Questions d’économie européenne ILMH Jean-Christophe Defraigne [email protected] 2011-2012 1 I. La dynamique économique d’intégration européenne 2 1. Comment définir l’intégration économique Economie réelle Intégration des marchés des biens et des facteurs de production Les obstacles géographiques et physiques (relief, distance, système de transport et de communication) Les obstacles institutionnels (commerciaux, monétaires, facteurs de production) Convergence des prix des biens et des facteurs de production (libre circulation des biens et facteurs) mais pas nécessairement égalisation (phénomène d’agglomération, économies d’échelle externe), barrières à l’entrée et à la mobilité 3 1. Comment définir l’intégration économique L’économie financière et monétaire Libre circulation des capitaux et convergence des taux d’intérêts Monnaie commune et politique monétaire commune Les transferts de l’Etat et les prestations sociales harmonisation fiscale Système de prestations sociales (financement, bénéficiaires, objectifs) L’interaction entre les différents niveaux d’intégration et l’intégration politique 4 2. La dynamique d’intégration européenne en perspective Un phénomène qui a débuté avant la CECA et le Traité de Rome Une réaction face à l’émergence des Etats-Unis comme première puissance économique mondiale et à l’expansion internationales des grandes firmes américaines Une réaction face au renforcement de l’URSS et la montée des partis communistes en Europe Quand et pourquoi la suprématie économique américaine se fait sentir en Europe? Quelles sont les réactions des élites économiques et politiques européennes? 5 3. Les origines de l’intégration européenne 1. L’origine de la supériorité des grandes firmes américaines - importance d’un marché intégré national (normes techniques harmonisées, transports, intégration monétaire et commerciale, commandes de l’Etat fédéral) - nouvelles technologies de la 2ème révolution industrielle & économies d’échelle 2. Les réactions des dirigeants politiques & économiques européens - cartellisation &dumping - protectionnisme, champions nationaux, impérialisme - projets d’intégration européenne 6 3. Les origines de l’intégration européenne 7 8 Jules Ferry, Président du Conseil de la République Française, 1883 : « l’Europe peut être considérée comme une maison de commerce qui voit depuis un certain nombre d’années décroître son chiffre d’affaires. La consommation européenne est saturée ; il faut faire surgir des autres parties du globe de nouvelles couches de consommateurs sous peine de mettre la société européenne en faillite et de préparer pour l’aurore du XXème siècle une liquidation sociale par voie de cataclysme dont on ne saurait calculer les conséquences » (Le Tonkin et la mère-patrie , 406) Joseph Chamberlain, Premier Ministre du Royaume-Uni, 1896 : « si nous étions (les Britanniques) demeurés passifs, la plus grande partie du continent africain aurait été occupée par nos rivaux commerciaux » 9 L'expansion coloniale au 19ème siècle en termes de population (en millions d'individus) (source : Beaud, 1985) 450 400 350 300 1876 1914 METROPOLE EN 1914 250 200 150 100 50 0 Grande-Bretagne France Allemagne Etats-Unis 10 La part du commerce mondial détenue par les grandes économies industrielles 1780-1938 (source : Beaud, 1985) 35 Grande-Bretagne 30 France Allemagne 25 Etats-Unis 20 15 10 5 0 1780 1800 1820 1840 1860 1880 1913 1928 1938 11 Evolution des droits de douanes moyens sur les produits manufacturés: 1875-1995 (source: Bairoch, Capie, DG1 Commission Européenne) 60 50 Allemagne France GB USA 40 30 20 10 0 1875 1913 1925 1931 1950 1980 1995 12 Comparaison de la taille des firmes américaines et allemandes du secteur de l'automobile 1000000 USA véhicules produits par firme pour le top 4 américain Allemagne véhicules produits par firme pour le top 4 allemand 800000 Allemagne: production automobile nationale 600000 400000 200000 0 1907 1928 1938 13 Herman Göring, août 1940: « Even before the end of the war (…), a penetration of, in the first place, the Dutch and the Belgian, but also the Norwegian and the Danish economies, should be attempted by German capital on a very wide basis, and in return it should be open to Dutch and Danish interest to participate economically and to place their capital in Germany with the aim of creating in the shortest time common economic links and connections of interest between Germany and these countries » (Milward 1987, 162). Albert Speer, Ministre de l'Armement, 1943 : « For any deeply thinking individual it is clear that the tariffs we have in western Europe are unbearable. So the possibility for producing on a large scale only exists through this scheme (of tariff lifting) » (Milward 1987, 163) 14 4. L’impulsion américaine à la construction européenne 1. L’Europe au sortir de la guerre: 1.1. L’ambivalence américaine face à l’Allemagne Le projet Morgenthau et les acquisitions industrielles Le tournant de 1947 face au renforcement de l’URSS et des partis communistes: la doctrine Truman « the policy of the United States to support free peoples who are resisting attempted subjugation by armed minorities or by outside pressures” 1.2. 1945-1950: La poursuite de la fragmentation du marché européen L’échec de l’OECE Le problème du « dollar gap », du néo-mercantilisme et une solution fragile : l’Union Européenne de Paiement 15 4. L’impulsion américaine à la construction européenne (II) 2. Le projet européen de l’administration américaine et le plan Marshall (ERP) 2.1. Un triple objectif Marginaliser les Partis Communistes en Europe de l’Ouest: L’ECA (Economic Cooperation Administration) chargée de mettre en place l’ERP prône «la mise en avant de la ligne d’assemblage américaine contre la ligne du parti communiste » Construire une base industrielle de défense solide contre l’URSS et ses satellites Créer des débouchés pour les produits industriels américains dans le contexte difficile de la transition après l’économie de guerre 2.2. Les moyens: Construire un marché intégré européen Transférer les techniques d’organisation et les technologies US Passer à la production standardisée de masse et bénéficier des économies d’échelle Accroître la productivité et les salaires ouvriers Promouvoir la consommation de masse (« American way of life ») 16 4. L’impulsion américaine à la construction européenne (III) 3. Le regain volontariste américain en faveur de l’intégration et les pressions américaines pour contrer le néo-mercantilisme et les logiques nationales “The substance of such integration would be the formation of a single large market within which quantitative restrictions on the movement of goods, monetary barriers to the flow of payments and eventually, all tariffs are permanently swept away” ECA, 1949. 3.1. L’octroi d’aides sous condition: un levier considérable 3.2. Le sauvetage de l’Union Européenne des paiements: financement des pays structurellement déficitaires et blocage du sabordage britannique 3.3. Les outils politiques: l’OTAN en faveur de l’intégration politique et économique européenne. La CIA soutien les partis politiques pro-européens. Des personnalités de l’establishment politique US font des campagnes en faveur de l’intégration de l’Europe 17 4. L’impulsion américaine à la construction européenne 4. La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) Biens stratégiques et problème de répartition: Allemagne et Belgique exportateurs nets, crainte de la France, besoin de l’Italie Re-cartellisation ou rationalisation des capacités de production: un risque du retour du dumping et du protectionnisme. Monnet en 1950: « Allemagne en expansion ; dumping allemand à l’exportation ; demande de protection pour les industries françaises ; arrêt de la libération des échanges ; recréation des cartels d’avantguerre ; orientation peut-être de l’expansion allemande vers l’Est, prélude aux accords politiques ; France retombée dans l’ornière d’une production limitée et protégée » Monnet: un lien avec l’administration américaine (Wall Street, Dulles, administration Roosevelt). Plan de modernisation de la sidérurgie française avec financement américain pour atténuer les pressions protectionnistes du lobby sidérurgique français au projet d’intégration de la CECA La création d’une Haute Autorité de la CECA chargée de la rationalisation et de la concurrence: la première institution économique supranationale dotée d’un pouvoir réel Les effets: baisse des prix et début de rationalisation en douceur. Un changement 18 d’attitude des industriels: de la réticence à l’adhésion 4. L’impulsion américaine à la construction européenne 5. Les effets de l’impulsion américaine La réintégration de l’Allemagne en Europe occidentale Une contribution à la relance du commerce intra-européen (plan Marshall, UEP) Un soutien décisif à la CECA et l’ouverture de la voie vers le Marché Commun 19 5. Le Marché Commun fragmenté par les champions nationaux 1958-1980 (I) 1. Le Traité de Rome 1958 1.1. La création d’institutions supranationales: la Commission Européenne et le Conseil 1.2. La constitution d’un marché commun avec une union douanière 1.3. La subsistance de barrières 1.3.1. Tarifs jusqu’en 1968 1.3.2. Barrières techniques 1.3.3. Subventions et attributions des marchés publics (15% PNB) 1.4. Un recul dans la supranationalité par rapport à la Haute Autorité de la CECA 20 5. Le Marché Commun fragmenté par les champions nationaux 1958-1980 (II) 2. La domination de la stratégie des champions nationaux au cours des années 6070 2.1. La nécessité de faire face au « défi américain » et d’atteindre la « taille américaine » 2.2. Une politique industrielle visant à créer des champions nationaux ou des champions européens? 2.2.1. Une rationalisation européenne des capacités de production industrielle réalisée à travers le libre jeu de la concurrence ou par l’intervention étatique (analogue à la CECA)? 2.2.2. En l’absence de consensus, la logique nationale l’emporte dans les grands pays disposant de peu de «prime movers» 21 5. Le Marché Commun fragmenté par les champions nationaux 1958-1980 (III) 3. Les aspects de la stratégie des champions nationaux 3.1. La politique de fusions nationales La rupture par rapport à l’entre-deux-guerres: l’émergence d’un droit de la concurrence et l’affaiblissement des cartels Les incitations fiscales Les nationalisations La meilleure acceptation de l’intervention étatique par une nouvelle génération de managers 3.2. La protection nationale Les limites du protectionnisme : union douanière et GATT Les marchés publics nationaux (+/- 15% du PNB) Les règles techniques nationales comme outil de protection (ex: Zanussi en France): procédures de certification longues et coûteuses à la charge de l’exportateur 3.3. Les subventions nationales: article 92 (non distorsion de la concurrence intra-européenne) n’est pas appliqué 22 Origine des cent premières firmes mondiales 1912-2002 80 firmes américaines firmes britanniques 70 firmes de la Communauté Européenne (non britanniques) 60 50 40 30 20 10 0 1912 1958 1972 23 Origine des 500 premières firmes mondiales 1958-1980 400 350 300 250 200 firmes américaines 150 firmes japonaises firmes européennes 100 50 0 1958 1961 1963 1967 1971 1975 1980 24 6. L’Europe face à la crise et la stagflation (1973-1984) 1. L’accentuation de la concurrence internationale suite au ralentissement de l’économie mondiale après 1974 Ralentissement de la croissance après 1974 Forte inflation et perte de compétitivité: « eurosclerosis » Montées des économies émergentes NPI, notamment est-asiatiques Politiques industrielles plus marquées au Japon (MITI) et aux Etats-Unis (nouveaux programmes de défense bénéficiant aux secteurs stratégiques comme l’informatique et l’aéronautique: IDS « star wars ») 2. La détérioration des finances publiques des Etats membres (1974-1986) Ralentissement de la croissance Chute de la rentabilité des firmes européennes et américaines Hausse du niveau structurel du chômage Lutte contre l’inflation et hausse des taux d’intérêt au début des années 80 25 6. Les réorganisations des méthodes de production en Europe (1973-2000) 1. le passage du fordisme à la spécialisation flexible (1975-1990) Face à la concurrence des pays émergents (notamment asiatiques), les firmes optent pour une stratégie visant à accentuer la différenciation de leurs produits Multiplication et montée en gamme des modèles (ex: Swatch, informatisation des électroménagers, modèles automobiles et ordinateur de bord) Induction d’une hausse des coûts fixes R&D pour le design, les montées en gamme à contenu technologique et la réalisation des modèles Robotisation et informatisation des chaines de production: nécessité de chaîne de production multi-modèles avec options diverses Marketing et publicité pour populariser les nouveaux modèles et accentuer la différentiation 26 6. Les réorganisations des méthodes de production en Europe (1973-2000) 1.4. La régionalisation du processus de production La nécessité d’un feed-back rapide pour adapter sa production aux variations des préférences des consommateurs finaux suite à la multiplication des produits différenciés et adaptés aux besoins des consommateurs locaux: relative proximité géographique de la production par rapport au marché visé Just-in-time pour réduire les coûts Le marché visé doit être assez important pour couvrir les coûts fixes liés à la différentiation des produits Le processus de production doit être flexible mais également couvrir un marché important. Les firmes multinationales (FM) optent plus souvent pour un processus régionalisé (Europe, Amérique du Nord, Asie de l’Est) plus que pour un processus globalisé à travers plusieurs continent ou un processus organisé au seul niveau national (ex: VW, Xerox, Danone) Les FM régionalisent leur processus de production en utilisant les différents avantages spécifiques à la localisation de chaque pays (réserve de main d’oeuvre très qualifiée, dirstricts marshalliens, système fiscaux, législation -fonctionnement du marché du travail, main d’oeuvre bon marché) 27 6. Les réorganisations des méthodes de production en Europe (1973-2000) 1.5. Emergence d’une dynamique microéconomique renforçant l’intégration régionale La régionalisation du processus de production des frimes multinationales (FM) accélère l’intégration commerciale dans plusieurs régions du monde (ALENA, Europe élargie, ASEAN+3) Les FM soutiennent plus activement les processus visant à éliminer les barrières au commerce intra-régional et aux mouvements intra-régionaux des facteurs de production. Emergence d’un lobby industriel en faveur de l’accélération de l’intégration européenne et de la suppression des obstacles intracommunautaires générés par les politiques de champions nationaux. 28 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-1993 (I) 1. L’harmonisation européenne des règles techniques 1.1. Le principe de reconnaissance mutuelle des normes nationales L’affaire Cassis de Dijon Principe selon lequel un produit dont la fabrication et la commercialisation respectent la législation nationale du producteur doit être admis sur les autres marchés des Etats membres de la Communauté Européenne dès l’instant où les exigences essentielles de sécurité et de qualité sont satisfaites par cette législation 1.2. Le remplacement des normes nationales par des normes européennes La commission délègue la définition des standards techniques communs au niveau européen à des organisations européennes (ex: CEN et CENELEC) La directive 83/189, la création des normes nationales devient soumise au contrôle des autres Etats membres et de la Commission qui peuvent empêcher un Etat membre d’ériger de nouvelles barrières techniques. L’application de ce principe est très lente au départ mais devient plus rigoureuse après 1989 et habituelle à la fin des années 90. L’Acte Unique de 1987: les décisions du Conseil relatives à l’harmonisation européenne réglementaire et technique se décident à la majorité et non plus à l’unanimité. L’obstacle des normes et règles techniques nationales est donc progressivement gommé par les avancées des institutions européennes. 29 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-1993 (II) 2. Le Marché Unique Le rôle des industriels: European Roundtable of Industrialists 1983 et accueil favorable de la Commission: Etienne Davignon commissaire à l’industrie et au marché intérieur Livre Blanc de la Commission de 1985 sur l’avènement du grand marché européen de 1992. Se fondant sur des analyses approfondies sur les « coûts de la non-Europe », basées sur l’économie industrielle et la notion d’économies d’échelle, quatre grandes libertés de circulation (marchandises, services, main-d’œuvre et capital) Acte Unique 1986 Rapport Cecchini en1988 sur les coûts de la non-Europe: le marché unique engendrerait une croissance économique de 4,5 à 7 % et une création de 5 millions d'emplois en Europe 1993: les obstacles physiques et administratifs liés au franchissement des frontières sont considérablement réduits, voire pour certains entièrement supprimés 30 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-1993 (III) 2. Intégration des transports Le traité de Maastricht, la Communauté se voit reconnaître une certaine compétence dans la mise en place de l’interconnexion et de l’interopérabilité des systèmes nationaux de transport et contrôle à cet effet un budget annuel de 300 millions d’euros Le transport routier est progressivement intégré. Des autorisations européennes de transport remplacent progressivement les autorisations nationales, ce qui autorise le cabotage. 3. L’intégration monétaire (voir infra) SME 1979-1999 Critères de Maastricht 1992 Euro 1999 31 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-2000 (V) 4. La limitation des aides publiques nationales aux entreprises la Commission Européenne impose un contrôle plus rigoureux du respect des articles 90,92 et 93 du traité de Rome relatifs aux aides publiques nationales. En 1990, la Commission est confirmée par le Conseil dans son rôle de « contrôleur » des aides publiques nationales. 5.1. Des programmes européens de subvention recherche (EUREKA & ESPRIT) faibles (0,05% du PIB CEE, soit moins de 10% des budgets nationaux de recherche), industrie de la défense exclue 32 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-2000 (VI) 5. Les privatisations de champions nationaux Angleterre : privatisation au début des années 80 avec Thatcher (BT, BP, BR, eau, gaz, électricité) Allemagne: Peu de firmes à privatiser. 1982 VEBA, VW, Lufthansa. Dans les années 1990 Deutsche Post Italie: 1992. L’EFIM (Armement et métallurgie), l’IRI (conglomérat industriel créé sous Mussolini dans les années 30) , l’ENI (énergie) et l’INA (assurances). Entre 1992 et 1998: 60 milliards de dollars . France: la vague de privatisations françaises commence en 1986 sous le gouvernement Chirac mais sera poursuivie par les gouvernements successifs qu’ils soient RPR-UDF ou socialistes. En 1986, les premières firmes industrielles privatisées sont Saint-Gobain, Matra, Alcatel Alsthom et la Compagnie Générale des Eaux. Rhône-Poulenc suit au début des années 90. La cadence s’accélère entre 1993 et 1999. Renault, Pechiney, Elf, Total, France Télécom, Thomson CSF, Thomson multimédia et Air France s’ouvrent de manière substantielle au privé. Les participations privées dépassent les 50% du capital de la Seita, d’Usinor et d’Aérospatiale 33 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-2000 (VII) 6. La vague de fusions de 1986-2001 6.1. La levée des obstacles au cours des années 1980 encourage la plus grande vague de fusions et acquisitions en Europe: débute en 1986 et s’accélère en 1996-2000 6.2. Secteurs industriels touchés: Intensifs en publicité: l’alimentation, les boissons et le tabac Intensifs en R&D: l’informatique, les outils de précision, les véhicules de transport (hormis l’automobile) et une partie de la chimie. Intensifs en publicité et en R&D: l’automobile, l’électroménager et les autres biens durables de consommation, les produits pharmaceutiques, la chimie des détergents et des cosmétiques Ce sont donc les secteurs pour lesquels le passage au système de spécialisation flexible est le plus fréquent et donc ceux dont la taille minimale optimale continue de s’accroître au cours des années 80. 34 7. L’accélération de l’intégration européenne et la constitution du marché unique: 1980-2000 (VIII) 6.3. Origine des acquéreurs et des cibles Fusions d’abord nationales jusqu’en 1998 et puis transnationale Fusions intracommunautaires dominent Elimination de nombreux secteurs dans les petites économies Faible performance en IDE sortant (Autriche, Belgique, Portugal, Grèce, PECO) forte (P-B, Suède) Propension des grandes économies à investir et acquérir dans les petites économies voisines (y compris les PECO) L’affaiblissement des noyaux durs nationaux: l’affaiblissement des « Hausbank » et la montée des investisseurs institutionnels 35 Fusion et acquisitions transnationales ayant pour cible une firme de l'Union Européenne 250000 en millions de dollars courants 200000 acquéreurs originaires de l'UE acquéreurs originaires des Etats-Unis 150000 autres acquéreurs 100000 50000 0 1987-1990 1991-1994 1995-1997 1998-2000 2001-2003 36 37 Pays cible B DK D GR E F IRL I L NL A P FIN S UK - 0,8 0,5 0,0 0,4 2,5 1,2 0,2 12,5 4,2 0,6 0,7 0,5 0,8 0,7 DK 1,2 - 0,5 0,3 0,3 0,7 0,4 0,2 0,0 0,9 0,6 0,3 8,7 12,9 1,1 D 2,0 1,8 - 0,4 0,8 1,0 0,8 0,6 10,5 2,7 6,3 0,7 1,6 2,2 1,1 GR 1,5 2,7 0,8 - 0,5 0,4 3,7 0,7 11,0 2,8 0,9 0,0 1,6 0,9 1,5 E 1,0 0,4 0,5 0,4 - 1,5 1,3 0,7 3,5 1,4 0,6 14,0 3,1 0,6 0,4 F 3,8 1,6 0,7 0,7 1,4 - 0,8 0,9 4,0 2,0 0,7 1,4 1,3 1,5 1,2 IR 0,2 0,9 0,1 0,0 0,2 0,3 - 0,1 0,0 0,8 0,9 0,4 3,1 0,9 4,6 I 0,8 0,2 0,8 1,8 2,0 1,5 0,9 - 13 1,1 0,8 1,2 1,1 1,4 1,0 L 0,5 1,0 0,6 1,7 2,0 1,3 0,0 0,8 - 2,4 1,3 0,0 0,0 3,3 0,4 NL 5,0 1,7 0,8 0,7 1,3 0,9 1,5 0,4 4,5 - 0,4 0,7 1,3 2,1 1,1 A 0,8 1,0 2,5 0,0 0,2 0,2 0,0 0,8 0,0 1,1 - 0,0 1,8 2,8 0,5 P 0,8 0,0 0,1 1,2 7,9 3,8 0,0 0,3 0,0 1,0 0,0 - 0,0 0,0 0,6 FIN 0,9 4,9 0,9 0,3 0,3 0,3 0,9 0,2 0,0 1,3 0,2 0,0 - 17,3 0,4 S 0,7 11,3 0,5 0,2 0,3 0,5 0,8 0,3 8,0 1,8 0,3 0,7 17 - 1,0 UK 1,4 1,8 0,9 0,4 1,2 1,3 8,8 0,5 2,5 2,1 0,7 0,8 1,6 2,6 - B 38 9. Les conséquences de la mise en place du marché unique et de la vague de fusions 1. Rattrapage des firmes européennes dans une série de secteurs (chimie, automobile, machines-outils, construction) 2. Retard dans plusieurs secteurs porteurs Il n’existe pas encore de marché intégré Dans certains secteur la stratégie de champions nationaux continue de dominer Industries de la défense (et indirectement informatique, électronique de pointe) Utilities (énergie et télécoms) Pharmaceutique et biotechnologie de pointe Services financiers (normes IAS depuis 2005 pour les 7000 plus grandes entreprises européennes cotées en Bourse. International Accounting Standards Board (IASB)) 39 9. Les conséquences de la mise en place du marché unique et de la vague de fusions 3. Certains grands acteurs économiques européens privilégient l’utilisation des institutions supranationales européennes à celles de l’appareil d’Etat national pour défendre leurs intérêts face à la concurrence mondiale. Les détenteurs de capitaux et les entrepreneurs des petites économies nationales qui ont perdu leur autonomie : intégration dans des firmes binationales ou investissent dans plusieurs firmes différentes dont l’actionnariat est majoritairement étranger et européen. Les multinationales européennes de taille mondiale opérant dans des secteurs où il n’existe qu’un tout petit nombre de concurrents de leur importance au niveau européen et dont la grande majorité des activités et des ventes s’effectue en dehors du territoire national. Régionalisation de leur production au niveau européen, stratégie de distribution et de marketing européenne plutôt que nationale 40 10. le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 1. Performances décevantes de l’UE en termes de croissance, de progrès technologique et de profit entre 1993 et 2000 (Rapport Sapir 2003) 1.1. Malgré le Marché Unique et la monnaie unique, différentiel de croissance par rapport aux Etats-Unis La croissance du PIB de 1997 à 2006 était de 3.1% pour les USA contre 2.5% pour l’Union des 27 (mais croissance par habitant meilleure pour l’Union Européenne (2.3% contre 2.2% pour les USA) Un retard technologique vis-à-vis des Etats-Unis qui se maintient dans plusieurs secteurs En 2000, Le retour sur investissement des 500 plus grandes firmes US est de 28% contre 15% pour les 500 plus grandes firmes européennes 1.2. Montée en gamme des pays émergents dans les produits manufacturés et certains services (Corée du sud, Chine, Singapour, Turquie, Brésil, Inde etc…) 41 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 1.3. La réorganisation internationale de la chaîne de valeur: wintelisme et outsourcing: Réaction face à l’industrialisation et au progrès technologiques dans les économies émergentes Création de réseaux internationaux de production Contrôle par la capacité d’innovation et d’imposition du nouveau standard du marché (Window de Microsoft et Intel): recentrage sur l’innovation et le branding La renforcement de districts marshalliens en termes d’innovation L’externalisation d’activités manufacturières vers les économies émergentes nécessite d’accroître la qualification de la main d’œuvre ou de développer des services de proximité peu intensifs en technologies 42 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 1.2. Les causes de l’écart de performance en terme de croissance du PIB avec les Etats-Unis Faible degré d’intégration de certains secteurs stratégiques (énergie, télécoms, défense, pharmaceutique) Peu de développement de nouvelles technologies (biotechnologie, nanotechnologie & informatique), assimilation et amélioration de technologies existantes (chimie fine, automobile, construction) Programmes de R&D plus limités en Europe par rapport aux USA (université, défense). 2.1% du PIB dépensé en R&D dans l’UE contre 2.8% aux Etats-Unis. Duplication des projets de recherche au niveau européen Environnement macroéconomique plus favorable à l’accumulation capitaliste aux USA (système fiscal et marché du travail) Un plus grand nombre d’heures de travail prestées aux USA (ce qui fait plus que compenser l’écart de productivité du facteur travail en faveur de certains pays européen). Des systèmes d’allocations plus favorables aux non actifs en Europe: taux d’activité plus faible Population plus jeune issue de l’immigration (rapport de dépendance stable à 25 aux EtatsUnis depuis 1960 et 2000 de 26 à 35 43 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 2. La réaction de l’Union Européenne face à cette concurrence internationale : s’orienter vers une « économie de la connaissance (knowledge-based society) » pour accroître la productivité et maintenir des rentes technologiques tout en maintenant certaines caractéristiques spéficiques des modèles sociaux européen 2.1. Stratégie de Lisbonne Mars 2000: « Un pilier économique qui doit préparer la transition vers une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance. L'accent est mis sur la nécessité de s'adapter continuellement aux évolutions de la société de l'information et sur les efforts à consentir en matière de recherche et de développement » « Un pilier social qui doit permettre de moderniser le modèle social européen grâce à l'investissement dans les ressources humaines et à la lutte contre l'exclusion sociale. Les États membres sont appelés à investir dans l'éducation et la formation, et à mener une politique active pour l'emploi afin de faciliter le passage à l'économie de la connaissance » « Un pilier environnemental qui a été ajouté lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001et qui attire l'attention sur le fait que la croissance économique doit être dissociée de l'utilisation des ressources naturelles ». 44 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 2.2. Les objectifs de la Stratégie de Lisbonne par rapport au retard US 2.2.1. Un plus grand effort de recherche souhaité (3% du PIB de l’UE en 2010) Objectif peu réaliste de dépasser les Etats-Unis sur le plan technologique avant 2010 Programmes cadres de R&D européens en augmentation : 17,5 milliards d’euros pour 2002-2006, soit 17% de plus que le programme précédent Les programmes européens restent marginal par rapport aux programmes nationaux 2.2.2. Un réforme de marché du travail Une main d’œuvre plus qualifiée Une main d’œuvre plus mobile (ex: processus de Bologne) Concept de flexisécurité à la danoise (indemnités élevées et prolongées, formations permanente, lifelong learning, biens publics favorisant la mobilité (crèches) Un accroissement du taux d’emploi global pour atteindre 70% pour l’UE en 2010 2.2.3. Une plus grande intégration, notamment dans le secteur de l’énergie et des télécoms. 45 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 2.3. La stratégie Europe 2020 Problème de l’application de la Stratégie de Lisbonne: Méthode Ouverte de Coopération intergouvernementale (MOC) Rapport Kok en 2004: échec. Manque de définition des objectifs intermédiaires clairs et des responsabilités Refus du Conseil en 2005 d’augmenter les fond de l’UE pour la recherche En 2010, La plupart des critères ne sont pas atteints. Catastrophique en terme de recherche (stagnation à 1.89% du PIB). Progrès dans le taux d’emploi et dans la formation permanente pour certain Etats membres. Très grande hétérogénéité entre les membres (Scandinavie-NEM-Med) Analyse inchangée après le constat d’échec: Europe 2020 46 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne Les objectifs d’Europe 2020 (Similarité avec Lisbonne) 5 objectifs au niveau de l’UE: traduction en objectifs nationaux réalisés par les Etats membres 75 % de la population 20-64 ans devraient être employée (peu réaliste dans le contexte de crise prolongée consécutif à la crise financière de 2008) Les dépenses de R&D devraient atteindre 3% du PIB en 2020 Objectif 20/20/20" climat/énergie: émissions à effet de serre, énergie renouvelable, efficacité énergétique L’abandon de scolarité précoce devrait être réduit à 10% et 40% des nouvelles générations devraient obtenir un diplôme 20 million personnes hors du risque de pauvreté (peu réaliste en période de crise à politique sociale inchangée ou réduite). 47 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 3. L’approfondissement la régionalisation du processus de production avec l’élargissement Dispersion géographique des IDE: priorité vers les économies de l’Europe de l’Est les plus proches géographiquement et les plus développées. (Pologne, Hongrie, République Tchèque et Slovénie). Le commerce intra industriel entre l'UE et ces pays est à 80-90% vertical ce qui témoigne d'une dispersion géographique ouest-est du processus de production des biens manufacturés. Différentiel de salaires et de flexibilité : faible tradition de syndicats indépendants dans la région. Faiblesse croissante des allocations de chômage et exclusion des droits Différentiel de taxation (Slovénie: impôt minimum sur les bénéfices des sociétés): effet quatre fois moins important que pour les salaires en termes de flux d’IDE ouest-est Conclusion: les nouveaux pays membres accueillent une partie des activités intensives en travail. Evolution similaire à l’ALENA et dans la zone ASEAN+3 48 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 4. Vers une adoption de l’environnement économique américain? Le système fiscal: concurrence fiscale, harmonisation à l’américaine? Evolution vers une taxation moins progressive, hausse des impôts indirects, baisse de l’impôts des sociétés Le marché du travail: flexibilité accrue, faible application des lois sociales par certains Etats membres, élargissement // ALENA La gouvernance d’entreprise dominée par la sphère financière: montée en forces des investisseurs institutionnels, mark to market 49 10. Le renforcement de la concurrence internationale et la réaction européenne 5. Les limites du modèle économique des Etats-Unis 5.1. Un modèle non reproductible Une croissance financée l’épargne du reste du monde et un excès de liquidités (entretenant des bulles spéculatives) Une croissance basée sur l’attraction de la main d’œuvre plus qualifiée au niveau global Une croissance peu soutenable sur le plan environnemental 5.2. Une faiblesse des biens publics Un système de santé à deux vitesses en moyenne moins efficace: 15% du PIB en dépenses de santé et espérance de vie plus faible qu’en France avec 7.5%, 45 millions de citoyens sans couverture médicale en 2008 Un système d’éducation très hétérogène aux résultats moyens plus faibles Des infrastructures peu entretenues ou insuffisantes (électricité en Californie, Katrina) 5.3. Une société plus inégalitaire Coefficient de Gini= 0.4 contre 0.25 pour la Suède et 0.33 pour la Belgique, 0.36 pour le R-U et l’Italie Croissance entre 1975 et 2005 profite essentiellement au 1% de la population la plus riche (Krugman & Piketty) Salaire minimum 5,15$/h en 2005 50 5.4. Une société plus répressive: 2,4 millions de personnes incarcérées 11. Conclusion sur la dynamique d’intégration économique 1. La dynamique d’intégration économique en Europe a correspondu à la nécessité pour les firmes européennes de résoudre un problème technique qui consiste à opérer à la taille minimale optimale et ainsi de pouvoir adopter les méthodes de production de leurs concurrentes américaines (et aussi japonaises lors du passage au modèle productif post-fordiste) 2. Les brusques élévations de la taille minimale optimale ont poussé les firmes et les gouvernements européens à réagir et à changer le contexte institutionnel pour tenter de créer en Europe les conditions d’une accumulation comparable à celles des multinationales américaines 3. Le comportement des dirigeants industriels européens, des gouvernements européens et ensuite des institutions communautaires peut être qualifié de réactif face à l’émergence des multinationales américaines disposant de nouvelles méthodes de production et de conditions assurant une accumulation plus rapide. 51