C o m m u n i c a t i o n La fièvre catarrhale ovine en Afrique par Lazare Tano Docteur vétérinaire MERIAL, 29 avenue Tony Garnier, 69348 Lyon Cedex RÉSUMÉ La fièvre catarrhale ovine a été découverte pour la première fois en Afrique du Sud (Bloutong en Afrikaans). Certaines publications attribuent la paternité à Hutcheon qui, en 1881, parlait de «catarrhe épizootique» chez le mouton avant que Spreull (1902) ne fasse une étude détaillée de la maladie et suggère une méthode d’immunisation. En 1906, Theiler (le fondateur de «Onderstepoort Veterinary Institute») introduisit une autre méthode d’immunisation pour lutter contre les effets de cette maladie. Avant 1943, la fièvre catarrhale ovine n’était connue qu’en Afrique. Des 24 sérotypes recensés à ce jour, seuls trois n’ont jamais été répertoriés sur le continent. En Afrique, les formes cliniques sont signalées surtout chez le mouton (les races améliorées) alors qu’elle semble asymptomatique chez les caprins et les bovins qui servent de réservoir. Chez les ruminants sauvages, elle semble asymptomatique. La fièvre catarrhale ovine est d’importance secondaire dans la plupart des pays. Le climat reste très favorable au vecteur et rend donc difficile une politique d’éradication. Mots-clés fièvre catarrhale ovine - Afrique - sérotype - vaccins Key word Bluetongue - Africa - serotype - vaccines 20 B u l l . S o c . V é t . P r a t . d e F r a n c e , a v r i l / m a i / j u i n 2 0 0 9 , T. 9 3 , n o 2 Introduction u commencement était l’Afrique, tel pourrait être le début de toute description de la fièvre catarrhale ovine. On ne sait pas précisément depuis quand la maladie est présente sur le continent, mais on sait qu’elle a été décrite en 1876 sur des moutons Mérinos importés en Afrique du Sud. On parlait alors de fièvre sur des moutons durant l’été. La mortalité atteignait alors 90 %. En 1881, Hutcheon parla de «catarrhe épizootique» chez les moutons et en 1893, on lui doit la première description détaillée mais c’est Spreull (1906) qui fut le premier à conduire une étude en profondeur de cette maladie que les Afrikaans appelaient Bloutong. A Avant sa découverte en 1943 à Chypre, la maladie n’était connue qu’en Afrique. Les pays africains qui s’en préoccupent sont ceux où il existe quelques élevages intensifs de moutons, c’est-à-dire principalement au nord et au sud du continent. Par conséquent, on ne dispose que de peu d’information sur la situation épidémiologique de la fièvre catarrhale ovine en Afrique. Seuls 24 pays ont signalé la maladie avec une très grande irrégularité des notifications par les services vétérinaires. Toutefois, compte tenu des conditions météorologiques, on sait que la très grande partie du continent se trouve dans une zone endémique ; seules les deux extrémités du continent, le sud de l’Afrique du Sud et le nord des pays d’Afrique du Nord, sont dans une zone à épidémie régulière. En effet, cette zone offre des conditions climatiques favorables au principal vecteur de la maladie, Culicoides spp. En Afrique C. imicola et C. bolitinos semblent être les plus abondants. D’après le laboratoire mondial de référence basé à Pirbright (Royaume-Uni), c’est en Afrique (et dans le sous-continent indien) que l’on trouve le plus grand nombre de sérotypes : 21 sur 24, principalement en Afrique subsaharienne. En 2009, le sérotype 1 était commun à tous les pays du Maghreb mais pas de façon exclusive. En Afrique, les formes cliniques de la maladie sont signalées surtout chez le mouton (les races améliorées) alors qu’elle semble asymptomatique chez les races ovines locales, les caprins et les bovins qui servent de réservoir. En effet, les races locales de moutons semblent être plus résistantes et la fièvre catarrhale ovine est d’importance secondaire. Les dromadaires peuvent être porteurs du virus sans exprimer la maladie. Chez les animaux sauvages, la fièvre catarrhale ovine semble asymptomatique même si des anticorps ont été retrouvés chez les buffles, les gazelles à poche dorsale (qu’on ne trouve qu’en Afrique Australe) et les impalas. Les premiers vaccins pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine furent developpés en Afrique du Sud. Spreull (1902, 1905) recommanda d’immuniser les animaux grâce à l’administration simultanée d’un antisérum et du sang provenant d’animaux virémiques. Puis, Theiler (1906) initia l’ancêtre des vaccins vivants en proposant d’atténuer le virus par passages successifs sur le mouton. Alexander (1940) est à l’origine du premier vaccin polyvalent, produit sur œufs embryonnés. Vingt ans plus tard, c’est Howell et Erasmus qui mirent au point le vaccin vivant pentavalent composé de trois flacons, lequel fut importé en Europe après 1998. Depuis, l’Onderstepoort Veterinary Institute (Afrique du Sud) est resté pionnier dans les vaccins vivants qui sont le seul type de vaccin utilisé sur le continent. Toutefois, ces vaccins vivants présentent une importante restriction qui en fait des vaccins difficiles à utiliser sur tout le continent : il est en effet recommandé de l’utiliser en dehors des saisons du vecteur. Or, seule l’Afrique du Sud peut prétendre à une véritable période hivernale où il n’existerait que très peu de vecteurs pour propager le virus vaccinal qui pourrait être à l’origine de la diffusion de la maladie. Dans tous les cas, les moyens de lutte sont aussi disparates que quasi inexistants pour la plupart des pays : seuls quelques pays engagent des moyens de lutte. En Afrique du Sud, le berceau de la fièvre catarrhale ovine, le célèbre Onderstepoort Veterinary Institute est en charge de la surveillance et de la production de vaccins vivants. Biopharma, un laboratoire marocain, produit des vaccins vivants utilisés au Maroc et en Tunisie. L’Algérie est l’un des rares pays à ne se concentrer que sur la lutte contre le vecteur ; la vaccination est interdite ainsi qu’en Égypte et en Angola. Pour certains pays (Angola, Lesotho, Madagascar, Botswana, Togo et Nigéria), la fièvre catarrhale ovine est à déclaration obligatoire pour toutes les espèces sensibles y compris les animaux de la faune sauvage (buffles et animaux sauvages). Il existe également un réseau de surveillance en Afrique du Sud, au Lesotho, au Maroc et en Tunisie. 21 Conclusion La fièvre catarrhale ovine a d’abord été découverte en Afrique, le continent où on trouve à peu près tous les sérotypes. C’est en Afrique du Sud que les premières recherches ont été menées pour aboutir à une vaccination. Sur ce continent, les conditions climatiques sont favorables au vecteur. Si on y ajoute l’abondance des divers réservoirs, on comprend comment la maladie peut diffuser facilement et combien il est illusoire de prétendre à une éradication. 쮿 Références bibliographiques 1. Department of Agriculture, South Africa. [en ligne] http://www.nda.agric.za/vetweb/History/H_Diseases/H _Animal_Diseases_in%20SA7.htm (consulté le 3 mars 2009). 2. Lefèvre P.C. et al. - Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail : Europe et régions chaudes. Éditions Médicales Internationales, 2003, p. 667-686. 3. MacLachlan N.J. - Bluetongue Virus Vaccines : an historical perspective. IMED Symposium, 13-16 February 2009, Vienne (Autriche). 22 4. Mogajane M.E. - Trade implications of Bluetongue in Africa. Veterinaria Italiana, 2004, 40 (4), 691-692. 5. Oura C. - Bluetongue - Where we are and challenges for the future. BVA Congress. 25-27 September 2008, London (UK). 6. Zrelli M., Haj Ammar H. - La Fièvre Catarrhale Ovine en Afrique. Colloque «santé et environnement dans le bassin méditerranéen», 13-15 novembre 2008, Carthage (Tunisie).