L*approche culturelle dans l*enseignement

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L’approche
culturelle
dans
l’enseignement/apprentissage
du
Français Langue Étrangère: le cas des
apprenants chinois en France
Le 7 mai 2014, International Conference on Language, Literature and
Culture in Education – LLCE2014, Nitra, Slovaquie.
Ran JI
(ATILF-CNRS/Université de Lorraine)
E-mail: [email protected]
I. Objectif de cet exposé
Montrer en identifiant certaines spécificités socioculturelles
récurrentes des apprenants chinois en classe, la nécessité de
l’approche culturelle dans l’enseignement/apprentissage du
FLE et la difficulté à enseigner la compétence culturelle au
public chinois.
II. Contexte
Le rapport étroit entre la langue et la culture a été largement
influencé par le développement de la linguistique et de
l’anthropologie.
- « Par la langue, l’homme assimile la culture, la perpétue ou la
transforme » (Benveniste, 1966: 30).
- «Instrument d’intégration collective et d’affirmation
individuelle, la langue fonctionne comme marqueur, comme
indice d’appartenance. Moyen de communication, la langue
est aussi une modalité d’expression de la culture et un
médiateur de l’identité » (Abdallah-Pretceille, 1991: 306).
III. La question de la
compétence culturelle
L’expansion de l’approche communicative permet
l’élargissement des compétences linguistiques aux
compétences culturelles.
- Apprendre une langue étrangère c’est être capable de
« percevoir les systèmes de classement à l’aide desquels
fonctionne une communauté sociale et, par conséquent,
d’anticiper dans une situation donnée,, ce qui va se passer
(c’est-à-dire aussi quels comportements il convient d’avoir
pour entretenir une relation adéquate avec les protagonistes
de la situation) » (In Abdallah-Pretceille, 2013: 97).
IV. Implicites
Les implicites sont difficilement repérables pour un étranger
car celui-ci ne partage pas de manière inculquée les implicites
hérités par les natifs. Maîtriser les non-dits est « l’aspect le
plus difficile de l’apprentissage d’une langue étrangère, parce
qu’il n’en existe pas de recensement exhaustif et que, par
définition, ils restent toujours relativement invisibles »
(Porcher, 1995: 63).
Cependant c’est cette maîtrise des implicites qui permet aux
apprenants de partager les comportements langagiers et
culturels des natifs et d’acquérir la véritable capacité à
communiquer.
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 1: Relations enseignant-apprenant
- L’acte d’enseigner ne consiste pas en une simple succession
de méthodes pédagogiques, mais exige également la capacité
de l’enseignant à construire une relation de confiance avec
ses élèves, en tenant compte de leur univers émotionnel, ainsi
que du sien.
- Une relation de qualité entre l’enseignant et l’élève permet
d’éviter l’échec scolaire.
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 1: relations enseignant-apprenant
- En Chine, « un enseignant ne doit pas faire trop de gestes, ni
avoir une intonation trop changeante, des variations tonales
importantes (perturbation de l’attention) » (Robert, 2002:
138).
- En Chine, les élèves doivent témoigner aux enseignants,
considérés sans équivoque comme représentants des valeurs
morales de la société, le respect que accentue le proverbe
chinois « maître d’un jour, père pour toujours ».
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 2: Jeu de « face » dans la salle de classe
- La définition de « face » selon Goffman: « On peut définir le
terme de face comme étant la valeur sociale positive qu’une
personne revendique effectivement à travers la ligne d’action
que les autres supposent qu’elle a adoptée au cours d’un
contact particulier » (1998: 9).
- La valeur chinoise de la « face » est beaucoup plus forte que
celle des Occidentaux, et essentielle dans la société chinoise.
La face « correspond à une forme de contrainte ancrée dans
la culture et elle constitue la charpente de la conduite des
Chinois dans leurs relations interpersonnelles ordinaires »
(Lihua Zheng, 1995:15).
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 2: Jeu de « face » dans la salle de classe
-
« Un apprenant chinois (mais aussi coréen ou japonais) n’a pas
compris un mot ou plusieurs mots du texte ou du discours. Plutôt
que de s’informer, il cherche dans son dictionnaire (souvent petit)
au risque de se laisser distancier dans le déroulement du cours.
L’enseignant qui s’en aperçoit demande à l’apprenant d’écouter son
explication plutôt que de chercher dans le dictionnaire. Ce qui peut
signifier pour ce dernier une perte de face – rendre public le fait
qu’il n’a pas compris. Cet apprenant acquiesce à l’injonction de
l’enseignant (merci de me proposer une explication personnelle,
c’est très courtois), mais, à la grande surprise de l’enseignant,
continue à feuilleter son dictionnaire sans écouter les explications
(moi aussi, je veux être courtois, je peux très bien trouver le mot
tout seul, ne perdez pas votre temps, et le temps de la classe, avec
moi). Et c’est le drame l’échec de communication » (Robert, 2002:
141).
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 3: Valeur de silence
- Dans la culture chinoise, la valeur du silence est supérieure à
celle de la parole qui est généralement considérée comme
non efficace et non persuasive.
- « le Chinois s’accorde quelques instants de réflexion, de
maturation, d’organisation de sa pensée et de sa réponse »
(Robert, 2002: 138) avant de répondre à une question.
- Pour beaucoup d’étudiants chinois, il vaut mieux de se taire
que de réaliser un énoncé incorrect.
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 4: Manque de l’autonomie
- Le terme autonomie a été introduit dans la pensée
philosophique par E. Kant (1724-1804) pour désigner « dans
la sphère de la raison pratique, l’indépendance de la volonté
par rapport à tout désir ou à tout objet de désir et sa capacité
à se déterminer en conformité avec sa propre loi » (Barbot et
Camatarri, 1999: 25).
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 4: Manque de l’autonomie
-
En didactique des langues étrangères, Holec propose en 1991 sa
définition de l’autonomie: « L’autonomie de l’apprenant implique qu’il
prenne activement en charge tout ce qui constitue un apprentissage,
c’est-à-dire aussi bien sa définition, sa gestion et son évaluation que sa
réalisation » (1991: 65).
-
Apprendre sans se faire enseigner, c’est « savoir se définir des actes
d’apprentissage (objectifs et contenus) et les évaluer, savoir aussi
organiser leur accomplissement au coup par coup et dans leur
progression. De telles capacités ne sont pas innées, sont rarement,
sinon jamais, systématiquement développées dans les systèmes
scolaires; elles doivent donc faire l’objet d’une formation spécifique.
Avant d’être en mesure d’apprendre une langue de manière autodirigée,
il faut apprendre à apprendre, à l’évaluer et à le gérer » (Holec, 1991:
60).
V. Différences culturelles des
apprenants chinois
Exemple 4: Manque de l’autonomie
- Les apprenants chinois et leurs enseignants natifs s’accordent
souvent à reconnaître le manque d’autonomie dans
l’apprentissage en général.
- L’influence du confucianisme est toujours très présente dans
la cadre institutionnel en Chine. Considéré comme détenteur
de savoirs, l’enseignant transmet des connaissances, dirige,
contrôle et corrige les élèves. L’enseignant est au centre du
dispositif éducatif et le processus de l’apprentissage reste
basé sur une réception passive des élèves.
VI. Construire une compétence
culturelle en classe de FLE
Témoignages des 5 premiers interviewés issus de notre
enquête réalisée en 2013 sur l’organisation de la parole en
classe de FLE des apprenants chinois en France.
- Le public cible: des étudiants chinois du programme
«
Préparation
aux
Formations
Scientifiques
et
Technologiques des instituts universitaires de technologie
français » (PFST) à l’I.U.T. Nancy-Brabois et du
Département de Français Langue Étrangère (DéFLE) de
l’Université de Lorraine.
- La méthodologie: entretients semi-directifs
VI. Construire une compétence
culturelle en classe de FLE
La culture d’apprentissage en Chine et en France
En Chine
En France
1*
Apprentissage des connaissances de base (vocabulaire, grammaire) ;
cours de Production Orale (PO) inexistants ; mémorisation mécanique ;
apprendre pour réussir les examens
Apprentissage des méthodes de travail ;
apprendre pour communiquer
2
Apprendre pour réussir les examens ; mémorisation mécanique et hors
contexte ; cours de PO inexistants ; ambiance de classe étouffante ;
méthode d’enseignement rigide ; trop d’informations en un seul cours ;
pas d’interactions
Méthode d’enseignement flexible ; les cours
moins denses ; apprendre pour communiquer ;
interactions : ambiance décontractée ; travail
en groupe, débat
3
Grammaire et lexique ; place importante de l’écrit ; enseignement
monotone ; les enseignants parlent et les étudiants écoutent ; suivre les
manuels ; manque de conseils pour apprendre ; pas d’interactions en classe et
peu d’occasions pour s’exprimer ; apprendre pour passer les examens ;
imitation des modèles
Enseignement rigide ; pas de place pour l’oral ; précision et justesse ;
ambiance étouffante ; ne pas contredire l’enseignant ; exercices inefficaces
Pas de manuels ; plus de communication et
d’interactions en classe ; plus de conseils pour
apprendre ; apprendre pour communiquer
Manque de créativité et de pensées critiques ; ambiance tendue ;
beaucoup de pression pédagogique de la part de l’enseignant ; enseignant
autoritaire en classe ; supériorité de l’enseignant ; respect envers
l’enseignant ; ne pas contredire l’enseignant afin de garder sa face
Ambiance joyeuse et décontractée ; pensées
critiques sont bien acceptées ; peu de devoirs
à la maison
4
5
* Numéro des interviewés
Avis critiques sont encouragés ; ambiance
joyeuse
VI. Construire une compétence
culturelle en classe de FLE
Récapitulatif de la culture d’apprentissage chinoise
- Elle se caractérise par une centration sur les connaissances,
sur l’écrit et sur l’enseignant.
- Elle se rapproche de la théorie du béhaviorisme: répétition,
mémorisation mécanique, enseignant au centre du dispositif
d’apprentissage.
- L’enseignement des langues étrangères en Chine se fait
généralement de façon hors tout contexte culturel de la
langue cible.
VI. Construire une compétence
culturelle en classe de FLE
Les apprenants chinois ne sont pas préparés à comprendre
d’entrée de jeu l’importance de la compétence culturelle dans
une situation d’apprentissage.
Les enseignants natifs doivent:
- Être conscients de la difficulté à enseigner la compétence
culturelle aux apprenants chinois qui sont imprégnés dans
une culture d’apprentissage très différente de celle des
Occidentaux depuis leur plus jeune âge.
- Penser à leur propre culture, à ce qu’elle pouvait représenter
d’intéressant pour un étranger en tenant compte des
spécificités socioculturelles des apprenants chinois.
VII. Conclusion
La compréhension de la culture cible permet une meilleure
communication avec les locuteurs natifs dont l’apprenant
apprend la langue.
Une vision évolutive et non généralisable des spécificités
socioculturelles des apprenants chinois car les cultures ne
sont pas figées.
Bibliographie
Abdallah-Pretceille M. (2013). L’éducation interculturelle. Paris, puf.
Abdallah-Pretceille M. & Thomas A. (1995). Relations et apprentissages interculturels. Paris, Armand Colin.
Barbot M.-J. & Camatarri G. (1999). Autonomie et apprentissage. Paris, puf.
Benveniste E. (1966). Problèmes de linguistique générale I.. Paris, Gallimard.
Boyer H. (2001). L’incontournable paradigme des représentations partagées dans le traitement de la compétence culturelle en français langue étrangère.
Ela, n°123-124, 333-340.
Cuq J.-P. (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Grenoble, Presse Universitaire de Grenoble.
Ducrot O. (1991). Dire et ne pas dire: principes de sémantique linguistique. Paris, Hermann.
Fat, MWM., Problems faced by Chinese learners in L2 english learning and pedagogic recommendations from an inter-cultural communication
perspective, Karen's linguistics Issues, [Réf : august 2004]. Disponible sur : http://www3.telus.net/linguisticsissues/problemschiese.html
Goffman, E. (1998). Les rites d'interaction. Paris, Minuit, « Le sens commun ».
Holec H. (1991). Autonomie de l’apprenant: de l’enseignement à l’apprentissage. Éducation permanente, n°107, Arcueil, 59-66.
Porcher L. (2004). L’enseignement des langues étrangères. Paris, Hachette.
Porcher L. (1995). Le français langue étrangère: émergence et enseignement d’une discipline. Paris, CNDP.
Robert, J.-M. (2002). Sensibilisation au public asiatique, l'exemple chinois. Ela, n°126, 135-143.
Zheng, Lihua (1995). Les Chinois de Paris et leurs jeux de face. Paris, L'Harmattan.
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