Présentation

publicité
Histoire des États
germaniques : Le
Saint-Empire
Sixième cours :
L’autre réforme
(1519-1555)
Sixième cours :
1 — Le contexte — pourquoi
l’Allemagne?
2 — Un mouvement précurseur — le
hussisme
3 — Les grands protagonistes
4 — Les troubles
1 — Le contexte — pourquoi
l’Allemagne?
• La réforme protestante constitue pour le monde
germanique un événement d’une portée comparable à
la révolution de 1789 pour la France.
• Les causes et les conséquences sont différentes, mais
on est frappé par d’étranges similitudes, dès que l’on
regarde sous l’apparence de la crise religieuse.
• Il ne s’agit pas de prétendre que la révolution religieuse
allemande ne soit pas porteuse de ses spécificités.
• Par exemple, l’ordre politique de l’Empire a peu de
choses à voir avec l’absolutisme de la monarchie
française et les pouvoirs alternatifs au sein du premier
sont beaucoup mieux développés.
• Et le contexte intellectuel est très différent dans les
deux cas, l’Europe de la Renaissance et celle des
Lumières ayant peu de choses en commun.
• Dans les deux cas, il s’agit de mouvements sociaux
provoqués par des événements qui auraient pu être
circonscrits, mais que le contexte social, économique
et politique va élargir au point de provoquer un séisme
qui remettra en question l’organisation de l’État.
• Et ils susciteront des crises majeures à l’extérieur des
frontières des États qui les ont vus naitre.
• L’empire ne meurt pas au XVIe siècle, mais il ne restera
plus grand-chose après le traité de Westphalie.
Comme la Révolution française sonnera le glas de la
monarchie, malgré ses retours au XIXe siècle.
• La réforme est le résultat d’un écheveau complexe :
au contexte général, viennent s’ajouter des
événements qui constituent la bougie d’allumage.
1.1 — Économie et démographie
• Au tournant du XVIe siècle, la population des territoires
germaniques de l’empire s’établit de 15 à 20 millions de
personnes. C’est dire que les pertes provoquées par la
peste noire ont pour l’essentiel été compensées.
• La période 1350-1600 est marquée par un remarquable
essor économique, dont le centre de gravité se trouve
dans les villes, bien qu’elles ne regroupent encore que
10 % de la population, soit 2 millions de personnes.
• Rien qui ressemble à Paris : Cologne n’a probablement
que 50 000 habitants à ce moment. C’est dire qu’on
compte plusieurs dizaines de petites villes de
quelques dizaines de milliers d’habitants.
• C’est suffisant pour faire de ces petits centres urbains le
moteur du dynamisme économique (et culturel) du
territoire.
• C’est en bonne partie la peste qui a provoqué une
d’accélération de l’urbanisation et de la concentration
des richesses.
• Les villes sont avant tout marchandes : la position
qu’occupe le territoire germanique au centre du
continent, fait de lui le relais entre la Scandinavie et le
monde méditerranéen, entre le monde slave et l’Europe
occidentale.
• L’accroissement de la population et de la richesse des
villes en font des centres de consommation, qui
drainent la production agricole et artisanale des
régions environnantes.
• L’économie régionale ainsi stimulée, la production
s’accroît et les villes deviennent des centres à partir
desquels les spécialités locales sont exportées.
• Puis l’artisanat urbain prend de l’expansion grâce au
développement du commerce européen.
• Ces phénomènes accroissent la masse monétaire en
circulation et comme de nombreuses collectivités, villes
et principautés, se sont donné le droit de battre monnaie,
cela provoque une multiplication des espèces
monétaires, qui cohabitent avec la monnaie impériale.
• Cette situation provoque l’apparition et le développement
de professions liées aux opérations de change et au
secteur bancaire, accroissant la population bourgeoise
et stimulant la production et le commerce.
• La monnaie ayant besoin de métaux précieux, le XVe
siècle voit le développement de l’industrie minière :
en Saxe, au Tyrol et dans les montagnes de Bohême,
mines d’argent et d’or se multiplient.
• Les mineurs allemands n’ont pas d’égal et les princes de
Bohême et de Hongrie, entre autres, invitent des
ouvriers à venir s’installer dans les Carpates, dans
les Sudètes et dans l’actuelle Slovaquie.
• La motivation économique remplace ainsi peu à peu la
motivation religieuse dans l’expansion orientale des
populations de langue germanique.
• Originellement propriétés de l’empire, les mines, qui
réclament de grands investissements, passent entre les
mains des premiers capitalistes.
• Les plus puissants d’entre eux (les Fugger ou les
Welser) contrôlent des ressources importantes et se
transforment en grands banquiers, dont le rôle
politique est fondamental.
• Ces fortunes, combinant activités minières, commerce et
finance, deviennent assez importantes pour réaliser une
sorte d’accumulation primitive du capital, condition
nécessaire à la création d’établissements préindustriels.
• La production de biens de luxe demeure basée sur
l’artisanat individuel ou le compagnonnage, mais les
premières manufactures apparaissent.
• Avec elles apparait un premier « prolétariat » urbain,
dont les conditions de vie sont difficiles. Lorsqu’ils
surviendront, les temps troublés trouveront dans cette
population une « matière première » importante.
• Au sommet de la hiérarchie s’opère une fusion des
classes dominantes, alors que les grands bourgeois
se procurent des propriétés terriennes, la terre
demeurant la base de la puissance économique.
• Même si la grande noblesse reste à l’écart de cette
industrialisation, puissance politique et puissance
économique convergent pour former un modèle
intermédiaire entre celui de la France et celui de
l’Angleterre.
• La question paysanne reste très complexe, car si les
villes partagent de nombreux points communs, les
diverses régions du territoire germanique connaissent
des conditions très variées.
• Sans en faire une loi absolue, la paysannerie de l’est
vit mieux que celle de l’ouest, car le morcellement
féodal y est moindre et conséquemment, la pression
fiscale plus lourde.
• Plus le domaine est petit, plus la pression fiscale est
grande, car moins le propriétaire dispose de paysans,
plus les sommes qu’il doit tirer de chacun d’entre eux
sont importantes.
• La nécessité de tenir son rang et le fait que les
dépenses en ce sens varient peu, indépendamment de
la taille du domaine, expliquent cette situation.
• Pour l’essentiel, la paysannerie demeure enserrée
dans
le
réseau
de
dépendance
expliquée
précédemment et ses conditions de vie varient peu au
cours de la période.
1.2 — Culture et religion
• Pendant longtemps, l’historiographie a attribué à la
décadence des institutions religieuses la contestation
de Luther, mais bien que la corruption du clergé
constitue des causes de la Réforme, celles-ci sont plus
profondes qu’un rejet de l’Église officielle et tiennent
au contexte spirituel, culturel, politique et économique
dans lequel la constatation prend place..
• Le Moyen-âge, avec ses guerres, ses épidémies et ses
famines, fut une période difficile d’un point de vue
humain et l’Église n’est pas parvenue à rassurer les
fidèles et à jouer le rôle spirituel que l’on attendait d’elle.
• Au lieu d’être porteuse d’espoir, elle agite des
menaces. Aux angoisses, elle répond par le châtiment,
la damnation ou au mieux, le purgatoire. L’Église
recourt à la violence et à la menace.
• Plus grave, elle instrumentalise ces angoisses,
vendant des indulgences, permettant à l’âme
pécheresse d’épargner de longues années d’un
purgatoire inventé pour l’occasion.
• Après le conflit entre la papauté et l’empereur, qui a
affecté les capacités de l’Église à agir en Germanie, le
Grand Schisme d’occident a contribué (1378-1417) à
donner une image très négative de l’Église.
• S’ajoute aussi en Allemagne un élément d’ordre
politique, alors que la décadence de l’Église se
superpose à un sentiment d’aliénation de plus en plus
fort, surtout parmi les classes aisées.
• Sans parler de nationalisme au sens moderne, on voit
apparaitre dans les écrits un ressentiment à l’endroit
du sud de l’empire, qui s’illustre par le développement
d’une sorte d’esprit national, de prise de conscience
par les élites allemandes de constituer quelque chose
comme une communauté.
• De même, si les Allemands s’étaient habitués à vivre
menacés par les guerres privées, l’affaiblissement des
pouvoirs politiques a permis à la longue aux
puissances étrangères, France et Empire ottoman au
premier chef, de menacer le territoire et la paix.
• L’expansionnisme des Français en Italie fait craindre
le pire, de même que la pression ottomane, alors que
Soliman le magnifique va bientôt menacer Vienne.
• L’élection de Charles Quint en 1519 s’explique autant
par la naissance de ce sentiment national que par les
subsides versés aux Électeurs, car face à lui se trouvait
François 1er.
• L’évolution politique de l’empire, le fait que le pouvoir
de l’État impérial ne concerne plus guère que les
territoires germaniques, contribue à cette prise de
conscience.
• Le Nord reproche au Sud d’avoir détruit l’empire à
son profit, tout en conservant un pouvoir indésirable sur
lui : en matière religieuse, c’est toujours Rome qui
décide pour la Germanie, alors que politiquement, le
sud s’est émancipé.
• Ainsi, le partage des pouvoirs dans le Saint-Empire ne
bénéficie plus qu’aux seuls Italiens. Ce sentiment
d’aliénation à l’égard de Rome compte pour beaucoup
dans la révolte de Luther et de ceux qui lui emboitent le
pas : au cours du XVe siècle, l’Église romaine devient
étrangère à beaucoup d’Allemands.
• En 1454, Constantinople tombe aux mains des
« Mahométans », dont la poussée se poursuit. De
sorte qu’au début du XVIe siècle, la menace contre le
christianisme romain se trouve partout, autant aux
frontières du monde chrétien qu’à l’intérieur de son
royaume, alors que la simonie atteint un niveau inégalé
dans l’histoire.
• Mais la population de l’Allemagne ne répond pas à
cette dégénérescence en se détournant du
christianisme, bien au contraire.
• Paradoxalement, la christianisation des masses
s’achève au moment où s’illustre la décadence de
l’Église, dont les comportements paraissent de moins en
moins chrétiens.
• Même ceux qui lutteront contre les hérésies ont
conscience de la situation, de sorte que la Réforme
catholique aurait tout aussi bien pu se produire sans
le schisme protestant.
• Cette effervescence religieuse et culturelle est
stimulée par l’imprimerie et l’alphabétisation, les
discussions théoriques et théologiques cessant d’être
l’apanage des clercs officiels.
• Au tournant du XVIe siècle, 30 % de la population
urbaine sait lire et a accès des milliers de titres.
À plus d’un titre, la réforme est fille de l’imprimerie :
sans elle, les 95 thèses de Luther n’auraient produit
qu’une hérésie supplémentaire.
• La forte religiosité se manifeste dans toutes les
formes d’expression artistique, de la littérature à
l’architecture, en passant par la peinture et la sculpture.
• En architecture, l’époque voit la multiplication
d’ouvrages construit dans le style gothique du nord, qui
semble souvent loin de toute préoccupation religieuse.
Mais la quasi-totalité de ces ouvrages est liée de près
ou de loin à la religion : écoles, universités, hôpitaux,
couvents et monastères.
• L’art profane se développe, mais le XVe siècle est
avant tout dominé par le christianisme. A posteriori,
on pourrait même le qualifier de chant du cygne du
christianisme traditionnel, autant par la faute de l’Église
que par celle de l’évolution sociale et économique.
•
2 — Un mouvement
précurseur : le hussisme
• La réforme protestante a connu un prologue réglé par la
force. Certains ingrédients de la crise hussite varient par
comparaison à l’explosion luthérienne, mais il est difficile
de ne pas y voir une répétition générale.
• Se déroulant en « périphérie » de l’empire, elle attire
moins l’attention, mais Luther y puisera une partie de
son inspiration, d’autant que deux des sources de sa
sont les mêmes que celles des hussites : la crise de
l’Église et la sensibilité nationale.
• Jan Hus, issu de la paysannerie pauvre de Bohême,
accédera grâce à son intelligence aux études
universitaires, avant d’être ordonné prêtre et de
devenir doyen de la faculté de théologie, puis recteur
de la première université du nord du Saint-Empire.
• Très influencé par Wyclif (qui rejette l’autorité de
l’Église, car reposant sur celle d’êtres humains qui ne
sont pas nécessairement prédestinés par Dieu), Hus est
resté près du peuple, tout en devenant un érudit.
• Ce sont ces deux caractéristiques opposées qui le
rendent menaçant pour l’Église, car il est à la fois
capable de parler au peuple et de contredire les
intellectuels.
• La vente des indulgences par Jean XXIII pour financer
sa croisade contre Grégoire XII suscite la colère de
Hus qui, par son prêche du 24 juin 1412, provoque une
émeute à Prague, qui l’oblige à quitter la ville.
• Réclamant le droit de se défendre, il se rend au concile
de Constance en automne 1414, muni d’un saufconduit de l’empereur qui, croit-il, garantit sa sécurité.
• Il est emprisonné en décembre, car considéré comme
hérétique.
• Jugé et condamné, il refuse de se rétracter et est livré
au « bras séculier » et brûlé en juillet 1415, le
transformant aux yeux des Tchèques en martyr.
• Ces événements provoquent la colère de la population
de Bohême, suscitant une réaction musclée de l’Église
et de l’empire, qui dégénérera en conflit militaire,
qualifié par les autorités religieuses de croisades.
• Parmi les revendications qui émergent de la population,
plusieurs seront reprises par différents courants
issus du mouvement luthérien.
• C’est le cas de l’eucharistie sous les deux espèces
(utraquie specie), vu comme le rejet de la prétention
du clergé à occuper une position d’autorité entre Dieu et
le peuple.
• La croisade s’étirera sur deux décennies, au cours
desquelles les forces impériales seront défaites à
plusieurs reprises par la colère des paysans tchèques.
• C’est au cours de ce conflit que surviendra la première
défenestration de Prague, alors que le 13 juillet 1419,
sept échevins catholiques sont jetés par les fenêtres de
l’hôtel de ville de Prague sur les piques de la foule
hussite en colère.
• Comme toute révolution, celle-ci donnera naissance à
une guerre civile, alors que modérés utraquistes se
montreront favorable à un compromis avec les
autorités pour empêcher les radicaux de remettre en
question l’ordre établi.
• Car les Taborites réclament plus qu’un compromis
symbolique et exigent la remise en question de l’ordre
social et économique et le droit de vivre librement leur
foi sans intermédiaire.
• Se greffe aussi au mouvement un aspect national et
social, car les taborites sont essentiellement des
paysans tchèques.
• À terme s’imposera un compromis (les compactata),
qui reconnait une partie des revendications du
mouvement et avalise la saisie par la noblesse et les
villes de certains biens ecclésiastiques, la communion
sous les deux espèces et le droit de prêcher en
langue nationale.
• Les compactata mettront un frein à la colonisation
allemande de la Bohême, conduisant éventuellement à
un détachement de ce territoire.
• Cette crise n’a pas attiré l’attention des pouvoirs
politiques de l’empire, car la Bohême était considérée
comme un cas particulier. Le hussisme fut interprété
comme une simple crise locale qui ne pouvait avoir
d’incidence sur le reste de l’empire.
• L’incapacité, de voir l’évidence (le danger de la fusion
de la crise religieuse, de la crise nationale et du
contexte social) empêchera l’empereur de prendre des
mesures qui auraient peut-être évité l’embrasement.
3 — Les grands protagonistes
3.1 — Martin Luther
• Il est difficile de concevoir la réforme sans Martin Luther,
même si au premier regard, rien ne prédestinait ce
petit moine de province à devenir le moteur d’une
révolution religieuse et politique qui allait ébranler le
monde.
• Luther nait en 1483 à Eisleben, en Saxe-Anhalt, dans
une famille de la petite bourgeoisie, son père étant
artisan.
• Diplômé de droit d’Erfurt en 1505, une crise mystique
le pousse à abandonner le droit pour se consacrer à la
théologie. Il rejoint alors la communauté augustinienne
d’Erfurt, au grand dam de son père.
• Ordonné prêtre en 1507, il devient professeur au
collège de sa communauté et obtient son doctorat en
théologie de l’université de Wittenberg en 1512. Il
reste alors dans cette ville pour se consacrer à la
prédication.
• Si les origines de la crise sont connues, les causes de
son divorce avec l’Église sont toujours débattues.
• Certains historiens pointent son séjour à Rome en
1511-1512, qui le met en contact avec les incohérences
de l’Église, alors que d’autres soulignent sa démarche
religieuse personnelle, qui finit par le convaincre de
l’impossibilité de s’affranchir de sa condition de
pêcheur.
• Conséquemment, et même s’il ne rejette pas la
pénitence, le processus de rédemption proposé par
l’Église lui apparait dépourvu de fondement, car
seule la foi peut sauver le pêcheur. Or, celle-ci est
personnelle et ne concerne pas l’institution religieuse.
• Un élément extérieur va provoquer sa colère : la vente
des indulgences par l’archevêque de Mayence pour
rembourser les sommes qu’il a dû emprunter afin
d’acheter sa charge et qu’il doit maintenant rembourser.
• Cette « campagne de souscription » l’indigne au plus
haut point et il y voit une manipulation par le clergé
des angoisses du croyant devant la mort, en plus
d’une usurpation par l’Église du pouvoir de
rédemption, dont Dieu est à ses yeux le seul maître.
• Les points de vue de Luther, professeur bien connu en
Saxe, n’avaient jusqu’alors pas suscité de critiques
particulières de la part de ses pairs et de l’Église.
• Mais la publication de ses 95 thèses, le 31 octobre
1517 sur les portes de l’église de sa ville de Wittenberg
(qu’il avait fait parvenir à l’archevêque de Mayence), va
provoquer un tollé, surtout lorsque, traduites en
allemand, elles seront diffusées partout en Germanie.
• Pour Luther, il s’agissait d’en appeler à la discussion,
mais la réaction des autorités va le pousser à la
radicalisation.
• C’est cette dynamique qui sera responsable d’une crise
qui en d’autres temps et dans d’autres conditions aurait
pu rester dans les limites d’un débat théologique.
• En octobre 1518, Luther est convoqué à Augsbourg,
afin d’être contraint à la rétraction, ce à quoi il refuse
de se soumettre.
• Les tensions entre Luther et l’Église s’accentuent,
d’autant que nombreux sont ceux en Allemagne, dont
Frédéric le Sage, duc de Saxe, dont Luther est sujet,
qui soutiennent au moins le droit de l’hérésiarque en
devenir à se défendre.
• En 1519, Luther remet en question l’infaillibilité des
Conciles, entraînant les menaces d’excommunication
de Rome et l’autodafé de ses ouvrages.
• Luther réplique en brûlant la bulle papale qui le
concerne, de même que le droit canonique. S’en est trop
pour Léon X, qui l’excommunie le 3 janvier 1521.
• La politisation de la crise est inévitable, car l’Église
exige de l’empereur que Luther soit mis au ban, ce qui
aboutit à la convocation de Luther devant Charles V, lors
d’une Diète à Worms en avril 1521.
• Refusant de se rétracter, car cela irait à l’encontre de sa
conscience, Luther est mis au ban de l’empire. L’Édit
de Worms alors prononcé interdit les thèses
luthériennes sur le territoire de l’empire.
• Craignant pour la vie de Luther, Frédéric le Sage
s’assure de sa sécurité en l’enlevant et en lui donnant
refuge à Eisenach, où il séjournera pendant deux ans.
• Il retournera ensuite à Wittenberg, où il demeurera sans
être vraiment inquiété jusqu’à sa mort en 1546.
• Pendant deux décennies, il poursuivra sa démarche,
s’impliquant par la plume dans les guerres qui
ensanglantent l’empire.
• Sa grande œuvre sera écrite à cette époque, sa
traduction de la Bible, qui demeurera de longs siècles,
la référence de la langue allemande et qui favorisera
une sorte d’unification linguistique du territoire.
• Son idéologie connaitra de nombreuses inflexions,
alors que l’interprétation de ses premiers textes dans le
sens d’une invitation à la révolte contre l’ordre établi le
poussera à préciser sa pensée et à soutenir le pouvoir
politique contre les revendications sociales et
économiques des classes pauvres.
• La question du culte, de la formalisation du rejet des
normes catholiques, occupe une place de plus en plus
importante au fur et à mesure où ses idées se
répandent, car il faut bien remplacer l’ancien culte par
quelque chose.
• Le zwinglisme et le calvinisme naissants jouent un rôle
négatif, au côté du catholicisme, dans ce processus de
définition d’une norme qui deviendra luthérienne.
• Au fil des années se précisent les éléments constitutifs
du dogme et du culte luthérien, dont la communion
sous les deux espèces, le rejet de la confession et le
mariage des prêtres.
• Par certains de ses textes, comme « À la noblesse
chrétienne de la nation allemande », son œuvre revêt
une dimension nationale, qui sera interprétée comme
un appel à secouer la domination des Welches, des
« Italiens », sur la nation allemande.
• Ainsi, partant d’une réflexion personnelle et
religieuse, la pensée luthérienne sera captée par
diverses forces pour transformer sa révolte contre la
« Rouge prostituée de Babylone » en une crise où se
côtoient les aspects nationaux, économiques,
sociaux et politiques.
3.2 — Charles Quint
• Un autre empereur aurait-il réussi à contenir la crise,
à éviter que de théologique, elle ne devienne politique,
puis sociale?
• Car Charles V n’était pas l’homme de la situation. S’il
avait mieux connu le pays sur lequel il fut appelé à
régner, peut-être aurait-il été en mesure d’apporter des
solutions à la crise, plutôt que de l’envenimer.
• Charles V connaissait peu de chose de l’Allemagne.
Petit fils de Maximilien, là s’arrêtait sa germanité, sa
grand-mère, Marie de Bourgogne, était la fille d’Isabelle
de Bourbon, princesse française. De même, fils de
Jeanne la Folle, il était plus espagnol qu’allemand.
• Il aurait quand même pu être un empereur allemand,
s’il avait parlé correctement la langue de son peuple et
s’il avait été éduqué dans un esprit germanique.
• Intelligent et érudit, il parlait le français, le castillan et
l’italien du Milanais, mais son allemand demeura
toujours hésitant. Peu étonnant, car il reçut son
éducation à l’ouest des terres germaniques, dans les
Flandres, qui déjà se détachaient.
• Et Charles était depuis son plus jeune âge un homme
très religieux, très pieux et très attaché à l’église.
• La juxtaposition de ces deux caractéristiques, sa piété et
son européanité, le rendit fier et attaché à son rôle de
chef de l’empire chrétien. Et particulièrement incapable
de gérer une crise qui attaquait ces fondements
• Lorsque Charles parvient à obtenir la couronne
impériale en 1519, la crise est déjà commencée. Mais
de 1517 à sa mort en 1519, Maximilien a laissé la
hiérarchie religieuse s’occuper du cas de Luther.
• De sorte que l’avènement de Charles marque une
étape dans l’évolution de la crise.
• Un empereur plus indépendant des structures
religieuses serait peut-être parvenu à limiter la
politisation d’une crise avant tout religieuse.
• Mais peut-être pas : l’institution impériale est si
étroitement liées aux institutions religieuses que la
remise en question des secondes ne pouvait pas ne pas
avoir de conséquences sur le pouvoir de la première.
• Le règne de Charles, couronnée officiellement en 1530 à
Bologne, est tout entier occupé par deux fronts, qui ne
sont liés que par les circonstances : la lutte contre le
luthérianisme et les soubresauts qu’il provoque à
l’intérieur, et le combat de titans qui l’oppose à son
adversaire français
• Pendant plus de trente-cinq ans, il s’épuisera à lutter
sur ces deux fronts, sans parvenir à s’imposer sur
aucun des deux. Malgré ses qualités, Charles présidera
en quelque sorte à l’éclatement de ce qui restait de la
puissance impériale.
• À l’intérieur, il ne parviendra pas à maintenir uni un
territoire désormais parcouru par d’importantes lignes de
fractures religieuses.
• Quant aux frontières extérieures, il est responsable
du départ des Pays-Bas de l’ensemble impérial, qu’il
confie à son fils, avec les territoires espagnols des
Habsbourg en 1556 lorsqu’il abdique, alors que son
frère Ferdinand, déjà prince consort des territoires
germaniques, récupère le reste.
• Après son abdication, Charles Quint vivra quelque temps
en réclusion volontaire au monastère de Yuste, avant
d’être emporté en septembre 1558 par la malaria.
4 — Les troubles
4.1 — Les troubles politiques et militaires
• Difficile de synthétiser les grands événements, les
troubles qui, après la mise au ban de Luther, vont agiter
les pays germaniques et dégénérer en conflits
militaires ouverts entre catholiques, menées par
l’empereur, et protestants.
• La parole de Luther a libéré les passions et déclenché
en Germanie des mouvements, populaires ou non,
stimulé par la remise en question de l’ordre établi.
• À Wittenberg, et sans Luther, on en vient à chasser les
moines de leurs retraites, à interdire la messe
catholique, à supprimer les sacrements et tout ce qui
rappelle la domination de l’Église de Rome.
• À ces conversions de bonne foi s’ajoutent des calculs
d’intérêts, certains princes rejetant le culte officiel parce
que ce faisant, ils peuvent mettre la main sur les
propriétés de l’Église. Le cas de la Prusse est à ce titre
emblématique.
• De sorte que faire le tri entre ce qui fut le produit de la
foi et le résultat de calculs s’avère impossible.
• Le mouvement est progressif et il faudra du temps pour
que soient définies les modalités du nouveau culte.
• Pendant de longues décennies, les formes anciennes
et nouvelles cohabiteront sur de nombreux territoires.
• Entre 1521 et 1530, un nombre important de villes et de
principautés adoptent les formes nouvelles du culte,
sans qu’il soit vraiment possible de définir ces formes,
qui sont déjà multiples.
• La répartition géographique de ces territoires est
impossible à définir sous forme de règles, même si
les territoires du nouveau Reich, au nord et au nord-est,
où la cohésion géographique est plus grande, se sont
montrés à terme particulièrement favorables.
• Si la question des biens d’Église sécularisés sur leur
territoire par les princes qui se convertissent pose
problème, la question des territoires épiscopaux est
encore plus complexe, car il s’agit de territoires entiers,
dirigés par des princes religieux.
• Dans ces cas, condamnés par l’Église et l’empereur,
l’évêque qui se convertit à la nouvelle fois s’emploie
à séculariser l’ensemble des terres et des biens du
territoire.
• Alors que sur tous les territoires germaniques les
conversions se multiplient, l’empereur, appuyé par les
princes-évêques, tente de freiner le mouvement.
• En 1526, la Diète de Spire décide pour une durée de 18
mois, jusqu’à la réunion d’un grand Concile de l’Église,
de laisser aux maîtres des Stände le soin de décider
de la foi valide sur le territoire.
• Lors de la Diète suivante, en 1529, la résolution de
1526 sera révoquée et on reviendra à l’édit de 1521
interdisant la réforme sur les territoires de l’empire et
obligeant les États qui l’ont supprimé à autoriser la
messe catholique.
• Suite à cette révocation, les « évangélistes », menés
par l’Électeur de Saxe, émettront une « protestation
solennelle », réclamant l’annulation de la révocation et
formant une sorte de parti protestant.
• L’année 1530 constitue un autre jalon important, alors
qu’en juin eut lieu la Diète d’Augsbourg sur laquelle
l’empereur comptait pour clarifier la situation et ramener
sur son empire la paix religieuse au profit de l’église
officielle.
• Dans ce but, il demande à tous les États participants à la
Diète d’exposer leur point de vue.
• Malgré la volonté affichée de Philippe Melanchthon de
présenter un front uni des réformateurs, certaines
communautés refusent d’entériner le point de vue
dominant, créant des divisions à l’intérieur du courant
réformateur, plus tard accentué par le calvinisme.
• La Confession d’Augsbourg est un chef-d’œuvre de
modération et de compromis, présenté alors que
personne ne souhaite la division des Églises.
• La communion sous les deux espèces est réclamée,
ainsi que le mariage des prêtres, mais le texte propose
le maintien des sacrements, le service religieux
catholique et les principes administratifs (épiscopaux)
de l’église.
• En somme, une main tendue par les réformateurs aux
catholiques pour mettre fin au chaos politique.
• Ces derniers présentent une Confutatio qui servira de
base à des négociations entre les deux courants, mais
l’empereur et Luther restent sceptiques.
• Et pour aller de l’avant, il faut un Concile d’Église,
auquel le pape consent, à la condition, inacceptable
pour les luthériens, que l’ancien culte soit d’abord
rétabli partout.
• Cela met fin à la participation des luthériens et la
résolution de novembre n’exprime que le point de vue
des catholiques : restauration des règles anciennes et
restitution des biens d’Église sécularisés.
• Les protestants n’ont d’autre choix que de tenter de
s’organiser eux-mêmes. Loin d’avoir stoppé le schisme,
cette ultime tentative va en fait l’accélérer.
• Certains princes protestants, craignant que l’empereur
soit tenté de recourir à la manière forte, forment la Ligue
de Schmalkalden, qui constituera la force de résistance
à toute tentative de résolution du problème par la force.
• Menée par le landgrave de Hesse et l’électeur de Saxe,
la ligue, composée initialement de sept territoires et
d’une dizaine de villes, prendra de l’expansion pour
inclure plus d’une quarantaine de membres.
• Se sentant protégés par la force militaire, de nombreux
princes et villes adoptent alors le culte réformé.
Certains sont très importants, comme le duché de Saxe
et l’Électorat du Brandebourg, longtemps considérés
comme des forteresses catholiques.
• À l’enthousiasme populaire succède alors une
expansion étatique, calculée, alors que des princes
se convertissant entraînent la conversion des
populations dont ils ont la charge.
• Le recours à la force est souvent nécessaire pour
faire accepter à la population les nouvelles normes
religieuses. Deux regroupements d’États émergent,
rendant la guerre inévitable.
• Le Concile de Trente, qui commence ses travaux en
1542, est réuni trop tard pour freiner le mouvement,
comme en fait foi l’absence des protestants allemands,
des Anglais et des Français, qui se désintéressent.
• Pendant ce temps, une fois dégagé de la confrontation
avec la France, l’empereur se lance à l’offensive.
• Les victoires s’accumulent pour les forces
impériales, mais elles ne sont pas suivies par la
reconquête des cœurs et des esprits : le dogme et le
culte catholique sont rétablis partout où les forces
impériales s’imposent, mais il ne reste plus assez de
prêtres catholiques en Germanie pour assurer le culte.
• De sorte que cet « Intérim » ne pouvait durer, d’autant
que les forces impériales s’épuisent et que l’empereur,
qui croit que la situation est propice, veut transformer
l’empire en monarchie héréditaire.
• Ce danger favorise l’établissement d’une alliance des
protestants avec la France et la guerre reprend. Cette
série de batailles, de 1546 à 1555, a reçu le nom de
guerres de Schmalkalden, en référence à la ligue du
même nom.
• Malgré des victoires ponctuelles, l’empereur s’épuise
et sera contraint à la négociation. Son incapacité à
reconquérir le territoire et à le soumettre au catholicisme
sera entérinée sur le plan personnel par son abdication
et sur le plan légal, par le compromis de la paix dite
d’Augsbourg.
• C’est déjà son frère Ferdinand qui en négociera les
termes. Elle est conclue en septembre 1555 et pose les
bases d’un compromis qui tiendra jusqu’en 1618.
• En vertu de cet accord, chaque État pourra conserver
sa religion, mais seulement le catholicisme ou le
luthérianisme, les autres confessions, comme le
calvinisme ou l’anabaptisme, sont exclues.
• La population devra se conformer à la religion de son
prince (cujus regio, ejus religio) ou déménager.
• Les princes ecclésiastiques doivent ou bien rester
catholiques, ou bien abandonner leur charge. Quant
aux habitants protestants de ces territoires, ils
conservent le droit d’être protestants.
• La paix d’Augsbourg met en place l’intolérance
institutionnelle, à l’image de ce qui émerge partout en
Europe, alors que les États, catholiques ou protestants,
décrètent des monopoles sur leurs territoires au profit de
l’une ou l’autre des confessions.
• En Allemagne, comme aucune des confessions n’est
parvenue à s’imposer, chacun des États devient le
siège d’une intolérance qui n’est pas moins absolue.
• Ce partage entérine la répartition des forces sur le
terrain, mais aussi la disparition de l’un des derniers
attributs de la puissance impériale.
• Déjà dépouillé depuis longtemps de ses pouvoirs
religieux, puis de ses pouvoirs politiques, la puissance
symbolique de l’empereur disparait : de quel empire
chrétien peut-il désormais être question, alors que le
territoire germanique ne connait même plus l’unité
religieuse?
4.2 — Les troubles sociaux
• Luther n’envisageait son action que d’un point de vue
religieux, mais il était inévitable que la remise en
question de la structure religieuse provoque une
contestation de l’ordre social.
• Les troubles qui agitèrent les territoires germaniques
dans les années 1520 ont des explications
économiques et sociales profondes et une fois que
l’organisation de la société médiévale fut contestée,
l’ensemble de l’organisation sociale le fut à son tour.
• Après sa contestation de l’ordre religieux, la pensée de
Luther évolua dans le sens d’une justification du
maintien de l’ordre politique.
• Peut-être n’avait-il pas vu les conséquences politiques et
sociales de sa démarche, mais la crise sociale
provoqua chez lui une prise de conscience du danger.
• Car la contestation menaçait la paix sociale, même si
ces crises n’ont pour seul lien avec sa démarche
religieuse que de profiter de l’instabilité politique.
• Les deux principaux mouvements d’opposition des
années 1520, la révolte des chevaliers et la guerre
paysanne,
ne
sont
pas
des
mouvements
révolutionnaires au sens contemporain du terme, car il
s’agit de réactions à la mise en place de structures de
pouvoir moderne dans les États princiers
• Par son caractère local, la révolte des chevaliers
d’empire illustre la crise de croissance que connait la
société allemande dans ce contexte d’accroissement
des pouvoirs des états princiers.
• Dans les zones ouest de l’Allemagne, la chevalerie
désormais déclassée, qui a perdu son rôle militaire, se
trouve frappée de plein fouet par les changements
économiques en cours.
• Dans la foulée de la baisse des prix agricoles, ils se
retrouvent en situation difficile et doivent accroître la
pression fiscale sur leurs paysans, au risque de
provoquer des jacqueries (ce qui d’ailleurs conduira à
l’éclatement de la guerre paysanne).
• Comme leur seule autre alternative consiste à se
« vendre » à un prince et à perdre leur immédiateté,
certains d’entre eux entrent en opposition frontale contre
l’ordre naissant.
• De 1521 à 1523, les territoires du sud-ouest de l’empire
seront la proie d’une d’insurrection de la part de
chevaliers qui se tourneront contre les villes ou les
États princiers. Le plus fantasque de ces chevaliers,
Franz von Sickingen, sera finalement tué dans son
château.
• Même les chevaliers qui ne participeront pas à ce
baroud d’honneur seront victimes de la contreoffensive des villes et des États territoriaux.
• De sorte que, après la guerre paysanne de 1525, qui
achèvera de les ruiner, ce qui reste de la chevalerie
devra se vendre aux princes territoriaux et aux villes,
consacrant sa disparition.
• Mais la grande crise sociale de l’époque, c’est plus bas
dans la société qu’on la retrouve, parmi la paysannerie.
Le mouvement sera bref, de 1524 à 1526, avec un
paroxysme en 1525, et limité (pas exclusivement), aux
zones les plus anciennes du Reich.
• Ce n’est pas la première jacquerie de masse qui agite la
Germanie, mais son caractère massif
et son
évolution, de mouvement spontané en mouvement
révolutionnaire, en font une nouveauté dans l’histoire
allemande.
• Mais il est aussi réactionaire, dans la mesure où il
s’oppose à l’évolution économique et politique, qui
voit l’écrasement des autonomies au profit de la
consolidation des États territoriaux.
• Malgré le fait que tout les oppose, paysans insurgés et
chevaliers en colère ont ceci en commun de refuser
l’évolution politique en cours.
• Une part de la responsabilité de cette crise repose sur
les chevaliers, puisque c’est la pauvreté croissante des
seconds qui les oblige à accroître la pression sur les
paysans, qui répondent en s’insurgeant.
• Le contexte va faire d’une simple jacquerie un
mouvement (ou plutôt des mouvements) politique.
• Par exemple, dans une petite ville en Thuringe, un
ancien ami de Luther, Thomas Müntzer, entreprendra
de supprimer les hiérarchies sociales, comme Luther
désirait supprimer les hiérarchies religieuses.
• Plus important fut l’impact du manifeste de Sébastien
Lotzer, un artisan pelissier assez représentatif d’une
part de la petite bourgeoisie villageoise qui donnera une
voix à ce mouvement de paysans analphabètes.
• Ses Douze articles de la paysannerie en Souabe
présentent les revendications d’une part de ce
mouvement, qui ne dispose pas d’organisation à
proprement parler.
• Le seul élément vraiment révolutionnaire de ce
programme porte la marque du temps : la revendication
de l’élection des curés, rejet de la hiérarchie religieuse.
• Les autres articles réclament le maintien des modes
d’organisation traditionnels de la paysannerie,
comme l’élection des juges de la commune (autogestion)
ou la diminution (ou l’abolition) des redevances.
• Luther, pris comme juge de ce mouvement, refusera de
se prononcer, considérant ne pas avoir de compétence
en la matière.
• La violence de la crise le poussera à prendre position
pour les autorités, appelant les maîtres à la
mansuétude et les paysans à la patience.
• Car puisque l’ordre politique est l’œuvre de Dieu, s’y
opposer revient à s’opposer à Dieu, ce qui permet
d’excuser le despotisme.
• On lui a par la suite reproché d’avoir permis la
naissance de ce qui est appelé le « deuxième
servage » qui touchera surtout, mais pas exclusivement,
les terres de l’est, comme le Brandebourg et la Prusse.
• Si ce n’était pas le signal qu’attendaient les pouvoirs
pour réprimer le mouvement, l’avis de Luther servira
de prétexte.
• Après un premier mouvement de panique au cours
duquel les propriétaires acceptèrent de céder aux
revendications des paysans, la contre-offensive,
sanglante, s’organisa.
• Quelques batailles particulièrement violentes suffiront
à convaincre la paysannerie de l’impossibilité de
poursuivre la lutte.
• Les quelques concessions obtenues seront
annulées et l’ordre princier triomphera partout.
• Vainqueurs contre l’empereur sur la question
religieuse, les États princiers émergent ainsi comme les
grands gagnants de la confrontation politique et
économique avec les ordres inférieurs, obtenant au
passage de la part de Luther cette justification
religieuse du despotisme que l’empereur, en vain,
chercha pendant de longs siècles à établir.
4.3 — Les troubles internationaux
• La situation internationale et la pression exercée par
l’extérieur sur ce qui fut un temps le centre de la
chrétienté sont mal vécues par les élites de Germanie et
ont joué un rôle dans le rejet de l’ordre religieux et
politique en place.
• Mais la crise n’améliorera pas la situation, le territoire
devenant une proie encore plus facile pour les appétits
de ses voisins.
• De même, l’énergie, le temps et les moyens déployés
pour contrer ces menaces ne pourront être utilisés pour
contenir la situation intérieure : crise intérieure et crise
extérieure s’alimentent mutuellement.
• L’appétit français est grand. Car il ne se limite pas à la
Germanie, les prétentions du Très-Chrétien sur l’Italie
et les Pays-Bas absorbent les énergies impériales
depuis déjà quelques décennies.
• Malgré une victoire éclatante à Pavie en 1525, qui se
solde par la capture du roi français, la paix ne
surviendra qu’en 1529, grâce à la Paix des Dames,
donnant enfin à l’empereur le temps de se tourner vers
la crise intérieure.
• Une décennie aura été perdue dans ce combat qui
aboutit finalement à une paix qui ne sera que
temporaire.
• En 1552, l’alliance des princes protestants avec le roi
de France Henri II ouvrira la porte à l’annexion des
« trois évêchés » de Toul, Metz et Verdun, des
territoires qui depuis 870 avaient appartenu à l’empire et
surtout, à la Germanie elle-même, même si ces
territoires ont toujours été peuplés d’habitants de langue
française.
• À l’est, ce n’est guère mieux, même si la poussée des
Turcs de Soliman dans les Balkans et en Europe
centrale ne concerne d’abord pas les terres de l’empire.
• La bataille de Mohács en 1526, alors que la guerre
paysanne peine à s’éteindre et qui se solde par
l’occupation de la Hongrie, change la donne.
• La mort, lors de cette bataille, de Louis II, roi de Bohême
et de Hongrie, permet à Ferdinand d’hériter, mais il
récupère aussi la guerre avec les Turcs.
• L’héritage hongrois est alors partagé en trois zones,
et la famille Habsbourg, donc l’empire, se trouve
impliquée dans la guerre contre la Sublime porte.
• En 1529, les forces de Soliman assiègent Vienne, qui
ne devra son salut qu’à des conflits internes à l’Empire
ottoman. Les soixante années suivantes seront
particulièrement agitées sur le front oriental.
• Coincé entre Français et Turcs, l’empire vivra des
décennies difficiles qui produiront un sursaut
patriotique, dont les effets réels seront limités par
l’éclatement de l’unité religieuse du pays.
Téléchargement