1 L’analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) Laurent Mermet, RGTE, ENGREF Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 2 Introduction Un cadre théorique développé à partir de 1982, publié en 1992 1990-1995 Est-ce que les concepts et les conceptions théoriques peuvent faire une différence? La mise à l’épreuve dans un contexte de bureau d’études. 1995-2007 Est-ce que cette conceptualisation-là peut produire des effets dans le champ de la recherche et de l’enseignement supérieur? Une position différente un cadre théorique que j’ai moi-même proposé sur lequel travaille l’équipe RGTE Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 3 Plan du cours Pourquoi et comment on été posées les bases de l’ASGE ? (Mermet, 1989) 1er exemple : l’évaluation des politiques publiques zones humides Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Une démarche de thèse 4 L.Mermet : « La nature, jeu de société – une analyse stratégique pour la gestion de l’environnement » (1989) Une suite d’études sur des problèmes environnementaux de terrain sur des aspects de méthode • • • • patrimoine tensions et conflits médiation aux USA environnement dans l’évaluation coût-avantage La recherche d’un modèle général commun aux problèmes d’environnement orienté vers la question de l’action Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 5 Une frustration Travail dans l’équipe de développement de la gestion patrimoniale Question : est-ce que le processus permettra de satisfaire les revendications environnementales qui me portent? Réponse : ce n’est qu’un point de vue… on verra ce qui sort du processus Tonalité : légèrement ironique (« si tu es si attaché à tes revendications environnementales, c’est que tu manques de recul sur la situation et tes positions ») La réponse : « le processus est plus important que tes attentes environnementales » est peu différente de la réponse « tes attentes environnementales ne sont pas importantes » Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 6 Une observation empirique Chaque fois que l’on examine comment un dossier d’environnement a été pris en charge par une société… … on trouve qu’un ou plusieurs acteurs qui « poussent » dans le sens de l’environnement jouent un rôle clé D’alerte (« tireurs d’alarme » de Chateaurynaud) De pression et de portage du problème face aux autres acteurs jusqu’à l’intégration … on observe une conflictualité et des résistances aux revendications environnementales Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 7 Deux paradoxes L’institution du statu quo Les approches de coordination nous proposent d’instituer pour résoudre le problème… … le même système d’action (les mêmes acteurs, disposant des mêmes positions) qui cause le problème Qu’est-ce qui expliquerait un changement radical des effets? La charge de la preuve : il ne suffit pas d’affirmer que les relations et les représentations changeront, il faut le prouver… … à défaut, il faut considérer que l’on nous propose une institution du statu quo … ou qu’il existe un acteur extérieur au système qui peut agir sur lui, ce qui constitue un second paradoxe : l’opérateur aux mains propres Ou bien cet acteur interagit avec les acteurs du système d’action… il en fait donc partie Ou bien il n’interagit pas avec eux et on ne voit pas bien comment, sauf exceptions justifiées, il peut les faire changer Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Le cahier des charges de l’ASGE 8 Peut-on développer un cadre théorique Qui analyse un problème d’environnement de façon à répondre le plus précisément possible à un citoyen porteur d’une revendication environnementale et qui se demande comment il peut agir sur le système Qui mette en évidence le rôle et les options stratégiques des acteurs qui oeuvrent spécifiquement pour l’environnement Qui ne soit sujet ni au paradoxe de l’institution du statu quo ni à celui de l’opérateur qui a prise sans se mouiller Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Le feu en Corse : un système négatif pour l’environnement et qui a sa stabilité 9 D’après JM Natali Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 10 De multiples stratégies ont été essayées prohibition suppression du motif remède technique techniques de prévention alternative locale douce alternative locale dure alternative régionale tolérance et contrôle Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Un dossier prototypique : le Marais Poitevin 11 Une grande zone humide d’environ 80 000 ha Des aménagements hydrauliques historiques aux 12ème, 16ème, 19ème siècle En 1980, un complexe écologique très productif et riche en biodiversité grâce À une majorité de surfaces de prairie humide Un hydrosystème fonctionnel aux nombreuses interconnexions Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Un dossier prototypique : le Marais Poitevin 12 Un PNR est créé pour conserver conciliation et développement à la fin des années 1970 (vérifier) Le ministère de l’agriculture lance un grand programme de drainage (aménagement hydraulique) au début des années 1980 Les associations et le ministère de l’environnement résistent Pour l’essentiel, le programme est réalisé (en 1980 et aujourd’hui, x 000 ha de prairies perdus, un fonctionnement hydraulique profondément amoindri, les interconnexions très diminuées) Les acteurs d’environnement ont réussi A sauver des espaces protégés gérés limités (opération communaux) A sensibiliser fortement l’opinion et à ralentir l’extension du retournement et du drainage Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Un dossier prototypique : le Marais Poitevin Deux politiques ont été poursuivies en parallèle sur la Marais Poitevin depuis 1980 13 Drainage Conservation de zone humide Très tôt, on a mis en place un organisme de gestion intégrée pour articuler développement et préservation Le résultat est une dégradation importante de l’environnement Ni la perte du label du parc… Ni la condamnation de la France (pour Natura 2000) N’ont été suivis d’effet sur la dynamique négative Celle-ci se poursuit, plus lentement, dans une extrême tension Une situation très représentative des grands dossiers d’environnement (déforestation, pollution agricole de l’eau, ressources halieutiques marines, etc.) Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Quand « çà a marché », il n’y a pas une seule méthode 14 L’exemple des rapaces en France La buse : interdiction de chasser et pression sociale sur la milieu cynégétique Le busard : négociation au cas par cas avec les agriculteurs Le faucon pèlerin : interdiction du DDT et surveillance des nids Le vautour : interdiction/pression, puis gestion active complexe Dans tous les cas Une intervention active d’un acteur motivé… … face aux menaces que des activités précises font peser sur la biodiversité Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Des constats aux concepts (1) 15 L’impact sur l’environnement résulte d’actions « sectorielles » inscrites dans un système de gestion qui a sa logique propre La prise en charge de l’environnement résulte d’une action sur un secteur pour le conduire à changer son action pour intégrer un problème environnemental Le rôle décisif d’un acteur de changement : « l’acteur d’environnement » Une problématique d’action stratégique au sens fort du terme : l’action en faveur de l’environnement se heurte à une résistance délibérée et intelligente L’environnement : domaine de la résistance aux changements négatifs pour les écosystèmes Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Des constats aux concepts (2) Le passage par le conflit face à la réaction anti-environnementale (Clausewitz : c’est toujours l’agressé qui déclenche le conflit) La polarité entre « gestion effective » - la totalité des actions anthropiques qui impactent (ou façonnent) le milieu « gestion intentionnelle » - l’action de l’acteur de changement qui agit 16 Depuis l’intérieur du système Pour obtenir du système qu’il satisfasse une revendication environnementale donnée Une gestion essentiellement indirecte (notion de mission) La nécessité d’un secteur environnemental et d’une part de gestion directe Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Le schème fondamental du jeu des acteurs sur l’environnement Acteur Régulateur (AR) Acteur d’Environnement (AE) Janvier 2009 Acteur Sectoriel (AS) TGGE Laurent Mermet 17 Le schème fondamental du jeu des acteurs (2) Acteur Régulateur (AR) Acteur Sectoriel (AS) : Entreprise Dirigeant : rôle interne de l’AR Acteur d’Environnement (AE) AEIE : rôle interne de l’AE Janvier 2009 TGGE Entités opérationnelles à impacts sur l’environnement : rôle interne de l’AS Laurent Mermet 18 Un problème de niveau d’organisation systémique 19 Il n’existe pas à proprement parler d’action collective L’action et ses résultantes se jouent à deux niveaux d’organisation différents La performance environnementale est un résultat émergent et non un résultat direct de la gestion L’action collective est l’émergence de l’action « micro » des composantes de l’acteur d’environnement : elle est une commodité de langage pour penser la recherche d’effets emergents par une organisation de l’action micro Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Une analyse qui se déploie sur quatre registres différents 20 Fonctionnel : « Qui porte la cause environnementale dans le jeu des acteurs? » Structurel (organisationnel) : « A qui l’organisation formelle donne-t-elle le rôle de s’occuper de la cause environnementale? » Structural : « Quelles disjonctions définissent l’acteur d’environnement % ceux qui causent le problème? » Dialectique : « Quelle contradiction du système est perlaborée à travers le jeu d’acteurs sur tel problème environnemental? » Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 21 Au cœur de l’ASGE L’exigence d’une lecture à la fois normative descriptive prescriptive La perspective d’une gestion « émergente », fruit à la fois de l’action stratégique de la négociation La nécessité de partir d’une revendication pour construire un point de vue partiel… Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 22 Plan du cours Pourquoi et comment on été posées les bases de l’ASGE ? (Mermet, 1989) 1er exemple : l’évaluation des politiques publiques zones humides Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet L’évaluation des politiques en matière de zones humides 23 les ZH : un dossier majeur des politiques environnementales procédure à l ’initiative du Ministère de l’environnement instance présidée par le préfet Bernard chargés d ’évaluation : AscA (Aline Cattan, Emmanuel Lierdeman, Patrick Jubault, Maya Leroy, Laurent Mermet) étude en deux phases : bilan, audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Etat et enjeux du débat en 1993 24 Des éléments nombreux faisant état de dégradation De nombreuses intervention depuis le début des années 80 Des résistances, en particulier de la part du Ministère de l ’agriculture Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Front du débat et lignes de résistance Les zones humides? Quelles zones humides? Compter les cas de dégradation, de stabilité, d ’amélioration Les avis d’experts? Ce ne sont pas des experts! Un échantillon quasi exhaustif Certaines se dégradent? D ’autres s ’améliorent! 25 Si vous avez des avis plus crédibles, merci de les communiquer à l ’instance Cela s ’est dégradé? Maintenant, on repart dans le bon sens! Pointons les perspectives zone par zone Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Des choix de méthode en situation 26 Un fichier des zones humides Un réseau d’experts (2 avis par zone) Une discussion contradictoire et recoupée des avis La gestion effective : les actions publiques qui ont eu un impact La gestion intentionnelle : les actions publiques en faveur des zones humides Les perspectives de mobilisation : audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Un échantillon « quasi-exhaustif » Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 27 Des choix de méthode en situation 28 Un fichier des zones humides Un réseau d’experts (2 avis par zone) Une discussion contradictoire et recoupée des avis La gestion effective : les actions publiques qui ont eu un impact La gestion intentionnelle : les actions publiques en faveur des zones humides Les perspectives de mobilisation : audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet La grille de questionnement des experts 29 Evolution (note à dire d’experts) des milieux du fonctionnement Aperçu général des causes 1969-1980 1981-1992 Effet des politiques sectorielles Etat des politiques de protection (note à dire d’experts) Perspectives (note à dire d ’experts) Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Les critères pour le bilan Janvier 2009 TGGE 30 Laurent Mermet Bilan de l’évolution de l’état des zones humides 31 Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Des choix de méthode en situation 32 Un fichier des zones humides Un réseau d’experts (2 avis par zone) Une discussion contradictoire et recoupée des avis La gestion effective : les actions publiques qui ont eu un impact La gestion intentionnelle : les actions publiques en faveur des zones humides Les perspectives de mobilisation : audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Politiques sectorielles et Zones Humides 33 Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Des choix de méthode en situation 34 Un fichier des zones humides Un réseau d’experts (2 avis par zone) Une discussion contradictoire et recoupée des avis La gestion effective : les actions publiques qui ont eu un impact La gestion intentionnelle : les actions publiques en faveur des zones humides Les perspectives de mobilisation : audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Principales mesures de gestion intentionnelle Janvier 2009 TGGE 35 Laurent Mermet Bilan des actions de protection Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 36 37 Un bilan sur les PNR Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Critères pour évaluer les perspectives Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 38 Echelle globale de notation de perspectives Janvier 2009 TGGE 39 Laurent Mermet Résultats sur les perspectives Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 40 Perspectives variables selon les types Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 41 Des choix de méthode en situation 42 Un fichier des zones humides Un réseau d’experts (2 avis par zone) Une discussion contradictoire et recoupée des avis La gestion effective : les actions publiques qui ont eu un impact La gestion intentionnelle : les actions publiques en faveur des zones humides Les perspectives de mobilisation : audit patrimonial Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 43 Autres résultats et débats Décalage important entre les résultats de l’audit patrimonial et ceux de l’évaluation des actions publiques Il faut annoncer une stabilisation à 10 ans! Non plausible au regard des données On ne peut imputer une responsabilité à une politique qui avait d ’autres buts! Pointage Janvier 2009 séparé 1960-80 et 1980-90 TGGE Laurent Mermet 44 Suites de l’évaluation La mise en place du programme national d ’action zones humides Le PNRZH L’observatoire des zones humides Une diffusion d’un certain nombre d’outils issus de l’évaluation (typologie) Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet L’évaluation « zones humides » illustre les apports du cadrage ASGE 45 Impossibilité d’analyser les seules politiques de protection ex post car leur effet est minoritaire et qu’elle n ’ont de sens que dans leur dialectique avec les autres politiques sectorielles ex ante car leur efficacité vient essentiellement de la transformation des politiques sectorielles efficacité de l’approche GE/GI caractère trompeur des approches « patrimoniales » Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Les débats théoriques et méthodologiques subséquents Y a-t-il une politique des zones humides? (préfet Bernard, conseil scientifique de l ’évaluation, Lascoumes et Setbon) 46 La politique publique définie comme cohérente et efficace : une tautologie à analyser Peut-on pérenniser dans ’observatoire des ZH les éléments de conception « efficaces » de l’évaluation? Tentation permanente d’une délimitation précise des zones humides Au-delà des difficultés méthodologiques, une impasse politique Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Cadrage, méthodes et situation stratégique d’évaluation Les choix de cadrage et de méthode ne peuvent pas être pensés indépendamment d’une analyse de l ’état et des enjeux du débat d’une prise en compte des résistances à l’évaluation des considérations de faisabilité 47 Trois dimensions étroitement interdépendantes Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 48 Plan du cours Pourquoi et comment on été posées les bases de l’ASGE ? (Mermet, 1989) 1er exemple : l’évaluation des politiques publiques zones humides Conclusion; perspectives; la posture du chercheur Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Une insertion disciplinaire en sciences de gestion 49 Au centre de l’analyse la question de l’efficacité la question de l’action Un mode de travail qui crée un aller-retour entre des terrains orientés vers l’action la création de grilles conceptuelles avec une forte présence des dimensions normative et prescriptive Des formes de recherche-intervention (poussées jusqu’à la « recherche-ingérence » (RES 7) Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Une option particulière en matière de place du chercheur 50 Dès lors que l’analyse se fonde dès le départ sur un cadre normatif donné (une attente spécifique en matière d’environnement)… … elle ne peut plus se présenter comme un point de vue détaché, symétrique… … mais comme un point de vue parmi d’autres, associé à une position d’acteur dans le système Ce positionnement source d’incompréhensions et d’oppositions très fortes fait l’objet de réflexion approfondies (dans les thèses et dans RES) Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet Une relation à construire avec les doctrines de gestion environnementales 51 Les « doctrines de gestion », discours et outils gestionnaires –exemples la planification écologique (années 1970) l’évaluation des impacts (années 70-80) la gestion intégrée (des BV, des R, des zones côtières, etc.) (années 90-2000) Des relations complexes avec les théories de la gestion environnementale Ces dernières ont un rôle de clarification, de méta-analyse Pour l’ASGE, portant essentiellement sur les questions d’efficacité environnementale et d’identification de l’acteur Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet 52 Janvier 2009 TGGE Laurent Mermet