère)
sur son territoire tradionnel. La Cour suprême a nalement jugé en leur faveur.
La signicaon de la décision Tsilhqot’in
Cee décision de la Cour suprême annonce une nouvelle manière d’aborder les
revendicaons territoriales non résolues à des tres autochtones, parculièrement
IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES
2
dans le nord du Québec, l’est du Canada et au
Labrador, où il n’existe pas de traités. (En signant un
traité, les peuples autochtones peuvent céder ou
abandonner leurs droits à la terre. En l’absence de
traités, la terre est qualiée de non encore cédée.)
Cee décision par le plus haut tribunal du pays a
fourni une dénion plus précise de ce qu’est un
tre ancestral et des façons de le reconnaître. Cee
décision donne aux Premières naons qui tentent
d’obtenir des droits sur des territoires non encore
cédés des ouls pour établir leurs droits à un tre
ancestral et par conséquent, au contrôle d’un
territoire.
Le tre ancestral donne aux groupes autochtones
le droit de:
jouir du territoire et l’occuper
posséder le territoire
rer des avantages économiques du territoire
décider de l’ulisaon et de la geson du territoire.
« Journée historique à Xeni Gwet’in ». Rencontre entre la
première ministre et le ministre des Relaons autochtones
et de la Réconciliaon et les chefs de la Naon Tsilhqot’in
pour signer une Lere d’entente par suite de la décision de
la Cour suprême du Canada. – Photo de la province de la
Colombie-Britannique (2014, licence CC BY-NC-ND 2.0)
Une nouvelle époque de consultaon
et de consentement
La décision Tsilhqot’in enjoint au gouvernement
fédéral d’obtenir un consentement avant toute forme
de développement sur des terres non encore cédées.
Cee exigence de consentement ne s’applique pas
sur des terres soumises à d’autres types d’ententes
(comme des traités), où seul le devoir de consultaon
s’impose. Cee disposion ouvre la possibilité pour les
naons autochtones de parciper au développement
économique à tre de partenaires plus égaux.
Mais des restricons s’appliquent:
des projets majeurs comme des mines ou
des pipelines peuvent être mis en œuvre
sans le consentement des Autochtones, si
le gouvernement peut faire la preuve d’un
« objecf public réel et impérieux » et orir une
compensaon au groupe autochtone
les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent
réglementer les acvités économiques, telles les
praques de foresterie, sur les terres non encore
cédées, avec ou sans consentement, si un besoin
public est reconnu comme réel et impérieux.
Aux termes de la décision de la Cour suprême, les
peuples autochtones n’obendront pas tous accès à
un tre ancestral sur leur territoire tradionnel, même
s’ils saisissent les tribunaux, notamment les groupes qui
ont déjà cédé leurs terres par traité. D’autre part, divers
peuples autochtones au Canada et ailleurs croient que
leurs droits au territoire ne peuvent être ni vendus, ni
achetés, ni échangés, ni abrogés par un quelconque
gouvernement ou pour toute raison que ce soit.
Que signie la décision en termes généraux?
La décision s’applique à de nombreux groupes
autochtones qui vivent sur des territoires non encore
cédés et les ulisent. Cest parculièrement vrai pour
la Naon NunatuKavut qui a beaucoup en commun
avec la Naon Tsilhqot’in:
TENIR COMPTE DES FEMMES DE LA RÉGION 3
Le village de Red Bay, primé en 2013 comme site du
patrimoine mondial par l’UNESCO en raison de son
industrie basque de pêche à la baleine, est situé en
territoire tradionnel Nanatukavut. Parcs Canada collabore
avec le gouvernement Nanatukavut à la protecon
de l’héritage et des sites sacrés de la naon inuite
NunatuKavut du sud du Labrador. – Photo par
Wiegee (2004)
les deux naons se sont vu refuser des tres en
raison de règlements sur la vie semi-nomadique.
Par le passé, elles n’ont pas répondu aux strictes
normes gouvernementales exigeant qu’elles
occupent un territoire donné en tout temps.
Dans la décision Tsilhqot’in, la Cour suprême a
rejeté cee idée, armant que les groupes semi-
nomadiques possèdent des droits aux tres des
terres qu’ils ont tradionnellement occupées.
La communauté du NunatuKavut a vu ses tres
ancestraux reconnus par le passé. Ces tres leur
ont ensuite été rerés en raison de leur échec à
passer les tests stricts et déraisonnables relafs à
la connuité (relaon connue avec le territoire).
La décision Tsilhqot’in a redéni la connuité
et armé qu’il ne s’agissait pas d’un mof
raisonnable pour le gouvernement de rejeter
la revendicaon de tres.
Les deux naons ont trouvé les gouvernements
récents à reconnaître leurs droits; la récente
décision a précisé l’obligaon des gouvernements
d’accommoder les Autochtones.
Déclaraon des Naons Unies sur les droits des
peuples autochtones
La Déclaraon des Naons Unies sur les droits des
peuples autochtones (DDPA) énumère les droits que
les États membres des Naons Unies doivent respecter
en vue de bâr des relaons saines et viables avec
les peuples autochtones. Elle conent des principes
touchant au développement des ressources basés
sur le respect des droits humains, la jusce, la non-
discriminaon et la réconciliaon.
Les Naons Unies ont adopté la Déclaraon en
septembre 2007, plus de 30 ans après le début des
travaux par des groupes autochtones du monde
ener. Le Canada est l’un des quatre pays à avoir
voté contre la DDPA lors de son adopon, armant
que la Déclaraon allait trop loin en accordant
aux Autochtones des tres de propriété sur leurs
territoires tradionnels, ainsi qu’un droit de veto sur
des lois fédérales et la geson locale des ressources.
Mais trois ans plus tard, en novembre 2010, le
gouvernement canadien signait et endossait la DDPA.
La DDPA s’applique à l’extracon des ressources parce
qu’elle requiert des États naons:
qu’ils reconnaissent et respectent les droits des
peuples autochtones, leurs instuons, leurs
cultures et leurs tradions
qu’ils meent n à toute forme de discriminaon
et fassent la promoon d’une enère parcipaon
des peuples autochtones dans toutes les aaires
les concernant, y compris leur droit à demeurer
disncts et à poursuivre leurs propres visions du
développement économique et social
La Déclaraon des Naons Unies sur
les droits des peuples autochtones
(DDPA) vise à inciter les pays à changer
leurs lois, praques et programmes.
IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES
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Comment appliquer la Déclaraon des Naons
Unies sur les droits des peuples autochtones:
Adopter la Déclaraon et s’assurer que
toutes les poliques et procédures du pays
respectent ses normes.
Travailler avec les organisaons autochtones
en vue d’inciter le gouvernement et les
industries à mere en applicaon la
Déclaraon.
La Déclaraon peut servir de cadre aux
gouvernements et aux entreprises
pour guider leur travail avec les
communautés autochtones.
Le milieu de l’enseignement peut inclure de
l’informaon sur la DDPA dans les cours en
vue d’éduquer le public sur sa signicaon
au Canada.
Source: Indigenous Bar Associaon, 2011
qu’ils reconnaissent le droit des peuples
autochtones à l’autodéterminaon
qu’ils permeent aux peuples autochtones de
parciper pleinement et ecacement à toutes les
décisions pouvant aecter leurs terres
qu’ils favorisent les partenariats et la collaboraon
entre les États et les peuples autochtones
qu’ils meent sur pied un mécanisme de
consentement préalable, donné librement et en
connaissance de cause en vue de protéger les
droits des peuples autochtones à décider de quand
et comment devra se produire le développement.
Pourquoi la DDPA est-elle importante pour les
femmes autochtones?
Les femmes autochtones ont parcipé très acvement
à l’élaboraon de la Déclaraon pendant les deux
décennies de négociaons. La DDPA accorde aux
femmes autochtones des droits formels dans plusieurs
domaines, notamment:
le droit de prendre part aux décisions dans les
aaires qui aectent leurs droits
le droit à une naonalité et le droit d’appartenir à
une communauté ou une naon autochtone, basés
sur les tradions et coutumes de la communauté
ou de la naon impliquée
le droit à tous les niveaux et toutes les formes
d’éducaon sans discriminaon et la possibilité
de partager leurs histoires, langues, tradions
orales, philosophies et liératures avec les
généraons futures
des droits égaux à ceux des hommes en maère
de parcipaon à la polique et aux aaires
publiques et dans les rôles de représentaon
de leurs communautés et de leurs pays.
La Déclaraon arme également que le mariage
ne peut forcer les femmes à changer de naonalité
ou à devenir apatrides. Les naons doivent aussi
prendre des mesures pour améliorer les condions
économiques et sociales des femmes autochtones.
Au Canada, la DDPA peut fournir aux peuples
autochtones, et aux femmes, des moyens de protéger
la terre et l’eau pour les généraons futures. La
Déclaraon peut également leur permere d’exercer
un meilleur contrôle sur le type et la portée des
projets de développement des ressources dans leurs
communautés, ainsi que sur le partage de la richesse.
Changer la distribution de la richesse issue
de l’extraction des ressources
La DDPA ulise une perspecve des droits de la
personne pour concevoir des relaons plus égalitaires.
Mais il s’agit aussi d’un enjeu économique.
La richesse créée par l’extracon et le développement
des ressources dans le Nord n’a pas été partagée. Les
prots résultant des projets de développement ont
plutôt élargi l’écart entre:
les entreprises et les populaons
les riches et les pauvres
le nord et le sud du Canada.
TENIR COMPTE DES FEMMES DE LA RÉGION 5
Ce sont les entreprises, et non les gens, qui ont le
plus bénécié de la phase d’expansion de l’extracon
des ressources au Canada. La part du revenu naonal
détenue par les entreprises est à son plus haut niveau
depuis les 40 dernières années. Au cours des quinze
dernières années, les entreprises canadiennes ont
engrangé des prots de plus de 700 milliards. Pendant
la même période, la dee du Canada a augmenté de
660 milliards, soit 50 000$ par ménage canadien.
Un écart croissant sépare également les riches et
les pauvres au Canada. Cet écart est frappant dans
la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Entre 1981
et 2005, TNL connaissait les niveaux de croissance
économique parmi les plus élevés au Canada.
Léconomie provinciale (produit intérieur brut) est
passée d’environ 5 à 21 milliards. Qu’est-il advenu
de toute cee richesse?
Durant cee période, le pourcentage des prots
par comparaison à celui des salaires était de 70% à
Terre-Neuve, contre 51% dans le reste du Canada.
Autrement dit, les entreprises opérant dans cee
province se payaient elles-mêmes 70 cents pour
chaque dollar payé en salaire, contre 51 cents dans
le reste du Canada.
En 2008, le pourcentage des prots par rapport
aux salaires à Terre-Neuve-et-Labrador était
deux fois plus élevé que dans le reste du Canada,
à environ 125%. Cela veut dire qu’en 2008, les
entreprises se payaient elles-mêmes beaucoup
plus généreusement qu’elles ne payaient leurs
travailleuses et travailleurs.
Le revenu des dirigeants déjà bien nans des
entreprises a également augmenté à un rythme
beaucoup plus rapide à Terre-Neuve que dans le
reste du pays. Par comparaison, les salaires des
travailleurs sont loin d’avoir suivi le rythme de la
croissance économique. Et comme ailleurs, les salaires
des femmes, des Autochtones et des personnes en
situaon de handicap sont plus faibles que ceux
des hommes. En d’autres mots, les populaons ne
reçoivent pas une part équitable des avantages
économiques issus de l’extracon des ressources.
Depuis quelques années, Terre-Neuve-et-Labrador
compte sur les redevances de l’industrie de l’extracon
des ressources pour défrayer une bonne pare des
dépenses publiques. Leondrement en 2015 de la
demande mondiale pour les maères premières
telles le pétrole, le gaz et le minerai de fer a réduit les
revenus de la province. En réacon, le gouvernement
provincial de TNL a eectué des coupures drasques
aux dépenses publiques pour gérer l’augmentaon
de sa dee, après avoir été pendant presque une
décennie l’une des plus solides économies du pays.
Il existe des façons plus logiques et plus intelligentes
de gérer la richesse issue du développement des
ressources naturelles dans le Nord du Canada.
La Norvège: un modèle pour le Nord du Canada
Depuis la découverte de gisements sur son plateau
connental en 1969, la Norvège a soigneusement
géré sa producon de pétrole en vue d’assurer
un développement durable. Ses poliques ont
protégé l’environnement et réservé des richesses
pour la populaon actuelle, de même que pour les
généraons futures.
Le gouvernement norvégien possède 80% des
infrastructures de producon et de transport du
pétrole. Il peut dénir et diriger le développement
des ressources parce qu’il perçoit et invest les
revenus de la producon de pétrole au nom de la
populaon de la Norvège.
Plateforme pétrolifère Draugel au large de la Norvège –
Photo par BoH (2013, licence CC BY-SA 3.0)
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