enseignement social de l`Eglise catholique

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L'enseignement social de
l'Église catholique
2 DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE
D'UNE DOCTRINE
DES PÈRES DE L'ÉGLISE À JEAN-PAUL II
Diaporama réalisé sur la base de l’ouvrage épuisé
chez fayard:
« Pour une civilisation de l’Amour » par la Père
Patrick de Laubier et Jean-Nicolas Moreau /1990 –
Ouvrage mis gracieusement par Don Patrick à
disposition pour tout enseignement en la matière.
Qu’ils en soient ici remercié!
1
DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
Ambroise de milan et le droit romain christianisé
Chrysostome prophète du partage
Augustin d‘Hippone et les deux cités
Thomas d'Aquin et les trois cités
Antonin de Florence et l'éthique de l'économie
Francisco de Victoria et les indiens du Nouveau monde
Francesco Suarez et le droit international
Bossuet et la monarchie absolue – genèse d'une crise de la
pensée politique
L'Église et les droits de l'homme en 1789
Pie IX et Léon XIII, des réponses chrétiennes au libéralisme et au
socialisme. . .
Un siècle d'enseignement social chrétien de Léon XIII à JeanPaul II: l'espérance d'une civilisation de l'amour.
2
ANTONIN DE FLORENCE
ET L'ÉTHIQUE DE L'ECONOMIE
• Schumpeter a écrit à propos d'Antonin de Florence que
« c'est peut-être le premier auteur à qui l'on doit une
approche globale de l'économie sous ses différents
aspects essentiels (1)». Hommage imposant rendu à un
dominicain devenu archevêque de Florence qui
composa une Somme théologique dont on a pu tirer un
véritable traité d'économie de facture étonnamment
moderne. Nous nous en tiendrons pour l'essentiel à
l'oeuvre économique d'Antonin de Florence, sans oublier
que ce grand saint dont ,la candidature au titre
prestigieux de docteur de l'Église fut proposée en 1838
par un de ses successeurs sur le siège de Florence, fut
remarquable à bien d'autres titres dans une ville qui était
devenue pour deux générations (1434-1494) un centre
religieux, culturel et économique incomparable.
3
Antonin archevêque
• Lorsque Antonin est nommé archevêque
de Florence en 1446, Cosme de Médicis
(1434-1464) a réussi à fonder un principat
héréditaire qui connaîtra son apogée avec
Laurent le Magnifique (1469-1492), suivi
immédiatement de la tentative
théocratique de Savonarole (1494-1498),
dominicain comme Antonin.
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Vocation précoce
• Né en 1389 dans une famille aisée de
Florence – son père était notaire –,
Antonin sollicita son entrée dans l'ordre
dominicain à l'âge de 14 ans; on lui
imposa un délai jusqu'au moment où il
saurait par coeur l'énorme volume des
Décrétales de Gratien qu'il apprit en un
an. Il fut alors admis au noviciat.
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depuis vingt ans l'Église connaît un schisme
• Nous sommes en 1403, depuis vingt ans l'Église connaît un
schisme qui durera près de quarante ans (1378-1417), cela
au lendemain de la grande peste (1348) qui emporta le tiers
de la population européenne. Partout la violence et
l'immoralité caractérisaient la vie publique et celle des
familles.
• Catherine de Sienne et Brigitte de Suède avaient réclamé
quelques années plus tôt, avec des accents prophétiques,
une réforme de l'Église – à commencer par la tête –, mais la
tertiaire dominicaine était morte l'année même où le schisme
se produisit (1378). Peu avant de mourir à Rome, Catherine
était passée à Pise où des dominicains fervents avaient
recueilli son message de réforme qui gagna ceux de
Florence.
• En 1409, il y avait trois papes; les dominicains de Florence
prirent parti pour celui de Rome, Grégoire XII, ce qui les
obligea à quitter la cité toscane favorable à Alexandre V.
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incarnant l'esprit de réforme
• Après l'épreuve du schisme, la grâce de l'unité
semblait enfin acquise mais ne dura guère et au
lendemain de la chute de Constantinople (1453)
les adversaires grecs de l'union l'emportèrent
sur ses partisans. Entre-temps (1445), Antonin
était devenu archevêque de Florence, incarnant
l'esprit de réforme par son zèle, et sa sainteté,
au coeur d'une cité qui inaugurait une étape
nouvelle dans la vie économique dont allait sortir
le capitalisme moderne.
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la Florence d'Antonin
• Avec 100 000 habitants, la Florence d'Antonin était aussi
peuplée que la Constantinople de Chrysostome ou que
le Paris de Louis XI. Dès 1338 on comptait plus de 200
fabriques produisant chaque année 80 000 pièces de
drap. Aux 7 arts majeurs et 14 arts mineurs s'ajoutaient
les banques au nombre de 72 en 1422. Les Médicis,
banquiers des papes et des rois, avaient des bureaux en
dehors de l'Italie à Bruges, Genève, Londres et Avignon.
Cette capitale économique du monde occidental était
aussi un haut lieu culturel et lorsque Antonin demanda à
Fra Angelico de peindre ses admirables fresques dans
les cellules du couvent de Saint-Marc, le dominicain
montrait que sa piété n'était pas ennemie de la beauté.
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l'oeuvre la plus originale d'Antonin
• Nous nous attacherons ici à présenter l'oeuvre
la plus originale d'Antonin, à savoir la partie de
sa Somme théologique consacrée à la
théologie morale et plus particulièrement à la vie
économique. Le traité d'économie reconstitué
par l'Allemand Carl Ilgner à partir de citations de
la Somme théologique d'Antonin permet de
confirmer le jugement. de Schumpeter faisant du
dominicain un précurseur de l'économie
moderne appréhendée dans une perspective
globale.
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l'ampleur de la perspective
d'Antonin de Florence
• Dans une première partie consacrée au processus de
production (rerum fabriea), sept chapitres examinent
successivement, la production des richesses, la valeur
économique des biens, les prix, la monnaie, les paiements, le
crédit et les opérations de change. La seconde partie est
consacrée à la répartition des richesses économiques avec
six chapitres portant respectivement sur les conditions d'un
partage équitable, la propriété, la pauvreté, les assurances, le
juste salaire et le profit. La troisième partie porte sur la
consommation des biens avec deux chapitres pour le secteur
privé, traitant respectivement du bon et du mauvais usage
des biens économiques, et deux chapitres relatifs au secteur
public à propos des impôts et de la dette.
• On mesure par la seule énumération des chapitres de
l'ouvrage d'Ilgner l'ampleur de la perspective d'Antonin de
Florence, ce haut lieu du capitalisme naissant.
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il distingue trois critères
• Antonin suit Thomas d'Aquin dès qu'il s'agit des
principes régulateurs de la vie morale, mais son apport
devient vraiment original avec l'application qu'il en fait
dans la vie économique concrète.
• Pour définir la valeur économique, il cite Aristote et saint
Thomas, qui mettaient en présence l'acheteur et le
vendeur ayant en commun un besoin portant sur des
biens dont le prix est mesuré en argent, puis il distingue
trois critères pour évaluer ce besoin : la virtuositas, qui
correspond à peu près à la notion d'utilité chez les
classiques, la rareté et la complacibilitas ou le désir
d'une chose (1).
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• On sait que les économistes classiques et
Marx se sont engagés sur une voie sans
issue avec la théorie de la valeur/travail
qui a été abandonnée un siècle après
avoir été adoptée (1)
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Le besoin (solvable) véritable fondement de
la valeur économique
• Antonin fait donc du besoin (solvable) le véritable
fondement de la valeur économique dont l'estimation est
tributaire du moment, du lieu et des personnes,
autrement dit du marché.
• Théologien, Antonin se préoccupe du juste prix et il
évoque trois sortes de limites au jeu du marché : le droit,
la coutume et une certaine discrétion (discretio) liée aux
personnes. Il s'agit de régulations à caractère éthique
qui fondent ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui « une
économie sociale de marché » obtenue grâce à des
coutumes et
à un comportement éthique dont l'inspiration est
chretienne.
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• Nous ne pouvons pas entrer dans tous les
détails des analyses économiques
qu'Antonin aborde en théologien certes,
mais aussi en observateur très attentif des
processus économiques et financiers dont
la Florence du XVe siècle était le siège.
• Nous nous attacherons plus spécialement
à la distribution et à la consommation des
richesses.
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A propos de la propriété
• A propos de la propriété, Antonin commence par
rappeler la destination universelle des biens qui est de
droit naturel.
• C'est après la faute originelle, selon les Pères, que la
propriété privée des biens a été rendue nécessaire; elle
est donc légitime, sauf en cas de détresse qui ouvre
alors un droit au partage des biens disponibles.
• Saint Thomas distinguait à cet égard un droit naturel
absolu et un droit naturel relatif dont l'appropriation
privée est un exemple.
• Celle-ci permet une meilleure gestion des biens, mais
l'usage (usus) des ressources ainsi produites doit
donner lieu à un certain partage spontané ou réglé par
des lois.
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• On se souvient de Chrysostome suggérant
que les cinquante mille habitants les plus
riches de Constantinople puissent
partager leurs biens avec les cinquante
mille autres plus pauvres pour régler une
fois pour toute la question sociale.
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il propose ce que nous appellerions
une politique sociale
• Antonin n'envisageait pas la même solution pour les cent
mille Florentins de son temps. Citant la loi mosaïque,
Aristote, saint Thomas et Scot à l'occasion, il propose ce
que nous appellerions une politique sociale, capable de
pallier les trop grandes inégalités économiques sans
pour autant supprimer les incitations à entreprendre :
une certaine égalité des possessions, des redistributions
périodiques des terres mais non des habitations
urbaines.
• Il entre dans les détails d'une régulation juridique et
coutumière pouvant s'appliquer à une société humaine
dont tous les membres, quoique
chrétiens, ne sont pas décidés à mettre tout en commun.
Encore quelques années et la tentative malheureuse de
Savonarole (1494-1498) montrera que la prudence
d'Antonin était fondée.
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La famille est au coeur de l'activité
économique
• La famille qui est au coeur de l'activité économique
préindustrielle est l'objet d'une attention toute
particulière d'Antonin qui évoque la division sociale du
travail entre hommes et femmes, la question du juste
salaire, le salaire familial et la gestion du budget
domestique que l'on peut représenter par des cercles
concentriques avec, au centre, les dépenses
nécessaires à la vie de la famille, puis l'épargne, ensuite
la part donnée aux pauvres et enfin les dépenses de
magnificence (magnificencia) qui ne doivent pas être
confondues avec la prodigalité, sévèrement
condamnée au contraire. Florence n'aurait pas été ellemême sans ces magnificences des citoyens les plus
riches.
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Légitimité et richesses
• Ces derniers avaient pu acquérir leurs richesses par des
gains dont le saint archevêque examina attentivement
l'origine. Il excluait le prêt à intérêt, mais admettait des profits
acquis en prenant des risques et en gérant habilement ses
affaires. Les assurances et les opérations de change
n'échappent pas non plus au regard du moraliste qui en
scrute les conditions d'exercice.
• On constate donc l'absence de condamnation a priori d'un
certain enrichissement dès le moment où il est légitimement
obtenu et correctement dépensé à l'intérieur de la famille et
dans la cité.
• Des remarques précises à propos de l'élégance féminine
révèlent le pasteur soucieux de la moralité de ses ouailles. On
ne demande pas aux Florentines d'être mal habillées, mais
plutôt de ne pas être indécentes ni extravagantes. Plus
généralement le luxe est réprouvé en évoquant la situation
des pauvres qui souffrent de la faim et du froid.
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impôts et dette publique
• Au niveau de la cité, la question des impôts et de la
dette publique fait l'objet de remarques s'inspirant
notamment du grand canoniste dominicain R. de
Pennafort (1175-1275) qui préconisait non seulement la
modération, mais aussi le caractère progressif de la
taxation. Saint Thomas est aussi cité lorsqu'il rappelle
que les princes sont institués non pour leur propres
intérêts, mais pour le bien public.
• Antonin entre plus en avant dans les détails de
l'établissement et de la collecte des impôts, directs et
indirects, qui soulevaient de graves questions morales et
avaient des conséquences sociales considérables. Enfin
il aborde longuement le problème de la dette publique et
de son remboursement.
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double lumière:
de la raison et de la Révélation
• Les questions d'éthique économique soulevées
par saint Antonin de Florence, sont pensées à la
double lumière de la raison et de la Révélation,
mais il faut souligner l'importance, sans
précédent, du caractère proprement scientifique
de cette réflexion qui part des données
empiriques fournies par une cité devenue,
pendant deux générations, le plus grand centre
des activités économiques et financières de
l'Europe à la veille de la Renaissance.
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Christianiser l’usage de la richesse
• L'approche du dominicain n'est pas celle de
Bernardin de Sienne (1384- 1444), prophète
franciscain plus proche de Jean Chrysostome
qui se bornait, on l'a vu, à exhorter au partage
ou au dépouillement, sans se préoccuper de la
production et de la gestion des richesses.
Antonin sait que le spirituel doit coucher dans le
lit de camp du temporel (Péguy) et au moment
où l'Europe va s'enrichir il ne préconisa pas de
renoncer à la richesse, mais de christianiser son
usage.
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Économie et développement social
• On a reproché à la doctrine sociale de
l'Église d'avoir négligé les aspects
proprements économiques du
développement social ; ce reproche ne
s'adresse pas à Antonin de Florence qui,
vivant lui-même très pauvrement, a su
penser en théologien et en pasteur la vie
quotidienne d'une société en pleine
croissance économique.
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jamais traduite du latin
• Les encycliques des papes, depuis un siècle, ont repris la
tradition éthique et scientifique de l'archevêque de
Florence, mais il faudra attendre, du moins en langue
française (1), le Cours d'économie sociale du P. Ch.
Antoine SJ (1896) qui s'inspire des encycliques de Léon
XIII, pour trouver un traitement systématique de la vie
économique et sociale dans une perspective vitalement
chrétienne.
• De nos jours, La lettre pastorale des évêques
américains sur l'enseignement social catholique et
l'économie américaine (1986) est un bon exemple de
cette approche à la fois théologique et empirique
caractérisant l'oeuvre d'Antonin de Florence qui, par une
singulière infortune, n'a jamais été traduite du latin. Mieux
connue, elle aurait peut-être contribué à éviter le silence
des docteurs catholiques sur les questions économiques
du XVIe au XVIIIe siècle.
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Calvin au XVIe siècle
• Calvin, au XVIe siècle (2), proposa une
nouvelle approche de la vie économique
dont l'esprit a été associé par Max Weber
à l'apparition du capitalisme (3), tandis que
le libéralisme trouvait en Locke (16321704) un maître qui exerça une influence
considérable et présida en fait à la
naissance de l'économie politique
classique.
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L'Utopia de Thomas More
• L'Utopia de Thomas More (1516) peut
difficilement passer pour une expression de la
doctrine sociale catholique, mais cette critique
de la société anglaise sous le couvert d'une cité
idéale de type socialiste donne une indication
sur l'esprit d'un enseignement qui privilégie le
bien commun et dénonce les dangers de
l'argent. Il ne faut pas oublier que les Pères et
les docteurs de la grande scolastique médiévale
enseignaient que la propriété privée était une
conséquence du péché originel.
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Après Antonin
• Si Antonin de Florence n'eut pas de successeur en éthique de
l'économie, la seconde scolastique du XVIe siècle – avec
ses maîtres espagnols et italiens, les dominicains Francesco
de Vitoria (1480-1546), Domingo de Soto (1494-1560),
Melchior Cano (15091560) et Domingo Banez (1528-1604),
les jésuites Robert Bellarmin (1542-1621) et Francisco
Suarez (1548-1617). – renouvela la pensée politique
d'inspiration chrétienne à l'âge de l'État-Nation et de la
découverte du Nouveau Monde.
• On peut même dire que Vitoria et Suarez posèrent les
bases du droit international moderne à partir d'une
réflexion originale sur le droit des gens.
• Successivement nous présenterons ces deux grands
théologiens dont la contribution à l'enseignement social de
l'Église marque un moment très important qui n'aura pas
d'équivalent, avant la fin du me siècle, lorsque Léon XIII
reprendra, à sa manière, la tradition scolastique.
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