La culture comme signifiant des politiques de développement

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COLLOQUE FRANCOPHONE
INTERNATIONAL
CULTURES, TERRITOIRES ET
DEVELOPPEMENT DURABLE
LUNDI 14 ET MARDI 15 AVRIL 2014
ESPE Clermont Auvergne, 36 avenue Jean Jaurès,
63400 Chamalières, Amphis E et A
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développement durable
Le cas de la Nouvelle-Calédonie
Séverine Blaise
Maître de Conférences en Sciences Économiques à l’Université de la Nouvelle-Calédonie
Chercheuse au Centre des Nouvelles Études pour le Pacifique (EA4242)
[email protected]
1 Introduction
La nécessité d’une meilleure prise en compte de la culture dans les politiques de
développement durable est aujourd’hui internationalement et unanimement reconnue. La
déclaration de Hangzhou, adoptée en Chine le 17 mai 2013 par les participants au congrès
international de l’Unesco préconise de « mettre la culture au cœur des politiques de
développement durable ». A l’heure où la communauté internationale façonne un nouvel
agenda de développement mondial post-2015, les recommandations portent sur :
ü Intégrer la culture dans toutes les politiques et tous les programmes de développement
ü Mobiliser la culture et la compréhension mutuelle pour favoriser la paix et la
réconciliation
ü Garantir à tous les droits culturels pour promouvoir le développement social inclusif
ü Se servir de la culture pour réduire la pauvreté et assurer un développement
économique inclusif
ü S’appuyer sur la culture pour promouvoir la durabilité environnementale
ü Renforcer la résilience face aux catastrophes et lutter contre le changement climatique
par la culture
ü Valoriser, sauvegarder et transmettre la culture aux générations futures
ü Se servir de la culture comme ressource pour réaliser un développement et une gestion
durables des zones urbaines
ü Enfin, de s’appuyer sur la culture pour favoriser des modèles de coopération innovants
et durables.
« Nous réaffirmons que la culture doit être considérée comme un facteur fondamental de la
durabilité, car elle est une source de sens et d’énergie, de créativité et d’innovation, et une
ressource pour répondre aux défis et trouver des solutions appropriées » (p.2).
Pourtant, malgré la succession de diverses initiatives internationales depuis le lancement de la
Décennie mondiale du développement culturel en 1988, la prise en compte du rôle de la
culture dans les projets de développement reste à ce jour encore un vœu pieux et sa traduction
en politiques appropriées est loin d’être effective. Comme le soulignent Boidin et Djeflat, la
mise en pratique du développement durable semble encore trop impulsée, voire dictée, de
l’extérieur : « le développement durable apparaît comme répondant aux préoccupations
immédiates et évolutives des pays du Nord et des firmes transnationales : remboursement de
la dette, création de climat propice aux investissements directs à l’étranger […]. Or, ces
préoccupations sont peu génératrices de développement direct, notamment au niveau des
populations et des communautés locales. Les alliances avec les élites locales, promptes à
s’approprier, souvent en apparence, ces concepts, relèvent plus de logiques de partage et de
distribution de rente au niveau mondial que de volonté effective de correction des trajectoires
de développement. » (Boidin et Djeflat, 2009, 13).
Selon nous, plusieurs facteurs expliquent cette difficulté. Celle-ci tient d’une part aux
ambigüités engendrées par la polysémie du concept de « culture » et au caractère réducteur
d’approches fonctionnalistes de la culture fondées sur une acceptation restreinte du concept ;
d’autre part, à l’écueil de l’approche dominante du développement durable : une approche
faible de la durabilité qui ne remet guère en cause le primat de l’économie sur les dimensions
sociale et environnementale (Blaise, 2011) et qui tend à marginaliser les questions liées à la
durabilité sociale. En dépit des quelques travaux qui accordent une place importante au social
dans l’analyse du développement durable, Para et Moulaert (2011) soulignent les difficultés
d’opérationnalisation du concept et suggèrent de procéder à une culturalisation du social afin
2 de rendre la durabilité sociale tangible et lui donner un sens. Dans cette perspective, l’objectif
de ce travail est d’éclairer le positionnement de la dimension culturelle dans la
conceptualisation du développement durable, en se fondant sur une approche forte de la
durabilité. Dans une première partie, nous examinerons les conditions de l’émergence de la
culture dans les politiques internationales de développement et le passage d’une définition
restreinte à une définition plus large de la culture. Dans un deuxième temps, il s’agira de
passer rapidement en revue l’analyse scientifique des liens entre culture et développement
durable en soulignant la pertinence de l’approche systémique pour préciser le rôle de la
culture dans la sphère sociale et son sous-système économique, mais aussi dans les
interactions entre les différentes sphères. Nous montrerons que la culture n’est pas un sousproduit du développement mais un moteur du développement endogène : « Elle [la culture]
est le lieu de l’identification et de la création du sens » (Colin, 1985, 206).
Or, c’est précisément l’absence de prise en compte de la dimension culturelle et sociale du
développement qui est à l’origine de l’échec de nombreux programmes d’aide. Dans le cas de
la Nouvelle-Calédonie, nous montrerons enfin que l’insuffisante prise en compte des
spécificités de la société kanak entrave l’adoption d’une stratégie de développement durable.
Le rôle de l’économie domestique kanak et des régulations sociales qu’elle permet (Sahlins
1972, 186 ; Freyss, 1995, 260), les modes spécifiques de gouvernance qui en découlent sont
autant d’éléments qui doivent constituer le fondement d’une telle stratégie.
Nous conclurons en soulignant la nécessaire prise en compte de la dimension transversale de
la culture et son rôle de « signifiant » dans l’opérationalisation des politiques de
développement durable. L’accent sera mis sur les implications sur le plan de la recherche et
en particulier sur l’importance d’approches transdisciplinaires en lieu et place des approches
pluridisciplinaires actuelles.
I – La culture : 4e pilier du développement durable ?
Quelques années après le lancement de la décennie mondiale pour le développement culturel
(1988-1998) sous l’égide de l’Unesco, la Banque Mondiale (1991) publiait un rapport
soulignant l’importance de la prise en compte des valeurs socioculturelles dans les stratégies
de développement. Le rapport suggérait qu’une stratégie de développement fondée sur une
analyse approfondie du contexte socio-économique augmente le taux de rendement des
projets de développement. La culture est alors perçue comme un instrument permettant
d’améliorer l’efficacité de l’aide au développement, une question qui restera finalement assez
périphérique au sein des problématiques de développement. C’est ainsi que dans les Objectifs
du Millénaires adoptés lors du sommet de 2000, aucune mention particulière n’est faite de la
culture : la question de la durabilité du développement est traitée de façon sectorielle à travers
l’objectif n°7 sur la durabilité environnementale ou encore l’objectif n°8 concernant la
soutenabilité de la dette. Si des documents plus récents comme le rapport sur le
développement dans le monde 2000-01 ou encore le rapport « Voices of the poor » plaident
pour une meilleure prise en compte des questions culturelles, c’est surtout sous l’impulsion
des travaux de l’Unesco que la culture se voit progressivement accorder un rôle central dans
le développement, et dans le développement durable en particulier.
Armartya Sen est sans doute l’un des chercheurs qui ont le plus contribué à mettre en avant le
lien entre culture et développement, un lien qui tient à la fois aux finalités et aux moyens du
développement. L’idée sous-jacente est que la définition d’une stratégie de développement et
3 la façon dont le processus développement est mis en œuvre sont des questions qui ne peuvent
être traitées que dans le contexte d’une culture donnée. Dès 1995, le rapport de la commission
mondiale sur la culture et le développement intitulé « Notre diversité créatrice » avançait la
thèse selon laquelle le développement suppose non seulement l’accès aux biens et services
mais aussi la possibilité de choisir comment vivre sa propre vie avec les autres de manière
pleine et satisfaisante pour tous, encourageant ainsi l’épanouissement de l’existence humaine
sous toutes ses formes et dans sa globalité : « Séparé de son contexte humain et culturel, le
développement n’est guère qu’une croissance sans âme. Le développement économique,
pleinement réalisé, fait partie intégrante de la culture d'un peuple ». Le rapport met en garde
contre les dangers d’une homogénéisation culturelle et considère comme essentiel un
engagement vis à vis du pluralisme. On cesse dès lors d’attribuer à la culture un rôle purement
instrumental pour lui reconnaître un rôle constructif, constitutif et créatif.
La conférence internationale de Stockholm en 1998 met l’accent sur les politiques culturelles
pour le développement. Un plan d’action est établi afin de répondre à cinq objectifs
stratégiques :
1. Faire de la politique culturelle l'un des éléments clés de la stratégie de développement ;
2. Promouvoir la créativité et la participation à la vie culturelle ;
3. Renforcer la politique et la pratique afin de sauvegarder et valoriser le patrimoine
culturel, matériel et immatériel, mobiliers et immobiliers, et de promouvoir les
industries culturelles ;
4. Promouvoir la diversité culturelle et linguistique dans et pour la société de
l'information;
5. Et mettre davantage de ressources humaines et financières pour le développement
culturel.
L’importance de préserver la diversité culturelle sera affirmée à de multiples reprises, dans le
cadre de la déclaration universelle de l’Unesco en 2001 (Convention pour la sauvegarde du
patrimoine intangible), lors du sommet de Johannesburg l’année suivante, mais aussi dans le
cadre de la Convention sur la Protection et la Promotion de la diversité des expressions
culturelles adoptée en 2005. Cette dernière insiste sur l’importance d’une approche holistique
du processus de développement et introduit la dimension culturelle dans l’équation du
développement durable, en même temps que les objectifs économiques et environnementaux.
Les principes directeurs retenus sont :
ü le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ü la souveraineté des Etats membres ;
ü l'égale dignité et le respect de toutes les cultures ;
ü la solidarité et la coopération internationales ;
ü Complémentarité des aspects économiques et culturels du développement;
ü Le développement durable – la diversité culturelle est une grande richesse pour les
individus et les sociétés. La protection, la promotion et le maintien de la diversité
culturelle sont une condition essentielle pour un développement durable au bénéfice
des générations présentes et futures ;
ü l'accès équitable à une gamme riche et diversifiée d'expressions culturelles provenant
du monde entier et l'accès des cultures aux moyens d'expression et de diffusion;
ü et l’ouverture et l’équilibre – lorsque les États adoptent des mesures pour favoriser la
diversité des expressions culturelles provenant d'autres cultures du monde.
L’article 13 de la convention prévoit explicitement que « Les Parties s’emploient à intégrer la
culture dans leurs politiques de développement, à tous les niveaux, en vue de créer des
conditions propices au développement durable et, dans ce cadre, de favoriser les aspects liés à
la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles ».
4 La stratégie à moyen terme pour 2008-2013 adoptée à l’unanimité décline le programme
d’action à partir de 9 objectifs primordiaux. L’objectif 4 concernant la promotion de la
diversité culturelle, le dialogue interculturel et une culture de la paix comprend trois objectifs
stratégiques de programme :
ü OSP 9 : Renforcer la contribution de la culture au développement durable ;
ü OSP 10 : Démontrer l’importance des échanges et du dialogue entre les cultures pour
la cohésion sociale et la réconciliation, en vue de l’instauration d’une culture de la
paix ;
ü OSP 11 : Protéger et valoriser le patrimoine culturel de manière durable.
Toutefois, le rapport d’évaluation externe des objectifs du programme stratégique rendu
public en 2011, atteste d’avancées extrêmement limitées dans ce domaine (tableau n°1).
Tableau n°1 : Résumé de l’évaluation externe des objectifs stratégiques
de programme 9 et 10 de l’Unesco
Source : IOS (2011).
5 Le rapport souligne que la contribution de l’Unesco au discours international sur le
développement, en préconisant l’adoption de modèles de développement fondés sur les
valeurs culturelles contrairement au modèle socio-économique dominant, n’a pas eu
d’influence significative sur les pratiques des acteurs clef du développement (Banque
Mondiale, OCDE, etc.). Les modèles adoptés restent calqués sur le modèle de développement
occidental, ses valeurs et son épistémologie et les pays du Sud s’adaptent tant bien que mal à
ce modèle exogène.
Le rapport d’évaluation pointe également l’ambiguïté inhérente à la polysémie du concept de
culture et aux différentes approches de la culture qui en résulte. Dans les années 50, on
dénombrait quelques 164 définitions de ce concept. Deux principales acceptations du terme
culturel peuvent néanmoins être identifiées : une acceptation assez large au sens
anthropologique du terme renvoyant à la notion de civilisation1 et une acceptation plus
restrictive portant sur les expressions artistiques et culturelles, les activités créatrices.
Porcedda et Petit (2011) rappelle ainsi que « dans son acception la plus large qui rejoint par
certains aspects la vision anthropologique de cette notion, la culture englobe les valeurs
partagées par la population, la tolérance envers l’autre, les orientations et les préférences
sociales, les croyances, la langue, les idées, le savoir. Elle s’étend à l’ensemble des us et
coutumes d’une société, à son vécu, à son histoire, à son patrimoine. Prise dans un sens étroit
et usuel, elle désigne l’ensemble des formes par lesquelles une société s’exprime à travers les
arts et les lettres2. Ainsi comprise, la notion de culture alterne donc entre un sens total ou
existentiel et un sens résiduel ou institutionnel (Saint-Pierre, 2007) » (p.2-3). S’inscrivant
dans une perspective anthropologiste, Breidlid remet en cause la distinction opérée par
certains sociologues entre culture et structures sociétales : “Whereas social anthropologists
define culture as encompassing both societal structures and ways of acting and thinking
sociologists often make a distinction between culture and structure and where various groups
have different access to power and resources. But separating culture from the structures of
cultural reproduction fails to do justice to the mutually constituting dialectic of their
relations” (Breidlid, 2009, 141).
De ces deux principales acceptations du terme culture, découlent des approches
différentes des liens entre culture et développement durable : une approche parfois qualifiée
de « structuraliste » en termes d’efficience économique (culture comme une ressource,
composante tangible) et approche humaniste en termes d’équité sociale (un patrimoine à
transmettre, composante intangible). Fondée sur l’acceptation restreinte du concept,
l’approche (que l’on qualifiera plutôt de) fonctionnaliste s’inscrit dans une perspective
sectorielle et matérielle et focalise sur sa seule dimension économique (industries culturelles,
métiers de la culture ou patrimoine culturel (Parra et Moulaert, 2011). Digne (2010) par
exemple met en avant le rôle de l’économie de la culture et de l’émergence d’une classe
1
Dès 1922, Malinowski, le fondateur de l’anthropologie socioculturelle, écrivait : « Chaque culture humaine
donne à ses membres une vision bien précise du monde, leur dicte une certaine façon de l’appréhender et de le
goûter. […] Voir la vie et le monde sous des angles divers, particuliers à chaque culture, c’est cette diversité qui
m’a […] inspiré le désir sincère de comprendre d’autres genres de vie ». Chaque cosmologie sur laquelle se
fonde une civilisation reflète un paradigme, une échelle de valeurs qui se reflètent à leur tour dans ses choix
techniques et institutionnels (cité par Brelet, 2005, 92).
2
Comme le relève Pizzorni Itié et Croisé de Lacvivier (2005), « notons, au passage, combien cette définition «
restreinte » est ethnocentrée, donnant la part belle aux sociétés de l’écrit et de la technologie, productrices de
biens matériels. Les indicateurs auront de grandes difficultés à rendre compte des mobilités culturelles des
sociétés de l’oralité ».
6 « créative » dans la recherche d’une économie de l’immatériel : la culture apparaît comme un
instrument de politique économique, une source de croissance et d’emploi permettant de
renforcer l’attractivité des territoires3. D’autres mettent l’accent sur le patrimoine culturel,
tangible et intangible, sa conservation et sa transmission aux générations futures. Les
approches fondées sur une définition plus large de la culture plaident quant à elles pour une
vision plus holistique et intégrée du développement. La dimension culturelle n’est plus
considérée dans son rôle de support des trois piliers du développement durable et devient le 4e
pilier du concept auquel il convient d’accorder une attention particulière, plus autonome
(Hawkes, 2001, 2006). Ce dernier dénonce : “the tacit acceptance of the arts and heritage
version of culture has marginalized the concept of culture and denied theorists and
practitioners an extremely effective tool”. Les objectifs de durabilité sont donnés par :
ü Environmental responsibility (represented by ecological balance);
ü Economic viability (represented by material prosperity);
ü Social equity (represented by justice, engagement, cohesion and welfare); and
ü Cultural vitality (represented by well-being, creativity, diversity and innovation).
D’autres voies défendent une approche similaire : la position politique adoptée par le bureau
exécutif de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU, 2010) estime ainsi qu’ « un
paradigme composé de trois piliers ne fonctionne pas parce qu’il ne tient pas compte de
l’âme, des valeurs, pratiques et expressions qu’apportent la cohérence et le sens du
développement dans les villes, les nations et dans notre propre existence en tant qu’êtres
humains : la culture. La culture a trait à la créativité, au patrimoine, à la connaissance et à la
diversité. Ces valeurs sont intrinsèquement connectées aux libertés et au développement
humain. Il s’agit de valeurs reconnues comme dimension culturelle (soit le quatrième pilier)
du développement durable à échelle locale, nationale et internationale. […] Le développement
enraciné dans la culture et sensible au contexte local est en fait le seul mode de
développement susceptible d’être durable ».
Nurse (2006) de son côté considère que la culture ne doit pas être perçue comme le 4e pilier
du développement durable mais comme le pilier central : « by putting culture at the centre of
the sustainable development paradigm, this framework allows for greater diversity in policy
choices and breaks out of the universalistic and dependency-creating development thinking
and promotes the following values:
ü Cultural identity (the social unit of development is a culturally defined community and
the development of this community is rooted in the specific values and institutions of
this culture).
ü Self-reliance (each community relies primarily on its own strength and resources).
ü Social justice (the development effort should give priority to those most in need).
ü Ecological balance (the resources of the biosphere are utilized in full awareness of
the potential of local ecosystems as well as the global and local limits imposed on
present and future generations.
3
L’auteur met néanmoins en garde contre une réduction de la culture à l’économie.
7 Figure n°1 : La culture comme pilier central du développement durable Source : Nurse (2006).
Une série de résolutions et de déclarations est venue entériner cette nouvelle approche du
développement durable : en particulier, les résolutions de l’Assemblée générale des Nations
Unies N° 65/1 (« Tenir les promesses : unis pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le
développement », 2010), N° 65/166 (2011) et N° 66/208 (2012) sur « Culture et
développement ». Les résultats de la conférence des Nations Unies sur le développement
durable, « L’avenir que nous voulons » (Rio de Janeiro, juin 2012), affirment l’importance de la diversité culturelle ou encore de la préservation du patrimoine culturel. Hélas, en
dépit des déclarations de bonnes intentions, le rôle de la culture dans le développement
durable et sa traduction en politiques appropriées est loin d’être établi. Il paraît donc essentiel
à ce stade d’examiner de façon plus approfondie le discours scientifique sur les liens entre
culture et développement durable.
II – L’analyse théorique des liens entre culture et DD
Les difficultés rencontrées pour opérationnaliser les politiques de développement durable
tiennent précisément à la négligence de la dimension sociale et culturelle du développement.
Sur le plan théorique, le lien entre culture et développement durable fait l’objet d’un
traitement très différencié selon les auteurs. Sur la base d’une lecture croisée des travaux de
Soini et Birkeland (2014) et Para et Moulaert (2011) complétée par nos soins, nous pouvons identifier huit familles de corps de littérature4, même si les frontières sont parfois assez fines : 4
La revue de littérature proposée par Soini et Birkeland étant fondée uniquement sur des articles publiés dans
des revues à comité de lecture référencées, pour intéressante qu’elle soit, nous semble beaucoup moins
éclectique et complète que le travail proposé par Para et Moulaert.
8 Dans la première définition de l’écodéveloppement donnée par Sachs (1980, 1997), le lien entre culture et développement durable était très prégnant (tout comme la dimension
territoriale du développement). D’après Sachs (1997), « cherchant des racines endogènes aux
modèles de modernisation et aux systèmes intégrés de production, il s’agit de promouvoir le
changement dans la continuité culturelle, traduisant le concept normatif d’écodéveloppement
en une pluralité de solutions locales, propres à chaque écosystème, à chaque contexte culturel
et à chaque site » (Sachs, 1997 : 30 cité par Para et Moulaert, op. cit.). Cette vision de la
culture met l’accent sur les liens entre développement, territoire et culture. Son rôle est alors
relationnel, contextuel : la culture est relié au social.
1) Plus récemment d’autres contributions ont mis en avant l’ancrage territorial du
développement durable et les liens entre culture et développement local. Etroitement liée à
question de la diversité culturelle, ce corps de littérature incorpore l’espace, le temps et la
culture et met en lumière les perceptions et les droits culturels des personnes marginalisées
dans la société. Une distinction est faite entre la culture locale, spatialisée et la culture
globale et le développement local est considéré comme le seul en mesure d’intégrer et de
respecter les valeurs locales. Le cas du tourisme est souvent analysé (Jamal et Stronza, 2008 ;
Dorsey et al.) ainsi que le rôle des systèmes locaux de gestion des ressources (Hill et
Woodland, 2003 ; Elbakidze et al., 2010 ; ou encore Choy, 2004) tant du point de vue de la
survivance du système locaux de connaissances, des valeurs et des traditions (Dyer et al.
2003), que du point de vue de la soutenabilité écologique et économique (Grinspoon 2002,
Costa-Neto, 2000). L’implication des populations locales dans la prise de décision et la
planification du développement apparaît essentielle (Macbeth, 2005 ; Tresender et Krogman,
2003). Dans cette perpsective : ‘‘cultural sustainability requires that development preserve
and foster the cultural meanings and practices of the societies in which it takes place’’
(Macbeth, 2005). Enfin, notons la contribution de Mancebo (2009) qui insiste sur
l’importance des marqueurs territoriaux établis par chaque culture qui formalisent son mode
d’appropriation de l’environnement et sur le caractère essentiel d’une approche interculturelle.
2) Un deuxième corps de littérature s’intéresse au rôle de la culture dans la gestion des
ressources naturelles. La culture y est définie comme l’ensemble des pratiques culturelles ou
comme le capital culturel. Elle est considérée dans sa dimension fonctionnelle à la gestion des
ressources et aux normes de comportements. On s’interroge alors sur l’influence de différents
types culturels et sur la gestion et l’utilisation des ressources. Cochrane (2006) explore le concept de capital culturel et propose un cadre pour évaluer son influence sur la gestion et l’utilisation du capital naturel autour de trois domaines clés : l’influence de la culture sur les objectifs de management ; sur l’efficience de l’utilisation du capital naturel ; et enfin sur la demande. Hedlund-de Witt (2011) explore le rôle des croyances religieuses,
spirituelles et transcendantales et celui de notre vision du monde comme des agents moraux
qui forment notre sens du devoir et de la responsabilité envers autrui et la nature. A partir de
l’exemple de la culture new Age, il suggère que ce rôle est significatif dans la formation des
préférences, dans la formation de l’opinion publique et du soutien politique, comme
indicateur des comportements vis-à-vis de l’environnement ou encore dans la perception de la
qualité de la vie. Selon Parra et Moulaert (2011), la principale limite de ces travaux « est de
ne pas prendre ne compte les changements dans le temps, l’histoire des territoires et les dimensions relationnelles de la culture. Ces études ne sont donc pas capables ni de contextualiser les comportements, ni de reproduire la genèse des « cadres mentaux » (mental frames) qui orientent ces comportements (Pahl-­‐Wostl et al., 2008) » (p.7).
9 3) Un autre pan de littérature appréhende la culture comme une ressource pour le
développement durable dans sa dimension économique et en particulier le rôle ou l’impact des
infrastructures culturelles et/ou de l’industrie culturelle dans la durabilité.
Malheureusement, la culture y est souvent réduite à sa dimension matérielle (infrastructures construites par exemple), artistique et parfois patrimoniale (héritage). A l’instar de Digne (2010), Thorsby (2001, 2008) analyse la contribution des industries
culturelles au développement durable. Le patrimoine culturel est appréhendé comme un stock
qu’il convient de transmettre aux générations futures.
4) Une quatrième famille de travaux adopte une approche instrumentale assez similaire dans
laquelle la culture est une ressource pour la vitalité économique et le développement régional
ou local grâce au tourisme (Farsini, 2011, Mccartney and Osti, 2007). Askegaard, et
Kjeldgaard (2007) considèrent ainsi : ‘‘When the aim is to generate regional development and
strengthen local culture and industry in the face of globalized competition, one must begin
with culture as a resource’’. A la différence de la littérature sur l’héritage culturel qui prend
davantage un positionnement conservationiste, ces auteurs adoptent une vision plus
dynamique de la culture et de sa reproduction : la culture locale se construit dans et pour
l’espace global. Dans cette perspective, les moyens de promotion de la durabilité culturelle
reposent sur les forces du marché (place branding and marketing).
D’autres travaux relatifs au tourisme examinent les liens entre culture, tourisme et
développement durable du point de vue des impacts sociaux et culturels du développement
touristique dans les communautés d’accueil (Proulx, 2006 ; Weaver, 2001 ; Breton, 2006).
Ces derniers peuvent être à la fois positifs – le tourisme comme source de (re)culturalisation
durable par le partage d’un héritage culturel et l’enrichissement mutuel inhérent aux échanges
entre cultures – mais aussi négatifs en déclenchant un processus de déculturation /
acculturation et une marchandisation des valeurs.
5) En cinquième lieu, c’est une approche de la culture comme action normative qui est mise
en avant à travers les liens entre éducation et développement durable. La culture, définie
comme éducation et formation, est ici un moyen de développement humain, prôné en
particulier dans les pays du Sud et par des organisations internationales comme l’Unesco,
Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) et des initiatives comme les Agendas 21 de la
culture.
6) Le sixième corps de littérature, déjà évoqué précédemment, met l’accent sur la durabilité
culturelle. Pour Hawkes (2001 et 2006), le concept de culture fait référence à la création
communautaire, des valeurs, des significations et des objectifs dans la vie. La culture devient
le quatrième pilier du développement durable et la vitalité culturelle s’impose à la fois
comme une condition de durabilité et comme un état sociétal souhaité. L’Unesco, CGLU
(2010) et Du Plesis et al. (2010) défendent une approche similaire faisant de la culture une
dimension clé des politiques locales et mettent au cœur des préoccupations la question de la
diversité culturelle5. Van der Bosh (2009) analyse le rôle des artistes dans la transmission de
5
Auclair (2011) souligne les ambigüités que soulève de la notion de diversité culturelle : un premier lieu, celle-ci
a tendance à se substituer à d’autres enjeux comme l’accès à la culture ; ensuite le concept renvoie à la protection
des minorités, la lutte contre le racisme et les discriminations et plus généralement à la défense de droits culturels
qui prêtent à controverses (s’agit-il de permettre à tous les groupes sociaux de maintenir leurs traditions sociales,
culturelles, religieuses ? quid des problématiques liées à la violence faites aux femmes et aux enfants ?) ; en
outre, la promotion de la diversité culturelle présente un risque d’autonomisation des expressions culturelles
communautaires au lieu de rassembler des cultures autour d’un socle de valeurs communes ; enfin, la promotion
10 formes diverses de capital culturel, et Amberg (2010) celui des bibliothèques dans la
promotion d’une vitalité culturelle durable dans les zones rurales. Trimarchi (2004) examine
les liens entre héritage culturel et les arts de scènes. Enfin, Nurse (2006) adopte quant à elle
une posture plus épistémologique : en positionnant la culture comme le pilier central du
développement durable, elle fait de l’identité culturelle un concept clé.
Les deux dernières familles de travaux méritent, selon nous, une attention toute particulière.
Surmontant l’écueil d’une approche fonctionnaliste ou instrumentale de la culture, celles-ci
s’inscrivent dans une approche plus systémique des relations entre la dimension culturelle et
les autres dimensions du développement durable et accordent une attention toute particulière
aux réflexions d’ordre philosophique.
7) La septième famille s’attache ainsi à analyser les fondements épistémologiques des
différents modèles de développement durable et notamment des rapports nature-culture. La
culture y est appréhendée comme un mode de vie et de pensée. On y trouve les débats autour
des paradigmes de durabilité faible et forte (Costanza, 1999 ; mais aussi Costanza et al.1997 ;
Daly, 1990, 1994), de la question de l’éthique (Leopold, 1949), mais aussi entre les approches
anthropocentristes, utilitaristes, biocentristes, écocentristes ou de la deep ecology.
8) Pour terminer, les approches co-évolutionnistes et institutionnalistes portent sur les
rapports société-nature-culture. Norgaard (1984, 1987, 1994), Opschoor et Van der Straaten
(1993), Martinez-Ballaste et al. (2006), Sumberg (2002), Michaelidou et al. (2002), Jadgwiss,
(2002), Jenkins (2010) ou encore Jollivet (2001) mettent en lumière l’importance des
dynamiques d’intégration entre les êtres humains et la nature par le biais de co-évolution des
valeurs, des savoirs, des technologies et de l’environnement. Dans cette perspective, « la
diversité biologique et la diversité culturelle s’inscrivent dans une interdépendance dynamique dont la durabilité du système entier va dépendre » (Berkes et Folke 1992, 1994). Newing (2010) introduit à cet égard le concept de « diversité bioculturelle » afin de rendre compte des interrelations et co-­‐évolution entre les sphères biologique, culturelle et linguistique dans un système socio-­‐écologique complexe en constante évolution. Lynch (2010) et Grinspoon (2012) font valoir la nécessaire prise en compte des connaissances écologiques et sociales et du système de connaissance local dans le processus de prise de décision des politiques publiques. Plusieurs contributions mettent l’accent sur le rôle critique de la culture en termes d’adaptation au changement : la culture détermine le rythme de changement sociétal durable (Beddoe et al., 2009 ; Burton et Paragahawewa, 2011 ; Ball, 2002 ; Goncz et al., 2007 ; ou encore Birkeland, 2008). En effet, toutes les cultures disposent de mécanismes d’adaptabilité aux changements, à l’innovation… « Ce sont ces ressorts qu’il faut étudier, faire émerger et activer, au cas par cas, comme une couture à petits points » (Pizzorni Itié et Croisé de Lacvivier, 2005). Les travaux antérieurs réalisés sur le concept de développement durable ont mis en évidence les limites du paradigme de la durabilité faible portée par la pensée économique orthodoxe : en particulier, l’hypothèse de substituabilité entre les différents
types de capitaux qui fonde le paradigme de la croissance exponentielle ne résiste pas à
l’examen attentif des spécificités du capital naturel, de l’existence de seuils d’irréversibilité,
de l’incertitude et des contraintes écologiques absolues qui s’imposent aux hommes (Blaise, des activités créatrices ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés (culture savante contre culture
populaire ? culture non marchande versus industries culturelles).
11 2011). C’est donc dans une perspective de durabilité forte, grâce aux apports de l’approche systémique et de la thermodynamique, que nous entendons à présent approfondir l’analyse des liens entre culture et développement durable. A cet égard, l’approche co-­‐évolutionniste nous paraît riche d’enseignements. III – Le rôle du capital culturel : une perspective co-évolutionniste
A la suite de Nicholas Georgescu Roegen, de René Passet et bien d’autres encore, nous
affirmons la pertinence de l’approche systémique et des principes thermodynamiques pour
appréhender les relations entre l’économie, le social et l’environnement. Ce nouvel esprit
scientifique (Bachelard) ne réduit pas le monde et la vie à des modèles préétablis et
immuables comme le proposait le paradigme mécaniste : « il a pour règle épistémologique et
pour éthique de respecter la complexité et la dynamique du vivant, partant du principe
qu’aucun phénomène n’est isolé des autres et que tous sont interdépendants et en interaction
constante. […] Ainsi, le nouveau paradigme et sa vision des systèmes vivants coévoluant en
boucle, au lieu de «progresser» de manière à la fois linéaire, séparée des autres et antagoniste,
n’est pas très différente des cosmogonies des nombreuses sociétés traditionnelles qui, sous la
métaphore de la Terre-Mère (Gaïa chez les Grecs, ou encore Yeye chez les Yoruba),
comprenaient notre planète comme un seul être vivant (la biosphère) fonctionnant selon
l’interaction des cycles de l’eau, de l’oxygène, des saisons, etc. De même, les sociétés
traditionnelles considèrent que le corps humain fonctionne, à l’instar de cette Terre-Mère
sacrée, suivant des cycles biologiques (hormonaux, sommeil, respiration) et des liaisons
circulaires, co-évolutives entre ses différents systèmes (hormonal, digestif, respiratoire, etc.) »
(Brelet, 2005, 93). A l’heure où l’analyse sociale se trouve dominée par des modèles de
comportement rationnel qui extraient les actions économiques de leur contexte social et
historique et de leur environnement, il s’agit de rappeler que les questions « environnementales » contiennent d’emblée des faits sociétaux et la réaction des systèmes naturels à l’action des hommes conduit à des ajustements diachroniques » (Leciak, 2008, 1). Dans cette perspective transdisciplinaire et holistique, le système économique est appréhendé comme un sous-­‐système du système social, lui-­‐même un sous-­‐système de l’écosphère dans laquelle il s’insère. Cette simple inclusion suffit à nous placer devant un certain nombre d’évidences : « si les activités économiques n’ont de sens que par rapport aux hommes, c’est dans la sphère des relations humaines et non en elles-­‐mêmes qu’elles trouvent leur finalité ; le bien-­‐être social (et là encore, chacun en est d’accord avant de proposer, en fait, le contraire de ce qu’il affirme) ne se réduit pas à une simple accumulation de richesse de biens et de services. […] Les éléments de la sphère économique appartiennent à la biosphère et obéissent à ses lois, mais tous les éléments de la biosphère n’appartiennent pas à l’économique et ne se plient pas à ses régulations » (Passet, 1979, 4). Or, l’économie néglige les variations du capital naturel et la rupture des régulations qu’elle engendre. Dès lors, la régulation du tout ne peut être effectuée à partir du sous-­‐système économique, ce qui implique le primat du social sur l’économique. La pérennité des sous-­‐systèmes humain et économique étant subordonnée au maintien de la biosphère, quelques règles de précaution minimales s’imposent (Daly, 1990) : 1) ne pas exploiter les ressources renouvelables au-­‐delà de leurs taux de régénération, 2) ne pas excéder les capacités d’assimilation et de recyclage des écosystèmes dans lesquels les déchets sont rejetés, 12 3) ne pas exploiter les ressources fossiles au-­‐delà de leur capacité de substitution par des ressources renouvelables. 4) L’irréversibilité de la perte de biodiversité implique en outre qu’elle soit préservée afin notamment de renforcer la résilience des écosystèmes. Le développement durable est alors défini comme l’activité économique permanente maintenant les niveaux de chaque type de capital naturel de la région dans laquelle elle s’insère, au-­‐dessus des seuils de reproductibilité de la biosphère. Pour autant, cette définition très normative du développement durable pose de redoutables difficultés dans sa mise en œuvre. En particulier, elle néglige les objectifs de durabilité sociale : quelles sont les finalités de l’acte économique (être ou avoir) ? Quel sens donner aux politiques de développement durable ? Verhelst (2000), nous invite à « retourner aux fondements de nos convictions spirituelles ou humanistes afin d’y puiser énergie et vision pour une action citoyenne responsable et solidaire. Il nous faut retrouver « le sens de la vie », de la vie personnelle et collective. C’est le rôle de la culture et, en son centre, de la spiritualité. Il nous faut creuser la question du sens, revitaliser notre culture, notre quête de sens » (Verhelst, 2000, 3). Nous considérons également que cette difficulté ne
peut être surmontée que par une « culturalisation du social » afin de rendre la durabilité
sociale plus tangible (Parra et Moulaert, 2011). La culture n’est pas un sous-produit du
développement mais un moteur du développement endogène : « Elle [la culture] est le lieu de
l’identification et de la création du sens » (Colin, 1985, 206). En conséquence, les règles
énoncées plus haut ne peuvent servir que de cadre général pour l’opérationnalisation des
politiques de développement durable, une sorte de matrice autorisant un foisonnement
d’alternatives, en fonction des caractéristiques culturelles de chaque communauté. Il s’agit en particulier de détailler le lien nature-culture ; d’analyser le rôle de l’action collective dans la
gestion des rapports entre nature et société et d’appréhender un système socio-écologique
dans sa dimension territoriale (Parra et Moulaert, Ibid.).
A partir d’une définition large de la culture, ces interactions systémiques peuvent être
analysées à l’aide de la notion de capital culturel (malgré les limites et les imperfections d’une
telle dénomination). Le capital culturel est défini comme l’ensemble des facteurs qui donnent aux sociétés humaines les moyens et permettent les adaptations nécessaires pour interagir avec leur environnement naturel et le modifier activement (Berkes et Folke, 1994). Le terme « culture » est ici utilisé au sens anthropologique du terme comme l’ensemble des règles d’une société qui constitue le fondement de l’action collective. Le capital culturel inclut des facteurs tels que les institutions politiques et sociales, l’éthique environnementale (vision du monde) ainsi que le système de connaissances traditionnelles d’une société. La figure n°2 décrit les relations de premier ordre entre les différents types de capital : le capital naturel (NC), le capital culturel (CC, qui inclut le capital social et humain) et le capital fabriqué par l’homme (H-­‐MC). Capital naturel, capital fabriqué par l’homme et capital culturel sont étroitement liés : le capital naturel constitue la base du capital culturel ; le capital fabriqué est généré par l’interaction entre capital naturel et culturel, ce dernier déterminant comment une société utilise le capital naturel pour créer du capital manufacturé. Berkes et Folke soulignent que certains aspects du capital culturel, tels que les institutions impliquées 13 dans la gouvernance des ressources et l’éthique environnementale, sont cruciaux pour le potentiel d’une société à développer des relations durables avec son environnement naturel. Figure n°2 Relations de premier ordre entre les différents types de capital Source : Berkes et Folke (1994). Le capital culturel se trouve ainsi à l’interface entre le capital fabriqué et le capital naturel.
L’objectif de durabilité nécessite de préserver et de renforcer le capital culturel, dans la
mesure où celui-ci offre aux sociétés les moyens et les adaptations nécessaires pour
développer des actions collectives. Berkes et Folke (1994) montrent que cela implique de :
1) Préserver et promouvoir la diversité culturelle. Celle-­‐ci constitue la clé de diverses adaptations à l’environnement mais aussi de diverses visions du monde qui sous-­‐tendent ces adaptations. La diversité apparaît ici comme un facteur de résilience, tant du point de vue des systèmes humains que des systèmes écologiques (Gadgil, 1987).
2) Valoriser les connaissances écologiques traditionnelles qui ont connu une attention renouvelée ces dernières décennies (sur le pan de l’agriculture, de la pharmacologie, de l’ethnobotanique et plus généralement sur le plan de la gestion des ressources communes). Le rôle fondamental des systèmes de connaissances locaux (SCL) a été mis en lumière notamment par Breidlid (2009) qui étudie l’impact du SCL dans l’éducation, comme instrument du développement durable6. 3) Créer / renforcer les institutions qui ont souvent été détruites par la colonisation au Sud ou dégradées au point de ne plus assurer leur rôle régulateur dans l’utilisation des ressources naturelles. 4) Développer des cadres d’action collective sur la base des interdépendances (Olson 1965, Wade 1987) au niveau local comme au niveau international. 5) Faire évoluer la coopération et développer des normes sociales permettant une utilisation durable des ressources (Olstrom, 2010). 6
Lorsque les langues et les cultures des peuples autochtones sont marginalisées, cela pose non seulement des
difficultés majeures d’apprentissage dans le système éducatif, mais cela nuit en outre à la confiance et en
l’estime de soi des populations concernées. La priorité accordée au système de connaissances non-autochtone
(occidental) a des implications majeures sur la distribution du pouvoir dans ces sociétés. Il ne s’agit pas de
succomber à la tentation d’une idéalisation et d’une surévaluation de ce système de connaissances, mais bien
d’une complémentarité avec le système de connaissances et l’épistémologie occidentaux (Breidlid, 2009).
14 6) Modifier, lorsque cela est nécessaire, l’éthique environnementale (en particulier la vision occidentale du monde dans laquelle l’homme se perçoit comme extérieur à la nature) en restaurant l’idée d’une « communauté d’êtres ». Pour certains la cause de cette aliénation réside dans notre emphase culturelle sur l’objectivité (Everenden, 1985) ; pour d’autres, notre cosmologie est trop fondée sur l’empirisme et le scientisme, qu’elle est trop mécaniste et analytique au détriment des notions humanistes et de moralité envers la nature (Skolimowski, 1981). La vitesse de changement des valeurs de systèmes sociaux hiérarchisés est ici d’une importante déterminante ainsi que l’horizon de temps des individus. 7) Renforcer l’apprentissage social (social-­‐learning) : les comportement adaptatifs se diffusent en premier lieu très lentement dans une société, puis prennent de la vitesse en se diffusant au-­‐delà d’un nombre critique d’individus. Lorsque ce seuil est atteint, alors le comportement est adopté très rapidement par le reste de la population. L’accent est mis sur le lien inséparable entre socio-diversité et biodiversité, le processus
dynamique de leur coévolution et leur rôle dans la reproduction systémique (Jenkins, 2010 ;
Keesing, 1981 ; Jacob, 1982 ou encore IUCN et al., 1991). Guillite (2005) met néanmoins en
garde contre les risques liés à la muséification d’un type de diversité : « la diversité culturelle ne doit pas servir d’otage au maintien d’une diversité élevée en différents lieux. Au contraire, elle doit justifier la préservation d’une diversité originale (mais pouvant être pauvre en termes de nombre d’espèces) dans chaque lieu, associée à un profil socioculturel typique des communautés humaines qui façonnent le lieu. Ainsi, à une échelle plus grande englobant d’autres lieux eux-­‐mêmes ayant une diversité originale, on finit par observer une réelle biodiversification que l’on peut indubitablement associer à une socio-­‐diversité multi-­‐spatiale. Les analyses ne doivent donc pas se tromper d’échelle de perception des interactions nature-­‐culture en termes de diversité ».
Par ailleurs, une remarque s’impose quant au lien supposé positif entre cultures
traditionnelles, vernaculaires ou territoriales et développement durable (par opposition à la
culture de la modernité). Si la prévalence de cultures traditionnelles augmente la probabilité
d’un style de vie durable, celui-ci n’est toutefois pas garanti (Jenkins, 2010). Ces cultures
constituent néanmoins le fondement d’un développement endogène. Cela revient aussi à dire
que certains arrangements institutionnels peuvent échouer, ou au contraire réussir à éviter la
tragédie des biens communs (Hardin, 1968). A cet égard, l’approche institutionnelle des systèmes de propriété commune est particulièrement éclairante (Ostrom, 1990, 2010) : l’analyse des formes d’auto-­‐organisation et d’auto-­‐gouvernance de l’action collective doit faciliter la mise en pratique de la gouvernance du développement durable (voir sur ce point Parra et Moulaert, op.cit.).
Au final, cela revient sans doute à admettre qu’il peut exister, sur cette planète, différents
types de développement durable, structurés par les identités culturelles et le système socioéconomique qui en découle. « Affirmer la dimension culturelle du développement devrait […] tout simplement conduire à reconnaître que celui-­‐ci est né dans une culture particulière et qu’il est difficile de l’en détacher. À partir de là pourrait s’ouvrir un débat sur la compatibilité du « développement » avec d’autres constructions sociales, ou d’autres cultures (que celles de l’Europe ou de l’Amérique du Nord principalement)» (Rist, communication au Forum de la Banque interaméricaine de développement, cité dans Pizzomi Itié et Croisé de Lacvivier, 2005). 15 IV – Le cas de la Nouvelle-Calédonie ou l’écueil d’une vision économiciste
du développement
C’est précisément l’absence de prise en compte de la dimension culturelle et sociale du
développement qui est à l’origine du « discours autocentré » des sociétés occidentales et de
l’échec de nombreux programmes d’aide au Sud. Victimes du « syndrome du réverbère », les
pays en développement se sont plus ou moins bien positionnés dans la continuité des modèles
de développement prévalent en Europe et aux Etats-Unis au XVIIIe et au XIXe siècle. Or, non
seulement les pays du Sud connaissent des conditions initiales radicalement différentes
(contexte d’acculturation et de déstructuration lié à la colonisation) mais ils pensent leur
développement dans un réseau productif, commercial et financier mondial dominé par les
nations industrialisées et les grandes entreprises transnationales et dans un environnement
international défavorable aux pays les plus pauvres dans l’échange. De plus, la conception
occidentale du développement fondée sur l’individualisme et la primauté de l’économique, se
heurte aux traditions holistes et à la primauté du social qui caractérisent de nombreuses
sociétés traditionnelles. Cette divergence sur la priorisation des enjeux du développement
explique aussi en grande partie les résultats décevants des politiques d’aide au développement
(Freyss, 1955, 40).
La Nouvelle-Calédonie n’échappe malheureusement pas à cet écueil. Derrière les difficultés
de développement du Caillou, se joue la lutte entre deux cultures et entre deux idéologies :
l’une individualiste, l’autre communautaire (Lodge et Vogel, 1987). La société occidentale,
basée sur le profit et l’accumulation s’oppose à la société kanak basée sur l’échange et le don.
Il en résulte deux conceptions du changement et du sens que doit prendre le développement.
Pendant longtemps la conception de l’intérêt général qui a prévalu était celle de l’intérêt de la
population européenne : partant du principe qu’il était souhaitable d’adopter le modèle
occidental, il s’agissait alors d’intégrer purement et simplement les kanak dans l’économie de
marché (Freyss, 1995, 20-21). Comme en atteste l’échec de nombreux projets FADIL et
ODIL, ces stratégies intégrationnistes ou assimilationnistes n’ont pas apporté les résultats
escomptés (Leblic, 1993,168-169). Pourquoi ? Parce qu’on ne s’est jamais vraiment intéressé
aux aspirations profondes du peuple autochtone et aux difficultés auxquelles il doit faire face
pour les satisfaire. A cet égard, les choses sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît : une
bonne partie de la population kanak souhaite s’intégrer dans l’économie marchande, mais
souhaite aussi conserver un certain mode de vie traditionnel. Doit-on considérer cette position
comme antinomique ? Pas forcément si l’on convient que le système économique doit être au
service d’un projet de société. Le respect du « droit à la différence » s’est progressivement
imposé comme une nécessité : il s’agit de donner le choix aux individus en ce qui concerne la
définition de leurs stratégies professionnelles et de leur mode de vie (Sourisseau, 2008, 129).
Cet objectif s’affiche d’ailleurs comme une priorité des politiques publiques de la Province
Nord, et de façon sensiblement différente en Province des Iles Loyauté, mais souffre
notamment de l’inadaptation du cadre institutionnel et règlementaire et des outils de
développement existants, largement importés du système français.
Comment dès lors prendre en compte les cultures locales (en particulier kanak mais aussi
celle des autres communautés ethniques) dans la stratégie de développement ? Comment
développer sans déstructurer tout en préservant les valeurs et les pratiques coutumières jugées
fondamentales par les kanak ? Les expériences et les diverses évaluations menées jusqu’ici
donnent quelques pistes de travail :
16 (1) Partir de la réalité sociale et culturelle en s’appuyant sur les différents réseaux d’alliance
du clan ou de la famille et sur les modes spécifiques de gouvernance qui en découlent.
Comme dans de nombreux autres pays du Sud7, la gestion coutumière est centrale dans les
dynamiques de transformation du monde rural calédonien. La gestion des ressources
naturelles doit s’appuyer sur les communautés locales et le système autochtone de gestion du
territoire. Il s’agit ainsi de renforcer l’autogestion du territoire par les populations locales.
Cela nécessite de prendre en compte les stratégies de pouvoir et les fondements des rapports
de force (appartenance lignagère) pour comprendre les logiques et les fondements des
stratégies de gestion du territoire (Rey, 2009). Plusieurs instruments ont été mis en place en ce
sens : des comités de gestion des aires protégées (notamment pour les zones inscrites au
patrimoine mondial de l’Unesco), des Groupement de droit particulier local (GDPL), ou
encore des opérations groupées d'aménagement foncier (OGAF, bientôt substituées par des
opérations de développement local), avec des résultats mitigés.
Il convient ici d’insister sur la pertinence et le rôle de certaines pratiques coutumières dans la
gestion durable des ressources. Les interdits, par exemple, jouent un rôle crucial dans la
gestion des ressources renouvelables (en limitant les accès aux stocks), surtout lorsque
l’administration est défaillante. Il permet aussi de contrôler les actes de personnes étrangères au lignage. L’interdit est donc un moyen de l’organisation économique et sociale d’une société. Il figure parmi les dispositifs cognitifs des populations qui veulent contrôler l’accès aux ressources. Une ritualisation de ces règles peut s’avérer un instrument efficace de développement durable (Rajaonson, 2005). (2) Insérer les projets dans des schémas de développement qui donnent lieu à une réelle
participation des principaux acteurs concernés (et pas simplement une consultation). Or de
nombreuses questions se posent sur les conditions d’une participation effective de chacun en
milieu tribal, étant donné les structures hiérarchiques et de pouvoir. Les liens de parenté
exercent un rôle majeur dans la structuration de la prise de parole et du pouvoir si bien que les
aspirations des populations sont bien souvent les aspirations de ceux qui ont le pouvoir. La
participation des femmes ou des jeunes en particulier ne va pas sans soulever certaines
difficultés. Comme Ballet et al. (2009) le soulignent dans le cas des pays d’Afrique
Subsaharienne, la mise en œuvre de projets participatifs de gestion des ressources se heurte
bien souvent à des antagonismes dans les valeurs et les représentations entre populations
locales et agents chargés de la conservation, des antagonismes dans les modes d’appropriation
des espaces, une faible implication réelle des populations et une faible cohérence des
politiques publiques.
(3) Analyser les conditions du changement en menant des études approfondies dans le
domaine de la sociologie du développement, en particulier de l’organisation spécifique des
relations sociales et des changements sociaux impulsés par l’interaction entre culture kanak et
culture européenne. En effet, l’accélération des rythmes et la rupture des régulations (socioéconomique et environnementale) fragilisent considérablement les sociétés locales
(Sourisseau et al., 2008, 132). Pour Mathieu et Freudenberger (1998, 107), "les systèmes de
gestion locaux innovent et trouvent des réponses adaptées, ou ils disparaissent". Cette
adaptabilité et cette réactivité sont aux antipodes de l’archaïsme et de l’immobilité
qu’induisent les termes « traditionnel « ou « coutumier ».
7
Chaboud et al. (2009)
17 (4) Prendre en compte l’économie domestique kanak. Or, celle-ci ne peut s’appréhender en
dehors des régulations sociales qu’elle permet (Sahlins 1972, 186 ; Freyss, 1995, 260). En
particulier, les échanges coutumiers non monétaires sont de puissants facteurs de réduction
des inégalités et de cohésion sociale. Il s’agit d’avoir une connaissance beaucoup plus fine de
l’imbrication entre économie marchande et économie domestique afin d’analyser les
conditions de leur double prévalence. Il ne s’agit plus ici de lutter contre le dualisme, mais au
contraire de le maintenir.
A cet égard, la question de la mesure de cette économie domestique et de ses dynamiques
paraît déterminante. En ligne avec les recommandations du Rapport Sen-Fitoussi-Stiglitz, il
convient de dépasser les indicateurs de développement traditionnels, en intégrant les sphères
non-monétaire et environnementale dans la comptabilité nationale. En NC, la mesure des
progrès accomplis en termes de rééquilibrage doit mettre en exergue la prégnance et la
richesse des relations non marchandes (et ce quelque soit la communauté). Dans le cas de
l’agriculture, seules les transactions effectuées à travers les réseaux formels étant prises en
compte, il y a indéniablement une sous-estimation des dynamiques dans ce secteur.
L’évaluation des ressources non monétaires réalisées dans le cadre de l’enquête Budget
Consommation des Ménages par l’ISEE constitue une source précieuse d’informations qui
mériterait d’être approfondie (voir Jone, 2010), tout comme l’enquête sur les tribus menée
actuellement par l’IAC. Les efforts de consolidation de la comptabilité publique réalisés par
l’ISEE doivent se poursuivre et s’élargir à l’élaboration d’une comptabilité verte et à la
réalisation d’enquêtes permettant de saisir des aspects plus qualitatifs du développement
humain et les spécificités des modes de vie locaux (pluriactivité). Les indicateurs doivent
aussi être davantage adaptés aux choix de politiques publiques depuis la provincialisation et à
la mesure du « rééquilibrage » (Accord de Nouméa, 1998), notamment en ce qui concerne les
statistiques ethniques disponibles.
Cette nécessaire prise en compte des spécificités du peuple autochtone, doit permettre de ne
pas reproduire les erreurs commises par le passé : pour se développer les activités marchandes
ne doivent pas entrer en concurrence avec les activités non marchandes et ne pas perturber
l’organisation sociale kanak. Cela implique de trouver des formes originales d’organisation du
travail, et d’effectuer une adaptation du droit du travail. Cette prise en compte doit aussi
permettre de lever les réticences des kanak face à une plus grande insertion dans l’économie
marchande, qui tient bien souvent au manque d’information, de discussion sur ce que peut
être un développement adapté, prenant en compte les contingences sociales et culturelles
(Leblic, 1993). Un accompagnement de proximité s’avère primordial dans les dispositifs mis
en oeuvre (Sourisseau et al., 2008, 62), notamment pour les populations les plus enclavées
(Gaillard, 2010, 204). Il constitue le terrain idéal pour trouver des solutions innovantes
permettant de construire le destin commun.
Cette reconnaissance de la culture autochtone ne doit évidement pas se faire au détriment de
la cohésion sociale de la société calédonienne. Celle-ci constitue le fondement de la définition
d’un projet de développement, qui n’est rien d’autre qu’un choix de société. Le diagnostic
réalisé par Angeon et Fomoa-Adenet (2010), montre que la faiblesse des liens de sociabilité et
de solidarité explique en grande partie la difficulté commune des départements français
insulaires d’Amérique à construire et porter un véritable projet de territoire. En NC, les liens
de solidarité sont très importants dans la communauté autochtone, mais extrêmement faibles
entre les différentes communautés. Comment renforcer la cohésion sociale ? Partager des
valeurs communes est un premier pas, mais il faut aussi s’accorder sur les rapports sociaux
sous-jacents à une dynamique de développement endogène. « Quelle règle de répartition du
18 produit et quel poids de la structure sociale traditionnelle dans ce mode de répartition ? »
(Freyss, 1995). Il n’y a sans doute pas assez de débats sur ces questions.
Au final, la dynamique de développement engagée sur le Caillou qui repose sur la double
rente nickel / transferts publics, engendre inégalités, vulnérabilités et dépendances et s’inscrit
dans une trajectoire non durable (Brelaud et al., 2009 ; Couharde et al., 2010). Dans une
approche de durabilité faible, le calcul de l’épargne véritable de la Nouvelle-Calédonie fait
apparaître une tendance structurelle à la baisse à partir de 1982 : « Le rythme de l’évolution
de l’investissement est donc inférieur à la croissance modérée de l’exploitation du nickel. De
ce fait, le taux d’épargne diminue : l’utilisation de la rente pour la consommation l’emporte
sur l’investissement » (Couharde et al., 2010, 12). Les auteurs pointent le biais important
introduits par les transferts publics et la forte vulnérabilité de l’épargne véritable aux
variations de la rente nickel. L’épargne véritable autonome (hors transferts publics) est quant
à elle négative depuis le milieu des années 80, ce qui signifie que la NC n’est pas en capacité
d’assurer la soutenabilité de son développement. Les travaux prospectifs réalisés mettent en
lumière le surinvestissement en capital physique, l’insuffisante valorisation du capital
intangible et du capital naturel ainsi que la vulnérabilité croissante de l’économie
calédonienne : vulnérabilité aux transferts publics, au nickel, à l’environnement ou encore aux
migrations (Ibid., 80-84). Une meilleure prise en compte du capital culturel de la NouvelleCalédonie pourrait sans aucun doute permettre d’orienter le développement du Caillou vers
une trajectoire plus durable.
Conclusion
En dépit du consensus affiché sur le rôle fondamental de la culture dans le développement
durable, les stratégies de développement mises en œuvre à travers le monde peinent à intégrer
ces principes et poursuivent leur processus d’uniformisation planétaire. Le caractère
polysémique du concept de « culture » et les approches différenciées qui en découlent, mais
aussi l’approche faible de la durabilité dans laquelle la plupart de ces approches s’inscrivent,
expliquent en grande partie cette évolution. Fondée sur une approche systémique, l’analyse de
la coévolution des systèmes sociaux et écologiques permet de mette en exergue la dimension
transversale de la culture et ses interactions avec les autres dimensions du développement
durable. L’analyse de la culture spécifique à chaque société, en mettant l’accent sur les
questions de durabilité sociale, permet de donner un sens aux politiques de développement
durable et constitue un outil fondamental pour l’opérationnalisation de ces stratégies de
développement.
Cela implique de croiser les perspectives disciplinaires et de dépasser la pluridisciplinarité
pour mettre en œuvre la transdisciplinarité, ce qui a d’importantes implications sur le plan de
la recherche. Or, la logique du système actuel d’évaluation de la recherche va bien souvent à
l’encontre d’une telle évolution, par exemple en valorisant davantage les travaux strictement
disciplinaires que les travaux transdisciplinaires et en focalisant sur un nombre réduit de type
de production scientifique. Le défi est grand, mais sans doute pas aussi grand que les enjeux
d’un développement plus respectueux des spécificités locales, de l’humain et de la nature.
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