Naïr Egalité de genre au Maroc

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Egalité de genre au Maroc :
acquis, résistances et défis
Rome, 10 mars 2016
Nadia Naïr
Université Abdelmalek Essaâdi
Genre
 Ambigu / Rendu flou par les multiples usages du mot /
Mal compris / un fourre-tout, …
 Résistances.
 Tendance à l’utiliser à tort comme synonyme de femme.
 Le genre : une catégorie d'analyse qui rassemble en un
seul mot un ensemble de phénomènes sociaux,
historiques, politiques, économiques, psychologiques qui
rendent compte des conséquences pour les êtres
humains de leur appartenance à l’un ou à l’autre sexe.
 le genre est un concept sociologique qui désigne les
rapports sociaux de sexe historiquement et
culturellement construits et qui se caractérisent par
leur hiérarchisation.
 Il analyse les statuts, les relations et les rôles sociaux
entre les hommes et les femmes.
 Il a pour objectif de promouvoir l’égalité des femmes
et des hommes ainsi que le partage équitable des
ressources et responsabilités entre les femmes et les
hommes.
L’égalité de genre
 Valeur
 Droit
 Objectif
Classement du Maroc
En termes d’égalité de genre, le pays est à la traîne selon le
classement de différents indicateurs :
 ONU - IDH (2015): 126° - Indice d’inégalité de genre (IIG) :
117° (sur 188 pays)
Tunisie : 48° / Algérie : 85°
 Forum Economique Mondial– Global Gender Gap Index
(GGI) (2015) : 139° avec un indice de 0,593 (sur 145 pays)
Tunisie : 127° / Algérie : 128°
 Social Watch, un réseau international d’organisations de la
société civile - Indice d’Equité de genre (GEI) - 2012 :
Le Maroc est classé parmi les 15 mauvais scores avec un
indice de de 0,40. Avec Bénin (0,41), Togo (0,40), Soudan
(0,40) Pakistan (0,29), Yémen (0,24), Afghnistan (0,15), etc.
 L’Indice d’égalité en Afrique, élaboré par la BAD :
Maroc 26° sur 52 pays africains, devancé par la Tunisie
( 17°) et l’Algérie (21°).
 Généralement acceptés et reconnus sur le plan
international.
 Utilisés par les défenseurs/es des droits pour exiger des
gouvernements des politiques d’égalité.
 Mais… Controversés, surtout quand le pays est mal classé.
 Peuvent refléter une égalité par le bas.
 Portent sur l’éducation, l’économie et la politique. Mais
restent muets sur des violations graves des droits des
femmes : la violence faite aux femmes, les discriminations
juridiques, etc.
 Reflètent-ils la réalité? Les efforts faits pour les
changements?
 Arabie Saoudite classée 56° dans l’Indice d’inégalité
de genre (ONU) – Maroc : 117°
 Elle est classée 134° dans le GGI du FEM – Maroc :
139°
 Indice d’Equité de Genre du SW : 0,37 – Maroc : 0,40
Acquis et résistances
Des progrès importants ont été réalisés en matière
d’égalité de genre :
 Une volonté politique favorable à l’égalité des sexes
(monarchie et certains gouvernements).
 Lutte et mobilisation continues et incessantes du
mouvement des femmes au Maroc.
Le mouvement des femmes au Maroc
 Emergence mi-80
 4 facteurs : accès des femmes à l’éducation et au travail/
Certaine ouverture politique/ PAS/ Discours féministe à
l’international.
 Rôle de l’université / Equipes de recherche mixtes et
multidisciplinaires. Accompagnement de cette vague de
conscientisation aux droits des femmes.
 Acteur actif dans la scène politique (le plus actif?). A démontré
sa force de mobilisation et de plaidoyer. S’est imposé aussi en
tant que force de proposition.
Volonté politique favorable aux droits des
femmes.
Concrétisée par :
 l’adhésion aux instruments internationaux des droits
humains et des droits des femmes : DUDH, les deux
Pactes, Conventions de l’OIT (100 et 111), CEDAW
(1993), …
 Retrait des réserves à propos du paragraphe 2 de l’article
9 (transmission par la femme de sa nationalité à ses
enfants) et de l’article 16 (mariage et vie de famille).
 L’adhésion à la plate-forme d’action de Pékin (1995) ;
 L’engagement aux OMD (horizon 2015)
Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et
l’autonomisation des femmes.
 Ratification du Protocole facultatif à la CEDAW
 ….
Réformes juridiques
 Dès 1993.
 2004 : réforme du Code de la Famille (Moudawana).
Pierre angulaire des réformes juridiques.
- les femmes sont enfin appréhendées comme des
personnes juridiques à part entière (la tutelle-wilaya)
- les rapports entre les époux ne se basent plus sur des
rapports hiérarchisés, de domination et de servitude au
sein de la famille.
 Autres réformes : code de la nationalité (2008) , code du
Travail (2003), code de procédure pénale (2002), code
pénal (art.475 – 2014).
 La promulgation de plusieurs décrets pour l’accès, des
femmes à certaines fonctions publiques, réservées aux
hommes (cadres de l’administration territoriale, police,
facteurs, officiers de douane,…)
 ….
Mais…
 Discriminations qui persistent : tutelle parentale*,
partage des biens, âge, polygamie, héritage, la dot, la
pension, nationalité…
 Juges : une institution patriarcale, très conservatrice.
 Système judiciaire défaillant.
 Coût de l’accès à la justice.
 Manque de ressources humaines et financières.
 ….
* Autorisation du père (même les consulats européens)
Autres initiatives

Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité entre les sexes
par l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les
programmes de développement – 2005
 la stratégie nationale pour la lutte contre les violences à
l’égard des femmes (SEFEPH 2002) et d’un plan d’action pour
sa mise en œuvre et son opérationnalisation (2004)
(Observatoire, n° vert)
 Programme « Tamkine » (Autonomisation), multisectoriel de
lutte contre les violences fondées sur le genre, issu d’une
synergie gouvernementale. Il vise l’autonomisation des
femmes et des filles.
 La Budgétisation sensible au genre (2002) et le rapport Genre
– 2005
 Enquêtes sensibles à la dimension genre par le HCP (Enquête
prévalence et Enquête budget temps des femmes) ainsi que
l’expérience du Maroc en matière d’évaluation des politiques
publiques sous la perspective genre (Rapport Genre)
 le Plan gouvernemental pour l’égalité vers la parité - ICRAM,
2012- 2016
La Constitution 2011
 Fruit d’une dynamique sociale « Printemps arabe »
 1ères manifestations : 20 février 2011/ Discours royal : 9
mars 2011.
 Création d’une commission de révision de la Constitution
(5 f/19).
 Coalition du mouvements de femme « Printemps
féministe pour la démocratie et l ’égalité».
 Citoyens/citoyennes ;
 Préambule :
- primauté des conventions internationales sur le droit
interne et l’harmonisation, en conséquence, de la
législation interne ;
- le Royaume « s’engage… à protéger et promouvoir les
dispositifs des droits de l’Homme et du droit international
humanitaire et contribuer à leur développement dans leur
indivisibilité et leur universalité ».
- Le Maroc s’engage à « bannir et combattre toute
discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du
sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de
l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap
ou quelque circonstance personnelle que ce soit ».
 L’article 6 : les pouvoirs publics œuvrent à la création des
conditions permettant de généraliser l’effectivité de la
liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi
que leur participation à la vie politique, économique,
culturelle et sociale .
 L’article 19 : l’homme et la femme jouissent, à égalité, des
droits et libertés à caractère civil, politique, économique,
social, culture et environnemental, énoncés dans le présent
Titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi
que dans les conventions et pactes internationaux dûment
ratifiés par le Maroc.
 Sauf que … les rédacteurs de la Constitution ont ajouté «
et ce, dans le respect des constantes du Royaume et de
ses lois» (art.19)
 Art. 19 : « l’Etat œuvre (traduction de ‫ ) تسعى‬à la
réalisation de la parité entre les hommes et les femmes».
 La troisième partie de cet article énonce qu’à cet effet
« une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes
formes de discrimination » sera créée.
 Art. 30 : « Sont électeurs et éligibles tous les citoyennes et
les citoyens majeurs jouissant de leurs droits civils et
politiques » ainsi que « La loi prévoit des dispositions de
nature à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes
aux fonctions électives ».
 Art.34 : « les pouvoirs publics élaborent et mettent en
œuvre des politiques destinées aux personnes et aux
catégories à besoins spécifiques » où les législateurs ont
introduits le traitement et la prévention « de certaines
catégories de femmes et de mères, … ».
 Art.115 : relatif au Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire, précise que « une représentation des
magistrates doit être assurée, parmi les dix membres
élus, dans la proportion de leur présence dans le corps
de la magistrature ».
 la Constitution reconnaît aussi le rôle important de la
société civile : art.12 et art. 139
Quelques exemples de résistances et de manque de
volonté politique de la part du gouvernement actuel :
 Une seule femme dans le 1er gouvernement 2011 (31
ministres).
 2ème version du gouvernement : 6 femmes/39 , la plupart
ministres-déléguées (15%) - 2007 : 21%
 Nomination de hauts fonctionnaires et directeurs : 1
seule femme / 16 walis des administrations territoriales
régionales, 2 femmes / 29 gouverneurs et aucune femme
à la tête de quatre institutions stratégiques.
 Retards et manque d’adoption d’une approche
participative de la société civile :
- lois relatives aux instances stipulées dans la
Constitution, notamment l’APALD et au Conseil
consultatif de la famille et de l’enfance (CCFE).
Commission, février 2013).
- Projets de loi sur la lutte contre les violences fondées
sur le genre et contre la traite des personnes.
 Décision inquiétante du Conseil Constitutionnel
(943/14 du 25 juillet 2014) sur le projet de loi
organique relative à la Cour constitutionnelle en
rejetant un quota pour la représentativité des
femmes dans cette cour. (art.30 de la Constitution).
 Elections législatives de novembre 2011 et élections
communales 2015, la question de la parité absente.
 Sorties médiatiques du chef de gouvernement.
 ……
Défis
Violences fondées sur le genre.
Fléau mondial.
Maroc : plusieurs stratégies positives. Mais limitées
dans le temps et même dans l’espace. Peu de moyens.
HCP : ENPVEF, 2009 – Taux de prévalence de ces
violences : 62,8%.
Violences physiques : 35,3 % - 3,4 millions de femmes.
Violence sexuelles : 22,6 % - 2,1 M. de femmes.
Violences psychologiques : 48,4 % - 4,6 M. de femmes.
Atteintes à leur liberté individuelle : 31,3% - Près de 3
millions de femmes.
 On a assisté récemment à des violences à l’égard des
femmes de manière collective (Inezgane, Tanger, …)
 Vigilance et peur des femmes : manière de se vêtir, de se
tenir, les lieux fréquentables,…
 Une certaine acceptation sociale des VFG.
 Difficultés face au processus judiciaire (lenteur, problème
de preuves, …).
 Impunité des agresseurs.
 Traite, comme une forme grave des VFG
Alphabétisation et éducation
 Analphabétisme : le taux national : à 36,5% - 47,6% pour
les femmes et 25.3% pour les hommes).
50.1% en milieu rural contre 26,7% dans l’urbain.
Un peu moins de 7 femmes rurales sur 10 sont
analphabètes (67.4% contre 36.2% pour les femmes
urbaines et 37.2% pour les hommes ruraux).
HCP, 2012
 Education :
Primaire : l’indice de parité scolaire (IPS)est de 09,1 en
2012/2013 - Milieu rural : 0,89
Secondaire : IPS est 0,79 - Milieu rural : 0,60
Universitaire : Dans le système public , les étudiantes
représentent 48% dans le système public et 43% dans le
système privé (2012/2013)
Le taux de féminisation dépasse 50% dans certaines filières :
médecine dentaire (74%), commerce et gestion (63%).
3ème cycle : seulement 35.9%.
Santé reproductive
Les femmes ont bénéficié d’un accès large aux services de
santé ces dernières.
Taux de prévalence contraceptive : 67.4% en 2011 (19%
en 1980) et les écarts en fonction du milieu sont quasiinsignifiants (68.9% en milieu urbain et 65.5% en milieu
rural.
Indice synthétique de fécondité (ISF) : 2.2 enfants par
femme en 2009-2010 (5.9 enfants en 1980)
1.84 dans l’urbain et 2.7 dans le rural.
 La mortalité maternelle reste importante : 112 pour
100.000 naissances vivantes en 2009-2010
73 pour 100.000 naissances vivantes en milieu urbain
contre 148 pour 100.000 naissances en milieu rural.
Part des femmes ayant reçu des soins prénataux : 77%
(91,6% en milieu urbain contre 62.7% en milieu rural)
– 2011
 73.6% des femmes ont accouché dans un
établissement de santé ou ont bénéficié de
l’assistance d’un personnel de santé qualifié.
92.1% en milieu urbain contre 55% en milieu rural.
Raisons invoquées : éloignement des centres de
santé, coût des soins, non disponibilité du transport,
…
 Accès à un travail décent
Le taux d’activité féminin enregistre un recul régulier
depuis début 2000 : 25 %
Celui des hommes est près de 3 fois supérieur à celui des
femmes : 73%
Citadines : 17,8% - Rurales : 36,8%
Celui des femmes diplômées : 49% (72% pour les
hommes de même catégorie).
 La participation politique et publique
Très loin de la parité stipulée dans la constitution
 Les femmes dans le parlement : 17% / 11,7%
Tunisie : 31.3%
Algérie : 31.6% / 5.8%
Irak : 26.5%
Mauritanie : 25.2%
Emirats Arabes Unis : 22.5%
Arabie Saoudite : 19,9%
Italie : 31.0% / 28.3%
France : 26.2% / 25%
Espagne : 40.0% / 39,2%
 Liste nationale et listes « additionnelles » au niveau
local (Communes urbaines et rurales).
 « Sièges réservés »
Très faible proportion de
femmes placées en tête des listes locales (3.75%).
 Accès et non le contrôle de la part des femmes.
 Exigence de « compétences chez les femmes »
…
 Changer les mentalités / stéréotypes
Universel
Education, école (enseignants/es, manuels scolaires),
institutions, lois, ….
 Faire face aux discours conservateurs de plus
en plus rampants.
Véhiculé par des courants obscurantistes, se réclamant
comme religieux. Chaînes arabes à l’aide de
prédicateurs/trices.
Extrême droite.
Modèle néolibéral. Crises et ses conséquences sur les
droits des femmes.
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