Le caractère social du christianisme (2)
La vie humaine est essentiellement action, action visible et communicative.
Physiquement, la croissance et la fécondité; intellectuellement, l’initiation et
l’enseignement; moralement, le progrès personnel et l’apostolat : tels sont ces rôles.
Toute la vie collective, même surnaturelle, si elle veut être humaine, sera donc croissance
d’un groupe et fécondité de ce groupe par la génération ou quasi générations de nouveaux
membres; initiation commune par une autorité surnaturelle, puis enseignement à l’usage
des nouveaux adhérents; progrès surnaturel du même groupe, dans la mesure où le
progrès demeure possible, et apostolat procédant de son unité.
Il n’y a pas deux lois de la vie. Si Dieu se fait homme en s’exprimant en nous
collectivement, comme il s’est fait homme individuellement dans le Christ, il faut bien
qu’il en passe, ici et là, par ce qu’il a lui-même établi, ne faisant que s’obéir à lui-même.
Sans cela, lui aussi sera privé de ses effets humano-divins; lui aussi, comme nous
l’avons dit antérieurement, l’âme sans corps, sera condamné à s’ignorer lui-même en tant
que donné à l’humanité, en l’unité d’une vie collective.
Le divin qui nous est donné ne prend conscience de soi que dans la mesure où il
s’organise et fonctionne selon cette unité qu’on lui prête : donc selon un ordre visible, où
une hiérarchie, un échelonnement de fonctions est une nécessité primordiale.
Hors de là, et si l’Esprit de Dieu répandu n’existait que dans les individus sans lien, il
cesserait de percevoir humainement son autonomie, a fortiori de pouvoir l’utilise, après
l’avoir fait reconnaître.
En ce sens, il est vrai de dire que l’Église, donnant un corps à Dieu en tant qu’il vit
dans le monde par son Esprit, en est le soutien, comme le corps organisé est le
soutien de l’âme humaine.
Saint Cyprien appelait précisément l’unité des fidèles «le corps de Dieu».
Et puis, enfin, cette supposition que le surnaturel viendrait en nous, serait en nous sans
être d’abord en société, n’est pas plus recevable, ainsi qu’on a peu s’en apercevoir déjà,
que ses conséquences ultérieures ne nous sont admissibles.
Nous avons dit, à propos de la société en général, que l’homme non seulement est créé
pour la société, mais encore, et très véritablement, qu’il est créé par elle.
Nous émergeons de notre milieu, dont touts les influences nous conditionnent. Ce milieu
nous est antérieur, bien loin que ce soit nous, librement qui le formions. Nos libertés y
ont affaire; mais elles y viennent trop tard pour le constituer, trop en second pour en juger
les conditions fondamentales, qui au contraire nous jugent.