L`influence de la Grande-Bretagne sur les matières premières est

publicité
JUIN 2016
L'analyse de Thierry Masset
Un divorce qui fait redouter une
séparation douloureuse
Les investisseurs cherchent à se
protéger du Brexit
L'influence de la Grande-Bretagne sur
les matières premières est limitée
L'or affiche une performance
spectaculaire
Marché du travail US en question
Le marché obligataire n'a jamais été
aussi cher
AUTRES CLASSES D'ACTIFS
L'influence de la Grande-Bretagne sur les matières premières est limitée
La décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne (UE) a probablement déclenché la plus forte vague du pays sur
les marchés mondiaux des matières premières depuis plusieurs décennies. Ceci pourrait ne pas durer. Bien que le résultat
inopiné du référendum du 23 juin ait sonné la victoire pour l'or et le glas pour le pétrole tout en perturbant les actions
mondiales, les marchés obligataires et les devises, il y a bien longtemps que les matières premières font fi du
Royaume-Uni. À l'ère coloniale, toutes les matières, du thé au cuivre, étaient libellées dans la devise britannique, la livre, qui
jouait ainsi le rôle d'étalon mondial. Mais il n'en va plus de même. Aujourd'hui, quasi chaque matière première s'échange en
dollars.
Plus récemment, dans les années 1980, la politique britannique et la politique économique jouaient un rôle plus
significatif dans l'évaluation des matières premières du monde entier. Les matières premières telles que le cuivre, le
nickel, le zinc, le café robusta et le cacao, s'échangeaient en livres et servaient d'étalon pour le marché.
Aujourd'hui, le pétrole, le gaz naturel, l'électricité, les métaux, y compris le zinc depuis 1988 et le cuivre depuis 1993, et
quasi chaque matière première agricole, sont libellés en dollars US. Même le thé noir, la boisson British par excellence,
s'échange en dollars, depuis la fermeture du marché de Londres dans les années 1990 et les échanges se font
aujourd'hui à Mombasa, ville portuaire du Kenya pour le commerce.
La perspective de vivre en dehors de l'UE a déprécié la livre et suscite des questions au sujet de l'économie britannique pour
les sociétés qui réfléchissent à deux fois pour exercer leurs activités outre-Manche, ce qui pourrait nuire au commerce avec
les autres pays. Mais l'offre et la demande mondiales de matières premières n'en sera probablement pas
considérablement modifiée pour la cause, le Royaume-Uni ne faisant pas partie des grands acheteurs ou producteurs.
D'après les données disponibles pour les différents secteurs, le pays occupe la 15e place des consommateurs de pétrole au
monde, n'est pas un gros consommateur de métaux de base et se retrouve en queue de peloton de la plupart des grands
producteurs de grain.
Cela ne signifie pas que la décision de la Grande-Bretagne de quitter l'UE sera indolore, a fortiori si elle se traduit par un
ralentissement de la croissance au niveau mondial en raison du report des décisions d'investissement des entreprises.
L'économie britannique occupe la 5e place au monde, et Londres a servi de plaque financière tournante mondiale pendant
plusieurs dizaines d'années. À la suite du résultat du scrutin, les investisseurs ont déjà décidé de se délester des
actifs qu'ils considèrent comme étant les plus risqués, à savoir une catégorie qui inclut généralement les matières
premières. L'indice des matières premières de S&P et Goldman Sachs, qui mesure les rendements des principales
matières premières, a chuté d'environ 4 % (en euros) depuis son dernier sommet.
Un plancher a probablement été touché cette année lorsque les ventes consécutives à l'effondrement des
marchés boursiers chinois se sont ajoutées à la faiblesse des fondamentaux. L'indice des matières premières de S&P
et Goldman Sachs a rebondi d'environ 22 % (en euros), après être tombé à son niveau le plus bas jamais enregistré depuis
sa création en 1991.
La hausse des marchés des matières premières observée depuis le début de l'année rappelle les tendances 2015,
mais nous ne devrions toutefois pas connaître la même déconvenue que l'année passée, étant donné
l'amélioration des fondamentaux dans le secteur de l'énergie (le Brent a gagné plus de 70 % depuis qu'il a atteint son
niveau le plus bas sur 12 ans en janvier). Par ailleurs, certains métaux industriels et le secteur de l'agriculture
montrent également des signes d'embellie.
Les marchés des matières premières sont tout doucement en train de reprendre des couleurs et les prix semblent avoir
atteint leurs planchers, sur fond de report des nouveaux projets et d'écoulement progressif des surplus . Cependant, si
vous pensez que les producteurs de matières premières sont sortis de l'ornière, voici un rappel à l'ordre : de
nombreux producteurs sont toujours confrontés à un problème de surendettement. Les mesures d'austérité qui ont
été prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivi
l'effondrement des prix. Au cours du premier trimestre, le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein des
sociétés minières, énergétiques et agricoles pour atteindre maintenant des niveaux plus de quatre fois plus élevés qu'il y a un
an.
Tout ceci explique pourquoi nous restons prudents vis-à-vis des matières premières et venons de passer d'une souspondération à une position neutre. Si les produits de base ont récupéré une partie du terrain perdu, ils sont
néanmoins toujours beaucoup plus bas qu'il y a deux ans. Pour mettre fin à l'engorgement qui a provoqué ce plongeon,
les entreprises devraient diminuer la production davantage, mais beaucoup d'entre elles sont si endettées qu'elles doivent se
renflouer en cash pour garder la tête hors de l'eau. Une entreprise n'envisagera de réduire sa production qu'en dernier
ressort, car cette mesure revient à fermer le robinet des recettes. Quid pour la suite ?
À moins d'une reprise des prix des matières premières, cet imbroglio aura de funestes conséquences pour
certains producteurs en 2016. Quelle que soit l'ardeur qu'ils mettent à la tâche, de nombreux acteurs du secteur minier et
du forage verront la charge de leur dette s'envoler. Selon Moody's, les défauts de paiement dans le chef des entreprises, à la
tête desquelles se trouvent les producteurs de matières premières, atteindront leur plus haut niveau depuis six ans. Toujours
selon la société de notation, depuis le début de l'année, 50 % des 18 défauts sont attribuables à des sociétés productrices de
matières premières, tandis que ce taux se situe à 14 % pour les sociétés métallurgiques et minières au cours des douze
prochains mois et à 9,1% pour les sociétés pétrolières et gazières. En janvier, Moody's a placé 55 sociétés minières et 120
acteurs de l'extraction pétrolière et gazière sous surveillance avec révision potentielle à la baisse.
À la suite de l'effondrement du pétrole brut qui était à plus de 100 dollars le baril à la mi-2014 et est passé à
26 dollars en février, les ratios d'endettement empirent pour de nombreuses entreprises du domaine du
forage. Depuis le début de 2015, 48 producteurs de pétrole et de gaz du continent nord-américain ont fait faillite : leur
endettement était de plus de 17 milliards de dollars. Les entreprises de forage américaines ont gonflé leur dette jusqu'à
un montant de 237 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre 2015, soit une augmentation de 12 % par rapport à
l'année précédente.
De nombreux producteurs ont toutefois continué de stimuler leur production jusqu'à la fin de l'année
dernière. Ceci s'explique en partie par le fait que les sociétés à court de liquidités doivent poursuivre leur croissance
pour éviter de voir leurs lignes de crédit se contracter. Le montant que les banques acceptent de prêter aux
emprunteurs dotés d'un crédit plus risqué repose sur la taille des réserves de la société et du prix du pétrole brut. Les
prêts sont ordinairement réajustés deux fois par an, aux environs des mois d'avril et d'octobre. Lorsqu'une société ne
peut ajouter de nouveaux puits, ses réserves diminuent au fur et à mesure que le pétrole est extrait du sol et vendu, ce
qui a pour conséquence de contracter les lignes de crédit au moment où la société en a le plus besoin.
Un rebond inopiné des métaux depuis le début de l'année a contribué à alléger la charge de certains
producteurs aurifères, y compris Newmont Mining et Barrick Gold et les réserves minières ont connu leur plus gros
effondrement mensuel en février et en avril depuis 2009.
Mais la plupart des compagnies minières sont toujours en difficultés. Freeport-McMoRan, le plus gros
producteur de cuivre coté, a assisté au plus que doublement de son ratio dette/EBITDA ajusté à la fin 2015, qui est
passé de 2,1 fin 2014 à 5,6. Cette situation est très problématique. Les sociétés d'extraction ne semblent pas être si
près de la faillite. Nombre d'entre elles ont en effet négocié une dette à long terme après le dernier effondrement des
matières premières en 2008. Mais le coût de fermeture d'une mine est colossal, au point que les créanciers pourraient
être tentés de laisser les compagnies poursuivre leur production à perte tout en poursuivant leurs efforts pour se
séparer de leurs actifs les moins performants. John Thornton, le président exécutif de Barrick a déclaré qu'il existe
uniquement trois sorties possibles de la spirale pour les sociétés d'extraction : « générer plus de liquidités, émettre
plus de capitaux propres ou vendre des actifs ».
3.1 Métaux précieux : surpondérer
3.1.1 Or
L'or accuse le rebond le plus important depuis le mois de février en réaction au Brexit et les données indiquent
que les États-Unis ont créé le plus faible nombre d'emplois en quasi six ans, réduisant ainsi les attentes
d'augmentation du loyer de l'argent sur le continent américain. Les traders estiment maintenant qu'il y a 9 % de chances
(contre 55 % il y a quelques semaines) que la Réserve fédérale relèvera ses taux d'intérêt cette année.
Par ailleurs, les banques centrales de Tokyo à Stockholm ont adopté la notion des taux négatifs. Et si, en théorie,
cette approche est censée avoir un effet stimulant sur la croissance, en faisant payer ceux qui veulent déposer leur argent
dans les caisses des banques centrales, les investisseurs craignent que cela ne déstabilise les marchés monétaires.
Dans ce contexte, les taux bas représentent une bénédiction pour l'or, qui est devenu plus compétitif que les actifs portant
intérêts. Même avec un rendement de 0 %, l'or peut s'avérer plus rentable que bien d'autres actifs, à une époque
où les taux d'intérêt ont un effet négatif sur le capital. Les investisseurs ont tendance à se réfugier dans l'or lorsqu'ils
n'ont plus confiance en leurs monnaies et en leurs systèmes financiers. « L'expérience montre qu'en période de taux bas, les
rendements de l'or sont généralement deux fois plus élevés que leur moyenne à long terme », comme l'a indiqué le Conseil
mondial de l'or. « Sur le long terme, les politiques de taux négatifs pourraient entraîner un renforcement structurel de la
demande pour l'or de la part des banques centrales et des investisseurs. »
Les pays qui cherchent à déprécier leurs monnaies encouragent en fait leurs citoyens à se tourner vers l'or,
comme nous avons pu le constater en Chine, en Russie et dans d'autres pays émergents. L'or est alors utilisé comme une
devise. Mais une devise sur laquelle la banque centrale n'a pas d'emprise directe. La demande des consommateurs au
Japon a quasiment doublé entre 2014 (17,9 tonnes métriques) et 2015 (32,8 tonnes métriques), selon des estimations du
Conseil de l'or.
L'or s'échange à 1 320 dollars l'once et devance pratiquement toutes les autres matières premières dans l'indice
Bloomberg des matières premières. Alors que l'or risque d'être suracheté à court terme, nous le privilégions car nous
pensons qu'il devrait profiter de la poursuite probable des turbulences sur les marchés. La volatilité sur les marchés
financiers due au ralentissement chinois/mondial et à la faiblesse des prix pétroliers ainsi que les doutes concernant
l'efficacité des mesures d'assouplissement risquent de persister. Cela pourrait continuer de peser sur l'appétit pour le risque
et sur les taux en dollars. Tout bénéfice pour l'or.
Au premier trimestre, la demande mondiale pour l'or a grimpé de 21 % par rapport à l'année passée (à 1 289,8
tonnes métriques), selon des chiffres publiés par le Conseil mondial de l'or.
Selon la Commodity Futures Trading Commission, leur position longue nette sur les contrats à terme en or et
les options a atteint à 257 000 contrats. Il s'agit d'un record depuis août 2011 !
Avec la remontée des cours, les investisseurs se sont de nouveau tournés vers les ETF adossés à l'or cette année.
Les actifs ont gonflé de 460 tonnes métriques depuis le début de l'année, faisant ainsi oublier la chute de
1 735 tonnes enregistrée sur l'ensemble de l'année passée.
Comme l'indiquent les données du Conseil mondial de l'or, les ventes d'or par les banques centrales ont, par le passé,
entraîné un surplus sur le marché. Mais à partir du deuxième trimestre 2009 jusqu'en 2015, les achats nets d'or
effectués par les banques centrales ont absorbé la plupart du surplus, une absorption susceptible de se
prolonger tant que la diversification de portefeuille de réserves se poursuit. Ceci peut être d'autant plus vrai en
présence d'un affaiblissement de la demande en bijoux et investissement. Bloomberg estime que les banques
centrales ont accumulé plus de 2 448 tonnes de métaux correspondant à des sorties liées à des fonds or négociés en
bourse d'environ 270 tonnes au cours de la période.
3.1.2 Argent
L'argent devrait poursuivre sur sa belle lancée. Les données (investisseurs, traders, marchés) montrent en effet que le métal
(une des meilleures performances de cette année parmi toutes les ressources suivies par l'indice des matières
premières de Bloomberg) devrait encore progresser. L'argent a déjà gagné plus de 25 % (en euros) depuis le début de
l'année, après avoir sous-performé l'or au premier trimestre en raison des craintes de voir le ralentissement de la croissance
chinoise peser sur la demande de ce pays, le plus grand consommateur de matières premières au monde.
Cela fait au moins sept ans que l'argent n'a jamais été si bon marché par rapport à l'or et les prévisions de
contraction de l'offre du secteur minier pour cette année laissent présager la sortie prochaine de l'argent hors de
l'ombre du métal jaune.
Le mois dernier, une once d'or s'achetait au prix d'environ 74 onces d'argent, soit un pic absolu depuis la crise
financière de 2008.
Pour la première fois en dix ans, la production minière d'argent chutera probablement en 2016 et la demande devrait
dépasser l'offre pour la quatrième année consécutive. Dans la plupart du monde entier, l'extraction de l'argent hors du
sol s'effectue avec d'autres minerais de sorte que les réductions de production annoncées par les principales sociétés
d'extraction nuiront aux offres du métal blanc ainsi qu'à d'autres métaux comme le cuivre et le zinc.
Pour les investisseurs qui estiment que l'or continuera son ascension en raison des craintes concernant une
récession économique mondiale, la déflation et les taux d'intérêt négatifs, l'argent pourrait constituer une autre
solution plus lucrative. Le métal blanc surperforme généralement lorsque l'or est en progression et sous-performe
uniquement lorsque tous deux sont en régression.
Plus de 50 % de la demande d'argent provient du secteur industriel, notamment un quart de l'électronique et dans une
certaine mesure, les aléas de l'argent suivent ceux des matières premières industrielles, comme le cuivre, le zinc et le
plomb. L'indice des six métaux London Metal Exchange a progressé d'environ 3 % (en euros) depuis qu'il a atteint, en février,
son niveau le plus bas observé en plus de six ans. Si l'on fait l'hypothèse que l'économie mondiale passe à côté d'un
fort ralentissement et que les prix des métaux industriels continuent de se stabiliser, il se pourrait que l'argent
surperforme l'or.
3.2 Pétrole brut (Brent) : neutre
L'évolution du baril de pétrole pourrait se solder par une issue fatale à la suite du résultat du référendum sur le
Brexit. Le 24 juin, le brut a perdu 6,8 %, à la suite de la décision des électeurs britanniques de quitter l'Union européenne.
Tandis que certains analystes ont déclaré que l'offre et la demande devraient continuer de favoriser une hausse des prix au
fur et à mesure que l'offre excédentaire se contracte, la sortie de la Grande-Bretagne se traduira par une période d'incertitude
pour l'avenir de l'Europe tout en faisant planer une certaine ombre sur le marché. Les prix du Brent avoisinent 47 dollars le
baril même après la hausse de 36 % de cette année. Il y a deux ans, ils se situaient à 115 dollars le baril.
Un vote en faveur du Brexit constitue un vote à l'encontre d'une part, de la mondialisation, et d'autre part, de la
liberté de mouvement des personnes et des marchandises. Tout inversement de la croissance des échanges et de la
mobilité est nuisible aux matières premières, à l'exception de l'or. Cette situation pourrait provoquer une diminution de
la demande chinoise, ce qui aura inévitablement un impact négatif sur les prix pétroliers. Surtout maintenant que
les discussions entre les producteurs de pétrole qui se sont tenues à Doha n'ont pas permis de trouver une
solution au problème de la surabondance mondiale. La réunion entre les membres de l'Organisation des pays
exportateurs de pétrole (OPEP), la Russie et les autres principaux producteurs mondiaux s'est soldée par un échec, l'Arabie
saoudite ayant refusé de réduire sa production sans engagements de la part de certains autres grands producteurs comme
l'Iran, qui a exclu tout gel de sa production à l'heure actuelle.
Par ailleurs, après avoir tenu bon pendant deux ans malgré la faiblesse des prix de l'énergie, certaines banques
européennes qui avaient accordé des prêts à l'industrie du pétrole et du gaz, ont commencé à réduire leur
exposition. Selon les données compilées par Bloomberg, les nouveaux prêts aux entreprises énergétiques de la région ont
également régressé de plus de 50 %. Les banques perdent espoir qu'une récente reprise du brut sera suffisante pour leur
permettre d'enrayer les pertes sur les prêts du secteur de l'énergie qui ont été contractés lorsque le pétrole avait un prix
double de celui d'aujourd'hui. Cette situation leur donne à réfléchir si leurs relations avec les entreprises valent bien les
risques de crédit éventuels.
Les banques européennes ont mis du temps avant de réduire leur exposition vis-à-vis des sociétés pétrolières et
gazières, en partie en raison du fait que les emprunteurs de la région peuvent mieux résister aux baisses des prix de
l'énergie qu'un grand nombre de leurs confrères américains qui encourent des dépenses plus élevées étant donné
qu'ils sont plus tributaires de la production de schiste plus onéreuse.
En Europe, les emprunteurs industriels comptent également plus de prestataires qui se protègent contre les
fluctuations du pétrole par des contrats à long terme. Les producteurs d'énergie américains tendent également à
emprunter davantage sur les marchés obligataires que leurs concurrents européens, ce qui signifie qu'en périodes de
difficultés, les sociétés ont peu de marge de manœuvre pour négocier de nouveaux termes d'emprunt. À l'inverse, les
banques européennes se sont montrées plus prônes à soutenir les sociétés énergétiques et ont été plus réticentes à
vendre des prêts en raison des perspectives à long terme, par exemple les frais éventuels provenant des prises
fermes et des acquisitions.
Alors que, selon les prédictions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les prix du pétrole pourraient avoir
atteint leur niveau plancher en raison de la diminution de l'offre en dehors de l'Organisation des pays exportateurs de
pétrole (OPEP) et des perturbations au sein même du groupe qui pèsent tout doucement sur la surabondance mondiale, il
sera tout de même difficile de rééquilibrer un marché pétrolier excédentaire.
Le pétrole de schiste ne sera toutefois pas épargné et la production US va probablement continuer de ralentir. Face à la
chute des prix, les opérateurs en difficultés vont notamment chercher leur salut dans des opérations de fusion & acquisition.
Avec le temps, cette configuration des prix va faire chuter les producteurs dont les coûts sont plus élevés et va doper la
demande, ce qui devrait permettre à l'OPEP de retrouver son pouvoir d'influence. On peut espérer que le trop-plein
actuel de pétrole commence progressivement à se tarir sous l'effet d'une demande dopée par la chute des prix. La
principale question est désormais de savoir à quel rythme le marché va se rééquilibrer. Tout dépendra ici de l'impact de la
réduction des investissements réalisés en amont et de l'évolution de la demande.
3.3 Métaux industriels : neutre
Les métaux industriels sont devenus très volatiles en l'espace de quelques semaines seulement en raison des
craintes sur le Brexit, de la croissance chinoise et de la perspective d'un maintien des taux de la Réserve fédérale jusqu'à la
fin de l'année.
Même s'ils ne devraient pas connaître la même déconvenue que l'année passée, les prix des métaux industriels
devraient rester bas en raison d'une offre excessive et d'une demande trop faible. Et les perspectives ne sont pas bonnes,
avec la diminution de la demande en Chine et ailleurs dans le monde
De nombreux producteurs sont toujours confrontés à un problème de surendettement. Les mesures d'austérité qui
ont été prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivi
l'effondrement des prix. Le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein des sociétés minières, énergétiques et
agricoles pour atteindre maintenant des niveaux deux fois aussi élevés qu'il y a un an.
3.4 Dollar US et euro (neutre), yen (positif)
Le marché des changes mondial n'a pour le moment plus sa destinée en main. Au plus fort de sa puissance, il est
capable de scinder les marchés financiers en deux camps (les valeurs refuges et les actifs à risque) et dicter les
comportements face aux événements, sans tenir compte des fondamentaux. Aujourd'hui, alors que les investisseurs tentent
de composer avec les effets de distorsion des assouplissements quantitatifs (QE) des banques centrales, ils se contentent
simplement de suivre les marchés, comme ils l'avaient déjà fait au lendemain de la crise financière en 2008. En d'autres
termes, obtenir une bonne vue de l'ensemble de la situation peut supplanter les informations au niveau local. Nous sommes
en train de passer d'un monde dominé par le QE à un monde « risk-on/risk-off ». Pour le moment, il semble que
nous soyons dans un environnement « risk-off ».
De nombreuses corrélations entre les devises et les autres actifs ont atteint des sommets plus tôt cette année à la
suite de l'effondrement des marchés boursiers (les actions ont perdu 10 000 milliards de dollars de valeur). Aujourd'hui, les
liens sont de nouveau en train de se resserrer alors que les investisseurs s'apprêtent à affronter toute une série de
défis, en conséquence du Brexit et de la réunion de la Réserve fédérale aux élections américaines qui se tiendront en
novembre.
Il est fort à parier que le schéma Risk-on Risk-off ne fera que se renforcer au fur et à mesure que les
répercussions du résultat du scrutin du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne continueront de se refléter
sur les marchés financiers, la livre faisant l'objet de ventes massives qui l'ont conduite à attendre le niveau
plancher qu'elle avait atteint il y a 31 ans, tandis que la demande de valeurs refuges concourt à raffermir le dollar
US et le yen.
Ce contexte explique probablement pourquoi le marché commence à intégrer la possibilité d'abaissement et non
de relèvement des taux d'intérêt par la Fed cette année. Il y a 25 % de chance que la banque centrale procédera à un
abaissement de taux d'ici le mois de septembre et 5,5 % de risque qu'elle procédera au contraire à un relèvement. Avant le
référendum britannique, la probabilité d'un abaissement était de zéro.
Le Brexit ne représente pas une menace pour la livre uniquement. Il entraîne aussi une augmentation des risques
de change sur l'ensemble du continent. La sortie des Britanniques pourrait, en effet, nuire aux échanges commerciaux et
encourager les autres États membres à renégocier leur relation avec l'UE. L'euro risque donc encore de subir de nouvelles
pertes.
Même si le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, n'était pas contre un euro plus faible,
une dépréciation due à un risque systémique aurait tout de même de quoi inquiéter. Alors qu'elle tente toujours
d'effacer les traces de la crise des dettes souveraines, la zone euro aurait du mal à résister à de nouvelles turbulences
menaçant sa croissance. Draghi a déjà engagé plus de mille milliards d'euros en achats d'actifs et a fait passer ses
taux en négatif dans le but de raviver l'inflation et la perspective de nouvelles mesures ajoute une pression
supplémentaire sur l'euro.
Selon des données compilées par Bloomberg, sept des neuf principaux partenaires commerciaux du RoyaumeUni font partie de l'UE. Une sortie des Britanniques risque donc d'avoir des conséquences dommageables des deux
côtés de la Manche, en cas de détérioration conjoncturelle. Les petits pays européens comme l'Irlande, le Luxembourg
et Malte seraient les plus touchés si le Royaume-Uni venait à perdre une partie de son accès au marché unique.
Cependant, même les poids lourds du continent comme la France, l'Allemagne et l'Italie n'en sortiraient pas indemnes.
Téléchargement