Le déontologisme et l`euthanasie I

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Le déontologisme et le
respect des normes
(5502, 5e séance)
Photos: Alec Soth, dog days Bogota
Plan de la séance
 Le cas Goodrich
 Le déontologisme
contre le
conséquentialisme
 Petite histoire du
déontologisme
 Ross et les devoirs
prima facie
Présentation du cas
 En 1967, la firme américaine Goodrich reçoit
un contrat LTV Aerospace Corporation pour
fournir 202 assemblages de freins à un
nouveau chasseur, le A7D.
 Pour Goodrich, il s’agissait moins de faire de
l’argent (69.417$) que de regagner la
confiance de LTV.
 John Warren est assigné comme ingénieur
en chef au projet.
 Il élabore le design d’un frein à 4 disques de
seulement 106 livres.
 Il demande à un jeune ingénieur, Searle
Lawson de finaliser le design, le choix des
matériaux et les tests d’ajustements.
(suite 1)
 Sous pression, Lawson construit un prototype en peu de temps.
Il commence les simulations pour connaître la température de
freinage. Celle-ci atteint 1500°F et les freins sont totalement
détruits après quelques arrêts.
 Lawson essaye d’autres matériaux, refait des tests. Nouvel
échec. Il devient convaincu que le problème vient du design: les
freins sont trop petits.
 Mais refaire le design et de nouveaux tests prendrait plusieurs
semaines. Or la commande est urgente et Warren a dit à
plusieurs reprises à LTV que les tests préliminaires étaient très
réussis. D’ailleurs Warren ne pense pas que ses freins sont trop
petits: il faut seulement trouver les bons matériaux.
 Lawson rencontre Robert Sink, le gestionnaire de projets: il a
lui aussi assuré à LTV qu’il n’y aurait aucun problème. Il
demande à Lawson de faire confiance à Warren.
(suite 2)
 Lawson construit un prototype de production et commence les
tests de qualification exigés par les militaires. Le frein se brise
lors du premier test. Il commande de nouveaux matériaux, suite
à l’avis d’experts. Fin mars 1968: nouvel échec.
 Le 4 avril 1968 débute le 13e essais. On ne suit pas les
spécifications des militaires: on met des ventilateurs dans le
laboratoire, on réduit la pression exercé sur le frein et on
désassemble et nettoie le frein après chaque arrêts. Mais le
frein ne réussi cependant pas à arrêter la roue sur une distance
normale (3 500 pieds).
 Kermit Vandivier est responsable d’écrire le rapport de
qualification pour les militaires. Il note que l’instrument qui
enregistre les arrêts a été délibérément mal ajusté.
 Ralph Gretzinger, le superviseur des tests du laboratoire, lui
explique que ses supérieurs sont désespérés en tentent de
qualifier le frein en faussant les résultats.
(Suite 3)
 Le 2 mai, le 14e test commence. Lawson demande à Vandivier
de dessiner les courbes et les graphiques qui seront inclus dans
le rapport final d’évaluation. Vandivier refuse.
 Après avoir reparlé à Gretzinger (« nous ne faisons que
dessiner quelques courbes, ce qui arrive après la sortie du labo
ne nous concerne pas ») et le responsable des services
techniques, Line,(« on ne doit pas se préoccuper de ce sur quoi
on n’a aucun contrôle »), Vandivier finit par écrire le rapport en
faussant les données de températures, pression, distance et
temps d’arrêt.
 Il pense que s’il ne le fait pas quelqu’un d’autre le fera à sa
place et qu’il sera viré. Il donne néanmoins une conclusion
négative au rapport.
 Le 5 juin 1968, le rapport est publié, mais la conclusion de
Vandivier est « devenue » positive.
(suite et fin)
 Les tests de vol produisent des accidents à l’atterrissage (mais
aucun mort).
 Le 19 juin, Lawson raconte ces accidents à Vandivier. Celui-ci
consulte un avocat le jour même et contact le FBI la semaine
suivante. À la mi-juillet Lawson va voir le FBI pour raconter sa
version des faits.
 En octobre, Lawson et Vandivier démissionnent.
 Le 27 octobre, Goodrich annonce qu’elle remplacera
gratuitement les freins défectueux par des 5 disques.
 L’année suivante, le département de la défense effectue des
changements substantiels dans ses procédures d’inspection, de
tests et de rapports de qualification à cause de l’affaire
Goodrich.
Qui est responsable? Et quelles
normes n’ont pas été respectées
 Warren: ingénieur en chef,
designer des freins
 Lawson: jeune ingénieur,
chargé des tests et de la
finalisation.
 Sink: gestionnaire de
projet
 Vandivier: rédacteur du
rapport de qualification
 Gretzinger: superviseur
des tests du laboratoire
 Line: responsable des
services techniques
 L’argument de Vandivier
(“quelqu’un fera le rapport
à ma place”) est-il
recevable?
 Comment pallier à ce type
de problème dans une
firme?
 Culture d’entreprise qui
favorise la communication
 Procédure de
dénonciation (Whistleblowing).
Plan de la séance
 Le cas Goodrich
 Le déontologisme
contre le
conséquentialisme
 Petite histoire du
déontologisme
 Kant et l’impératif
catégorique
 Ross et les devoirs
prima facie
Qu’est-ce que le
déontologisme?
 Agir correctement, c’est
respecter des normes (ou des
devoirs).
 Les conséquences d’un acte ne
sont pas moralement
pertinentes.
 En revanche l’intention de
l’agent à respecter une normes
est un critère important.
 Les diverses théories
déontologiques se distinguent
par les normes qu’elles mettent
de l’avant.
Pourquoi rejeter l’utilitarisme
(et le conséquentialisme)?
« Si l’on parvient à montrer que le fait de
produire le maximum de bien n’est pas ce
qui rend toutes les actions correctes, on
aura aussi, a fortiori, réfuté l’utilitarisme
hédoniste. » W.D Ross
 Nous avons des intuitions
morales anti-utilitariste:
 Dilemme du médecin
 Dilemme du bouc
émissaire
 Jeux du cirque
 L’utilitarisme est
parfois injuste.
 (D’oû le
conséquentialisme
contraignant mentionné
par P. Valenttyne)
Qu’est-ce qui cloche avec le
conséquentialisme?
« La pluralité des personnes n’est
pas vraiment prise au sérieux par
l’utilitarisme. » J. Rawls, p.53.
 Il ne respecte pas la
séparation des personnes (=
on peut faire l’agrégation des
utilités)
 Ni les droits de l’homme
 Or, même en démocratie, ces
droits sont nécessaires:
 pour éviter la « tyrannie de la
majorité ».
Plan de la séance
 Le cas Goodrich
 Le déontologisme
contre le
conséquentialisme
 Petite histoire du
déontologisme
 Ross et les devoirs
prima facie
D’où viennent les normes à
respecter?
 Réponse possible: de
Dieu
 C’est le décalogue (les
dix commandements)
Dieu est-il déontologue?
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Tu n’auras qu’un seul Dieu
Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain
Tu respecteras le jour du Seigneur
Tu honoreras ton père et ta mère
Tu ne tueras point
Tu ne commettras pas l’adultère
Tu ne voleras pas
Tu ne feras pas de faux témoignages
Tu ne désireras pas la femme de ton prochain
Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain
Peut-on être moral et athée?
 D’où viennent les normes?
 Réponse possible : de la
raison
 Mon devoir n’est pas de
suivre les commandements
divins
 C’est de faire ce que ferait
tout être raisonnable
 Kant a sécularisé les normes
morale en montrant qu’elles
son rationnelles
« L’officier dit : Ne raisonnez pas, exécutez ! Le financier : Ne
raisonnez pas, payez! Le prêtre : Ne raisonnez pas, croyez. […]
Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise
des Lumières. » E. Kant
Comment ma raison peut-elle
reconnaître les normes morales?
 Une norme est morale si et
seulement si elle est
universalisable
 = je peux l’appliquer à
n’importe qui dans n’importe
quelle situation
 Exemples: mensonge + suicide
 Pour Kant, les normes morales
sont donc absolues (= sans
exceptions).
 L’ensemble des normes
constitue la loi morale
 Sa formule générale est
l’impératif catégorique
(1722-1804)
1er formulation de l’impératif
catégorique (= méta-norme):
« Agis seulement d’après la maxime
grâce à laquelle tu peux vouloir en
même temps qu’elle devienne une loi
universelle » E. Kant.
Qui agit moralement?
 Celui qui suit la loi morale =
qui agit par devoir
 Et cela ne vient pas par
hasard: il faut avoir eu
l’intention d’agir moralement
 Exemple de la noyade
 Une bonne intention vient
d’une volonté pure,
désintéressée
 ≠intérêt (égoïste), besoin,
désir
 Le déontologisme de Kant est
austère, rigoriste
«Rien ne peut être regardé comme
absolument bon si ce n’est une
bonne volonté » E. Kant
D’où viennent les droits de
l’homme?
 Quelle norme générale doit régir
les relations entre humains?
 Le respect de la dignité
humaine.
 Respecter X, c’est respecter sa
liberté.
 C’est respecter son pouvoir de
décider lui-même (librement et
rationnellement) ce qui est le
mieux pour lui.
 Principe d’autonomie (en
bioéthique) = toute intervention
médicale ayant des conséquences
requiert le consentement du sujet.
Article premier: « Tous les êtres
humains naissent libres et égaux en
dignité et en droits. Ils sont doués de
raison et de conscience et doivent agir
les uns envers les autres dans un
esprit de fraternité. »
Déclaration universelle de 1948
« Agis de telle façon que tu traites
l’humanité, aussi bien dans ta
personne que dans la personne de tout
autre, toujours en même temps comme
fin, jamais simplement comme
moyen » E. Kant.
Plan de la séance
 Le cas Goodrich
 Le déontologisme
contre le
conséquentialisme
 Petite histoire du
déontologisme
 Ross et les devoirs
prima facie
Qu’est-ce qui cloche avec le
déontologisme de Kant?
 Exemple de l’ami poursuivi
par des assassins
 Exemple de la promesse faite
au milliardaire.
 Les devoirs sont rigides,
absolus et universels: ils ne
tolèrent aucune exception.
  Ils ratent la complexité
des circonstances
particulières.
 Et comment expliquer et
résoudre les conflits de
devoirs?
Qu’est-ce que l’intuitionnisme?
 D’où viennent les normes morales?
 Réponse possible: pas de Dieu (décalogue), pas de la raison (Kant)
mais de l’intuition (Ross).
 En éthique, il faut se fier au bon sens car les normes morales sont
évidentes.
 Je sais qu’il est mal de rompre une promesse comme je sais que (a+b)
= (b+a).
 Mais je ne pourrais pas le prouver car c’est un axiome indémontrable.
« Les principes généraux du devoir ne nous sont bien
sûr pas donnés comme des évidences dès le début de
nos vies. Mais alors comment viennent-ils ? La réponse
est qu’ils finissent par nous apparaître évidents
exactement comme les axiomes mathématiques. »
David Ross (1877-1971)
Quelles sont les sept principaux
devoirs (ou normes)?
1.
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5.
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Fidélité (véracité + tenir
ses promesses)
Réparation (d’une
nuisance)
Gratitude (pour service
rendu)
Justice (distribution selon
le mérite)
Bienfaisance (améliorer la
vie des autres)
Éducation de soi-même
(vertu + intelligence)
Non malfaisance (plus
impérieux que 5.)
Pourquoi les choses sont-elles
si compliquée?
 Un même acte (mentir) peut
être correct dans une
situation et incorrect dans
une autre.
 De plus, un même acte dans
une situation donnée peut
être correct sous un aspect
(bienfaisant pour A) et
incorrect sous un autre
(injuste pour B).
 Il est rare qu’une même
situation morale se présente
deux fois (= pas de recette).
« Les actes moraux ont souvent,
voir toujours, des caractéristiques
différentes dont résultent en même
temps des choses prima facie
correctes et prima facie
mauvaises. Il n’existe
probablement pas d’acte, par
exemple, qui procure du bien à
quelqu’un sans porter préjudice à
quelqu’un d’autre, et vice versa. »
David Ross
Pour la prochaine séance…
 Lire :
l’avortement et
l’éthique de la
vertu
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