L`éthique de la vertu

publicité
L’éthique de la vertu et l’intégrité
de l’ingénieur
(SSH5502, 6e séance)
Photos: Antoine d’Agata, Insomnia.
Plan de la séance
 Intégrité, corruption et
conflits d’intérêt
 L’éthique de la vertu
 L’avortement selon l’éthique de
la vertu.
 Bilan
Le dilemme de Julien
Julien est l’ingénieur chargé des achats de fournitures dans sa
compagnie. Il connait Gérald depuis plusieurs années, comme
vendeur régulier de fournitures et, à l’occasion, comme partenaire
de golf. Un jour, durant une partie, Julien évoque sa recherche
d’une location pour des vacances en Floride. Gérald lui dit qu’il en
parlera à son oncle qui possède un condo en Floride. Une semaine
plus tard, Julien reçoit un courriel de Gérald: son oncle est d’accord
et comme il n’a pas vraiment besoin d’argent mais préfère que son
condo soit occupé et par des locataires fiables, il ne demande que
100$/semaine. Julien répond qu’il accepte avec plaisir et planifie
ses vacances. Juste avant son départ, il reçoit une note de la
direction sur la nouvelle politique de la firme disant notamment qu’il
est strictement interdit de recevoir des cadeaux des vendeurs. Que
devrait-il faire?
Simple cadeau un pot-de-vin?
 Un cadeau a pour but d’entretenir une
bonne relation entre acheteur et vendeur:
sa valeur doit être symbolique
 Un pot-de-vin sert à s’assurer/favoriser des
contrats (= corruption).
 C’est une ≠ de degré et non une ≠ de
nature
 Ex. de cadeaux acceptables: cravate à
Noel, dîner après une conférence de
ventes, lot de balles de golf avec le logo de
la compagnie (≤ 25$)…
 Il faut aussi faire attention à la frontière
floue entre amitié et relation d’affaires
La corruption
 Selon Transparency
Internationnal, la corruption est
l’abus de pouvoir (reçu en
délégation) à des fins privés.
 Elle augmente en fonction du
monopole, du pouvoir et en
fonction inverse de la
transparence
 Ex: détournement de fond
publics
 En 2002, on estimait au niveau
mondial que 3% des échanges
sont des dessous de table
 Le Canada est 9e sur 179 selon
l’indice de la corruption perçue
Pourquoi la corruption est-elle mal
dans l’entreprise?
Elle nuit économiquement à
l’entreprise car les critères d’achats ne
sont plus transparents et objectifs
(rapport qualité/prix)
Elle nuit au système d’échange de
l’économie libérale
Elle est injuste envers les collègues
qui ne reçoivent pas de pot-de-vin et
les firmes qui ne peuvent en donner
Elle encourage la malhonnêteté, le
cynisme sur la nature humaine, la
méfiance
Qu’est-ce que l’intégrité?
• Code de déontologie, III, §
2: « L’ingénieur doit s’acquitter
de ses obligations
professionnelles avec
intégrité »
• Intègre selon Larousse:
« D’une probité absolue,
incorruptible »
• Probité selon Larousse:
« Observation rigoureuse des
principes de la justice et de la
morale »
L’intégrité (suite)
 Concept ambigu ≈ morale
 Idée d’entièreté, d’unité, de
cohérence interne (≠ dispersion,
corruption): entre ce qu’on pense,
ce qu’on dit et ce qu’on fait, entre
ce qu’on a été et ce qu’on est.
 Ex: artiste, penseur intègre.
 C’est une relation d’honnêteté
entre soi et soi-même qui
s’oppose à la mauvaise foi,
 et qui semble une condition
nécessaire (mais pas forcément
suffisante) pour être une bonne
personne.
Plan de la séance
 Intégrité, corruption et conflits
d’intérêt
 L’éthique de la vertu
 L’avortement selon l’éthique de
la vertu.
 Bilan
Quel est le but de la vie
humaine? (selon Aristote)
 L’Eudaimonia = le bonheur (rationnel),
l’épanouissement humain, la vie bonne.
 Comment y parvenir?
 Par l’Arétè = l’excellence de l’homme, la vertu
 On peut éduquer sa sensibilité morale, son
caractère, on peut acquérir de bonnes habitudes,
une disposition stable à bien agir en vue du
bonheur…
 …en prenant comme modèle le sage, le
philosophe, celui qui est déjà vertueux.
« Le bonheur est quelque chose de parfait et
d'autosuffisant, et il est la fin de nos actions »
Aristote (384-322 av J.C.), Éthique à Nicomaque.
Qu’est-ce que l’éthique de la
vertu?
 Une action est correcte si et
seulement si, c’est ce que ferait
un agent vertueux dans ces
circonstances.
 La question « que dois-je faire? »
va de pair avec la question « quel
genre de personne devrais-je
être? »
 On peut s’inspirer d’un modèle ou
de sa propre connaissance des
vertus.
De qui s’inspirer pour être une
bonne personne?
Qu’est-ce qu’une vertu?
Définition: une vertu est un trait de caractère ou une disposition
acquise, moralement admirable.
 Il permet à un être humain
de s’épanouir et de bien
vivre.
 Ex: gentillesse, fidélité,
courage, sollicitude,
honnêteté, intégrité…
 C’est quelque chose qui
peut s’apprendre, se
développer = éducation
morale
Y a-t-il toujours une bonne
chose à faire?
La théorie de l’éthique de la vertu
« permet que deux agents vertueux,
faisant face à un même choix dans des
circonstances identiques puissent agir
différemment. Par exemple, l’un
pourrait choisir de débrancher son père
du respirateur artificiel et pas l’autre.
La théorie n’implique pas que chaque
agent pense que ce que fait l’autre est
mal. Elle laisse aussi ouverte la
possibilité que dans des circonstances
où aucun agent vertueux n’aurait pu se
décider, il n’y a pas d’action correcte. »
R. Hurthouse, p.2.
 Deux agents vertueux
pourraient très bien être en
désaccord devant un
dilemme.
 Les autres théories font
comme si tout problème moral
avait une solution.
 L’éthique de la vertu reconnaît
qu’il peut exister plusieurs
solutions…
 … et parfois aucune: c’est la
dimension tragique de nos
vies.
Doit-on toujours être
impartial?
 Oui, selon le déontologisme
car les normes sont
universelles: peu importe à
qui j’ai fais une promesse
ou qui est en train de se
noyer.
 Oui, selon le
conséquentialisme car les
plaisirs ou les préférences
de chacun ont un poids
égal. La souffrance de mon
frère ne vaut pas plus que
celle d’un inconnu en
Afrique (cf. Singer).
 Non, selon l’éthique de la
vertu car le caractère est lié
aux autres, aux relations entre
les personnes.
 Un parent qui ne privilégierait
pas son enfant dans un
dilemme nous semblerait un
monstre de froideur.
 Il n’est pas forcément mal de
se soucier de X plus que de Y
(= vertu de sollicitude).
 L’éthique n’a pas à être
impersonnelle et désincarnée.
Qu’est-ce qui cloche avec le
conséquentialisme et le déontologisme?
 Ils sont désincarnés et ne se
soucient pas de ce qu’est une
bonne personne ou une vie réussie
 Ils ignorent l’éducation morale
 Ils raisonnent seulement en terme
d’obligations universelles (des
parents qui aimeraient leurs enfants
par obligation ne seraient pas de
bons parents)
 Ils sont trop impartiaux pour rendre
compte de notre partialité envers
nos proches (famille, amis)
 Ils assument qu’il existe toujours
une bonne chose à faire.
Qu’est-ce qui cloche avec
l’éthique de la vertu?
 Un agent vertueux suit en fait des
normes (ou des valeurs): l’éthique des
vertus est un déontologisme (ou un
conséquentialiste) caché.
 La théorie de la vertu manque de
critères clairs pour guider l’action: doisje privilégier la gentillesse sur
l'honnêteté, la justice sur la
bienveillance?
 C’est assez juste; mais pour E.
Hurthouse c’est une force plus qu’une
faiblesse de la théorie. La vie morale est
complexe: il n’existe pas de recette
générale. Il faut accepter d’être
désarçonné la réalité.
Plan de la séance
 Intégrité, corruption et conflits
d’intérêt
 L’éthique de la vertu
 L’avortement selon
l’éthique de la vertu.
 Bilan
Un argument déontologique
pro-choix: le violoniste
 Présentation de l’expérience de pensée
 Serions-nous obligé moralement de permettre au
violoniste d'utiliser nos reins pendant neuf
mois?
 Non (mais ce serait sympa)
 Le droit à la vie du violoniste ne doit pas passer
avant le droit à l’autonomie (à disposer de son
corps)
 Par analogie, il existerait un droit des femmes à
Judith J. Thomson,
refuser ce corps étranger qu’est le foetus
Née en 1929.
 Qu’en penserait un conséquentialiste?
Peut-on appliquer l’éthique de
la vertu à l’avortement?
Quelles vertus sont
pertinentes?
Quels modèle suivre?
Justice
Charité
Bienveillance
Responsabilité…
Attention à la caricature:
« Que ferait Socrate si
c’était une ado de 15 ans
qui vient de se faire
violer? » !!!
« Je ne vais pas essayer de ‘résoudre le problème’ au
sens où je dirais aux femmes ce qu’elles doivent ou ne
doivent pas faire si elles sont enceintes et envisagent
l’avortement dans telles ou telles circonstances
particulières » R. Hurthouse
La question du statut du
foetus
 Ce n’est pas une question morale
mais une question métaphysique
(« qu’est-ce qu’une personne? »)
 Or un agent vertueux n’a pas à
être un expert en métaphysique.
 La question du statut du foetus ne
concerne donc pas l’éthique de la
vertu.
 Les éthiciens cherchent en vain à
s’abriter derrière une règle
absolue du genre : «Tu ne doit
rien tuer qui ait le droit à la vie,
mais tu peux tuer tous le reste ».
Regarder la réalité en face
 Un avortement n’est pas du même ordre
qu’une coupe de cheveux ou une
opération de l'appendicite.
 « Le fait que l’interruption prématurée
d’une grossesse soit, en un certain
sens, trancher une nouvelle vie humaine
et que, comme d’ailleurs la procréation
d’une nouvelle vie, cela soit en relation
avec toutes nos réflexions sur la vie, la
mort, la filiation et les relations
familiales, en fait un sujet sérieux. »
 Un agent vertueux ne prend pas
l’avortement (ou une fausse couche) à
la légère. Et plus le temps passe, plus
l’IVG devient sérieuse, voir tragique.
Une bonne personne
peut-elle avorter?
« Supporter une grossesse lorsqu’on est
épuisé ou lorsque son travail consiste à
ramper dans des tunnels pour tirer du
charbon comme beaucoup de femmes au
19e siècle étaient obligé de le faire, cela est
peut-être héroïque, mais les gens qui ne
parviennent pas à l’héroïsme ne sont pas
nécessairement vicieux. Le fait de ne voir la
grossesse que comme neuf mois de misère
suivi d’heures, sinon de jours, de douleurs
atroce et d’épuisement et voir l’avortement
comme une manière d’y échapper est
parfaitement compréhensible; ce n’est pas
un manque de sérieux à l’égard de la vie
humaine ou une attitude superficielle à
l’égard de la maternité. » R. Hursthouse
 Il faut tenir compte du contexte
(économique, culturel, social)
avant de juger une personne
vertueuse ou vicieuse
 Même l’infanticide peut
apparaître comme vertueux si
c’est pour le bien de la
communauté ou si c’est une
forme d’euthanasie authentique
 Exemple de la mère qui a déjà
plusieurs enfants et craint de
ne pouvoir rester une bonne
mère avec un de plus
Faut-il se sentir coupable
d’avorter ?
 Si une femme possède les
traits de caractères suivant:
force, indépendance d’esprit,
résolution, confiance en soi,
sens des responsabilité,
sérieux…
 …elle ne devrait pas être
amener à avorter.
 Si elle le fait, et même si c’était
la meilleure chose à faire, la
culpabilité et le remord ne
sont donc pas des émotions
inappropriées.
 Et les hommes dans tout ça?
«Pas moins que les filles, les garçons et les
hommes peuvent, par leurs actions,
manifester de l’égocentrisme, de
l’insensibilité et de la légèreté à propos de
la vie, de la paternité et de l’avortement. »
Plan de la séance
 Intégrité, corruption et conflits
d’intérêt
 L’éthique de la vertu
 L’avortement selon l’éthique
de la vertu.
 Bilan
Les trois théories normatives
Conséquentialisme
Déontologisme
Éthique de la vertu
• Égoïsme
• Utilitarisme
hédoniste/idéal
• Utilitarisme des
préférences (Singer)
• Décalogue
monothéiste
• Éthique kantienne
• Devoirs prima facie
(Ross)
• Sagesse antique
• Vertus cardinales
chrétiennes
• Modèle
contemporain
(Hursthouse)
Promouvoir une
valeur
Respecter une
norme
Incarner une vertu
Conséquences de
l’action
Action
Agent
Suivre une règle
(une bonne chose à
faire)
Suivre une règle
(une bonne chose à
faire)
Rechercher le Bien
(plusieurs choses à
faire; ou aucune)
Qualités et défauts…
Conséquentialisme
Déontologisme
Éthique de la vertu
• Universel et
impartiale
• Maximise le bien
commun
• Permet en principe
de résoudre les
dilemmes
• Universelle et
impartiale
• Facile à respecter
• Souvent intuitif
• Souple et adaptée
aux situations
singulières
• Tient compte des
relations et des
sentiments
•Et du sens de la vie
• Parfois contreintuitif (droit
humains)
• Requiert beaucoup
d’informations
• Ne distingue pas
les personnes
• Difficile de résoudre
les dilemmes
• Principes trop
généraux, inadaptés
aux cas particuliers
• Relative et partiale
• Pas de critères
clairs
• Pas de recette
générale
Quelle est la meilleure
théorie?
• Conséquentialisme
 politiques publiques, bien
commun
• Déontologisme
 respect des personnes,
poser des barrières
• Éthique de la vertu
 relations aux proches,
éducation morale
Téléchargement