STUDIA CAROLIENSIA 2004. 3–4. SZÁM 53–61.
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01. Le document que j’ai le plaisir de présenter ici* est tiré de
Başbakanlık Osmanlı Arşivi ( Les Archives Ottomanes près de la Présidence
du Conseil) d’İstanbul (en abrégé: BOA), les anciennes archives du Grand
Vizirat et, sans doute, les plus riches archives ottomanes du monde. Dans les
années 1970, on parlait de 100 millions de documents conservés ici,1 mais
maintenant on parle de 150 millions2 de pièces (plus précisément: d’unités
arhivistiques), dont seulement un tiers a été catalogué et mis à la disposition des
chercheurs. Je suis convaincu qu’un jour, non trop éloigné, on parlera de 200
millions d’unités archivistiques. L’accroissement accéléré du rythme de
classification des archives ottomanes est dû, sans conteste, à la « révolution
archivistique » qui a eu lieu dans les années ’80 du siècle passé, au temps du
mandat de premier-ministre (puis et de président) de Turgut Özal. Avec la
participation personnelle de celui-ci, on a organisé à İstanbul une grande réunion
des spécialistes, avec le Professeur Halil İnalcık, « le doyen des études
ottomanes dans le monde entier », en tête, et on a décidé de majorer le nombre
des archivistes engagés à BOA de 30 personnes à plus de 300 personnes (on
parle même des chiffres plus grands). On a procédé à l’introduction généralisée
de l’évidence computerisée. Comme résultat, un nombre imposant des
catalogues nouveaux (quelques dizaines) ont été mis à la disposition des
chercheurs (il s’agit d’une véritable « avalanche » de ces nouveaux catalogues).
* D’autres documents ottomans nouveaux concernant les contemporains roumains du Prince
Rákóczi à savoir Constantin Brâncoveanu, le Prince de Valachie (1688–1714), Antioh
Cantemir, le Prince de Moldavie (1695–1700 et 1705–1707), et son frère, le fameux historien
de l’Empire ottoman, Dimitrie Cantemir, le Prince de Moldavie (1693, 1710–1711),
communiqués aux participants du Symposium, ont été déjà publiés dans: Mihai Maxim,
Romano-Ottomanica. Essays & Documents from the Turkish Archives, The ISIS Press,
İstanbul, 2001, pp. 173–197, et idem, « Brâncoveanu şi Cantemireştii. Documente noi din
arhivele turceşti (Brâncoveanu et les Cantemir. Nouveaux documents des archives turques) »,
in: Arta istoriei. Istoria artei. Academicianul Răzvan Theodorescu la 65 de ani (L’art de
l’histoire. L’histoire de l’art. Răzvan Theodorescu, membre de l’Académie Roumaine, à 65
ans), Editura Enciclopedică, Bucureşti, 2004, pp. 125–137.
1 Attila Çetin, Başbakanlık Arşivi Kılavuzu (Le Guide des Archives de la Présidence du Conseil),
İstanbul , 1979, p. XI.
2 İsmet Binark, in: Başbakanlık Osmanlı Arşivi Katalogları Rehberi (Le guide des catalogues des
Archives Ottomanes de la Présidence du Conseil), Ankara, 1993, pp. III et XX.
MIHAI MAXIM
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La dernière grande réalisation des archivistes de BOA a été la classification des
documents compris dans le grand fonds Hariciye (du Ministère des Affaires
Étrangères),3 qui contient toute la correspondance – pour la plupart en français!
– entre la centrale de ce Ministère et ses offices diplomatiques et consulaires de
l’étranger.
02. En travaillant des longues années (environ dix ans) dans ces archives
fabuleuses, spécialement sur les relations roumano-ottomanes des XVIe – XVIIe
siècles, j’ai eu aussi la chance de trouver encore un nombre assez important des
documents des XVIIIe – XIXe siècles. Voilà, par exemple, une pièce inédite,
que j’ai trouvée, par hasard, dans le fonds Âmedî,4 et qui se réfère directement
au Prince François Rákóczi II. Le document n’est pas bien conservé: sept lignes
de celui-ci sont interrompues (plusieurs mots font défaut), à cause de la
destruction du papier, ce qui pose des problèmes de lecture et de traduction. Le
contenu même du texte n’apporte rien de spectaculaire sur le séjour du Prince
dans le territoire ottoman ou sur ses relations avec les Ottomans. Mais, quoiqu’il
en soit, je pense que chaque source nouvelle concernant cet héros de la guerre
hongroise d’indépendance doit être salutaire et, de ce point de vue, ce document
aussi doit être enregistrés par les historiens.
a) Le document a été émis par la chancellerie Âmedî, l’une de 8
chancelleries du Divan Impérial (Divân-ı Hümâyûn), à côté de la Chancellerie
du représentant du Grand Vizirat (Sadâret Kethüdası Kalemi), la Chancellerie
des lettres (Mektubî Kalemi), la Chancellerie du Reis ül-Küttâb, c’est-à- dire
du « chef des secrétaires », plus tard Reis Efendi, le ministre des affaires
étrangères (Reis ül-Küttâb Kalemi), la Chancellerie du Çavuşbaşı ( Çavuşbaşı
Kalemi), la Chancellerie du Beylikçi (Beylikçi Kalemi), la Chancellerie du
Protocole (Teşrifatçılık Kalemi) et la Chancellerie du cadastre (Defterhâne-i
‘Âmire Kalemi). À Başbakanlık Osmanlı Arşivi il y a deux séries
(collections) de cette chancellerie Âmedî: une série (organisée récemment par
dossiers, où j’ai trouvé la pièce se référant à Rákóczi) avec des documents émis
entre les années de l’Hégire 952–1186 / A.D. 1545–1772, et une autre («
normale ») pour les années de l’Hégire 1255-1341/ A.D. 1839–1923.5 Le nom
de cette chancellerie Âmedî vient du persan âmed (« arrivé ») et indique la
mission principale de ce bureau, à savoir de s’occuper de la correspondance
arrivée au Grand Vizirat.Quant à notre document,qui,comme on le verra, est un
3 BOA, fonds Hariciye Siyasî Kısmı ( La Section Politique du MAÉ), codifié : HR.SYS et
Hariciye Hukukî Kısmı (La Section Juridique du MAÉ), codifié: HR.HKK.
4 BOA, fonds Amedî (codifié: A.AMD), dosya 1, doc. no. 77.
5 Başbakanlık Osmanlı Arşivi Katalogları Rehberi (Le guide des catalogues des Archives
Ottomanes de la Présidence du Conseil), Ankara, 1995, pp. 61, 64.
UN DOKUMENT OTTOMAN INÉDIT CONCERNANT 55
rapport sommaire (telhîs) élaboré par le Grand Vizir, il a été classifié dans la
catégorie des documents appartenant à la chancellerie Âmedî, parce qu-il a été la
conséquence d’une lettre arrivée au Grand Vizirat de la part de Rákóczi.
b) La date du document n’est pas mentionnée dans le texte même du
document ce qui nous cause beaucoup de difficultés. Selon le catalogue de
BOA, le document date de l’année « 1132 » (A. H.), c’est-à-dire de l’intervalle
14.11.1719- 1.11.1720 (A.D.), sans d’autres explications (probablement, cette
date a été établie par comparaison avec les documents du même paquet). Or,
nous savons – grâce, par exemple, aux excellentes lettres de Mikes Kelemen, qui
faisait part de la suite du Prince – qu’à ce moment-là Rákóczi et sa suite
résidaient déjà, depuis environ deux ans, à Tekirdağ, sur les rives de la Mer de
Marmara (après Büyükdere, Yeniköy, Beykoz et, de nouveau, Yeniköy).6 Il est
vrai, dans le texte il y a cette mention très importante: « hâlâ Edirne’de meks
üzere olan Krâlzâde Rakoçi Ferenc tarafından », c’està –dire :« de la part
du Prince Royal Râkóczi Ferencz qui maintenant est en train de séjourner à
Edirne » . Or, le Prince fut « en train de séjourner à Edirne » avant le 28 octobre
1717, quand il est arrivé de France, via Gallipoli (Gelibolu), dans cette ancienne
capitale ottomane, où il a résidé environ dix mois, jusqu’au 16 août 1718. Alors
il arrivait pour la première fois dans l’Empire ottoman, sur l’invitation ottomane
et muni d’une lettre impériale (nâme-i hümâyûn) émise à la fin de 1716,7 en
pleine guerre habsbourg-ottomane. Même un dignitaire ottoman, Küçük Bahrî
Ağa, l’un des grands portiers (au sing. kapucıbaşı), a été envoyé en France, pour
louer un navire et s’occuper d’autres détails techniques et politiques,8a afin
d’assurer le voyage en pleine sûreté du Prince, dont l’arrivée dans le territoire
ottoman était attendue et désirée, comme pièce importante contre les Habsbourg
Au contraire, la lecture de notre document laisse l’impression que cette visite du
Prince à Edirne fût cette fois-ci un événement imprévu, même indésirable, qui
pourrait créer des difficultés politiques. En tout cas, Rákóczi a demandé, selon le
notre document, un sauf-conduit (…‘ahd kâ’imesi), duquel il n’aurait pas
besoin s’il arriverait directement de France (il en avait une lettre impériale).
Conformément au même document,le Prince venait à Edirne « pour (régler) ses
6 Mikes, Kelemen, Scrisori din Turcia (Lettres de Turquie), Editura Kriterion, Bucureşti, 1980,
p. 17–36.
7 Ahmed Refik (Altınay), Memâlik-i Osmâniyede Kral Rakoçi ve tevâbi-i (Le Roi Rákóczi et ses
sujets dans l’Empire ottoman), İstanbul , Hilâl Matbaası, 1333 (A.D. 1915), doc. no. 6, de la
première décade (evâil) du mois de Muharrem 1129/ 16.12. - 25. 12. 1716).
8a M. Tayyib Gökbilgin, « Rákóczi Ferenc II.ve Osmanlı Devleti Himâyesinde Macar Mültecileri
» (Rákóczi Ferenc II. et les réfugiés hongrois sous la protection de l’Empire ottoman), Türk-
Macar Kültür Münasebetleri Işığı Altında II.Rákóczi Ferenc ve Macar Mültecileri Sempozyumu
(31 Mayis- 3 Haziran 1976) İstanbul Üniversitesi Edebiyat Fakültesi/Rákóczi Ferencz II and
the Hungarian Refugees in the Light of Turco-Hungarian Cultural Relations (31 May-3 June
1976). University of İstanbul, Faculty of Letters, İstanbul, 1976, pp. 1–17.
8bis Voir infra la note 19.
MIHAI MAXIM
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quelques affaires » (ba‘zı umûru içün). Or, en 1716–1717 les Ottomans savaient
très bien qu-il arrivait pour une opération politique et militaire importante, à
savoir la participation à la guerre contre les Habsbourg et, en cas de victoire, la
restauration du royaume de Hongrie, vassal à l’Empire ottoman. Le Prince lui-
même déclarait en mai 1718 qu’il est « venu ici pour exécuter un projet qui
intéressait toute l’Europe »
Donc, la critique interne du texte, coroborée avec conjoncture politique et
militaire de ces deux moments (1716–1717 et 1719–1720), nous conduit vers la
confirmation de la date établie par les archivistes de Başbakanlık Osmanlı
Arşivi ( « 1132 »/1719–1720). Pour anticiper mon opinion sur la signification du
document: on peut supposer que le Prince, isolé depuis deux ans à Tekirdağ,
pour ne déranger pas les Impériaux, après la signature de la paix de Passarowitz
(21 juillet 1718), a décidé de faire une sorte de « Blitzbesuch » à Edirne, pour
régler quelques affaires (personnelles), un projet qui a pris à l’improviste les
autorités ottomanes.
c) Notre pièce appartient à la catégorie des documents dits telhîs, c’est-
à-dire des rapports-sommaires adressés au Sultan de la part du Grand Vizir, du
Grand Defterdar (responsable des Finances) ou d’autres hauts dignitaires
ottomans par l’intermède du Grand Vizir. Étant adressés à l’Empereur lui-même,
ils sont écrits en caractères très lisibles (en nesih ou, parfois, en divanî). On peut
les reconnaitre très facilement par la formule d’introduction: ‘arz- ı bende-i bî-
mikdâr budur ki (« le rapport de <cet> esclave insignifiant est le suivant ») et
aussi par la formule de conclusion: emr ü fermân şevketlü, kerâmetlü,
kudretlü (Efendim) âdişâhımuñdur (« l’ordre et le commandement
appartiennent à mon majestueux, généreux, puissant Seigneur, l’Empereur »).
Dans ce cas il s’agit d’un rapport adressé au Pâdişâh par le Grand Vizir,le
fameux Nevşehirli Damad Ibrahim Pacha (en fonction: 1718–1730), l’un des
plus grands hommes d’État de l’histoire ottomane.
d) Le contenu du document est extrêmement bref, mais, malgré cela,
difficile à lire et traduire en détail, vu le manque de plusieurs mots ou lettres
(signalé antérieurement), spécialement dans quelques passages essentiels.
Après des louanges adressées, en style oriental très coloré, au Padichah,
l’auteur du rapport fait l’exposé du problème concernant Rákóczi, en attendant
la décision impériale, quoi qu’il en soit.
Toujours comme dans les autres telhîs, en haut du document se trouve
cette décision, prise par le sultan Ahmed III (1703–1730), une décision
apparemment amicale et positive, en fait hésitante et, semble-t-il, conditionnée
par la réaction de l’ambassadeur autrichien.
UN DOKUMENT OTTOMAN INÉDIT CONCERNANT 57
03. Mais voilà la translittération (en caractères latins)8b et la traduction
du texte (en caractères arabes):
Translittération
« (1) ‘Arz-ı bende-i bî-mikdâr budur ki: şekvet(lü, kerâmetlü)*,
kudretlü, mehâbetlü Pâdişâhum, (2) Hakk-ı Sübhâne ve Te‘âla mübarek
vücûd-u hümâyûn(ları ...) * sâlim ve zill-i memdûd-u merhametleri kâffe-i
cihâniyân ile üzerimde dâ’im ve kâ’im eyliye (3), âmin bi’l-Nebi el-âmin,
şevketlü, kerâmetlü Efendim, hâlâ Edirnede meks üzere olan Kralzâde
Rakoçi Ferenc tarafından ( 4) ba‘zı umûru içün iltimâs ve ricâ-i ...* ‘ahd
kâ’imesi ma‘ruz-u Rikâb-ı müstetâb-ı cihândârıları kılındı (5) manzûr-u
hümâyûnları buyuruldukda ne yüzden fermân-ı hümâyûnları şerif sudûr
bulur ise olbâbda emr ü fermân (6) şevketlü, kerâmetlü, kudretlü Efendim
Pâdişâhımuñdur. »
La résolution du Padichah Ahmed III (en haut du document, à gauche):
« (1)….* zir âsaf-ı nazîr tarafına i‘lâm-ı hâl eyliyesüñ
(2) ne v(ecihle? )* cevâbı gelürse mücebince ‘amel idesüñ
(3)Kral-ı9 mezküre cevâb olmak üzere her mu‘avetiñizin
(4) tedâriki küllîsi Vezir-i Azam tarafından görülüb
(5) evâmir-i şerifleri gelmek üzeredir”diyü cevâb
(6) gönderesüñ. »
Traduction
« Le rapport(‘arz) de (cet) esclave insignifiant 10 est le suivant:
Mon majesteux,généreux,(puissant*),auguste Padichah (Pâdişâhum),11
que Dieu très glorieux et très haut (conserve) en bonne santé Votre corps
sacré, que l’ombre prolongée de Votre compassion fasse grâce à tout le
monde et à moi !Amen (âmin) !Avec (la grâce du) Prophet amen!
Mon majesteux,généreux Seigneur (Efendim),
8b Selon les normes de l’alphabet turc actuel.
* Manque des mots ou des lettres dans le texte.
9 Le padichah a écrit cet izâfet persan dans cette forme: kral-ı mezkür.
10 Le Grand Vizir Nevşehirli Damad İbrahim Paşa (en poste:1718–1730). Sur celui-ci voir İsmail
Hakki Uzunçarşılı, Osmanlı Tarihi (Histoire de l’Empire ottoman), IV. cilt, 2. kısım, 2. baskı,
TTK Basımevi, Ankara, 1983, pp. 310–316; M. Münir Aktepe, l’art. « Ibrahim Pasha,
Nevshehirli », dans Encyclopaedia of Islam. New edition, III, 1986, pp. 1002–1003.
11 Ahmed III (1703–1730). Voir H. Bowen, « Ahmad III », dans Encyclopaedia of Islam. New
edition, I, 1986, pp. 268–271.
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