Feuillet no10 IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE Ce document fait partie d’une série de dix feuillets d’information traitant des femmes et du développement de l’industrie d’extraction des ressources naturelles. Tous les feuillets d’information sont disponibles au www. fnn.criaw-icref.ca et vous y trouverez aussi des ressources additionnelles sur les sujets abordés. Ce feuillet d’information met l’accent sur la nécessité d’un développement viable des ressources naturelles afin que les populations du Nord, y compris les diverses femmes de ces communautés, puissent en tirer un meilleur parti. Il propose des façons de préparer l’avenir en se basant sur des principes différents de ceux d’aujourd’hui, notamment: • la pleine reconnaissance des droits et du contrôle des Autochtones sur leurs territoires traditionnels • des changements dans la distribution de la richesse issue de l’extraction des ressources • l’utilisation des ressources naturelles à un rythme raisonnable et viable. Reconnaissance des droits des Autochtones et du contrôle par les peuples de leurs territoires traditionnels Les peuples autochtones du Canada ont investi beaucoup de temps et d’efforts, sans parler de nombreux recours judiciaires, pour commencer à reprendre le contrôle des terres et des cours d’eau qu’ils utilisaient depuis bien avant la colonisation. Malgré la lenteur du processus, d’importantes décisions judiciaires et diverses ententes ont reconnu les droits des Autochtones et leur pouvoir de prendre des décisions. CRIAW-ICREF reconnait sa présence et son travail en territoire autochtone. Nous reconnaissons avec respect l’héritage de lacolonisation sur les peuples autochtones. La Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique le 26 juin 2014 en reconnaissant que les droits territoriaux des autochtones s’étendent aux terres utilisées traditionnellement, y compris à l’extérieur des sites d’établissement. Cette cause impliquait la Nation Tsilhqot’in, au centre-nord de la Colombie-Britannique. Depuis plus de 20 ans, la Nation Tsilhqot’in tentait par l’entremise des tribunaux et de barrages routiers de stopper l’extraction des ressources (exploitation forestière) sur son territoire traditionnel. La Cour suprême a finalement jugé en leur faveur. Cette publication a été créée par le Réseau du Nord féministe. Traduction par Michele Briand. Pour la liste complète des contributeurs consulter notre site Web. La signification de la décision Tsilhqot’in 978-1-894876-75-9 Institut canadien de recherches sur les femmes – FemNorthNet Conception accessible par Forest Communications. Cette décision de la Cour suprême annonce une nouvelle manière d’aborder les revendications territoriales non résolues à des titres autochtones, particulièrement 1 dans le nord du Québec, l’est du Canada et au Labrador, où il n’existe pas de traités. (En signant un traité, les peuples autochtones peuvent céder ou abandonner leurs droits à la terre. En l’absence de traités, la terre est qualifiée de non encore cédée.) Cette décision par le plus haut tribunal du pays a fourni une définition plus précise de ce qu’est un titre ancestral et des façons de le reconnaître. Cette décision donne aux Premières nations qui tentent d’obtenir des droits sur des territoires non encore cédés des outils pour établir leurs droits à un titre ancestral et par conséquent, au contrôle d’un territoire. Le titre ancestral donne aux groupes autochtones le droit de: • • • • jouir du territoire et l’occuper posséder le territoire tirer des avantages économiques du territoire décider de l’utilisation et de la gestion du territoire. Une nouvelle époque de consultation et de consentement La décision Tsilhqot’in enjoint au gouvernement fédéral d’obtenir un consentement avant toute forme de développement sur des terres non encore cédées. Cette exigence de consentement ne s’applique pas sur des terres soumises à d’autres types d’ententes (comme des traités), où seul le devoir de consultation s’impose. Cette disposition ouvre la possibilité pour les nations autochtones de participer au développement économique à titre de partenaires plus égaux. Mais des restrictions s’appliquent: • des projets majeurs comme des mines ou des pipelines peuvent être mis en œuvre sans le consentement des Autochtones, si le gouvernement peut faire la preuve d’un « objectif public réel et impérieux » et offrir une compensation au groupe autochtone • les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent réglementer les activités économiques, telles les pratiques de foresterie, sur les terres non encore cédées, avec ou sans consentement, si un besoin public est reconnu comme réel et impérieux. Aux termes de la décision de la Cour suprême, les peuples autochtones n’obtiendront pas tous accès à un titre ancestral sur leur territoire traditionnel, même s’ils saisissent les tribunaux, notamment les groupes qui ont déjà cédé leurs terres par traité. D’autre part, divers peuples autochtones au Canada et ailleurs croient que leurs droits au territoire ne peuvent être ni vendus, ni achetés, ni échangés, ni abrogés par un quelconque gouvernement ou pour toute raison que ce soit. « Journée historique à Xeni Gwet’in ». Rencontre entre la première ministre et le ministre des Relations autochtones et de la Réconciliation et les chefs de la Nation Tsilhqot’in pour signer une Lettre d’entente par suite de la décision de la Cour suprême du Canada. – Photo de la province de la Colombie-Britannique (2014, licence CC BY-NC-ND 2.0) 2 Que signifie la décision en termes généraux? La décision s’applique à de nombreux groupes autochtones qui vivent sur des territoires non encore cédés et les utilisent. C’est particulièrement vrai pour la Nation NunatuKavut qui a beaucoup en commun avec la Nation Tsilhqot’in: IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones Le village de Red Bay, primé en 2013 comme site du patrimoine mondial par l’UNESCO en raison de son industrie basque de pêche à la baleine, est situé en territoire traditionnel Nanatukavut. Parcs Canada collabore avec le gouvernement Nanatukavut à la protection de l’héritage et des sites sacrés de la nation inuite NunatuKavut du sud du Labrador. – Photo par Wiegee (2004) • les deux nations se sont vu refuser des titres en raison de règlements sur la vie semi-nomadique. Par le passé, elles n’ont pas répondu aux strictes normes gouvernementales exigeant qu’elles occupent un territoire donné en tout temps. Dans la décision Tsilhqot’in, la Cour suprême a rejeté cette idée, affirmant que les groupes seminomadiques possèdent des droits aux titres des terres qu’ils ont traditionnellement occupées. • La communauté du NunatuKavut a vu ses titres ancestraux reconnus par le passé. Ces titres leur ont ensuite été retirés en raison de leur échec à passer les tests stricts et déraisonnables relatifs à la continuité (relation continue avec le territoire). La décision Tsilhqot’in a redéfini la continuité et affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un motif raisonnable pour le gouvernement de rejeter la revendication de titres. • Les deux nations ont trouvé les gouvernements réticents à reconnaître leurs droits; la récente décision a précisé l’obligation des gouvernements d’accommoder les Autochtones. TENIR COMPTE DES FEMMES DE LA RÉGION La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) énumère les droits que les États membres des Nations Unies doivent respecter en vue de bâtir des relations saines et viables avec les peuples autochtones. Elle contient des principes touchant au développement des ressources basés sur le respect des droits humains, la justice, la nondiscrimination et la réconciliation. Les Nations Unies ont adopté la Déclaration en septembre 2007, plus de 30 ans après le début des travaux par des groupes autochtones du monde entier. Le Canada est l’un des quatre pays à avoir voté contre la DDPA lors de son adoption, affirmant que la Déclaration allait trop loin en accordant aux Autochtones des titres de propriété sur leurs territoires traditionnels, ainsi qu’un droit de veto sur des lois fédérales et la gestion locale des ressources. Mais trois ans plus tard, en novembre 2010, le gouvernement canadien signait et endossait la DDPA. La DDPA s’applique à l’extraction des ressources parce qu’elle requiert des États nations: • qu’ils reconnaissent et respectent les droits des peuples autochtones, leurs institutions, leurs cultures et leurs traditions • qu’ils mettent fin à toute forme de discrimination et fassent la promotion d’une entière participation des peuples autochtones dans toutes les affaires les concernant, y compris leur droit à demeurer distincts et à poursuivre leurs propres visions du développement économique et social La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) vise à inciter les pays à changer leurs lois, pratiques et programmes. 3 Comment appliquer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones: • Adopter la Déclaration et s’assurer que toutes les politiques et procédures du pays respectent ses normes. • Travailler avec les organisations autochtones en vue d’inciter le gouvernement et les industries à mettre en application la Déclaration. • La Déclaration peut servir de cadre aux gouvernements et aux entreprises pour guider leur travail avec les communautés autochtones. • Le milieu de l’enseignement peut inclure de l’information sur la DDPA dans les cours en vue d’éduquer le public sur sa signification au Canada. Source: Indigenous Bar Association, 2011 • qu’ils reconnaissent le droit des peuples autochtones à l’autodétermination • qu’ils permettent aux peuples autochtones de participer pleinement et efficacement à toutes les décisions pouvant affecter leurs terres • qu’ils favorisent les partenariats et la collaboration entre les États et les peuples autochtones • qu’ils mettent sur pied un mécanisme de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause en vue de protéger les droits des peuples autochtones à décider de quand et comment devra se produire le développement. Pourquoi la DDPA est-elle importante pour les femmes autochtones? Les femmes autochtones ont participé très activement à l’élaboration de la Déclaration pendant les deux décennies de négociations. La DDPA accorde aux femmes autochtones des droits formels dans plusieurs domaines, notamment: 4 • le droit de prendre part aux décisions dans les affaires qui affectent leurs droits • le droit à une nationalité et le droit d’appartenir à une communauté ou une nation autochtone, basés sur les traditions et coutumes de la communauté ou de la nation impliquée • le droit à tous les niveaux et toutes les formes d’éducation sans discrimination et la possibilité de partager leurs histoires, langues, traditions orales, philosophies et littératures avec les générations futures • des droits égaux à ceux des hommes en matière de participation à la politique et aux affaires publiques et dans les rôles de représentation de leurs communautés et de leurs pays. La Déclaration affirme également que le mariage ne peut forcer les femmes à changer de nationalité ou à devenir apatrides. Les nations doivent aussi prendre des mesures pour améliorer les conditions économiques et sociales des femmes autochtones. Au Canada, la DDPA peut fournir aux peuples autochtones, et aux femmes, des moyens de protéger la terre et l’eau pour les générations futures. La Déclaration peut également leur permettre d’exercer un meilleur contrôle sur le type et la portée des projets de développement des ressources dans leurs communautés, ainsi que sur le partage de la richesse. Changer la distribution de la richesse issue de l’extraction des ressources La DDPA utilise une perspective des droits de la personne pour concevoir des relations plus égalitaires. Mais il s’agit aussi d’un enjeu économique. La richesse créée par l’extraction et le développement des ressources dans le Nord n’a pas été partagée. Les profits résultant des projets de développement ont plutôt élargi l’écart entre: • les entreprises et les populations • les riches et les pauvres • le nord et le sud du Canada. IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES Ce sont les entreprises, et non les gens, qui ont le plus bénéficié de la phase d’expansion de l’extraction des ressources au Canada. La part du revenu national détenue par les entreprises est à son plus haut niveau depuis les 40 dernières années. Au cours des quinze dernières années, les entreprises canadiennes ont engrangé des profits de plus de 700 milliards. Pendant la même période, la dette du Canada a augmenté de 660 milliards, soit 50 000$ par ménage canadien. Un écart croissant sépare également les riches et les pauvres au Canada. Cet écart est frappant dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Entre 1981 et 2005, TNL connaissait les niveaux de croissance économique parmi les plus élevés au Canada. L’économie provinciale (produit intérieur brut) est passée d’environ 5 à 21 milliards. Qu’est-il advenu de toute cette richesse? • Durant cette période, le pourcentage des profits par comparaison à celui des salaires était de 70% à Terre-Neuve, contre 51% dans le reste du Canada. Autrement dit, les entreprises opérant dans cette province se payaient elles-mêmes 70 cents pour chaque dollar payé en salaire, contre 51 cents dans le reste du Canada. • En 2008, le pourcentage des profits par rapport aux salaires à Terre-Neuve-et-Labrador était deux fois plus élevé que dans le reste du Canada, à environ 125%. Cela veut dire qu’en 2008, les entreprises se payaient elles-mêmes beaucoup plus généreusement qu’elles ne payaient leurs travailleuses et travailleurs. Le revenu des dirigeants déjà bien nantis des entreprises a également augmenté à un rythme beaucoup plus rapide à Terre-Neuve que dans le reste du pays. Par comparaison, les salaires des travailleurs sont loin d’avoir suivi le rythme de la croissance économique. Et comme ailleurs, les salaires des femmes, des Autochtones et des personnes en situation de handicap sont plus faibles que ceux des hommes. En d’autres mots, les populations ne reçoivent pas une part équitable des avantages économiques issus de l’extraction des ressources. TENIR COMPTE DES FEMMES DE LA RÉGION Depuis quelques années, Terre-Neuve-et-Labrador compte sur les redevances de l’industrie de l’extraction des ressources pour défrayer une bonne partie des dépenses publiques. L’effondrement en 2015 de la demande mondiale pour les matières premières telles le pétrole, le gaz et le minerai de fer a réduit les revenus de la province. En réaction, le gouvernement provincial de TNL a effectué des coupures drastiques aux dépenses publiques pour gérer l’augmentation de sa dette, après avoir été pendant presque une décennie l’une des plus solides économies du pays. Il existe des façons plus logiques et plus intelligentes de gérer la richesse issue du développement des ressources naturelles dans le Nord du Canada. La Norvège: un modèle pour le Nord du Canada Depuis la découverte de gisements sur son plateau continental en 1969, la Norvège a soigneusement géré sa production de pétrole en vue d’assurer un développement durable. Ses politiques ont protégé l’environnement et réservé des richesses pour la population actuelle, de même que pour les générations futures. Le gouvernement norvégien possède 80% des infrastructures de production et de transport du pétrole. Il peut définir et diriger le développement des ressources parce qu’il perçoit et investit les revenus de la production de pétrole au nom de la population de la Norvège. Plateforme pétrolifère Draugel au large de la Norvège – Photo par BoH (2013, licence CC BY-SA 3.0) 5 La Norvège a créé un Fonds souverain pour économiser et réinvestir une partie de l’argent provenant de l’extraction du pétrole. Le Fonds a présentement une valeur de 1,1 trillion. à des fins sociales. Le Canada pourrait se fixer l’objectif de s’assurer qu’une plus grande part des avantages économiques issus de l’extraction des ressources dans leur région revienne aux communautés nordiques. Le gouvernement norvégien a fermement réglementé le processus d’extraction du pétrole par le biais de ses politiques et de son droit de vote à titre d’actionnaire dans de nombreuses entreprises opérant en Norvège. La protection de l’environnement est une priorité que reflète: Les participantes à FemNorthNet ont manifesté leur colère et leur frustration devant l’énorme quantité de ressources extraites sans aucun effort de réinvestissement dans leur région. En effet, les infrastructures de base sont très souvent déficientes dans les communautés nordiques. Nous parlons ici de la rareté de routes pavées et de trottoirs, d’autobus, de systèmes d’eau propre, de logements, de services de santé et de services sociaux, de services de garde, de maisons d’hébergement pour femmes, et plus encore. • l’intense surveillance des sites de production posant de plus grands risques environnementaux • des politiques fondées sur des preuves scientifiques plutôt que sur l’unique objectif de générer des profits par une croissance incontrôlée. Depuis 2004, les lignes directrices éthiques du Fonds souverain dans le domaine des investissements ont encouragé les entreprises nationales et étrangères à adopter des pratiques éthiques. Si les entreprises participantes ne respectent pas les lignes directrices, le Fonds met fin à ses investissements. En 2011, il a retiré son soutien à la Potash Corporation of Saskatchewan parce que l’entreprise ne répondait pas aux normes éthiques et environnementales fixées par le gouvernement norvégien. Le Canada produit à peu près la même quantité de pétrole que la Norvège, mais il n’a pas tenté de capturer, conserver et gérer la richesse issue de l’industrie comme l’a fait la Norvège. Les politiques norvégiennes sur l’extraction des ressources ont permis de créer l’un des plus généreux systèmes de soutien social au monde. De plus, les différences de revenu sont plus faibles et l’écart entre les riches et les pauvres est moins grand que dans d’autres pays. Par comparaison, l’écart entre riches et pauvres augmente sans cesse au Canada et les programmes sociaux sont éviscérés en raison des politiques d’austérité du gouvernement. Les relations nord-sud doivent être plus équitables à l’intérieur du Canada. Nous devons investir davantage dans les infrastructures nordiques, particulièrement les infrastructures sociales comme les services de garde, l’éducation, les soins de santé, les services sociaux, mais aussi dans des infrastructures physiques telles le logement. Choisir d’utiliser les ressources naturelles de manière lente et viable Vivir bien et sumak kawsay sont des concepts autochtones de l’Équateur et de la Bolivie qui signifient « bien vivre » en espagnol et en quechua. Ces expressions placent le bien-être des populations et de la Terre Mère au dessus de l’argent et des gains matériels. Les gouvernements de l’Équateur et de la Bolivie ont inscrit ces concepts dans leurs structures politiques comme moyen de donner des droits à la Terre Mère. Ce concept a été officiellement ajouté à la constitution de l’Équateur en 2008 et à celle de la Bolivie en 2010. En Bolivie, il reconnaît les droits de tout ce qui vit et accorde au monde du vivant le même statut et les mêmes droits qu’aux être humains. Justice entre le sud et le nord du Canada La loi bolivienne accorde à la Terre Mère les droits à: La Norvège est un bon modèle d’utilisation de la richesse provenant de l’extraction des ressources • la vie et la régénération • la biodiversité et la liberté de ne pas être génétiquement modifiée • de l’eau pure 6 IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES • • • • • de l’air propre des systèmes naturellement équilibrés la restauration des effets de l’activité humaine la protection contre la contamination ne pas être affectée par les gigantesques infrastructures et projets de développement qui affectent l’équilibre des écosystèmes et les gens dans les communautés locales. Décoloniser le passé et le présent Au centre du concept de vivir bien, on retrouve: • l’acquisition de l’indépendance par rapport aux liens coloniaux qui asservissent les peuples • le redressement des effets et des dommages à court et à long terme qui résultent des pratiques coloniales • un changement des façons de voir le monde des colonisateurs et de celles et ceux qui ont été colonisés. Il faut également décoloniser son propre esprit pour changer la manière dont les pays développés perçoivent et traitent les pays en développement. Au Canada, cela s’applique également à la perception qu’ont les gens des peuples autochtones et des communautés nordiques. Le processus de décolonisation doit: • exiger que l’on cesse de voir les sociétés de subsistance et non-capitalistes comme étant arriérées et en manque de modernisation • contester le modèle occidental de capitalisme qui se nourrit essentiellement de plus de consommation, plus de richesse et plus de croissance économique. Le processus de décolonisation est à l’opposé d’un développement des ressources qui fait fi du bienêtre des gens et de la santé de l’environnement. Une croissance sans limite comporte de grands risques parce l’environnement n’est pas quelque chose que les humains peuvent indéfiniment consommer et exploiter à leur guise. Le développement et la croissance économiques ne sont pas les seules options pour planifier l’avenir. TENIR COMPTE DES FEMMES DE LA RÉGION « Première rencontre des peuples des Andes pour le respect de la vie » - Photo par Cancillería del Ecuador (2011, licence CC BY-SA 2.0) D’autres concepts ont été imaginés dans le cadre d’une perspective occidentale et scientifique pour favoriser des modes de vie plus sains et plus viables. Économie écologique occidentale L’économie écologique reconnaît que l’économie humaine est un sous-système à l’intérieur du système terrestre. Ce principe est basé sur l’idée que toute activité économique dans l’économie humaine dépend de l’utilisation et de la réutilisation de ressources naturelles ou écologiques. Cette approche rejette les mécanismes servant à mesurer le progrès, tels le Produit intérieur brut, qui ne tient compte ni de l’environnement, ni du travail non rémunéré principalement effectué par les femmes. Elle tente plutôt de présenter une approche de l’économie qui valorise l’environnement et toutes les formes de vie, au-delà de la seule croissance économique. Décroissance Le concept français de décroissance va encore plus loin que l’économie écologique en énonçant une critique du consumérisme qui se résume à « vivre simplement pour que les autres puissent vivre ». La décroissance nécessite une rupture radicale d’avec les modèles économiques traditionnels basés sur la 7 croissance. Les supporters de la décroissance allèguent qu’une croissance économique viable est impossible dans le cadre du système économique actuel basé sur la consommation et l’exploitation. La décroissance pose d’importantes questions. Comment pouvons-nous: • inventer de nouveaux modes de vie fondés sur une véritable démocratie? • réorienter l’économie vers le partage et la coopération? • respecter les valeurs d’égalité et de liberté? • favoriser une économie qui cherche à réduire l’utilisation des ressources naturelles et de l’énergie? La décroissance implique une contraction économique qui mènera éventuellement vers un nouveau type d’économie dans les pays développés. Plutôt que de tout miser sur la croissance économique et les gains financiers, une économie écologique valorisera notamment l’environnement, le travail des femmes et tout travail qui ne vise pas nécessairement à créer des biens ayant une grande valeur monétaire, tel le travail des artistes et des musiciens. Le manifeste Un grand bond vers l’avant Le manifeste Un grand bond vers l’avant, qui demande au Canada de prendre soin de la terre et les un-e-s des autres, est un outil important pour alimenter des discussions sur le développement des ressources et les changements climatiques au Canada. Le manifeste affirme que nous devons faire un grand bond en avant et adopter des valeurs différentes qui: • commencent par le respect des droits ancestraux et du titre des premières personnes à avoir gardé cette terre. • la pleine mise en application de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies • appuient une démocratie énergétique où les 8 communautés contrôlent collectivement les nouveaux systèmes de production d’énergie • favorisent la création de structures de propriété innovantes: gouvernées démocratiquement, fournissant des salaires suffisants et retenant dans la communauté des revenus dont elle a grand besoin. Le manifeste Un grand bond vers l’avant n’aborde pas spécifiquement les besoins de diverses femmes. Mais il réclame un revenu annuel universel, étant donné que la majorité des soins dispensés aux personnes et à la planète ne sont pas rémunérés présentement. Cette initiative vise à susciter dans tout le Canada des discussions et des débats par le biais d’assemblées publiques qui vont permettre aux populations locales de décider démocratiquement du caractère que doit revêtir le changement vers un nouveau type d’économie dans leurs communautés respectives. Nous espérons que les communautés vont relever ce défi et nous encourageons une diversité de femmes à prendre la tête de ce mouvement vers des solutions de rechange viables au modèle actuel d’extraction trop rapide des ressources. Citation suggérée: FemNorthNet. (2016). Imaginer des solutions de rechange pour un développement durable. Développement des ressources dans les communautés du nord: tenir compte des femmes de la région no10. Ottawa: Institut canadien de recherches sur les femmes. RESSOURCES Sur la décision de la Cour suprême dans Tsilhqot’in: APTN National News. (26 juin 2014). « Tears and cheers » greet historic Supreme Court ruling handing Tsilhqot’in major victory. Tiré de http://aptn.ca/ news/2014/06/26/supreme-court-hands-tsilhqotinmajor-victory-historic-ruling/ IMAGINER DES SOLUTIONS DE RECHANGE DURABLES Canadian Broadcasting Corporation (CBC) Nouvelles. (26 juin 2014). First Nation activist on landmark land claim ruling: Pamela Palmater reacts to Supreme Court of Canada ruling that recognizes Tsilhqot’in First Nation’s B.C. title claim [vidéo]. Tiré de http://www. cbc.ca/player/News/Canada/BC/ID/2468137255/ Coates, K. & Newman, D. (2014). Tsilhqot’in ruling brings Canada to the table. The Globe and Mail. Tiré de http://m.theglobeandmail.com/globedebate/tsilhqotin-brings-canada-to-the-table/ article20521526/?service=mobile McCue, D. (23 décembre 2014). Tsilhqot’in land ruling was a game changer for B.C.: The Tsilhqot’in, after years of being ignored by government, now a priority for B.C.’s premier. CBC News. Tiré de http://www.cbc. ca/news/aboriginal/tsilhqot-in-land-ruling-was-agame-changer-for-b-c-1.2875262 NunatuKavut. (27 juin 2014). Supreme Court Ruling Holds Major Promise for NunatuKavut. Tiré de http:// www.nunatukavut.ca/home/300 Sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA): Amnesty International. (21 novembre 2012). UN Declaration on Rights of Indigenous Peoples: Canada must fully support vital human rights instrument. Tiré de http://www.amnesty.ca/get-involved/take-actionnow/un-declaration-on-rights-of-indigenous-peoplescanada-must-fully-suppor Asia Indigenous Peoples Pact. (20 mai 2013). Indigenous Women’s Rights enshrined in UNDRIP and CEDAW. 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(26 octobre 2012) Bolivia Enacts New Law for Mother Earth. Tiré de http:// indiancountrytodaymedianetwork.com/2012/10/26/ bolivia-enacts-new-law-mother-earth-141899 Vidal, John. Bolivia enshrines natural world’s rights with equal status for Mother Earth. Tiré de http:// www.theguardian.com/environment/2011/apr/10/ bolivia-enshrines-natural-worlds-rights Sur le manifeste Un grand bond vers l’avant Manifeste Un grand bond vers l’avant. https:// leapmanifesto.org/fr/un-grand-bond-vers-lavant/ À PROPOS DE FEMNORTHNET L’expansion économique accélérée et l’implantation de nouvelles industries dans le Nord du Canada provoquent des transformations sociales, économiques et culturelles. FemNorthNet (Feminist Northern Network ou Réseau féministe du Nord) a documenté et partagé les expériences de diverses femmes des régions nordiques. FemNorthNet a été créé par l’Institut canadien de recherche sur les femmes (ICREF). Plus de 30 chercheuses et activistes communautaires issues de diverses universités canadiennes se sont impliquées activement dans le Réseau avec des représentant(e)s d’organisations communautaire de Labrador Ouest (TNL), Happy Valley-Goose Bay (TNL) et Thompson (MB), ainsi que d’autres organisations travaillant dans le Nord. Pour plus d’information visitez le www.fnn.criaw-icref.ca/fr. Soutenez l’Institut canadien de recherches sur les femmes Depuis 1976, l’Institut canadien de recherches sur les femmes (ICREF) a documenté la situation économique et sociale des femmes au Canada en menant des recherches féministes avant-gardistes. Toutes les activités de l’ICREF découlent de notre objectif principal: créer des outils visant à aider les organisations à faire progresser la justice sociale et l’égalité pour toutes les femmes. En tant qu’organisme à but non lucratif et organisme de charité, l’ICREF dépend du soutien de ses membres et de vos dons. 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