médecine grandeur servitude

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Grandeur et servitude
de la médecine technoscientifique
Anne-Laure Boch
Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles Foix
Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
I. Qu’est-ce que la technoscience ?
1.
2.
La médecine moderne est technoscientifique
La chirurgie, quintessence de la médecine technoscientifique
II. Problèmes éthiques
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
La technique comme instrument ou le système technicien ?
La séparation corps-esprit
La réification du sujet
La tentation de la toute-puissance
L’esclavage technique
La perte des sens
Fuite en avant
Le risque de l’obstination déraisonnable
Tensions juridiques
Plus d’efficacité, moins d’humanité… une situation tragique ?
Le remords
III. Quelle éthique pour la médecine technoscientifique ?
1.
2.
3.
Une éthique de l’action
Une éthique du travail bien fait
Une éthique de la relation
IV. La décision entre science et conscience
-IQu’est-ce que la technoscience ?
1. La médecine moderne est
technoscientifique
Science et technique
dans le monde antique
• Liaison entre la science et la philosophie
• Théorisée en Grèce vers le Ve siècle avant JC
• Pythagore, Thalès, Ptolémée…
• Socrate, Platon, Aristote…
Séparation épistémè / technè
Science : épistèmè
Technique : technè
Mode de connaissance
Art pratique
Dévoilement du monde naturel
Pratique concrète des choses
Universelle
Particulière
Fondée sur des propositions
nécessaires et des principes purs
Fondée sur des règles et sur la raison
Du réel vers le rationnel
Objets naturels, éternels
Façonnage d’objets artificiels
Désintéressée, sans fin utilitaire
À but utilitaire
Débouche sur des certitudes (theoria)
Débouche sur une création (poièsis)
2 étapes à l’élaboration scientifique :
1. Observation de la nature
2. Théorisation fondée sur la logique (induction et syllogisme)
La médecine hippocratique
• Du domaine de la techné (art)
• S’oppose à la médecine magique et religieuse (Esculape)
• Médecine synthétique, fonctionnelle, dynamique
–
–
–
–
–
–
Couple malade – maladie : tout organique
Maladie partie intégrante de la nature
« Maladie-être »
Sens de la maladie
Nouvel équilibre
Médecine = aide à un processus de guérison naturelle, collaboration
active avec le malade
Hippocrate de Cos (460-370) : la médecine en tant qu’art
Médecine synthétique, fonctionnelle, dynamique
« Aliments et exercices ont des vertus opposées, mais qui
collaborent à la santé. Par nature, les exercices dépensent
l’énergie disponible, les aliments et les boissons compensent
les pertes. Il importe de discerner la vertu des exercices
naturels ou violents ; de discerner lesquels d’entre eux
développent les chairs, lesquels les diminuent et non
seulement cela, mais encore la proportion des exercices à
l’égard de la quantité d’aliments, de la nature du patient, de
son âge, des saisons de l’année, des changements de vents,
de la situation des lieux où il vit, de la constitution de l’année.
Il faut connaître le lever et le coucher des astres, pour savoir
prendre garde aux changements et excès des aliments, des
boissons, des vents de l’univers entier : c’est de tout cela que
proviennent les maladies. »
« Aucune guérison n’est retour à l’innocence biologique. Guérir c’est se
donner de nouvelles normes de vie, parfois supérieures aux anciennes. »
« La maladie n’est pas seulement déséquilibre ou dysharmonie, elle est
aussi, et peut-être surtout, effort de la nature en l’homme pour obtenir un
nouvel équilibre. »
(Canguilhem)
D’Hippocrate à Molière :
2300 ans de médecine traditionnelle
en Occident
La technoscience moderne
Naissance au XVIIe siècle dans l’Occident chrétien
Galilée, Newton
Bacon, Descartes
Fondée sur la méthode expérimentale
3 étapes :
1. Observation de la nature
2. Elaboration d’une théorie quantifiable
(mathématisation)
3. Vérification par l’expérimentation au laboratoire
La technoscience moderne
•
•
•
•
•
•
•
Fondée sur l’abstraction mathématique
Liaison technique et science, création et connaissance
Technique solidaire du discours scientifique (logos) : « technologie »
Rationnel vers le réel : science réalisante
Bacon : Savoir = Pouvoir
Située dans le laboratoire et non dans la nature
Méfiance vis-à-vis des sens
« Verum ipsum factum » (Vico)
Francis Bacon : La nouvelle Atlantide (1624)
Savoir = Pouvoir
« Le savoir fait reculer les bornes de l’Empire Humain en
vue de réaliser toutes les choses possibles »
« Prolonger la vie ; rendre la jeunesse ; retarder le
vieillissement ; guérir des maladies réputées incurables ;
amoindrir la douleur ; des purges plus aisées et moins
répugnantes ; augmenter la force et l’activité ; augmenter
la capacité à supporter la torture ou la douleur ;
transformer le tempérament, l’embonpoint et la maigreur ;
transformer la stature ; transformer les traits ; augmenter
et élever le cérébral ; fabriquer de nouvelles espèces ;
transplanter une espèce dans une autre ; rendre les
esprits joyeux, et les mettre dans une bonne disposition,
etc. »
René Descartes :
Discours de la méthode (1637)
Devenir comme maître et possesseur de la nature
« J’ai résolu de n’employer le temps qui me reste à
vivre à autre chose qu’à tâcher d’acquérir quelque
connaissance de la nature, qui soit telle qu’on puisse
en tirer des règles pour la médecine, plus assurées que
celles qu’on a eues jusques à présent. »
« On se pourrait exempter d’une infinité de maladies,
tant du corps que de l’esprit, et même aussi peut-être
de l’affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de
connaissances de leurs causes, et de tous les remèdes
dont la nature nous a pourvus. »
La médecine moderne
• Du domaine de la technoscience
• Rôle de la méthode expérimentale (Claude Bernard)
• Médecine analytique, ontologique, statique
–
–
–
–
–
–
Maladie exogène au malade
Maladie opposée à la nature
« Maladie-avoir »
Pas de sens à la maladie
Dysharmonie, rupture
Médecine = lutte contre l’agresseur,
passivité du malade
« Si on veut définir la maladie, il faut la déshumaniser. » (Leriche)
Le but de
la médecine moderne,
c’est l’efficacité…
… Et l’efficacité,
on l’atteint grâce à
la technoscience !
L’efficacité de la médecine moderne
•
Espérance de vie à la naissance :
– 1700 : 27 ans
– 2012 : 81,4 ans
•
Mortalité infantile :
– 1700 : 300‰
– 2012 : 3,3‰
•
Maladies infectieuses :
–
–
–
–
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1796 : Jenner, vaccination contre la variole
1885 : Pasteur, vaccination contre la rage
1928 : Flemming, découverte de la pénicilline
1977 : éradication de la variole
1996 : trithérapies pour le SIDA
•
Cancers : 50% de guérison
•
Maladies cardiovasculaires, troubles du rythme cardiaque, diabète,
insuffisance rénale, Parkinson, épilepsies, prothèses articulaires,
cataracte, transplantations, réanimation, néonatalogie, assistance à la
procréation, chirurgie…
2. La chirurgie,
quintessence
de la médecine
technoscientifique
Chirurgie traditionnelle
•
•
•
•
Les barbiers ne sont pas docteurs
Pas d’organisation ni de reconnaissance sociale
Pas de chirurgie enseignée à la Faculté
Tentatives d’organisation académique :
− XIIe : Université de Bologne
− XIIIe : Ecole de Montpellier, Guy de Chauliac
− XIVe : Confrérie de St Côme à Paris, Lanfranc
Chirurgie moderne
•
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•
•
•
XVIe : progrès de la chirurgie de guerre (Ambroise Paré)
XVIIe : succès pratiques (Charles-Francois Félix)
1731 : Académie de Chirurgie
1743 : égalité hiérarchique entre médecins et chirurgiens
Fin XVIIIe : écoles pratiques de chirurgie
« Ce n'est rien de feuilleter les livres, de gazouiller, de caqueter en chaire de
la chirurgie, si la main ne met en usage ce que la raison ordonne. » (A. Paré)
Empire : la chirurgie à l’honneur
XIXe siècle :
anesthésie, asepsie, antisepsie, blocs opératoires…
Fin du XIXe siècle : absorption de la chirurgie
par la Faculté de Médecine
XXe siècle : l’explosion de la chirurgie
La chirurgie,
quintessence de la technoscience
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•
•
•
kheirourgia = kheir (main) – ergon (opération)
Incarnation de la science en technique
Technique de pointe, hypersophistiquée, hyperpuissante
Action immédiate (sans médiation) sur le malade
Faire : praxis / poiésis (action / fabrication)
Artiste – artisan
Opération : opera (travail, soin) – opus (œuvre)
Transformation matérielle du monde par la technique
La Praxis : transformation du milieu et transformation de l’homme
par lui-même
• Confrontation avec le réel
• Travail manuel, travail intellectuel : la maîtrise
« Toute la science du monde n’accomplit pas un chirurgien. C’est le Faire qui
le consacre » (Valéry)
Pierre Guénard,
En neurochirurgie
Séparation corps - esprit
• Chez le malade
–
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–
–
–
Corps connu par la science anatomique
Corps soumis aux instruments techniques
Nécessaire pour faire accepter l’agression chirurgicale
Rôle de l’anesthésie
Corps-machine
• Chez le chirurgien
– Esprit dévolu aux connaissances scientifiques
– Geste soumis aux impératifs techniques
– Chirurgien robot
Francis Moreeuw, Indstandhaltung
« L’âme valeureuse »
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•
•
Dimension agressive de la chirurgie
Intrépidité, courage
Confiance en soi
Choix du stress, goût du risque
Prise de décision immédiate
Excitation, passion
Responsabilité
« Un jeu sévère, précis, qui côtoie les abîmes, qui exige un parfait contrôle de
soi-même, du bon sens, de l’équilibre et le culte d’une efficience pratique »
(Leriche)
L’âme guerrière ?
« L’anesthésie va tuer la chirurgie, c’en est fini du tempérament chirurgical ! » (Gensoul)
Faire face au doute… Le calme et la sérénité
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Sérieux
Sobriété
Sang-froid
Minutie
Application
Rigueur
Précision
Perfectionnisme
Patience
« Ma vie durant, j’ai toujours joué de mon art dans l’égal souci de ne jamais faillir
et, en un étonnant mélange, la gratification et le doute n’ont cessé de faire vibrer
mes jours. » (Pouliquen)
Le vertige de la toute-puissance
•
•
•
•
•
Acte démiurgique
Être acteur du bonheur des gens
Responsabilité « exquise »
Justification immanente du geste
Confrontation à l’idéal
L’explosion de la technoscience
• Résistance de la chirurgie à la mise en science
–
–
–
–
Anatomie : science macroscopique
Magnification des sens et non répudiation des sens
Réticences vis-à-vis de la mathématisation
Rôle de l’expérience
• Résistance du chirurgien
–
–
–
–
Appréhension pratique et non spéculative
Temps passé au bloc et non au laboratoire
Goût pour la Praxis
Rapport personnel avec les patients
• La chirurgie manifeste-t-elle un retour de la scission technèépistémè ?
- II Problèmes éthiques
Sources philosophiques
les technophiles
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•
Simondon : Du mode d’existence des objets techniques
Lecourt : Contre la peur
Onfray : Féeries anatomiques
Atlan : L’Utérus artificiel
Dagognet : La Maîtrise du vivant
Sources philosophiques
les technophobes
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Husserl : La Crise des sciences occidentales
Heidegger : La Question de la technique
Ellul : Le Système technicien
Illich : Némésis médicale, La Perte des sens
Anders : L’Obsolescence de l’homme
Latouche : La Mégamachine
Arendt : La Crise de la culture
Jonas : Le Principe responsabilité
Lasch : La Culture du narcissisme
Sfez : La Santé parfaite
1. La technique comme instrument
•
Instrument ancillaire et neutre
•
Karl Marx : Création matérielle et spirituelle de l’homme et du
milieu par la technique
•
Technique toujours positive
Le Système technicien
• Martin Heidegger : Le Gestell
–
–
–
–
–
Réquisition de la nature
Pro-vocation
Commission impérative
Dévalement, tourbillonnement
Tranquillité
• Jacques Ellul : Le système
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–
–
–
Autonomie
Unité
Universalité
Totalisation
2. La séparation corps – esprit
• Héritage judéo-chrétien : créateur / créature
• Dualisme méthodologique : sujet regardant / objet regardé
• Le dualisme cartésien : pilote dans sa machine
• L’erreur de Descartes ?
• Dégradation du dualisme vers un monisme matérialiste
• Patient machine et chirurgien robot réparateur
Adeline Lamarre, La leçon d’anatomie
3. La réification du sujet
• Un monde d’objets
• Absorption de l’homme dans ce monde d’objets
• Menace sur le sujet
• Le scientisme : oubli de la nécessaire transcendance de
l’observateur par rapport au monde observé
4. La tentation de la toute-puissance
• Être maître et possesseur de la nature
• Danger de la toute-puissance
– Pour l’esclave
– Pour le maître : responsabilité / ennui
5. L’esclavage technique
•
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•
•
•
Perte de l’autonomie du technicien comme du techniqué
Commission impérative par la technique
Faisable = à faire
Absence d’autre considération que technique
« Confort intellectuel »
6. La perte des sens
•
•
•
•
Les sens organes de la sensibilité
Le sens signification
Désincarnation du rapport à l’autre
L’ennui métaphysique : pauvreté du rapport au monde
« Toutes les sciences de la nature nous donnent une réponse à la question :
que devons-nous faire si nous voulons être techniquement maîtres de la vie ?
Quant aux questions : cela a-t-il au fond et en fin de compte un sens ?
devons-nous et voulons-nous être techniquement maîtres de la vie ? elles les
laissent en suspens ou bien les présupposent en fonction de leur but. »
(Weber)
7. Fuite en avant
• Difficulté des questions morales
• Facilité des problèmes techniques
• Tourbillon technique
8. Le risque de l’obstination déraisonnable
(acharnement thérapeutique)
• « Acte de soin inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre effet que le
seul maintien artificiel de la vie »
(Loi du 22 avril 2005 )
• Traitement « futile »
• Confusion qualité / quantité
• Absence de projet au-delà
de la technique
• Absence de sens
• Fige le patient dans un rôle
définitif d’objet
9. Tensions juridiques
• Juridicisation, judiciarisation, pénalisation
•
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•
•
•
•
Tentation de la règle (guidelines, protocoles…)
Autonomie croissante des patients : information / décision
Le droit peut-il rectifier la médecine ?
La médecine est-elle un contrat ?
Rôle des experts ?
Plus de responsabilité juridique =
moins de responsabilité morale ?
• La loi Léonetti : une bonne loi ?
10. Plus d’efficacité, moins d’humanité…
une situation tragique ?
• Le tragique est ce qui évoque une situation où l’homme prend
douloureusement conscience d’un destin ou d’une fatalité qui pèse
sur sa vie, sa nature ou sa condition même
• Destruction des valeurs entre elles
• Fatal, destinal, aporétique, inéluctable
• Le nœud tragique
• « Il n’y a pas de bonne solution »
« Le tragique se manifeste avec le maximum de netteté et de pureté
quand des supports de valeurs également élevées semblent pour ainsi
dire “ condamnés ” à se supprimer et à s’exterminer mutuellement. »
(Max Scheler, Le Phénomène du tragique)
11. Le remords
• Échec de la conscience antécédente (directive)
• Remords de la conscience conséquente (réflective)
« Le remords, ce souvenir cancéreux
chevillé à notre âme avec la fixité
inexorable des grandes passions… »
(V. Jankélévitch)
La médecine moderne serait-elle an-éthique ?
médecine technoscientifique
=
médecine aporétique
=
médecine tragique
- III Quelle éthique pour la médecine
technoscientifique ?
Sources bibliographiques
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Levinas : Éthique et Infini
Canguilhem : Le Normal et le Pathologique
Gadamer : Philosophie de la santé
Elias : La Solitude des mourants
Quéré : L’Éthique et la vie
Froment : Maladie, donner un sens
Médecine scientifique, médecine soignante
Pour une rencontre soignante
• Geoffroy : La Patience et l’Inquiétude
Un bon médecin
• Hubinois : Petite philosophie de la chirurgie
• Pouliquen : Le Geste et l’Esprit
Les buts
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•
•
Renoncer à l’utopie du « Je veux tout »
Utiliser la technique sans être (trop) utilisée par elle
Ne pas être dupe ou naïf
Garder le contact humain réel
Limiter la médicalisation de la vie
1. Une éthique de l’action
• Aristote : Ethique à Nicomaque
• Phronèsis
• Garder l’excitation / se méfier
de ses tendances démiurgiques
• Garder la maîtrise des indications
• Savoir résister à la technique
« La prudence est une disposition, accompagnée de raison juste,
tournée vers l’action et concernant ce qui est bien et mal pour
l’homme. »
2. Une éthique du travail bien fait
•
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•
•
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Kant : intérêt pratique et non pathologique
Séduction de la technique
Esthétique : recherche de l’harmonie, de la perfection
Vision cosmique
Gestuelle réglée par des procédures
Qualité
3. Une éthique de la relation
•
•
•
•
Une conscience qui répond à une confiance
Relation incarnée, personnelle, particulière
Le regard d’Autrui (Levinas)
« Pour une rencontre soignante » (Froment)
- IV La décision
entre science et conscience
Le mythe de la « bonne décision »
• Décision bonne / mauvaise
• Prendre la bonne décision c’est…
–
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–
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–
–
–
Prendre une décision facile ?
Donner la plus grande chance au patient ?
Eviter les risques pour le patient ?
Eviter les accusations ?
Protéger l’équipe ?
Protéger la famille ?
Protéger la société ?
• Décision facile / difficile
Les éléments qui entrent en compte
Décision facile
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–
But clair
But unique
Connaissances
Expérience
Absence d’enjeux vitaux
Collégialité
Temps
Décision difficile
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–
Absence de but
Buts multiples
Ignorance
Inexpérience
Enjeux vitaux (risque)
Solitude
Urgence
Quels buts ?
• Que faire ?
• Pourquoi ? / Comment ?
« Toutes les sciences de la nature nous donnent une réponse à la question :
que devons-nous faire si nous voulons être techniquement maîtres de la
vie ? Quant aux questions : cela a-t-il au fond et en fin de compte un sens ?
devons-nous et voulons-nous être techniquement maîtres de la vie ? elles
les laissent en suspens ou bien les présupposent en fonction de leur but. »
(Max Weber)
Quels buts ?
• But final : la bienfaisance
• Buts intermédiaires ?
–
–
–
–
–
Technique / non-technique
Restauration physiologique
Prendre soin (traitement compassionnel)
Mentir / dire la vérité
Réappropriation par le malade de sa vie…
• Tensions éthiques (exemple : vie / fonction)
• Le risque
• Bienfaisance individuelle / collective
Quel savoir ?
Croyance
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–
–
–
–
–
–
–
Subjective
Empirique
Synthétique
Intuition
Autorité
Tradition
Élaboration collective
Investie de finalité
Chargée d’affect
Rôle du symbole
Connaissance scientifique
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–
–
–
–
–
–
–
Objective
Démontrable
Analytique
Rationnelle
Autonomie (iconoclaste)
Modernité
Élaboration individuelle
Pas de finalité
Neutralité affective
Asymbolique
Rôle de la connaissance scientifique
• L’équation baconienne : Savoir = Pouvoir
• Croyance / Connaissance scientifique
• Savoir théorique / Savoir pratique (expérience)
Diminuer l’incertitude
• Accumuler des connaissances
• Utiliser ces connaissances
• Articulation général / particulier
• La délibération
Science et incertitude
• Science classique : déterminisme
• Progrès des sciences = limites du déterminisme
« Le vieil idéal de l’épistémè, l’idéal d’une connaissance absolument
certaine et démontrable, s’est révélé être une idole. L’exigence
d’objectivité scientifique rend inévitable que tout énoncé scientifique
reste nécessairement et à jamais donné à titre d’essai. »
(K. Popper)
La règle
•
•
•
•
Adhoc comitees
Guidelines
Protocoles
Arbres décisionnels
• D’où vient la règle ?
L’evidence-based medicine
• Méthode
• Rôle de l’analyse statistique
•
•
•
•
Analyse de la situation
Recherche d’informations
Classement de ces informations (niveaux de preuves)
Application au cas particulier
La décision
en situation d’incertitude
• Autres considérations ?
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–
–
–
–
–
Expérience
Tradition
Intuition
Raptus
Majorité
Hasard
…
• Assumer le risque d’erreur
L’expérience
• Personnelle
• Collective : l’autorité de la tradition
Descartes
La doute hyperbolique et
la morale par provision
• Les sens mis en doute : les expériences du bâton brisé et du
morceau de cire
• Le doute hyperbolique
• L’hypothèse du rêve éveillé
• La fécondité du doute : « Dubito ergo cogito ergo sum »
• Refondation rationnelle du savoir par la philosophie et la science
mathématique
• En attendant… fidélité à la tradition
garder un cap
La phronèsis aristotélicienne
• Dispositions qui permettent d’éviter les erreurs :
– Science
– Sagesse
– Intellect
– Prudence (phronèsis)
« La prudence est une disposition, accompagnée de raison juste,
tournée vers l’action et concernant ce qui est bien et mal pour
l’homme. »
• Par défaut…
– Intuition
Que faire de l’intuition ?
« L’intuition est la sympathie par laquelle on se transporte à
l’intérieur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et
d’inexprimable. » (Bergson)
• Raison intuitive : perception des cas particuliers
• L’intentionnalité
L’intentionnalité
•
•
•
•
•
Noumène / Phénomène
Pont entre le subjectivisme absolu et l’objectivisme radical
Lien unifiant entre l’expérience de la conscience et le monde
Processus unitaire
Doué de sens, d’intention
« Ce monde n’est pas là pour moi comme un simple monde de choses,
mais comme un monde de valeurs, comme un monde de biens,
comme un monde pratique. » (Husserl)
Qu’est-ce que la vérité ?
« L’acquisition d’une connaissance fait dans certains cas approcher de
la vérité, mais dans d’autres cas n’en approche pas. Comment
discerner les cas ?
Si un homme surprend la femme qu’il aime et à qui il avait donné toute
sa confiance en flagrant délit d’infidélité, il entre en contact brutal avec
de la vérité. S’il apprend qu’une femme qu’il ne connaît pas, dont il
entend pour la première fois le nom, dans une ville qu’il ne connaît pas
davantage, a trompé son mari, cela ne change aucunement sa relation
avec la vérité. Cet exemple fournit la clef. L’acquisition des
connaissances fait approcher de la vérité quand il s’agit de la
connaissance de ce qu’on aime, et en aucun autre cas. » (S. Weil)
Le temps de la décision
• Urgence : difficulté particulière ou facilitation par l’entraînement
technique ?
• Possibilité de raptus
• Heidegger : Réquisition par la technique
Commission impérative
Dévalement
• Le temps est-il toujours une aide pour la décision ?
• Facile / Difficile ≠ Bonne / Mauvaise
Le risque et le remords
• Paralysie de la décision
• Accélération de la décision
• Comment assumer le risque ?
La responsabilité
• Responsabilité morale
• Responsabilité juridique
– Civile ou administrative
– Pénale
Partager la décision ?
Soignant - Soigné
• Attitude traditionnelle paternaliste / Autonomie moderne
• Colloque singulier / Discussion
• Avec le patient
• Avec ses proches
• Place de l’information et du consentement
• Personne de confiance
• Directives anticipées
Partager la décision ?
Entre soignants : la collégialité
•
•
•
•
Délibération
Multidisciplinarité
Équipe soignante : médical / paramédical
Rôle des experts ?
• Éthique de la discussion (Habermas)
–
–
–
–
Accord / Désaccord ?
Harmonie / Dysharmonie ?
Consensus / Dissensus ?
Majorité / Totalité ?
• La collégialité est-elle une garantie ?
Conclusion
• Y a-t-il vraiment des décisions « complètement bonnes » ?
« De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même
en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être
tenu pour bon, si ce n'est seulement une bonne volonté. » (Kant)
• Le pire : le ressentiment
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