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de rendre la durabilité sociale tangible et lui donner un sens. Dans cette perspective, l’objectif
de ce travail est d’éclairer le positionnement de la dimension culturelle dans la
conceptualisation du développement durable, en se fondant sur une approche forte de la
durabilité. Dans une première partie, nous examinerons les conditions de l’émergence de la
culture dans les politiques internationales de développement et le passage d’une définition
restreinte à une définition plus large de la culture. Dans un deuxième temps, il s’agira de
passer rapidement en revue l’analyse scientifique des liens entre culture et développement
durable en soulignant la pertinence de l’approche systémique pour préciser le rôle de la
culture dans la sphère sociale et son sous-système économique, mais aussi dans les
interactions entre les différentes sphères. Nous montrerons que la culture n’est pas un sous-
produit du développement mais un moteur du développement endogène : « Elle [la culture]
est le lieu de l’identification et de la création du sens » (Colin, 1985, 206).
Or, c’est précisément l’absence de prise en compte de la dimension culturelle et sociale du
développement qui est à l’origine de l’échec de nombreux programmes d’aide. Dans le cas de
la Nouvelle-Calédonie, nous montrerons enfin que l’insuffisante prise en compte des
spécificités de la société kanak entrave l’adoption d’une stratégie de développement durable.
Le rôle de l’économie domestique kanak et des régulations sociales qu’elle permet (Sahlins
1972, 186 ; Freyss, 1995, 260), les modes spécifiques de gouvernance qui en découlent sont
autant d’éléments qui doivent constituer le fondement d’une telle stratégie.
Nous conclurons en soulignant la nécessaire prise en compte de la dimension transversale de
la culture et son rôle de « signifiant » dans l’opérationalisation des politiques de
développement durable. L’accent sera mis sur les implications sur le plan de la recherche et
en particulier sur l’importance d’approches transdisciplinaires en lieu et place des approches
pluridisciplinaires actuelles.
I – La culture : 4e pilier du développement durable ?
Quelques années après le lancement de la décennie mondiale pour le développement culturel
(1988-1998) sous l’égide de l’Unesco, la Banque Mondiale (1991) publiait un rapport
soulignant l’importance de la prise en compte des valeurs socioculturelles dans les stratégies
de développement. Le rapport suggérait qu’une stratégie de développement fondée sur une
analyse approfondie du contexte socio-économique augmente le taux de rendement des
projets de développement. La culture est alors perçue comme un instrument permettant
d’améliorer l’efficacité de l’aide au développement, une question qui restera finalement assez
périphérique au sein des problématiques de développement. C’est ainsi que dans les Objectifs
du Millénaires adoptés lors du sommet de 2000, aucune mention particulière n’est faite de la
culture : la question de la durabilité du développement est traitée de façon sectorielle à travers
l’objectif n°7 sur la durabilité environnementale ou encore l’objectif n°8 concernant la
soutenabilité de la dette. Si des documents plus récents comme le rapport sur le
développement dans le monde 2000-01 ou encore le rapport « Voices of the poor » plaident
pour une meilleure prise en compte des questions culturelles, c’est surtout sous l’impulsion
des travaux de l’Unesco que la culture se voit progressivement accorder un rôle central dans
le développement, et dans le développement durable en particulier.
Armartya Sen est sans doute l’un des chercheurs qui ont le plus contribué à mettre en avant le
lien entre culture et développement, un lien qui tient à la fois aux finalités et aux moyens du
développement. L’idée sous-jacente est que la définition d’une stratégie de développement et