
raison. Ce fait avait obligé le Concile à réaffirmer avec force que, outre la connaissance propre de la
raison humaine, capable par nature d’arriver jusqu’au Créateur, il existe une connaissance qui est
propre à la foi. Cette connaissance exprime une vérité fondée sur le fait même que Dieu se révèle, et
c’est une vérité très certaine car Dieu ne trompe pas et ne veut pas tromper.(6)
9. Le Concile Vatican I enseigne donc que la vérité atteinte par la voie de la réflexion
philosophique et la vérité de la Révélation ne se confondent pas, et que l’une ne rend pas l’autre
superflue: " Il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe mais aussi
par leur objet. Par leur principe, puisque dans l’un c’est par la raison naturelle et dans l’autre par la foi
divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison naturelle peut
atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne
sont divinement révélés ".(7) La foi, qui est fondée sur le témoignage de Dieu et bénéficie de l’aide
surnaturelle de la grâce, est effectivement d’un ordre différent de celui de la connaissance
philosophique. Celle-ci, en effet, s’appuie sur la perception des sens, sur l’expérience, et elle se
développe à la lumière de la seule intelligence. La philosophie et les sciences évoluent dans l’ordre de
la raison naturelle, tandis que la foi, éclairée et guidée par l’Esprit, reconnaît dans le message du salut
la " plénitude de grâce et de vérité " (cf. Jn 1, 14) que Dieu a voulu révéler dans l’histoire et de
manière définitive par son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 5, 9; Jn 5, 31-32).
10. Les Pères du Concile Vatican II, fixant leur regard sur Jésus qui révèle, ont mis en lumière
le caractère salvifique de la révélation de Dieu dans l’histoire et ils en ont exprimé la nature dans les
termes suivants: " Par cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1, 15; 1 Tm 1, 17), dans son amour
surabondant, s’adresse aux hommes comme à des amis (cf. Ex 33, 11; Jn 15, 14-15) et est en relation
avec eux (cf. Ba 3, 38), pour les inviter à la vie en communion avec lui et les recevoir en cette
communion. Cette économie de la Révélation se réalise par des actions et des paroles intrinsèquement
liées entre elles, si bien que les œuvres, accomplies par Dieu dans l’histoire du salut, manifestent et
corroborent la doctrine et les réalités signifiées par les paroles, et que les paroles, de leur côté,
proclament les œuvres et élucident le mystère qui y est contenu. Par cette révélation, la vérité profonde
sur Dieu aussi bien que sur le salut de l’homme se met à briller pour nous dans le Christ, qui est à la
fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation ".(8)
11. La révélation de Dieu s’inscrit donc dans le temps et dans l’histoire. Et même l’incarnation
de Jésus Christ advient à la " plénitude du temps " (Ga 4, 4). Deux mille ans après cet événement,
j’éprouve le besoin de réaffirmer avec force que, " dans le christianisme, le temps a une importance
fondamentale ".(9) En lui, en effet, vient à la lumière toute l’œuvre de la création et du salut et surtout
est manifesté le fait que, par l’incarnation du Fils de Dieu, nous vivons et nous anticipons dès
maintenant ce qui sera l’accomplissement du temps (cf. He 1, 2).
La vérité que Dieu a confiée à l’homme sur lui-même et sur sa vie s’inscrit donc dans le temps
et dans l’histoire. Il est certain qu’elle a été prononcée une fois pour toutes dans le mystère de Jésus de
Nazareth. La Constitution Dei Verbum le dit clairement: " Après avoir, à maintes reprises et sous bien
des formes, parlé par les prophètes, Dieu, "en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils"
(He 1, 1-2). Il a, en effet, envoyé son Fils, à savoir le Verbe éternel qui éclaire tous les hommes, pour
qu’il habitât parmi les hommes et leur fît connaître les profondeurs de Dieu (cf. Jn 1, 1-18). Jésus
Christ donc, Verbe fait chair, envoyé "comme homme vers les hommes", "prononce les paroles de
Dieu" (Jn 3, 34) et achève l’œuvre de salut que le Père lui a donnée à faire (cf. Jn 5, 36; 17, 4). C’est
pourquoi lui-même — qui le voit, voit aussi le Père (cf. Jn 14, 9) —, par toute sa présence et par toute
la manifestation de lui-même, par ses paroles et ses œuvres, par ses signes et ses miracles, mais surtout
par sa mort et sa glorieuse résurrection d’entre les morts, enfin par l’envoi de l’Esprit de vérité, achève
la Révélation en l’accomplissant ".(10)
L’histoire constitue pour le peuple de Dieu un chemin à parcourir entièrement, de façon que la
vérité révélée exprime en plénitude son contenu grâce à l’action constante de l’Esprit Saint (cf. Jn 16,
13). C’est encore une fois ce que dit la Constitution Dei Verbum quand elle affirme que " l’Église,
tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que
soient accomplies en elle les paroles de Dieu ".(11)