entorse réactif ou prédictif 020114

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Quels sont les mécanismes physiologiques
qui permettent d’éviter l’entorse de la cheville ?
La proprioception ou l’anticipation ?
S’agit-il d’un mécanisme
Réactif ou prédictif ?
« feedback » ou « feedforward » ?
Quelles conséquences en rééducation ?
Version 020114
Auteurs : Roland Sultana et Carole Puccini
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http://reeducationreadaptation.hautetfort.com/archive/2013/12/26/physiologie-et-entorse-dela-cheville-consequences-en-reeduc-5256200.html
Une entorse de cheville est
évitée à chaque pas lors de la
marche ou de la course,
à partir des informations
proprioceptives qui régulent
en permanence les
contractions musculaires.
Il s’agit d’une régulation en
feedback.
Est-ce une idée fausse ?
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Pour pouvoir répondre à cette question,
il faut comprendre ce qu’est
la vitesse de conduction
dans les nerfs
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Mesure de la vitesse de conduction dans les nerfs
•
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•
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•
•
•
•
La mesure de la vitesse de conduction nerveuse motrice .
Elle consiste à stimuler un tronc nerveux (médian, ulnaire, sciatique poplité
externe par exemple) à l'aide d'un choc électrique bref.
Ensuite, on recueille (par électromyographie) la réponse d'un muscle distal faisant
partie du territoire moteur du nerf stimulé.
Le nerf est stimulé en deux points de son trajet.
La réponse du site de stimulation proximal est recueillie après celle du distale.
Ce temps de latence entre les deux réponses correspond au temps de
conduction sur le tronc nerveux entre les deux points de stimulation.
La longueur du nerf entre les deux points de stimulation est mesurée directement
sur la peau.
Le rapport de cette distance au temps de conduction représente la vitesse de
conduction nerveuse motrice.
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Vitesse de conduction dans les nerfs (suite)
• . Elle est de 20 à 25 mètres par seconde chez le nouveau-né
et de 50 mètres par seconde chez l'adulte
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• L’idée qu’une entorse de cheville
est évitée à chaque pas lors de la
marche ou de la course, à partir
des informations proprioceptives
qui régulent en permanence les
contractions musculaires n’est
plus défendable.
•
En effet, la vitesse de conduction des nerfs n’est
pas aussi rapide que celle de l’électricité dans un
robot piloté par ordinateur.
• la vitesse de l’influx nerveux est trop lente pour
pouvoir corriger l’acte en cours de réalisation
On peut mesurer :
• le temps que l’influx nerveux sensitif qui
renseigne le système nerveux sur la survenue
d’une entorse
• et le temps nécessaire à l’influx moteur qui va
faire contracter les muscles protecteurs
Conclusion : en faisant la somme de ces 2 temps, on
s’aperçoit que c’est trop long pour être efficace
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Comparaison de
la vitesse de conduction dans les nerfs
avec
la vitesse du courant électrique dans un robot piloté
par ordinateur
Vitesse de conduction nerveuse : 20 à 25 mètres par seconde chez le nouveau-né
50 mètres par seconde chez l'adulte.
A comparer avec
la vitesse du courant électrique qui est utilisée par les ordinateurs et les robots :
300 000 kilomètres par seconde
soit la distance de la terre à la lune par seconde
C’est infiniment plus rapide
Conclusion : Chez l’homme, c’est beaucoup plus long
Beaucoup trop long
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pour empêcher une entorse de se produire
Notion de “time-varying control of joint stiffness”
Raideur articulaire qui varie dans le temps
•
Il ne s’agit pas de raideur pathologique
•
La raideur physiologique d’une articulation est dûe à des
co-contractions des muscles agonistes et antagonistes qui
protègent cette articulation et évitent les faux mouvements
•
Il s’agit d’un « tonus protecteur » des articulations qui est
programmé avant le geste, grâce à l’apprentissage et à
l’entrainement.
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Un muscle contracté peut-il
augmenter instantanément sa raideur lorsqu’on l’étire ?
Un 2ème mécanisme intervient lorsqu’il y a un risque d’entorse (par exemple une
inversion brutale de la cheville) alors que les muscles péri-articulaires sont
contractés (raideur protectrice préventive des muscles fibulaires)
En effet, lorsqu’un muscle contracté est étiré, sa raideur augmente
immédiatement, sans délai : il s’agit d’une propriété physiologique intrinsèque
d’un muscle contracté
Voilà comment le système nerveux central protège les articulations de manière
préventive :
• Il anticipe la raideur articulaire dont chaque articulation a besoin en fonction
de chaque activité
• La raideur nécessaire pour courir sur une plage de galets n’est pas la même
que celle utilisée pour courir sur un terrain plat (spécificité de chaque activité)
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EXEMPLE : Si un muscle est contracté de 20 Newtons
Tout étirement (augmentation de la longueur)
va entrainer
 une augmentation de tension qui s’oppose au mouvement
Cette augmentation de tension est immédiate (sans délai)
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Spécificité de la raideur articulaire
qui varie dans le temps
• La raideur de la cheville nécessaire pour courir
sur une route goudronnée
• n’est pas la même que celle qui est
indispensable pour courir sans danger sur une
plage de galets
• Celle qui est nécessaire pour donner un coup
de pied dans un ballon est encore différente
Ces exemples permettent de comprendre :
• le rôle du système nerveux central lors de
l’apprentissage des gestes fonctionnels et
sportifs (mémorisation de programmes
moteurs spécifiques de chaque activité qui
incluent une raideur variable dans le temps
pour chaque articulation)
• et l’importance de l’entrainement en
situation réelle ou en situation la plus
proche possible des conditions d’utilisation
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Bibliographie :
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https://www.webdepot.umontreal.ca/Usagers/smitha/WebP
ageLabo/articles/Smith%20BBS%201996.pdf
13
Notion de mouvements
balistiques
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Définition des mouvements balistiques
• Ce sont des mouvements brefs et très rapides qui
sont effectués sans rétrocontrôle sensoriel (c’est à
dire sans ajustement de la commande motrice à partir
des informations sensorielles).
• Ce sont des mouvements dont la trajectoire est
déterminée entièrement par la programmation initiale
Exemples :
• Attraper une mouche
• Saccade oculaire
• Frappe au clavier (par une secrétaire et non par un
débutant)
• Marcher, courir
• Enfoncer un clou avec un marteau, etc…
Bibliographie :
•
•
Hay L. : Le mouvement dirigé vers un objectif visuel, chez l'adulte et chez
l'enfant, 1979
Pinel John : Biopsychologie - 6ème éd. p. 165
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Vitesse de conduction nerveuse
et mouvements balistiques
• Si une erreur se produit au cours d’un mouvement rapide comme la course
ou le jeu d’un instrument de musique comme le piano, il est impossible à la
sensibilité de corriger cette erreur par un mécanisme de feedback car la
vitesse de conduction nerveuse est trop lente.
• La sensibilité en général et la proprioception en particulier permettent de
corriger l’action suivante, mais pas l’action rapide en cours d’exécution.
• Ces « mouvements balistiques » sont trop rapides pour être exécutés en
feedback chez l’homme
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Vitesse de conduction et mouvements rapides des robots
Contrairement à ce qui se passe chez l’humain, dans certains robots et systèmes
robotisés le feedback est possible même à très grande vitesse car le courant
électrique va à la vitesse de la lumière.
Par exemple :
• Piloter un avion aux ailes inversées est impossible sans l’assistance d’un
ordinateur (commande électrique de vol) car ces avions sont très instables.
• L’optique adaptative pour corriger la turbulence de l’atmosphère terrestre dans les
télescopes. Il faut analyser la déformation de l'image, calculer la correction à
apporter et déformer le miroir du télescope jusqu'à 500 fois par seconde !
L'avion X-29
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Exemple de correction d’une image par
une optique adaptative
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Conclusions :
Chez l’homme une telle vitesse de
traitement de l’information est impossible
Ne pas confondre les mouvements des
vivants et ceux des robots
De nombreux travaux de recherche en
neuroscience ont prouvé cette différence
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•
Chez l’humain, le temps de conduction des nerfs
est relativement lent et ce, dans tous les
mouvements rapides comme la marche, la course, le
service de tennis, la frappe du karatéka, la frappe au
clavier par une secrétaire, etc…
• La vitesse de l’influx nerveux est trop lente pour
pouvoir corriger l’acte en cours de réalisation.
•
•
Les mouvements appelés « mouvements
balistiques » sont donc anticipés.
Le tonus protecteur des articulations est programmé
avant le geste grâce à l’apprentissage et à
l’entrainement.
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•
Si le karatéka n’a pas bien calculé sa frappe
avant d’atteindre sa cible, il va manquer son
adversaire
•
Si tennisman n’a pas bien calibré son service, il
risque de taper dans le filet
•
Si on ne sait pas bien manier le marteau, on
peut se taper sur les doigts
•
Si en descendant les escaliers on manque la
marche, on risque de chuter
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L ’indépendance relative des mouvements balistiques vis-à-vis des afférences
sensorielles est attestée par plusieurs données expérimentales :
Tout d’abord, Les travaux de Jankowska chez le chat (1959)
JANKOWSKA, E. 1959. Instrumental scratch reflex of the deafferentated limb
in cats and rats. Acta Biol. Exp. (Warsaw) 19: 233—247.
Ceux de Taub et Berman (1968) et de Bossom et Omaya (1968) chez le singe
Ont montré que l’animal qui a subi la
désafférentation d’un membre est toujours
capable d’effectuer des mouvements balistiques,
même en l’absence d’informations visuelles
Liu CN, Chambers WW. A study of cerebellar dyskinesia in the bilateral deafferented
forelimbs of the monkey. Acta Neurobiol. Exp., 1971, 31, 263-290
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L ’indépendance relative des mouvements balistiques vis-à-vis des afférences
sensorielles est attestée par plusieurs données expérimentales (suite) :
•
Il a été calculé et démontré que le
mouvement
balistique, du fait de sa rapidité, ne peut
être régulé de manière permanente par les
afférences proprioceptives liées à son
exécution.
•
En effet, si on exclut la boucle myotatique dont la marge
d’action est relativement limitée, il faut au moins 1/20ème
de secondes pour qu’un signal proprioceptif puisse
modifier le cours du mouvement
POULIQUEN R. et RICHALET J. analyse d’une expérience de maintien
postural. J. Physiol., Paris 1968, 60, 261-273
MERTON P. A. The properties of the human muscles servo. Brain Res.
1974, 71, 475–478
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L ’indépendance relative des mouvements balistiques vis-à-vis des afférences
sensorielles est attestée par plusieurs données expérimentales (suite et fin) :
Brooks V. B. Some examples of progamed limb movements.
Brain Res. 1974 May 17;71(2-3):299-308.
Importance de la cible dans le déroulement d’un mouvement rapide.
Il s’agit dans cet exemple d’un mouvement réalisé entre 2 cibles
que l’animal perçoit visuellement.
Après l’entraînement de l’animal, le mouvement garde la même amplitude lorsque,
après son initiation, la cible est supprimée ou déplacée.
Tout se passe comme si
les afférences sensorielles
étaient inopérantes
pendant le déroulement du mouvement.
Celui-ci parait dès lors l’expression
d’un programme central préétabli.
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Dans les mouvements balistiques chaque geste est prévu d’avance
Le cerveau effectue une véritable planification et programmation des mouvements
On parle de programme central préétabli ou de programme moteur
ou de programme sensitivo - moteur
L’ensemble des paramètres du mouvement serait prédéterminé centralement
sur la base d’un certain nombre d’informations
sur les conditions dans lesquelles le mouvement est destiné à se dérouler.
Ce programme moteur prévoit à la fois :
• La sélection des muscles impliqués dans le mouvement.
• Le degré de contraction qui leur sera imposé.
• L’ordre de la mise en jeu.
• La durée de leur activation.
• Et bien sûr, les variation d’intensité
de la raideur articulaire.
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Certes, pour toutes les activités balistiques
le feedback ne peut pas
corriger le geste en cours d’exécution
qui se déroule suivant un « programme moteur »
enregistré dans la mémoire gestuelle
Cependant, le feedback sensoriel (proprioseptif et
extéroseptif) permet :
• d’enregistrer dans la mémoire gestuelle les gestes
correctement exécutés,
• en cas d’erreur, d’amender les gestes suivants,
• et donc d’améliorer le programme moteur pour
pouvoir effectuer de mieux en mieux les essais
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ultérieurs.
Rôle du feedback proprioceptif
(et autres feedback)
dans les mouvements balistiques
Les informations proprioceptives et extéroceptives ont
donc un rôle important dans les gestes rapides
(mouvements balistiques), bien que leur rôle ne soit pas
le même que lorsque le geste est réalisé lentement
ou lors d’un geste rapide réalisé par un robot.
Ces informations permettent d’améliorer le programme
moteur pour une utilisation future et non pas de corriger
l’action en cours d’exécution.
Le feedback apporté par ces informations est donc dans ce
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cas synonyme de « connaissance des résultats ».
Spécificité de chaque programme moteur
ou sensitivo-moteur
La raideur articulaire qui varie dans le temps est spécifique de chaque activité
Exemples : La raideur nécessaire pour danser n’est pas la même et
n’intervient pas au même moment que celle nécessaire à la marche avec
des talons hauts, et encore différente de celle indispensable pour réaliser un
« mawachi » au karaté.
les programmes moteurs indispensable à chaque activité incluent la
raideur articulaire qui varie dans le temps
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Conséquences en rééducation
En fin de progression de la rééducation d’une entorse de la
cheville, il est indispensable de rééduquer le patient dans les
conditions les plus proches des situations réelles. But :
mémoriser (engrammer) les programmes moteurs spécifiques.
La rééducation ne saurait se limiter à l’utilisation de plateaux de
Freeman et des poussées déséquilibrantes
Il faut aussi entrainer le patient sportif à la course, au saut et
réintroduire progressivement toutes les difficultés spécifiques
de son activité sportive ou usuelle.
La rééducation doit donc se terminer par un travail
systématique des activités habituelles en collaboration (si
nécessaire) avec l’entraineur sportif.
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En conclusion :
Une entorse de cheville est
évitée à chaque pas lors de la
marche ou de la course,
à partir des informations
proprioceptives qui régulent
en permanence les
contractions musculaires.
C’est une idée fausse !
et pourtant
très répandue…
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