exposer les collections de paléontologie

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EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
Un exemple : les galeries de paléontologie du
Muséum national d’Histoire naturelle
*****
Jean-Guy Michard
Mardi 5 mai 2009
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
C’est quoi ce truc ????
Le « Monde de l’exposition » en tant
que langage repose sur deux mondes
Espace synthétique
Monde imaginaire
Espace organisé
Labyrinthe
Concepteurs absents,
Objets, artéfacts,
Visiteur acteur principal
de l’acte de médiation
Une trame narrative
Nébuleuse de significations,
d’évocations, d’émotions
Un grand absent : le monde réel
L ’exposition ne propose pas un spectacle, mais un point de vue sur le monde.
Les musées d’histoire naturelle sont
principalement axés sur la présentation
de leurs collections.
Le visiteur doit donc observer puis interpréter ces
objets de collection qui ont été sélectionnés en
fonction d’une trame narrative
Comment aborder l’étude de l’évolution
par l’observation de collections ?
L ’histoire des sciences nous apporte un éclairage :
Ainsi, trois anatomistes brillants :
Cuvier, Lamarck et Geoffroy-Saint-Hilaire,
ont utilisé les momies d ’Egypte pour proposer trois visions
différentes de l’évolution et de l’organisation animale.
Georges Cuvier : recherche sur les ossements fossiles
Il montre en 1800 que l’ibis sacré des anciens égyptiens est
identique à l’ibis blanc actuel.
En 1812, il utilise les momies pour conforter son discours
sur les révolutions du globe, et renforcer ses vues sur la fixité
des espèces et réfuter le transformisme.
Jean-Baptiste de Lamarck
1744 -1829
Fondateur du transformisme
En 1809, dans sa
« philosophie zoologique »,
il décrit les momies d ’Egypte, en
précisant que :
« l ’absence de modifications
s’explique par la stabilité du
climat dans cette région sur un laps
de temps trop court » .
Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire
1772-1844
En comparant les crocodiles
fossiles, les momifiés et les espèces
actuelles,
il prétend (1825) que le monde
vivant possède une unité de
composition.
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
Les galeries de paléontologie du
Muséum national d’Histoire naturelle
Une perte de lisibilité en quatre actes
D’une galerie à l’autre (avant 1898)
 Une nouvelle galerie différente (1898 - 1937)
 Le déclin de cette galerie (1937 - 1996)
 Un sursaut avorté ? (1996 - aujourd’hui)

Le cadre de la restauration : donner des clés
d’interprétation des objets
Trois mémoires
 Le statut de l’espèce en paléontologie

Les contraintes de la restauration
Actualisation des présentations des fossiles
 Actualisation des parcours de présentations

108 ANS D’HISTOIRE . . .
• Quelques dates
préliminaires ;
• une histoire en quatre
actes ;
• et demain …
QUELQUES DATES…
PRÉLIMINAIRES
• 1795-1807 : construction des galeries d’Anatomie
comparée rue Seine Saint Victor par Cuvier.
• 1809 : Lamarck publie « Philosophie zoologique ».
• 1829 : mort de Lamarck.
• 1832 : mort de Cuvier.
• 1853 : création de la chaire de Paléontologie.
• 1859 : Darwin publie « l’Evolution des Espèces ».
• 1872 : A. Gaudry est nommé professeur de la
chaire de Paléontologie.
Albert GAUDRY est un
fervent partisan de la
théorie de l’évolution ;
il l’enseigne dans ses
cours et dans ses
ouvrages.
Les enchaînements du monde animal :
1878 Mammifères tertiaires
1883 Fossiles primaires
1890 Fossiles secondaires
Jusqu’en 1879, le professeur de la chaire de Paléontologie
n’a pas la garde des collections de fossiles. Elles sont
réparties dans d’autres chaires (Anat, Conchyo, Géol, Zool,
Entomo…)
D’Orbigny doit constituer
sa propre collection pour
pouvoir enseigner. Il fera
sculpter des modèles pour
les foraminifères (v.1850).
Il en est de même pour
Gaudry avec ses fossiles de
Pikermi (Grèce).
UNE HISTOIRE…
EN QUATRE ACTES
•
•
•
•
D’une galerie à l’autre (avant 1898)
Une nouvelle galerie différente (1898 - 1937)
Le déclin de ces* galeries (1937 - 1996)
Un sursaut avorté ? (1996 - aujourd’hui)
1- D’une galerie à l’autre
(avant 1898)
D’une galerie à l’autre (avant 1898)
De l’autre côté du Jardin des Plantes, les anciennes galeries
d’Anatomie comparée du bâtiment dit « de la Baleine »,
accueillent aussi de nombreux fossiles remarquables, tels le
grand mosasaure de Maastricht ou l’éléphant de Durfort.
Exhumé en 1873 sur la
localité de Durfort, dans le
Gard, ce squelette de très
grande taille sera monté
dans les salles de la Baleine
en 1885, dans deux salles
réservées aux fossiles. Lors
de son transfert dans la
nouvelle galerie en 1898,
ce Mammuthus meridionalis
conserve la même posture !
Un autre pensionnaire de taille est le squelette du paresseux
géant, Megatherium, exposé en 1879 pour la première fois au
Muséum dans les salles de la Baleine, en position quadrupède,
comme son homologue de Madrid.
Le squelette de ce mammifère
xénarthre fut monté à partir de
nombreux restes osseux
provenant de la province de
Santa-Fé, en Argentine. Après
avoir trôné à l’Exposition
Universelle de Paris en 1867, il
fut enregistré en 1871 dans les
collections du Muséum.
2- Une nouvelle galerie différente
(1898 -1937)
Le nouveau bâtiment, abritant des galeries d’Anatomie
comparée, de Paléontologie et d’Anthropologie est inauguré
le 21 juillet 1898.
Dans l’esprit de Pouchet, de Hamy
et surtout de Gaudry, déçus par la
par la galerie de zoologie, il ne
s ’agit que d’une première tranche
de travaux et le bâtiment devrait
tripler de longueur pour donner à
voir les enchaînement du monde
animal, en tenant compte de
l ’accroissement des collections.
Une nouvelle galerie différente
(1898 -1937)
Les partis-pris de Pouchet
résultent de sa déception
de n’avoir pu mettre en
scène ses idées dans la
galerie de Zoologie (1889)
- un troupeau et un Cetaceum,
- présenter les grands appareils
physiologiques,
- exposer le foisonnement mais
non l’exhaustivité !
Une nouvelle galerie différente
(1898 -1937)
Les partis-pris de
Gaudry sont novateurs,
voire révolutionnaires à
plus d’un titre :
- une exposition thématique,
- qui met en scène le
concept d’évolution,
- par une sélection de
spécimens choisis !
Lors du transfert de Megatherium, Gaudry
décide d’en modifier la posture…
Le statut
épistémologique
des collections :
ici le montage du squelette
ne reflète pas une nouvelle
interprétation scientifique,
mais le souhait d ’une
muséographie plus vivante.
Ajouts et modifications…
De l’inauguration en 1898 ...
… jusqu’au départ des
collections d’anthropologie
en 1937-1938,
Les nouveaux spécimens sont
installés selon la logique
évolutionniste voulue par
Gaudry
L’installation du Diplodocus en 1908
3- Le déclin de ces galeries
(1937 - 1996)
Le déclin de ces galeries
(1937 - 1996)
- Après 1950, les vitrine hautes du
balcon sont détruites, et les meubles
des invertébrés sont sciés en deux pour
prendre leur place,
- les vitrines de la nef sont occupées
par 800 tiroirs métalliques sur la moitié
de leur hauteur,
- le contenu de ces vitrines est
complètement modifié,
- les socles de chêne sont
irrémédiablement transformés en
placards...
4- Un sursaut avorté ?
(1996 -aujourd’hui)
Après une lente déchéance et
20 ans d’alertes ...
Les Tutelles et le Muséum débloquent un
budget de 8,6 millions de francs, pour ...
Réaliser les premiers travaux de mise en sécurité
Moderniser le chauffage, l’électricité ...
Améliorer les conditions d ’accueil du public
Restaurer certains agencements
muséographiques
 Nettoyer superficiellement les grands spécimens
 Réaliser une exposition de préfiguration




Un sursaut avorté ? (1996 - aujourd’hui)
-Une exposition de préfiguration « Ossements (98) » :
- des vitrines « clés de lecture » en Anatomie comparée,
- quatre thématiques réparties en îlots, achève de brouiller la lecture de la galerie
de Paléontologie des vertébrés,
- rien en paléontologie des invertébrés,
- ni en paléobotanique,
- pas de réfection de la salle
du Bassin parisien.
1998, OSSEMENTS ...
... vers une restitution des galeries
1998, OSSEMENTS ...
... vers une restitution des galeries
Les galeries d’Anatomie comparée
et de Paléontologie du Muséum
- Depuis 1999,
la rénovation marque le pas…
…mais pas nos
interrogations !
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
Les galeries de paléontologie du
Muséum national d ’Histoire naturelle
Le cadre de la restauration : donner des clés
d’interprétation des objets de collection
Trois mémoires
 Le statut de l’espèce en paléontologie

Mémoire moléculaire
phylogénie
Mémoire anatomique
homologie
Mémoire paléontologique
filiation
Spécifier le rôle de l ’objet
dans la médiation muséale.
De la présentation d’objets de collection...
à celle de leur interprétation
effectuée par les scientifiques.
Trilobites
Reconstitution de la faune de Burgess 540 millions d’années
De la présentation de fossiles…
à leur interprétation actuelle
dans un dioramas
La notion d’espèce en paléontologie
- Contrairement à ce qui se passe en systématique actuelle,
la notion d’espèce est hasardeuse en paléontologie, et plus
particulièrement pour les vertébrés, car les populations
sont plus ou moins inexistantes.
- Certains invertébrés fossiles sont très nombreux sur un
gisement et leur évolution rapide permet de mieux cerner
les limites de l’espèce.
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
Les galeries de paléontologie du
Muséum national d ’Histoire naturelle
Les contraintes de la restauration
Actualisation des présentations des fossiles
Actualisation des parcours de présentations

Le statut épistémologique des collections :
les montages des squelettes témoins des interprétations des
scientifiques
Evolution des montages d ’Iguanodon bernissartensis
1ère description en comparant
les dents de l’animal à celles
d ’un iguane
Corne nasale
au lieu du pouce
1825, Gideon Mantell
Philosophical Transactions of the Royal Society
Evolution des montages d ’Iguanodon bernissartensis : 1853
Corne nasale
au lieu du pouce
1853, Benjamin Waterhouse
Hawkings
Cristal Palace de Sydenham
Richard Owen dîner dans
une reconstitution
d ’un Iguanodon
Evolution des montages d ’Iguanodon bernissartensis : 1880 - 1980
2 ème description en comparant
l’animal à un Kangourou
Dollo 1880
1880 Chapelle St Georges
Bruxelles
Bruxelles
ge Muséum Paris depuis 1898
Evolution des montages d ’Iguanodon bernissartensis : depuis 1980
3ème description animal tantôt bipède et quadrupède
David Norman, Musée Université d ’Oxford, 1980
Repositionnement des mains, des doigts de pieds, et de la
posture assise, impossible en fonction de la rigidité de la
queue (Norman 1991).
Musées de Paléontologie :
postures ou impostures
Doit-on modifier la
posture du moulage
d ’Iguanodon
actuellement présenté
dans la galerie de
Paléontologie du
Muséum ?
Un autre cas de figure, et non des moindres, est montage du
squelette moulé du Diplodocus, Diplodocus carnegiei, offert à
la France par le milliardaire américain et inauguré en grande
pompe, le 15 juin 1908 par le
président Fallières
Le squelette original de ce long
sauropode conservé au musée de
Pittsburgh (Pen), est en fait composé des
restes d ’au moins trois individus. Les
mains manquaient, et le musée de New
York expédia à Andrew Carnegie un pied
complet de Camarasaurus, suite à une
erreur de détermination. L’ensemble fut
moulé et 8 grands musées du monde
reçurent …« une chimère »
Evolution du montages de Diplodocus carnegii depuis 1990
Depuis une
vingtaine d ’années,
les découvertes de
pistes de sauropodes
tendraient à prouver
que leur queue ne
traînait pas au sol
lors de la marche
Moulage au Muséum de Paris, depuis 1898
Musées de Paléontologie :
postures ou impostures
Doit-on modifier la posture
du moulage de Diplodocus
actuellement présenté dans
la galerie de Paléontologie
du Muséum, ainsi que cela
s’est fait dans divers
autres musées ?
American Museum of Natural History, New York
Quel statut donner au spécimen ?
Peut-on utiliser des artéfacts ?
De ces réponses, viendront les
décisions argumentés concernant
l’évolution des présentations de la
galerie permanente du Muséum
Musées de Paléontologie :
postures ou impostures
Les grands squelettes de vertébrés fossiles
exposés dans les galeries permanentes des
musées doivent-ils et peuvent-ils refléter
l ’évolution des connaissances scientifiques ?
Quelles que soient les réponses, le questionnement va plus
loin, puisqu’il pause aussi le problème de la pertinence de
l’approche des phénomènes évolutifs, dans une galerie
permanente fondée il y a plus de 100 ans
Jusqu ’où peut-on aller : ça ?
American Museum of Natural History, New York
Ou plus modestement : ça ?
American Museum of Natural History, New York
EXPOSER LES
COLLECTIONS DE
PALÉONTOLOGIE
 La notion d’interprétation
 Le cas des galeries du Muséum
 Mémoires et statut de l’objet
 Posture ou imposture
 Risques et dangers
*****
RISQUES ET DANGERS
• Les facteurs liés aux spécimens.
• Les facteurs pysico-chimiques
externes.
• Le public.
• Faut-il exposer les originaux ?
Remerciements : à Yves Girault une partie du ppt,
 G. Carrer - Histoire des montages paléontologiques dans les musées : de l ’évolution des
techniques et des représentations. Mémoire de D.E.A. de muséologie science et société,
MNHN, Paris, 2003.
 C. Colin-Fromont - Les origines de la première exposition thématique sur l ’évolution.
La galerie de paléontologie de 1898 au Muséum d ’Histoire naturelle. Mémoire de D.E.A.
de didactique des sciences, Paris-sud, 1993.
 V. Derieux - Le statut de l ’objet paléontologique : du terrain aux collections. Mémoire
de D.E.A. de muséologie des science naturelles, MNHN, Paris, 1998.
 F. Knoll - L ’exposition de la paléontologie au Muséum national d ’Histoire naturelle.
Mémoire de l’Ecole doctorale de Muséologie, « exposer l’évolution biologique » MNHN,
Paris, 2000.
 Y. Laissus - Le Muséum national d ’Histoire naturelle. Coll. Découverte, ed. Gallimard,
Paris, 1995.
 D. Norman - La grande encyclopédie des dinosaures. Édition française, Gallimard,
Paris, 1991.
 M. Véran - Le diplodocus, hôte prestigieux du Muséum. Phytotherapy, slnd.
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