À la suite de l'effondrement du pétrole brut qui était à plus de 100 dollars le baril à la mi-2014 et est passé à
26 dollars en février, les ratios d'endettement empirent pour de nombreuses entreprises du domaine du
forage, même les sociétés investment grade comme Anadarko Petroleum ont réduit la production et les coûts. Sa
dette représentait un multiple de 3,5 fois les revenus avant déduction d'intérêts, impôts, dépréciation et amortissement
(EBITDA) à la fin 2015, contre 0,9 un an plus tôt. Depuis le début de 2015, 48 producteurs de pétrole et de gaz du
continent nord-américain ont fait faillite : leur endettement était de plus de 17 milliards de dollars. Les entreprises de
forage américaines ont gonflé leur dette jusqu'à un montant de 237 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre,
soit une augmentation de 12 % par rapport à l'année précédente.
De nombreux producteurs ont toutefois continué de stimuler leur production jusqu'à la fin de l'année
dernière. Ceci s'explique en partie par le fait que les sociétés à court de liquidités doivent poursuivre leur croissance
pour éviter de voir leurs lignes de crédit se contracter. Le montant que les banques acceptent de prêter aux
emprunteurs dotés d'un crédit plus risqué repose sur la taille des réserves de la société et du prix du pétrole brut. Les
prêts sont ordinairement réajustés deux fois par an, aux environs des mois d'avril et d'octobre. Lorsqu'une société ne
peut ajouter de nouveaux puits, ses réserves diminuent au fur et à mesure que le pétrole est extrait du sol et vendu, ce
qui a pour conséquence de contracter les lignes de crédit au moment où la société en a le plus besoin.
Un rebond inopiné des métaux depuis le début de l'année a contribué à alléger la charge de certains
producteurs aurifères, y compris Newmont Mining et Barrick Gold et les réserves minières ont connu leur plus gros
effondrement mensuel en février depuis 2009. Les prix du minerai de fer qui ne cessaient de se dégrader pour la
troisième année d'affilée sont en hausse de 46 % cette année, bien qu'ils soient encore à mi-course de ceux qu'ils
avaient atteints il y a deux ans.
Mais la plupart des compagnies minières sont toujours en difficultés. Freeport-McMoRan, le plus gros
producteur de cuivre coté, a assisté au plus que doublement de son ratio dette/EBITDA ajusté à la fin 2015, qui est
passé de 2,1 fin 2014 à 5,6. Cette situation est très problématique. Les sociétés d'extraction ne semblent pas être si
près de la faillite. Nombre d'entre elles ont en effet négocié une dette à long terme après le dernier effondrement des
matières premières en 2008. Le coût de fermeture d'une mine est colossale, au point que les créanciers pourraient
être tentés de laisser les compagnies poursuivre leur production à perte tout en poursuivant leurs efforts pour se
séparer de leurs actifs les moins performants. Personne ne peut prédire combien de temps le fléchissement durera.
John Thornton, le président exécutif de Barrick a déclaré qu'il existe uniquement trois sorties possibles de la spirale
pour les sociétés d'extraction : « générer plus de liquidités, émettre plus de capitaux propres ou vendre des actifs ».
Ceci explique pourquoi tandis que la croissance de l'économie mondiale a ralenti, les stocks (du pétrole au cuivre) sont
abondants et l'appréciation du dollar a rendu les matières premières moins attrayantes en tant qu'investissement
alternatif. Et la crise que traverse actuellement la Chine n'augure rien de bon vu que le pays est le plus grand
consommateur de matières premières au monde.
Nous vivons un scénario inverse à celui que nous avons connu au cours de la décennie précédente. À l'époque,
l'accélération de la croissance dans toute l'Asie avait entraîné une flambée généralisée des prix, pour finalement former ce
que l'on avait appelé le « super cycle des matières premières ». Encouragés par les plafonds historiques atteints par les prix
en 2008, les agriculteurs, les sociétés minières et les entreprises de forage pétrolier avaient décidé d'accroître leur
production. Or, cette production est en train d'arriver sur le marché, précisément au moment où la croissance mondiale
ralentit. La Banque mondiale a ainsi revu sa prévision de croissance pour l'économie mondiale à la baisse, tout en soulignant
que la décélération en Chine accentuerait encore les pressions sur les matières premières.
À court terme, rien n'indique que les prix des matières premières vont arrêter de baisser. Alors que l'indice des
matières premières de Bloomberg a dégringolé de 25 % l'année passée (la cinquième année consécutive de baisse et la plus
longue série depuis la création de cette mesure en 1991), les hegde funds se positionnent en prévision de nouvelles
pertes, avec des positions « short » nettes à leur niveau le plus élevé depuis au moins 2006. Des chiffres récemment
publiés par le gouvernement estiment à 85 000 contrats « futures » et options au 12 février le total des positions « short »
prises sur 18 matières premières différentes. Il s'agit d'une des visions les plus pessimistes enregistrées depuis que ces
données sont suivies en juin 2006. L'indicateur est tombé en négatif pour la première fois de son histoire en novembre.