Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité

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CHAPITRE 6 Le contrôle judiciaire de la
légalité constitutionnelle

La mise en œuvre: le contrôle judiciaire de la
constitutionnalité

ARRÊTS
Harper c. Canada (Procureur général)
[2000] 2 R.C.S. 764
Figueroa c. Canada (Procureur général),
[2003] 1 R.C.S. 912
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 Ce sont les tribunaux, qui, dans notre système constitutionnel,
sont chargés de faire respecter la conformité à la hiérarchie des
normes.
 En droit britannique
 Il n'existe pas, en Angleterre, de Loi constitutionnelle audessus des lois du Parlement.
 « Le Parlement et l'exécutif ne sont pas liés par les décisions
des tribunaux concernant la légalité de leurs actions et que
seule la convention constitutionnelle les oblige à suivre l'avis
des tribunaux sur ces questions »

Ivor JENNINGS Ivor, The Law and the Constitution, University of
London Press 1964.
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 En droit américain
 Ce rôle des tribunaux a été énoncé pour la première fois aux Etats-
Unis, dans une affaire célèbre, Marbury c. Madison qui exprime bien la
place prépondérante de la Constitution.
 … …[S]i une loi est incompatible avec la constitution et que la loi et la
constitution s'appliquent toutes deux à un cas particulier, de sorte que la
cour doit statuer sur ce cas en conformité avec la loi sans tenir compte
de la constitution, ou encore en conformité avec la constitution sans
tenir compte de la loi, la cour doit déterminer laquelle de ces règles
contradictoires s'applique à l'affaire. Cela relève de l'essence même de
la fonction judiciaire.
 Si donc les juges doivent tenir compte de la constitution, et si la
constitution est supérieure à la loi ordinaire, c'est la constitution, et non
pas la loi ordinaire, qui régit l'affaire à laquelle toutes les deux
s'appliquent.
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 Ceux qui contestent le principe selon lequel la constitution doit être
tenue par le juge comme une loi suprême, en sont réduits à la nécessité
de soutenir que les juges doivent ignorer la constitution, et n'appliquer
que la loi.
 Cette doctrine minerait les fondements mêmes de toutes les
constitutions écrites. Elle considérerait qu'un acte qui, selon les
principes et la théorie de notre gouvernement, est entièrement nul, est
néanmoins, en pratique, obligatoire en tous points.
 Elle admettrait que, si le pouvoir législatif venait à faire ce qui est
expressément défendu, cet acte, nonobstant l'interdiction absolue,
serait en réalité effectif. Elle donnerait en pratique au pouvoir législatif
une omnipotence considérable tout en prétendant restreindre ses
pouvoirs dans d'étroites limites. C'est assigner des limites et déclarer
dans le même temps que ces limites peuvent être outrepassées à
volonté."
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 Au Canada, avant 1982, les juges étaient habitués à appliquer un
raisonnement similaire.
It is the proper function of a court of law to determine
what are the limits of the jurisdiction committed to
them; but, when that point has been settled, courts of
law have no right whatever to inquire whether their
jurisdiction has been exercised wisely or not.
 Lord Watson dans Union Colliery Co. of British
Columbia v. Bryden [1899] A.C. 580
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 En droit canadien, en matière de contrôle de l’activité judiciaire:
 « Si le tribunal a excédé sa compétence dans une décision, cette
dernière n'est pas une décision du tout selon la loi qui définit les
pouvoirs du tribunal parce que le Parlement ne pouvait pas avoir
l'intention de conférer pareil pouvoir d'étendre sa compétence légale au
moyen d'une décision erronée quant à l'étendue de ses propres
pouvoirs."
 Succession Woodward c. Ministre des Finances [1973] 2RCS 120,
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 En droit canadien
 Dans l'affaire Law Society of Upper Canada c. Skapinker [1984] 1 RCS
357, la Cour suprême a clairement affirmé une conception identique de la
place de la Loi constitutionnelle au Canada en citant, avec approbation de
longs extraits de l'affaire Marbury c. Madison.
 Il appartient nettement au pouvoir judiciaire de préciser l'état du droit. …
…[S]i une loi est incompatible avec la constitution et que la loi et la
constitution s'appliquent toutes deux à un cas particulier, de sorte que la
cour doit statuer sur ce cas en conformité avec la loi sans tenir compte de
la constitution, ou encore en conformité avec la constitution sans tenir
compte de la loi, la cour doit déterminer laquelle de ces règles
contradictoires s'applique à l'affaire. Cela relève de l'essence même de la
fonction judiciaire.
Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité
 En droit canadien
 Dans Operation Dismantle c. La Reine [1985] 1 R.C.S. 441,
la Cour a maintenu une position identique en déclarant:
 "Le législateur a assigné aux tribunaux à titre de
responsabilité constitutionnelle la tâche de décider si la
décision d'autoriser les essais de missiles de croisière
violent les droits des appelants garantis par la Charte. Les
exemples précédents montrent pourquoi le législateur a agi
ainsi. Il est donc à mon avis non seulement approprié que
nous statuions sur la question; nous avons l'obligation
constitutionnelle de le faire." La juge Wilson, (p. 473)
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
Afin de départager l’intervention judiciaire de l’intervention législative, les
tribunaux se sont imposé les limites suivantes :
La doctrine de la justiciabilité
Il existe tout un éventail de questions litigieuses exigeant l'exercice
d'un jugement judiciaire pour déterminer si elles relèvent à bon droit de
la compétence des tribunaux.
La justiciabilité est une "doctrine [...]
fondée sur une préoccupation à l'égard du rôle approprié des tribunaux
en
tant
que
tribune
pour
résoudre
divers
genres
de
différends" Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441.
 Une question est non justiciable des tribunaux si elle met en cause "des
considérations morales et politiques qu'il n'est pas du ressort des
tribunaux d'évaluer".
 L'examen de la justiciabilité consiste en un examen de l'opportunité
pour les tribunaux, sur le plan de la politique judiciaire
constitutionnelle, de trancher une question donnée ou, au contraire, de
la déférer à d'autres instances décisionnelles de l'administration
politique.

LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
La doctrine de la justiciabilité
 Les procédures de renvoi, qui permettent au gouvernement
de
poser des questions directement à la Cour d’appel ou à la Cour
suprême, posent parfois des questions à connotation politique.
Dans le Renvoi relatif à la Sécession du Québec, la Cour
suprême a dit qu’elle pouvait refuser, pour cause de non
justiciabilité, de répondre à une question dans les deux cas
suivants :
 Si, en répondant à la question, la Cour outrepasserait le rôle
qui lui revient dans le cadre constitutionnel de notre forme
démocratique de gouvernement (légitimité);

Si la Cour ne peut donner une réponse relevant de son
champ d’expertise : l’interprétation du droit.
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
La retenue judiciaire
 Les tribunaux refusent généralement de se prononcer sur des questions
devenues théoriques soit en raison d’un changement législatif, soit en
raison de la disparition du litige entre les parties qui avait donné
naissance à l’action.
 La procédure de renvoi est susceptible d’introduire devant les tribunaux
des problèmes plus théoriques. Bien que peu fréquent, les tribunaux
peuvent refuser de répondre à une question jugée trop imprécise ou si
on leur a pas fournir suffisamment d’information pour y répondre
correctement.
 Par exemple, la Cour suprême dans le Renvoi relatif au mariage entre
personnes du même sexe [2004] 3 R.C.S. 698 a déclaré :
 ¶ 62. La Cour a rarement exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser
de répondre à une question posée dans un renvoi, ce qui témoigne de
l’importance qu’elle attache à ses attributions consultatives. La Cour
peut néanmoins refuser de répondre à une question posée dans un
renvoi lorsqu’elle juge qu’il serait inapproprié d’y répondre, soit parce
que sa teneur n’est pas suffisamment juridique (ce qui n’est pas le cas
en l’occurrence), soit parce
que tenter d’y répondre créerait des
problèmes à d’autres égards.
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
La retenue judiciaire
 Les
tribunaux ne se prononcent pas sur les questions
constitutionnelles si le litige peut être réglé sur une autre base.
Si les tribunaux doivent se prononcer sur la constitutionnalité, ils
ne le feront que dans la mesure nécessaire pour solutionner le
conflit ou répondre à la question.
 Les questions de constitutionnalité se décident à la pièce, au cas
par cas. Les tribunaux évitent d’élaborer des règles générales
susceptibles de s’appliquer d’avance sur diverses affaires.
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
La divisibilité de la législation
 Une loi ou une disposition législative pourra être invalide en
partie seulement, les dispositions non touchées resteront valides.
 Ainsi, lorsque l’ensemble d’une disposition ou d’une loi est mis en
cause, les tribunaux ne la déclareront invalide qu’en partie, s’il
est possible de séparer la loi en portion et s’il est possible de
sauvegarder un ensemble fonctionnel.
C’est le cas le plus
fréquent en matière de Charte, où seuls les articles contraire à
Charte sont déclarés invalides.
 Par
contre
si
certaines
dispositions
d’une
loi
sont
inextricablement liées à une disposition qui est jugée
inconstitutionnelle, alors ces dispositions tomberont avec elle, et
s’il s’agit de dispositions centrales, toute la loi deviendra
inopérante.
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
La divisibilité de la législation
 Par exemple, dans l’arrêt Libman c. Québec (Procureur général)
[1997] 3 R.C.S. 569, la cour fait l’analyse suivante :
 Par conséquent, ayant conclu que l'ensemble des dispositions
constituaient une atteinte injustifiée à la liberté d'expression et
à la liberté d'association, nous déclarons inopérants les art.
402, 403, 404, 406 al. 3, 413, 414, 416 et 417 de la Version
spéciale en vertu de l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de
1982. Nous sommes conscients que cette conclusion a des
impacts majeurs sur les dispositions de la Loi sur la
consultation populaire et de la Version spéciale portant sur le
contrôle des dépenses référendaires. En effet, pratiquement
toutes les dispositions concernant les dépenses référendaires
étant fondées sur la notion de «dépenses réglementées», elles
deviennent sans objet du fait que les dispositions contestées
sont déclarées inopérantes. Il reviendra au législateur de faire
les modifications appropriées.
LES LIMITES AU POUVOIR DE CONTRÔLE ET DE
SURVEILLANCE DES TRIBUNAUX
L’interprétation atténué



Il est acquis qu’en présence de deux interprétations possibles, il faut préférer
celle qui est conforme à la constitution.
Cela permet de préserver, dans une mesure compatible avec la Constitution,
l’objectif poursuivi par le législateur en énonçant sa loi. Dans l'arrêt Schachter,
le juge en chef Lamer a formulé cette règle d’interprétation de la façon suivante:
 Un tribunal jouit d'une certaine latitude dans le choix de la mesure à prendre
dans le cas d'une violation de la Charte qui ne résiste pas à un examen fondé
sur l'article premier. L'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit
l'annulation des «dispositions incompatibles» de toute règle de droit. Selon
les circonstances, un tribunal peut simplement annuler une disposition, il
peut l'annuler et suspendre temporairement l'effet de la déclaration
d'invalidité ou il peut appliquer les techniques d'interprétation atténuée ou
d'interprétation large. [. . .] Lorsqu'il choisit la façon dont il appliquera l'art.
52 [. . .], un tribunal doit déterminer les mesures qu'il prendra eu égard à la
nature de la violation et au contexte de la loi visée.
 Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, aux pp.695 et 696
Il ne faut cependant pas que cette interprétation transforme le texte de loi au
point de constituer une réécriture judiciaire de la Loi. Ainsi, les tribunaux ne
peuvent ajouter des éléments à la loi pour la rendre conforme à la Constitution.
Suite à l’arrêt Burns…
Pour en savoir plus au sujet
des erreurs judiciaires
RAPPORT SUR LA PRÉVENTION DES ERREURS JUDICIAIRES
GROUPE DE TRAVAIL DU COMITÉ FPT DES CHEFS DES POURSUITES
PÉNALES 2005-10-21
http://canada.justice.gc.ca/fr/dept/pub/hop/index.html
How Mistaken and Perjured Eyewitness Identification Testimony Put 46 Innocent
Americans on Death Row
http://www.thejusticeproject.org/press/reports/how-mistaken-and-perjured-put.html
Le projet Innocence (York University)
http://www.yorku.ca/dmartin/Innocence/innocenc.htm
Colloque international de Winnipeg sur les erreurs judiciaire: Déverrouiller
l’innocence
http://www.barreau.qc.ca/journal/frameset.asp?article=/journal/vol37/no16/actualite
8.html et www.wrongfulconviction.ca
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