MARS 2016 L'analyse de Thierry Masset La croissance bénéficiaire s'essouffle... La BCE a frappé fort mais l'effet de surprise fut de courte durée Les matières premières ne sont pas encore sorties de l'auberge L’argent pourrait-il séduire les investisseurs? La Fed adopte un ton plus conciliant De Schengen au Brexit, les risques pesant sur l'euro s'accumulent AUTRES CLASSES D'ACTIFS Les matières premières ne sont pas encore sorties de l'auberge Si, selon vous, les matières premières et leurs producteurs sont sortis de l'auberge en raison du rallye des marchés (à en juger par le rebond des ressources de base de 10 % en euros depuis la mi-février 2016), la réalité est tout autre : de nombreux producteurs sont toujours aux prises avec l'endettement. Les mesures d'austérité qui ont été prises pendant une deuxième année n'ont pas été suffisantes pour faire face à la chute des bénéfices qui a suivi l'effondrement des prix. Au cours du quatrième trimestre, le niveau d'endettement a continué de s'accroître au sein des sociétés minières, énergétiques et agricoles pour atteindre maintenant des niveaux deux fois aussi élevés que ceux d'il y a un an. En dépit de leur rebond au cours du mois passé, les matières premières sont toujours bien en deçà de leur niveau d'il y a deux ans, soit 28 % en ce qui concerne le cuivre et 65 % pour le pétrole brut (en dollars). Pour mettre fin à l'engorgement qui a provoqué ce plongeon, les entreprises devraient diminuer la production davantage mais beaucoup d'entre elles sont si endettées qu'elles doivent se renflouer en cash pour garder la tête hors de l'eau. Une entreprise n'envisagera de réduire sa production qu'en dernier ressort uniquement car cette mesure revient à fermer le robinet des recettes. Que réserve alors l'avenir ? À moins d'une reprise des prix des matières premières, cet imbroglio aura de funestes conséquences pour certains producteurs en 2016. Quelle que soit l'ardeur qu'ils mettent à la tâche, de nombreux acteurs du secteur minier et du forage verront la charge de leur dette s'envoler. Selon Moody's, les défauts de paiement dans le chef des entreprises, à la tête desquelles se trouvent les producteurs de matières premières, atteindront leur plus haut niveau en six ans. Toujours selon la société de notation, depuis le début de l'année, 50 % des 18 défauts sont attribuables à des sociétés productrices de matières premières, tandis que ce taux se situe à 14 % pour les sociétés métallurgiques et minières au cours des douze prochains mois et à 9,1% pour les sociétés pétrolières et gazières. En janvier, Moody's a placé 55 sociétés minières et 120 acteurs de l'extraction pétrolière et gazière sous surveillance avec révision potentielle à la baisse. À la suite de l'effondrement du pétrole brut qui était à plus de 100 dollars le baril à la mi-2014 et est passé à 26 dollars en février, les ratios d'endettement empirent pour de nombreuses entreprises du domaine du forage, même les sociétés investment grade comme Anadarko Petroleum ont réduit la production et les coûts. Sa dette représentait un multiple de 3,5 fois les revenus avant déduction d'intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) à la fin 2015, contre 0,9 un an plus tôt. Depuis le début de 2015, 48 producteurs de pétrole et de gaz du continent nord-américain ont fait faillite : leur endettement était de plus de 17 milliards de dollars. Les entreprises de forage américaines ont gonflé leur dette jusqu'à un montant de 237 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre, soit une augmentation de 12 % par rapport à l'année précédente. De nombreux producteurs ont toutefois continué de stimuler leur production jusqu'à la fin de l'année dernière. Ceci s'explique en partie par le fait que les sociétés à court de liquidités doivent poursuivre leur croissance pour éviter de voir leurs lignes de crédit se contracter. Le montant que les banques acceptent de prêter aux emprunteurs dotés d'un crédit plus risqué repose sur la taille des réserves de la société et du prix du pétrole brut. Les prêts sont ordinairement réajustés deux fois par an, aux environs des mois d'avril et d'octobre. Lorsqu'une société ne peut ajouter de nouveaux puits, ses réserves diminuent au fur et à mesure que le pétrole est extrait du sol et vendu, ce qui a pour conséquence de contracter les lignes de crédit au moment où la société en a le plus besoin. Un rebond inopiné des métaux depuis le début de l'année a contribué à alléger la charge de certains producteurs aurifères, y compris Newmont Mining et Barrick Gold et les réserves minières ont connu leur plus gros effondrement mensuel en février depuis 2009. Les prix du minerai de fer qui ne cessaient de se dégrader pour la troisième année d'affilée sont en hausse de 46 % cette année, bien qu'ils soient encore à mi-course de ceux qu'ils avaient atteints il y a deux ans. Mais la plupart des compagnies minières sont toujours en difficultés. Freeport-McMoRan, le plus gros producteur de cuivre coté, a assisté au plus que doublement de son ratio dette/EBITDA ajusté à la fin 2015, qui est passé de 2,1 fin 2014 à 5,6. Cette situation est très problématique. Les sociétés d'extraction ne semblent pas être si près de la faillite. Nombre d'entre elles ont en effet négocié une dette à long terme après le dernier effondrement des matières premières en 2008. Le coût de fermeture d'une mine est colossale, au point que les créanciers pourraient être tentés de laisser les compagnies poursuivre leur production à perte tout en poursuivant leurs efforts pour se séparer de leurs actifs les moins performants. Personne ne peut prédire combien de temps le fléchissement durera. John Thornton, le président exécutif de Barrick a déclaré qu'il existe uniquement trois sorties possibles de la spirale pour les sociétés d'extraction : « générer plus de liquidités, émettre plus de capitaux propres ou vendre des actifs ». Ceci explique pourquoi tandis que la croissance de l'économie mondiale a ralenti, les stocks (du pétrole au cuivre) sont abondants et l'appréciation du dollar a rendu les matières premières moins attrayantes en tant qu'investissement alternatif. Et la crise que traverse actuellement la Chine n'augure rien de bon vu que le pays est le plus grand consommateur de matières premières au monde. Nous vivons un scénario inverse à celui que nous avons connu au cours de la décennie précédente. À l'époque, l'accélération de la croissance dans toute l'Asie avait entraîné une flambée généralisée des prix, pour finalement former ce que l'on avait appelé le « super cycle des matières premières ». Encouragés par les plafonds historiques atteints par les prix en 2008, les agriculteurs, les sociétés minières et les entreprises de forage pétrolier avaient décidé d'accroître leur production. Or, cette production est en train d'arriver sur le marché, précisément au moment où la croissance mondiale ralentit. La Banque mondiale a ainsi revu sa prévision de croissance pour l'économie mondiale à la baisse, tout en soulignant que la décélération en Chine accentuerait encore les pressions sur les matières premières. À court terme, rien n'indique que les prix des matières premières vont arrêter de baisser. Alors que l'indice des matières premières de Bloomberg a dégringolé de 25 % l'année passée (la cinquième année consécutive de baisse et la plus longue série depuis la création de cette mesure en 1991), les hegde funds se positionnent en prévision de nouvelles pertes, avec des positions « short » nettes à leur niveau le plus élevé depuis au moins 2006. Des chiffres récemment publiés par le gouvernement estiment à 85 000 contrats « futures » et options au 12 février le total des positions « short » prises sur 18 matières premières différentes. Il s'agit d'une des visions les plus pessimistes enregistrées depuis que ces données sont suivies en juin 2006. L'indicateur est tombé en négatif pour la première fois de son histoire en novembre. Nous devons probablement nous préparer à un long hiver en ce qui concerne les matières premières. Dans des pays comme la Russie ou l'Australie, les devises se sont beaucoup dépréciées et le coût marginal de production pour certaines de ces matières premières n'a donc pas tellement diminué. Certaines sociétés de ces pays ont donc été protégées de la chute de l'or noir et n'ont donc pas diminué leur production. Un coup d'œil sur ces 200 dernières années permet de constater que les matières premières alternent traditionnellement une décennie de marché haussier et deux décennies de marché baissier. Il faut en effet beaucoup d'années pour effacer l'excédent de capacité généré pendant une période de marché haussier. Cette fois, le ralentissement de la croissance économique en Chine, le principal consommateur de matières premières, va continuer de peser sur les prix, qui avaient flambé au milieu des années 2000. Et comme aucun autre pays émergent ne génère une demande suffisante pour combler le vide laissé par cette décélération, la Chine conservera sa place de numéro un en termes de demande. Dans ce contexte, il faut s'attendre à un net affaiblissement de la partie industrielle de l'économie, même en cas de stabilisation en Chine. Une autre manière de mesurer à quel point la situation des matières premières s'est détériorée est de comparer cette classe d'actifs aux actions. L'indice composé des 24 principales matières premières s'échange pratiquement à son niveau le plus bas depuis 2000 par rapport à l'indice boursier américain S&P 500. Mais l'expérience montre que la situation pourrait être encore pire. La dernière fois que les matières premières sont passées d'un marché haussier à un marché baissier, ce ratio est en effet tombé plus bas. Après les sommets atteints en octobre 1980 sur fond de pénuries de l'offre, les producteurs ont réagi à la hausse des prix en augmentant leur production. La situation s'est alors inversée et la surabondance de l'offre a finalement fait chuter le ratio de 96 % à un plancher historique de 0,1 en février 1999. Des pénuries aux situations de surabondance – cela vous rappelle quelque chose ? Aujourd'hui, dans un contexte similaire, le ratio entre l'indice des matières premières et celui des actions est tombé à un plus bas proche de 0,15, soit une baisse de 90 % par rapport à son plafond de 2008. Dans l'hypothèse où le S&P 500 se maintient aux niveaux actuels, l'indice des matières premières devrait encore perdre 33 % pour que le ratio retrouve son plancher de 0,1 enregistré en 1999. 3.1 Or : surpondérer On ne voit pas ce qui pourrait mettre fin au nouvel engouement pour l'or cette année. Même en présence d'un redressement des actions mondiales et de signes d'un renforcement de l'économie américaine, les investisseurs continuent de se jeter sur le métal jaune. Rebutés par la chute des cours boursiers due à la détérioration de l'économie mondiale (y compris en Chine), ils se sont de nouveau rués sur l'or (+15 % en euros depuis le début de l'année), après trois années de baisses. Le banques centrales de Tokyo à Stockholm ont adopté le concept de taux négatifs et même la présidente de la Fed, Janet Yellen, a déclaré que la banque centrale US ne relèvera pas ses taux d'intérêt autant qu'elle l'avait prévu en décembre dans un contexte d'affaiblissement de la croissance économique mondiale (les projections revues par les politiciens américains sous-entendent deux relèvements d'un quart de point cette année, alors que ceux-ci étaient au nombre de quatre en décembre). Et si, en théorie, cette approche est censée avoir un effet stimulant sur la croissance, en faisant payer ceux qui veulent déposer leur argent dans les caisses des banques centrales, les investisseurs craignent que cela ne déstabilise les marchés monétaires. Dans ce contexte, les taux bas représentent une bénédiction pour l'or, qui est devenu plus compétitif que les actifs portant intérêts. Même avec un rendement de 0 %, l'or peut s'avérer plus rentable que bien d'autres actifs, à une époque où les taux d'intérêt ont un effet négatif sur le capital. Les investisseurs ont tendance à se réfugier dans l'or lorsqu'ils n'ont plus confiance en leurs monnaies et en leurs systèmes financiers. Les pays qui cherchent à déprécier leurs monnaies encouragent en fait leurs citoyens à se tourner vers l'or, comme nous avons pu le constater en Chine, en Russie et dans d'autres pays émergents. L'or est alors utilisé comme une devise. Mais une devise sur laquelle la banque centrale n'a pas d'emprise directe. L'or s'échange à 1 230 dollars l'once et devance toutes les autres matières premières dans l'indice Bloomberg des matières premières. Alors que l'or risque d'être suracheté à court terme, nous le privilégions car nous pensons qu'il devrait profiter de la diminution des prévisions relatives aux taux d'intérêt aux États-Unis et de la poursuite probable des turbulences sur les marchés. La volatilité sur les marchés financiers due au ralentissement chinois/mondial et à la faiblesse des prix pétroliers ainsi que les doutes concernant l'efficacité des mesures d'assouplissement risquent de persister. Cela pourrait continuer de peser sur l'appétit pour le risque et sur les taux en dollars. Tout bénéfice pour l'or. Selon la Commodity Futures Trading Commission, la position longue nette sur les contrats à terme en or et les options ont progressé de 21 % pour atteindre 148 266 contrats au cours de la semaine qui s'est terminée le 8 mars. Il s'agit du niveau le plus élevé depuis février 2015 ! Avec la remontée des cours, les investisseurs se sont de nouveau tournés vers les ETF adossés à l'or cette année. Les actifs ont gonflé de 335 tonnes métriques depuis le début de l'année, faisant ainsi oublier la chute de 1 735 tonnes enregistrée sur l'ensemble de l'année passée. Comme l'indiquent les données du World Gold Council, les ventes d'or par les banques centrales par le passé ont entraîné une bonification du marché (offre supérieure à la demande). Mais à partir du deuxième trimestre 2009 jusqu'en 2015, les achats nets d'or effectués par les banques centrales ont absorbé la plupart du surplus, une absorption susceptible de se prolonger tant que la diversification de portefeuille de réserves se poursuit. Ceci peut être d'autant plus vrai en présence d'un affaiblissement de la demande en bijoux et investissement. Bloomberg estime que les banques centrales ont accumulé plus de 2 448 tonnes de métaux correspondant à des sorties liées à des fonds or négociés en bourse d'environ 270 tonnes au cours de la période. 3.2 Pétrole brut (Brent) : neutre Selon les prédictions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les prix du pétrole pourraient avoir atteint leur niveau plancher en raison de la diminution de l'offre en dehors de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et des perturbations au sein du groupe qui érodent la surabondance mondiale. Les fuites de pipelines et les perturbations de livraison œuvrent plus en faveur d'une réduction de la surabondance mondiale de pétrole qui ne semblent pas pouvoir s'accorder sur un seuil de production maximum. Les interruptions de production en Iraq et au Nigeria ont perturbé la production de plus de 800 000 barils par jours et tendu le marché du Brent. Cet épisode coïncide avec une hausse de 20 % des prix du Brent qui a atteint 40 dollars le baril depuis que la proposition de l'Arabie saoudite et de la Russie de limiter la production tétanise le marché et contribue à inverser le sentiment du marché vers l'optimisme. Aucune entente n'a été conclue et l'Iran continue de rejeter l'idée étant donné qu'il cherche à maximiser sa production. Si l'Arabie saoudite et la Russie enregistraient une victoire diplomatique et parvenaient à persuader les producteurs du monde entier de se joindre à eux pour geler leur production de pétrole, elles n'auraient que peu d'effet sur la surproduction mondiale (environ 2 millions de barils par jour). Ceci s'explique par le fait que l'Iran et le Brésil, les deux pays qui, selon l'AIE, renforceront le plus la production cette année, ont manifesté peu d'intérêt à ce sujet. Selon les données de l'AIE, même si d'autres producteurs comme l'Argentine et la Guinée équatoriale acceptaient de limiter leur production, leurs efforts combinés parviendraient à infléchir l'offre cette année de 50 000 barils uniquement par jour, ce qui correspond à 5 % du surplus de la production mondiale. Le problème avec ce gel de la production, basé sur une coopération plus approfondie, réside dans le fait qu'aucune des parties impliquées ne devra déployer d'efforts pour respecter ses engagements. Les quatre producteurs produisent déjà pratiquement au maximum de leur capacité. On pourrait donc comparer ce gel de la production à un appel au cessez-le-feu alors que tous les belligérants sont à court de munitions. Dans ce contexte, cela risque d'être difficile de rééquilibrer un marché du pétrole déjà très saturé. Le pétrole de schiste ne sera toutefois pas épargné et la production US va probablement légèrement diminuer. Face à la chute des prix, les opérateurs en difficultés vont notamment chercher leur salut dans des opérations de fusion & acquisition. Le processus de forage des gisements de pétrole de schiste est très standardisé et répétitif, ce qui signifie que ces entreprises sont capables de s'adapter rapidement aux changements d'environnement. Les producteurs sont en mesure d'affiner leurs opérations et de dégager d'importants gains d'efficacité. Cela devrait donc leur donner un avantage sur les producteurs conventionnels, dont les délais sont plus longs. Sauf crise géopolitique majeure (la situation est particulièrement tendue au Moyen-Orient et les pays européens ont relevé le niveau de la menace et multiplient les actions anti-terrorisme), cette conjugaison de facteurs signifie que les prix pétroliers resteront bas et volatils dans les prochains mois. Avec le temps, cette configuration des prix va faire chuter les producteurs dont les coûts sont plus élevés et va doper la demande, ce qui devrait permettre à l'OPEP de retrouver son pouvoir d'influence. On peut espérer que le trop-plein actuel de pétrole commence progressivement à se tarir sous l'effet d'une demande dopée par la chute des prix. La principale question est désormais de savoir à quel rythme le marché va se rééquilibrer. Tout dépendra ici de l'impact de la réduction des investissements réalisés en amont et de l'évolution de la demande. Les positions courtes des spéculateurs sur le brut n'ont pratiquement plus été aussi importantes depuis 2006, alors que les positions longues se trouvent à leur niveau le plus élevé en huit mois, le nombre total de contrats flirtant avec des niveaux sans précédent (données de la Commodity Futures Trading Commission). Cela laisse supposer que les effets négatifs de la chute des prix pétroliers sont, pour la plupart, probablement derrière nous à ce stade. 3.3 Métaux industriels : sous-pondérer L'industrie minière connaît probablement déjà depuis quelque temps une croissance de production supérieure à la moyenne, alors que la demande de métaux industriels en Chine, le plus grand consommateur mondial de nombreuses ressources, enregistre sa croissance le plus faible depuis un quart de siècle. Les prix à la production ont chuté de 5,3 % en janvier (sur une base annuelle), alignant ainsi une série record de 46 mois consécutifs de baisse. Cette évolution montre à quel point l'industrie manufacturière reste faible L'activité manufacturière chinoise est tombée à son niveau le plus bas en plus de trois ans en janvier, alors que l'essoufflement des traditionnels moteurs de croissance du pays augmente encore le risque de ne pas pouvoir atteindre l'objectif de croissance du gouvernement. L'indice officiel des directeurs d'achat a chuté à 49,4 (un chiffre inférieur à 50 est synonyme de contraction), son niveau le plus bas depuis août 2012. En d'autres termes, la demande chinoise de matières premières ne sera pas suffisante pour résorber l'excédent de l'offre. Dans un contexte marqué par le niveau élevé des stocks et un ralentissement économique pesant sur la demande, le recul de l'or noir a pour effet de réduire le plancher à partir duquel les sociétés minières demeurent rentables. La chute de l'or noir, de 65 % depuis le sommet de l'année passée, entraîne une diminution des coûts énergétiques pour les sociétés minières et les marchés s'attendent donc à ce qu'elles accroissent encore leur production. Les métaux industriels sont extraits à l'aide d'excavatrices et de camions au diesel et les fonderies sont alimentées par de l'électricité produite dans des centrales électriques au charbon. L'énergie représente pas moins d'un tiers des coûts de l'industrie et ce, alors que les prix des métaux (de l'aluminium au zinc) ne parviennent plus à décoller et que le nombre de mines déficitaires ne cesse d'augmenter. Selon des estimations de Macquarie, environ 16 % des dépenses nécessaires pour produire une tonne métrique de cuivre passent dans l'énergie. Et pour l'aluminium, ce poste pèse 35 %. Comme le pétrole a dégringolé de près de 70 % au cours de ces deux dernières années (à moins de 30 dollars le baril), les entreprises métallurgiques n'ont pas encore ressenti le besoin de réduire leur production, une étape pourtant nécessaire pour stopper la chute de leurs propres prix. Selon des estimations du groupe de recherche CRU Group basé à Londres, le recul de l'or noir et l'appréciation du dollar par rapport aux devises émergentes vont permettre une diminution des coûts de l'ordre de 11 % dans l'industrie du cuivre en 2016. Cette réduction des coûts offrira certes une bulle d'oxygène aux entreprises, mais elle ne permettra pas de régler le problème plus structurel des surplus. Le déclin de l'or noir pourrait donc avoir provoqué une nouvelle vague d'effets déflationnistes. Maintenant que les États-Unis ont commencé à relever leurs taux, le billet vert pourrait encore bénéficier d'un meilleur momentum, ce qui pèsera aussi de facto sur les cours des métaux industriels. 3.4 Dollar US (positif => neutre) À la suite de la dernière réunion de la Fed, les investisseurs se sont demandés si le raffermissement du dollar, qui entame sa troisième année consécutive, commençait à s'essouffler. Le dollar s'est affaibli en mars à un niveau quasi plancher depuis cinq mois au moment où les investisseurs recalculaient l'évolution du resserrement de la Fed après que celle-ci ait revu à la baisse ses prévisions de croissance économique et d'inflation et fixé un seuil plus élevé pour relever ses taux ultérieurement. L'indice Bloomberg du cours au comptant pour le dollar qui effectue le suivi de la devise par rapport à 10 principales autres devises, a perdu près de 3,8 % cette année, gommant le bénéfice de 9 % en 2015 et le rebond de 11 % au cours de l'année précédente. Les politiciens tentent de jauger le moment auquel ils procéderont à un deuxième relèvement des taux après celui de décembre qui est intervenu pour la première fois en près de dix ans. La croissance inégale aux États-Unis et le ralentissement en Chine qui ont déprimé les marchés au cours des premières semaines de l'année ont diminué les probabilités de relèvement. Les responsables ont mis à jour leurs prévisions médianes des taux d'intérêt de fin d'année à 0,875 %, ce qui implique deux relèvements d'un quart de point en 2016, alors que ceux-ci étaient prévus au nombre de quatre en décembre. Maintenant que la date du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne est connue (le 23 juin), les prévisions de dépréciation de la livre vis-à-vis de l'euro ont atteint leur niveau le plus élevé depuis la tentative avortée d'indépendance de l'Écosse. Mais ce référendum ne constitue pas uniquement une menace pour la livre. Il entraîne aussi une augmentation des risques de change sur l'ensemble du continent. Si la livre est la devise de référence qui s'est le plus dépréciée depuis 2010 (-5 % par rapport à un panier composé de 10 devises de référence depuis fin janvier), la deuxième plus forte baisse a été enregistrée par l'euro (-1 %), en raison de la multiplication des signes de ralentissement de la croissance. Le prix des options permettant de se protéger contre les risques de pertes sur la monnaie unique européenne s'est également envolé. L'éventuelle sortie des Britanniques pourrait, en effet, avoir un impact négatif sur les échanges commerciaux et encourager les autres États membres à renégocier leur relation avec l'UE. L'euro risque donc d'être encore sous pression d'ici au mois de juin. Même si le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ne serait pas contre un euro plus faible, une dépréciation due à un risque systémique aurait tout de même de quoi inquiéter. Alors qu'elle tente toujours d'effacer les traces de la crise des dettes souveraines, la zone euro aurait du mal à résister à de nouvelles turbulences menaçant sa croissance. Draghi a déjà engagé plus de mille milliards d'euros en achats d'actifs et a fait passer ses taux en négatif dans le but de raviver l'inflation et la perspective de nouvelles mesures ajoute une pression supplémentaire sur l'euro. Selon des données compilées par Bloomberg, sept des neuf principaux partenaires commerciaux du RoyaumeUni font partie de l'UE. Une sortie des Britanniques risque donc d'avoir des conséquences dommageables des deux côtés de la Manche, en cas de détérioration conjoncturelle. D'après les économistes de la fondation allemande Bertelsmann, les petits pays européens comme l'Irlande, le Luxembourg et Malte seraient les plus touchés si le Royaume-Uni venait à perdre une partie de son accès au marché unique. Cependant, même les poids lourds du continent comme la France, l'Allemagne et l'Italie n'en sortiraient pas indemnes. L'euro va donc encore s'affaiblir et restera faible.