Chapitre 5 L’efficience des marchés financiers 1. Les formes d’efficience des marchés financiers 2. L’efficience informationnelle 3. L’efficience évaluative 4. Repérer les bulles spéculatives S. EDOUARD - Marchés financiers Question • Les marchés sont-ils parfaitement efficients ? • Pour la théorie financière, le cours d’une action intègre à chaque instant l’ensemble des informations nouvelles (efficience informative) et reflète exactement la profitabilité de l’entreprise (efficience évaluative) • Il est donc impossible de battre le marché, de « faire des coups » en Bourse S. EDOUARD - Marchés financiers 1. Les formes de l’efficience des marchés financiers (Tobin, 1984) Efficience informationnelle Prix d'un actif Information publique Efficience évaluative Prix d'un actif = valeur fondamentale = somme actualisée des revenus futurs Microstructure (actif financier) Efficience assurantielle Marchés financiers = marchés complets Efficience allocative Marchés financiers allocation efficiente des ressources croissance économique S. EDOUARD - Marchés financiers Macrostructure (économie) 2. L’efficience informationnelle (Eugène Fama, 1970) • Un marché est efficient, d’un point de vue informationnel, si, à tout moment, le cours d’un titre reflète l’ensemble des informations disponibles (publiques) sur l’entreprise ainsi que les anticipations exprimées sur les événements futurs. • La seule façon de battre le marché est de profiter d’un délit d’initié (exploiter une information privée) • Source: Eugène F. Fama (1970): « Efficient Capital Markets: A Review of Theory and Empirical Works », Journal of Finance, n°25, pp. 383417. S. EDOUARD - Marchés financiers Cours Marché parfaitement efficient Marché imparfaitement efficient jours -10 +10 Date de publication d’une information nouvelle favorable S. EDOUARD - Marchés financiers Les conditions de l’efficience informationnelle Liquidité du marché Multitude d’opérateurs et d’investisseurs, institutionnels et particuliers, résidents et non résidents Atomicité des opérateurs Multiplication des canaux de transmission (presse, Internet) Rationalité des investisseurs Efficience informationnelle Optimisation du couple rendement/risque Multitude des rationalités (calculatrices, mimétiques) aversion ou non au risque Absence de coûts de transaction Liberté de circulation et gratuité de l’information Absence d’asymétrie informationnelle Absence de coût d’acquisition de l’information Les gros investisseurs (ayant de gros volumes de transactions) S. EDOUARD - Marchés financiers seraient privilégiés Les trois degrés d’efficience informationnelle Définitions Invalidations possibles • Efficience faible : intégration complète de l’ensemble des informations passées • Analyse technique ou chartiste : existence de séquences dans l’évolution des cours (dépendance au passé) • Efficience semi-forte : intégration instantanée de l’ensemble des informations publiques • Analyse organisationnelle des marchés : mode de cotation, diffusion hétérogène de l’information, coûts de transaction, illiquidité • Efficience forte : intégration instantanée des informations privées • Analyse comportementale : délits d’initiés et sur-performance des fonds d’investissement S. EDOUARD - Marchés financiers H1. La forme faible de l’efficience informationnelle • Les cours ont intégré l’ensemble des informations passées. Il n’est pas possible pour les investisseurs de tirer partie des informations passées (résultats, commandes, décisions stratégiques, etc.) pour estimer le cours actuel et son évolution. • On ne peut donc pas deviner l’évolution à venir du cours d’une action à partir de ses tendances passées. Cela invalide l’aspect scientifique de l’analyse graphique et technique qui fait l’hypothèse de suites récurrentes, de séquences, de cycles, sauf à admettre des phénomènes psycho-sociologiques de type « croyances auto-réalisatrices » (Merton). S. EDOUARD - Marchés financiers Eléments de l’analyse graphique (chartiste) et technique cours supports temps Analyse graphique (1) : Supports comme signal d’achat S. EDOUARD - Marchés financiers cours résistances temps Analyse graphique (2) : Résistances comme signal de vente S. EDOUARD - Marchés financiers Cours Moyenne mobile à 50 jours Signal de vente Moyenne mobile à 200 jours Signal d’achat Analyse graphique (3): les moyennes mobiles S. EDOUARD - Marchés financiers Temps Signal de vente -X% +X% Signal d’achat Analyse graphique (4) : la méthode des filtres S. EDOUARD - Marchés financiers +100 Signal de vente 0 Signal d’achat -100 Analyse graphique (5) : le momentum ou vitesse d’évolution du cours (Cj – Cj-10) - Phase baissière : accélération du momentum à la baisse - Phase haussière : accélération du momentum à la hausse S. EDOUARD - Marchés financiers • Il existe d’autres figures ou indicateurs dans l’analyse graphique – Volumes des transactions (en millions d’actions échangées) – Indice de force relative qui compare au marché les derniers gains et pertes de l’action – Graphique à barres d’une action représentant le cours le plus haut, le plus bas par période (jour, semaine, mois ou année) et le cours de clôture – Graphiques point-et-figure pour représenter des tendances naissantes qui ne représentent que les cours de clôture marquant des variations significatives (1 ou 2 euros par exemple) sans tenir compte du temps. On symbolise par un X une hausse du cours et par un O une baisse. – Les cassures: sortie apparemment durable du tunnel marqué par un support et une résistance – Les triangles, têtes et épaules, triple sommet, drapeau et fanion … S. EDOUARD - Marchés financiers H2. La forme semi-forte de l’efficience informationnelle • Les cours intègrent instantanément les informations au moment où elles sont rendues publiques. • Ce degré d’efficience dépend de l’organisation des marchés financiers et de leur capacité à diffuser l’information • Les études d’événements confirment la validité de cette hypothèse. S. EDOUARD - Marchés financiers Réaction des investisseurs aux événements Nature de l'événement informationnel Réaction des investisseurs Divisions d'actions en théorie neutre pour le portefeuille Rentabilité anormalement positive, alors que l'opération est censée être neutre sur la valeur du portefeuille et la répartition du capital : attente d'une distribution de dividendes, améliore la liquidité du titre Annonce d'un résultat en hausse ou d'une distribution de dividendes Pas d'effet sur l'évolution des cours car, en général, ils sont anticipés par les investisseurs. Si une distribution non anticipée de dividendes intervient, elle apparaît comme un signal de confiance dans l'avenir émis par les dirigeants, car ils acceptent de réduire la trésorerie de l'entreprise. En ce cas, en moyenne, le marché ajuste les prix dans un délai de deux jours. Offres publiques (OPA, OPE, OP mixtes, hostiles ou amicales) Appréciation des cours de l'action de l'entreprise cible, car le prix de l'offre est supérieur au dernier cours coté du marché. A l'inverse, l'évolution du cours de la société acheteuse est incertaine : existence de synergies, survaleurs, etc. En moyenne, les marchés réagissent dans les trois jours. Problèmes éthiques et environnementaux (Ex. naufrage de l’Erika, le travail d’enfants en Thaïlande pour Total) Le marché réagit négativement non seulement pour l'entreprise concernée, mais pour l'ensemble des entreprises du secteur du fait : - montée en puissance des fonds éthiques (10% des capitaux) - existence d'une dette environnementale latente qui va venir réduire le résultat Emission d'obligations Effet positif car les actionnaires considèrent l'effet de levier, sauf dans le cas d'obligations convertibles en actions, car risque de dilution des droits de vote à terme S. EDOUARD - Marchés financiers Effets sur l’efficience des modalités de cotation Modes de cotation Marché en continu Cotations par spécialiste Marché par fixage (à la criée) Gains ou pertes d'efficience (+)Transactions peuvent se réaliser en permanence : enregistrement instantané d'une information dans le cours du titre (+)Information transparente : chaque opérateur a accès au carnet d'ordres (sauf en cas d'ordres cachés) (+) Prix unique (+)Cotation quasi continue (-)Coûts de transaction élevés (spread rémunérant le spécialiste) (-)Pas de prix unique (-)Opacité de l'information (seuls les spécialistes de marché ont accès à l’information) (-)Cotation discontinue : l'information n'est pas instantanément intégrée dans le cours (+)Information relativement transparente (+)Ce délai laisse le temps à tous les opérateurs de l'analyser et de l'intégrer dans leurs décisions (+)Prix unique S. EDOUARD - Marchés financiers Cours Pleine efficience : intégration immédiate de l’information Cotation en continu Marché par fixage t0 t1 S. EDOUARD - Marchés financiers t2 t3 Temps H3. L’hypothèse forte de l’efficience informationnelle • Il n’est pas possible de tirer partie d’informations non publiques (privatives) concernant une entreprise pour prévoir l’évolution du cours de son action. • Hypothèse d’autant plus validée que: – Les délits d’initiés sont interdits (mais donnent lieu à peu de condamnation). – Les professionnels ne sont pas mieux informés que les particuliers. Pour preuve, il est rare de voir les meilleurs gérants de fonds rester durablement dans le haut des classements d’une année à l’autre. Europerformance a montré que 50% des gérants qui sont en N dans le haut du classement (font mieux que la moyenne de leurs pairs) font moins bien en N+1. S. EDOUARD - Marchés financiers Conclusion sur l’efficience informationnelle • L’hypothèse d’une efficience informationnelle des marchés financiers est en général confirmée et la communauté financière y adhère (sondage du site Internet verminen.net). • Cela laisse malgré tout la place à quelques anomalies – Les délits d’initiés existent (cf. EADS) – Effet taille des investisseurs: certains sont observés et suivis par les autres, ce qui leur confère un pouvoir de price maker (Warren Buffet) • Le corollaire de l’hypothèse d’efficience informationnelle est que les cours boursiers suivent, en apparence, une marche aléatoire (autant d’informations positives que négatives; L. Bachelier, 1900), et le cours en t+1 est théoriquement indépendant du cours en t. Les marchés financiers n’auraient donc pas de mémoire un chimpanzé ou un bébé ont autant de chance de gagner qu’un gérant professionnel. • Pour autant, la croissance économique mondiale (+6% par an) fait que les informations favorables sont statistiquement plus nombreuses que les informations défavorables. S. EDOUARD - Marchés financiers 3. L’efficience évaluative • Un marché financier est efficient si les cours des actifs reflètent les espérances de revenus futurs (dividendes) qu’ils généreront à leurs détenteurs valeur fondamentale ou intrinsèque. • La valeur fondamentale est calculée à partir du Dividend Discount Model (Fisher, Gordon-Shapiro, etc.). • Les cours effectifs peuvent-ils s’écarter durablement de la valeur fondamentale ? Valeur fondamentale de l’action Fondamentaux de l’entreprise Taux de rentabilité anticipé exigé constant Prime de risque variable Dividendes constants ou à croissance constante Bénéfices de l’entreprise variables S. EDOUARD - Marchés financiers Cours effectif Les bulles spéculatives rationnelles Cours Surréaction à une information réelle liée à l’euphorie ou l’espérance de pouvoir revendre plus chers les titres. Krach Cours du titre Valeur fondamentale du titre Temps S. EDOUARD - Marchés financiers Les bulles spéculatives irrationnelles Développement d’une bulle sans quelle ne soit justifiée par une appréciation de la valeur fondamentale. Importance des « noise traders » -Croyances et Rumeurs -Outils d’analyse non scientifiques Cours Krach Cours du titre Valeur fondamentale du titre Temps S. EDOUARD - Marchés financiers Des rationalités aux bulles Types d’investisseurs Rationalité Nature des bulles Fondamentalistes Anticipations rationnelles fondées sur l’analyse des fondamentaux macro-économiques, sectoriels, de l’entreprise …) Absence de bulle Suiveurs Rationalité mimétique (suivre les fondamentalistes) Bulles rationnelles Noise traders Référents décisionnels étrangers à la Bulles irrationnelles logique économique, extrapolation de tendance, opinions, bruits rumeurs S. EDOUARD - Marchés financiers Les enseignements de la finance comportementale • Keynes, Kahneman et Tversky, Robert J. Shiller • Les cours ne reflètent pas seulement les fondamentaux mais aussi et surtout une opinion de marché • Biais décisionnels: nous sommes plus sensibles aux pertes qu’aux gains (on vend massivement quand les cours amorcent leur descente et on achète durablement quand les cours montent) • Concours de beauté de Keynes (1936) • Il vaut mieux avoir tort avec les autres qu’avoir raison seul S. EDOUARD - Marchés financiers Synthèse Cours boursier Surréaction Réponse anticipée Délai de réponse Marché efficient Annonce publique -30 jours 0 S. EDOUARD - Marchés financiers +30 jours 4. Repérer les bulles spéculatives • Par rapport aux fondamentaux de l’économie – Capitalisation boursière / PIB: • normalement Capitalisation boursière (valorisation de l’ensemble des entreprises cotées) << PIB (création de richesses par l’ensemble des entreprises de l’économie) • Cependant, l’essentiel des richesses créées par les FMN se fait en dehors des frontières – Le Q de Tobin = Valeur de marché des entreprises (capitalisation boursière) / Actif net évalué au coût de remplacement (= coûts historiques – amortissement et provisions) • Q 1 si les marchés sont efficients • Sur la période 1959-99, on a Q=0,68 (mais 2,18 en 1999) • Le Q ne prend en compte que le capital tangible Q > 1 S. EDOUARD - Marchés financiers • Par rapport aux fondamentaux de l’entreprise – Le dividend yield = dividende annuel / prix de l’action • 1871-1999 : 4,8% • Un ratio faible s’interprète comme un indicateur de surévaluation (1999: 1,1%) – Le Price Earnings Ratio (PER) = Prix de l’action / bénéfice par action • 1871-1999: 14,22 pour l’indice S&P 500 (1999: 37) – Le Price-to-Book Ratio = Valeur de marché des fonds propres / Valeur comptable des fonds propres • A l’équilibre PBR 1 S. EDOUARD - Marchés financiers S. EDOUARD - Marchés financiers S. EDOUARD - Marchés financiers