ANNEXE
Le baril de brut passe les 99 dollars
(Entrevue de J.-F. Gruson, directeur adjoint de la direction des études économiques de l'Institut français du pétrole)
En cause dans cette nouvelle flambée du prix du pétrole : la faiblesse du billet vert, qui est descendu pour la
première fois lundi soir à 1,485 dollar pour un euro, mais aussi l'insuffisance des approvisionnements en brut. Le
prix du baril de brut a dépassé les 99 $ mercredi 21 novembre, alors que le billet vert est tombé au plus bas face à
l'euro. (…) : le marché réagit à la faiblesse accrue du dollar, devise dans laquelle sont libellés les prix du pétrole.
Lundi soir, vers 23h 40, heure de Paris, la monnaie européenne s'est hissée jusqu'à 1,4853 dollar pour un euro,
nouveau record depuis sa création en 1999. Le billet vert pâtit du ralentissement de l'économie américaine, affectée
par la crise des crédits hypothécaires à risque (« subprimes »). Dans un contexte de recul du dollar, les courtiers
attribuent cette hausse aux craintes face à la faiblesse de l'approvisionnement en pétrole. «Nous sommes de
nouveau sur une pente ascendante», a commenté Victor Shum, analyste chez Purvin and Gertz. « Le marché est
bien parti pour atteindre les 100 dollars », a-t-il prévenu. Pour les courtiers, tout est réuni pour que le pétrole passe
ce seuil. « L'offre ne progresse pas aussi vite que la demande, le marché reste donc tendu », a ajouté M. Shum.
Les pays producteurs pourraient-ils enrayer ce mouvement de hausse ? Pourquoi ne le font-ils pas ? C'est
vrai qu'il y a d'une part le problème de l'offre, laquelle a du mal à rattraper la croissance de la demande. Les
excédents de capacité, en particulier des pays de l'OPEP, qui avaient augmenté fortement dans le milieu des années
1990, et qui d'ailleurs obligeaient l'OPEP à avoir une politique de quotas forte pour essayer de maintenir le prix à
des niveaux autour de 20 dollars le baril, ont largement disparu. Seule l'Arabie saoudite en a encore un petit peu. Et
la hausse de la demande, la plupart du temps, mange ce potentiel au fur et à mesure du temps. Si l'on voulait
redonner de la flexibilité, et donc espérer une détente sur les prix, il faudrait que ces pays aient une forte incitation
à investir massivement. Or ces pays aujourd'hui, grâce à cette manne pétrolière, font des choix d'investissements
plutôt vers la diversification de leur économie, le renforcement de leurs services au sein de leur pays en matière
d'infrastructures, d'équipements, d'éducation, de santé, de défense. Ils ont une politique d'investissement au niveau
des marchés boursiers, mais ils évitent de réinvestir trop fortement sur des projets pétroliers dans la mesure où le
reste du monde dit : il faut réduire la consommation de pétrole à cause de l'émission de CO2, il faut développer
fortement les biocarburants très rapidement. L'ensemble de ces éléments les incite à se dire : est-ce qu'on me
garantit que la demande de pétrole va rester élevée, donc que je ne vais pas avoir une perte de revenus dans le futur
si je fais ces investissements de production ?
Pensez-vous que le prix du baril est trop élevé, qu'il est surévalué ? Le prix du pétrole est un prix qui est le
résultat du marché, d'une perception de l'équilibre entre l'offre de pétrole, la production de pétrole, et la demande,
aujourd'hui très orientée sur le secteur des transports. Or aujourd'hui, de ce point de vue, on a une demande qui
reste toujours en augmentation, autour de 1 %, ce qui est moins qu'en 2003-2004, et par ailleurs, on a une
production qui a du mal à suivre, parce que les investissements nécessaires ont du mal à se mettre en place. Comme
pour la plupart des marchés de matières premières – produits agricoles, marchés de minéraux : acier, platine, on a
donc un contexte de hausse des prix qui est essentiellement soutenue par une croissance économique qui reste,
notamment dans les pays émergents comme l'Inde ou la Chine, forte. Donc le prix du pétrole brut représente un
équilibre à un instant donné. Aujourd'hui, il représente un équilibre où tous les critères sont orientés vers des
tensions fortes. Source (www.lemonde.fr 09/11/07)